la Chanson populaire

 

Conférence de M. Julien TIERSOT

 

Avec le concours de Mlle Madeleine BONNARD

18 février 1911. Répétée le 20 février.

(Journal de l’Université des Annales, 01 juillet 1911)

 

 

 

Mesdemoiselles, mesdames, messieurs,

Cette époque de 1830, qui fut témoin d'un si prodigieux remuement d'idées, n'a pas seulement vu naître le drame romantique à l'action éclatante et aux mouvements passionnés, le roman historique, évocateur pittoresque de la vie d'autrefois ; elle n'a pas seulement coopéré à la rénovation de l'histoire, qu'étudièrent, dans un esprit plus sincère et plus profond que jadis, des hommes qui se nommaient Augustin Thierry, Edgar Quinet, Michelet, — fait éclore la floraison merveilleuse de cette poésie qu'ont généreusement répandue les Hugo, les Lamartine, les Musset, — assisté, avec un étonnement mêlé tout à la fois d'admiration et de crainte, aux hautaines manifestations d'art d'un Eugène Delacroix ou d'un Berlioz.

Elle a fait encore quelque chose de plus : elle n'a pas dédaigné d'abaisser ses regards vers les humbles. Fille de Quatre-vingt-neuf, elle s'est souvenue du peuple ; elle l'a regardé vivre : mieux encore, elle l'a écouté chanter.

Veuillez bien croire que le mérite qu'elle eut à cela n'est point médiocre. Le peuple ! Qui donc voulait, naguère encore, admettre que cela existât ? Au grand siècle, si quelque maladroit venait offusquer les regards de Louis XIV, en lui présentant les tableaux de Teniers, le grand roi s'écriait avec horreur :

— Otez d'ici ces magots !

En effet, comment pouvait-il, dans son Versailles, s'intéresser à des œuvres d'art dont les modèles n'étaient que des paysans ? Rappelez-vous aussi cet autre tableau, à la plume celui-ci, que, dans le même temps, traçait La Bruyère, de la vie et de la condition du laboureur :

« L'on voit certains animaux farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre, qu'ils fouillent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible. Ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils montrent une face humaine. Et, en effet, ils sont des hommes. Ils se retirent, la nuit, dans des tanières, où ils vivent de pain noir, d'eau et de racines. Ils épargnent aux autres hommes la peine de semer, de labourer et de recueillir pour vivre, et méritent ainsi de ne pas manquer de ce pain qu'ils ont semé. »

« Et, en effet, ils sont des hommes ! » La Bruyère était bien bon de s'en apercevoir… Mais, déjà, quelques-uns, avant 1830, avaient commencé à s'intéresser à cette humanité. Les premiers, véritables précurseurs, furent précisément les ancêtres du romantisme. C'est d'abord Jean-Jacques Rousseau, l'ami de la nature, qui, dans la Nouvelle Héloïse, fit place aux chansons des vendangeuses de Clarens, en en admirant la mélancolie. Puis, c'est Chateaubriand, qui vit le jour dans cette Bretagne qui pourrait s'appeler, encore aujourd'hui, le
Conservatoire de la Chanson populaire, et dont les écrits nous ont apporté maintes fois les échos.

Mais, avec 1830, les yeux s'ouvrirent, les oreilles entendirent ; l'on s'aperçut qu'il y avait de par le monde une autre musique que celle que l'on chantait à l'Opéra, d'autre poésie que celle qu'on pouvait lire dans les livres. La beauté du chant populaire s'imposa donc aux plus grands esprits, s'insinuant par le moyen de la mélodie. (Applaudissements.)

 

***

 

Ecoutez une page d'Edgar Quinet, bien caractéristique et vraiment évocatrice. Jeune, à peine âgé de quinze ans, vivant au cœur de ses campagnes de Bresse, — nos campagnes de Bresse, dirai-je, car j'aurai plus d'une occasion, au cours de cette conférence, de vous reparler de ce cher pays, — il revenait, un soir, au logis. Dans la mélancolie du paysage, il éprouva, à l'audition d'un de ces chants de la terre, dont les laboureurs ont seuls le secret, l'impression dont il nous a fait part en ces termes :

« Connue je revenais dans la tiède vapeur de nos étangs, la mélancolie des lieux, des choses, m'opprimait ce soir-là plus qu'à l'ordinaire. Un gardeur de chevaux fit entendre, dans l'avenue de Montmort, le Chant du Bouvier. La longue note ténue, tremblante, de ce chant né dans nos plaines et fait pour elles, me navra de son lent accent de détresse. Le sentiment que je portais en moi en silence était trop fort pour mon âge. Je pliais sous le faix. »

 

 

 

l'Homme à la Houe, tableau de Millet

 

 

Dans le même temps, un autre « enfant du siècle » éprouvait des impressions absolument analogues : je veux parler de Berlioz, qui vivait à quelques lieues d'Edgar Quinet, dans une province voisine, que le cours du Rhône séparait seul de la sienne. Il les a notées, lui aussi, dans ses Mémoires, ce livre si émouvant et si sincère, quoi qu'on en ait pu dire.

C'était un matin, dans ses campagnes du Dauphiné : il se promenait en lisant un livre. La procession des Rogations passa, s'approcha, puis s'éloigna. Le chant des litanies est un de ces beaux chants populaires, vraiment antiques, qu'une tradition à la fois profane et religieuse nous a conservés. A l'audition de ces sons mystérieux, il s'évoqua en lui des impressions d'une intensité poignante : une « variété de spleen », dit-il, le « mal de l'isolement », qu'il éprouva depuis lors bien souvent, mais qui se révéla pour la première fois en lui à l'audition de l'antique mélopée.

Mais ce ne furent pas toujours des impressions aussi tristes que les chansons populaires firent éprouver aux hommes de ce temps. La plupart considérèrent la chanson à un point de vue purement pittoresque. Ce fut le cas, par exemple, pour les romanciers, qui l'écoutèrent, pour en retenir ce qu'il y avait de caractéristique dans la vie et les mœurs des personnages qui devaient devenir leurs héros. Balzac, par exemple, lui qui, comme son compatriote Rabelais, savait tout et a tout mis dans ses livres, n'a pas négligé d'y introduire des chansons populaires. Ouvrons, par exemple, un de ses premiers romans et des plus caractéristiques des mœurs populaires : les Chouans. C'est un tableau de la guerre civile, retracée dans toute son horreur. Voici pourtant que, dans une accalmie, Balzac évoque la poésie de la terre, et c'est par la chanson qu'il le fait.

Il montre deux chouans, un soir de bataille, rentrant à la maison, et chantant une chanson bretonne :

 

A la première ville,
Son amant l'habille

En beau satin blanc.

A la seconde ville,
Son amant l'habille

En or, en argent...

 

La poésie, vraiment charmante, a été recueillie bien des fois depuis Balzac, qui en a donné là le premier texte connu. Prolongeant la scène, un autre personnage apparaît dans le lointain ; c'est une femme portant son enfant ; et, sans plus songer à la bataille, elle berce le nouveau-né en reprenant la chanson par son premier couplet :

 

Allons, partons, belle,
Partons pour la guerre ;

Partons, il est temps...

 

Dans un autre roman, Pierrette (qui fait partie de la série des Célibataires), l'action se passe en Champagne ; mais le principal personnage est encore une Bretonne, une « déracinée », à qui un souvenir touchant du pays est apporté par la voix d'un jeune Breton qui, ne sachant comment la trouver, se met à chanter une chanson, celle de la Mariée, bien connue, aussi, dans d'autres provinces :

 

On vient vous lier, madame la mariée,

Avec un lien d'or qui n' délie qu'à la mort.

 

Voici de quels commentaires Balzac fait suivre cette description :

 

« Ce pouvoir de réveiller un monde de choses graves, douces et tristes par un rythme familier et souvent gai n'est-il pas le caractère de ces chants populaires qui sont les superstitions de la musique, si l'on veut accepter le mot superstition comme signifiant tout ce qui reste après la ruine des peuples et qui surnage après leurs révolutions ? »

 

En une autre partie de la France, George Sand, Berrichonne d'origine et de cœur, a de même trouvé une excellente source d'inspiration dans les chants populaires de sa province. Je vous en parlerai plus longuement tout à l'heure, car plusieurs des exemples qui vous seront chantés seront empruntés à une tradition qui vient d'elle. Qu'il me suffise de dire que la plupart de ses romans berrichons sont émaillés de ces couplets dont elle parle avec un sentiment très vif.

 

 

 

M. Julien Tiersot

 

 

Alexandre Dumas, qu'on ne croyait guère sensible aux impressions, soit de la musique, soit de la nature, prit un jour la plume pour écrire une lettre à un journal (la Gazette Musicale, qui venait de se fonder). Et que voulait-il lui dire ? Qu'il avait découvert une chanson ! Il voyageait dans le Bourbonnais, se reposant à l'ombre des ruines du manoir de Bourbon-l'Archambault. Tout d'un coup, pendant qu'il rêvait, il entendit le son d'une musette et la voix d'une paysanne, et il nota les paroles de la chanson : mieux encore, il retint l'air avec les paroles. C'était une de ces pastorales populaires dans tout le centre de la France :

 

Derrièr' chez nous, il est un vert bocage,

Le rossignol y chante tous les jours...

 

Avec ce refrain si caractéristique du sentiment populaire :

 

Le mal d'amour est une rude peine !...

 

Et voici comment Alexandre Dumas commente encore sa trouvaille :

 

« Peut-être cette musique et cette poésie paraîtront-elles exécrables à un habitué des Italiens et de l'Opéra ; mais, à quatre-vingts lieues de Paris, chantées par une jolie petite fille aux yeux bleus, accompagnée de la musette d'un paysan gros et naïf comme un villageois de Teniers, elle m'impressionna vivement. »

 

Enfin, je dois vous citer encore, parmi les hommes de cette époque qui se sont intéressés à la chanson populaire, un écrivain qui, s'il ne fut pas absolument au premier plan parmi ceux que j'ai nommés jusqu'ici, n'en était pas moins un esprit charmant et très ouvert à des impressions neuves et rares : Gérard de Nerval. Il aimait s'en aller à l'aventure à travers les campagnes. Oh ! il ne cherchait pas toujours bien loin, — bien qu'il ait fait le voyage d'Orient ; mais il ne dédaignait pas pour cela les environs de Paris, et, au cours de ses promenades dans la forêt d'Ermenonville, ou le long des faubourgs de Senlis, il a noté un grand nombre de chansons populaires, qu'il publia, à bâtons rompus, dans ses livres, constituant ainsi, par le fait, le premier recueil de poésies populaires françaises qui ait été imprimé. (Vifs applaudissements.)

 

 

 

Gérard de Nerval, d'après une gravure de l'époque

 

 

***

 

Ces premières recherches n'avaient rien, à proprement parler, de méthodique. Ce ne fut que plus tard que d'autres, intéressés par la curiosité témoignée d'abord par les gens de lettres, ont fait de l'étude des chansons populaires une véritable science. Une science, il faut bien qu'elle le soit, puisqu'on l'a affublée d'un nom très savant, un nom anglais, le « folklore » ! Et il n'est plus besoin d'expliquer ce vocable, depuis qu'il a trouvé place dans un vers de Chantecler, ce qui est, pour un mot savant, une consécration indubitable !

Et c'est des produits tout aimables de cette science que je suis venu, mesdemoiselles, vous entretenir aujourd'hui.

La chanson ! Ce mot, certes, n'a pas besoin d'être défini : il est de certains mots qui s'expliquent mieux par eux-mêmes que par tous les commentaires ! Cependant, je tiens à bien limiter mon sujet, et à vous dire exactement de quelle sorte de chanson il s'agira aujourd'hui. De vieilles chansons, oui, certainement ; mais ces mots mêmes n'en disent pas encore assez. Sous ce titre, on a remis à la mode maintes productions d'un autre âge qui, après avoir joui d'une vogue généralement limitée à une seule génération, dormaient depuis longtemps dans la poussière des bibliothèques : vieux airs à danser de la Cour ou de la ville, brunettes, romances de 1830, etc. Tout cela est fort bien, parfois aimable et galant, — et je respecte trop les bibliothèques et leurs poussières pour prétendre que c'est inutilement qu'on les a remuées pour cette recherche ! Pourtant, j'oserai avouer qu'il y a d'autres « vieilles chansons » que je préfère et que, celles-ci, on ne les trouve pas dans les livres. Permettez-moi, pour mieux faire comprendre la différence, de me servir d'une comparaison. La vieille chanson, celle qu'on retrouve dans les bouquins, c'est une fleur d’herbier. La fleur a pu être belle et rare : elle est, maintenant, fanée, desséchée, morte. La chanson populaire, c'est la fleur des champs, simple, et, cependant, toujours fraîche et parfumée ; et, si elle est moins rare, elle a sur l'autre une immense supériorité : elle est vivante. (Vifs applaudissements.)

 

***

 

Oui, la chanson populaire est vivante, et c'est bien là ce qu'il y a de plus extraordinaire en elle ; car cette vie, qui ne s'est jamais arrêtée, est antérieure à celle des productions les plus vénérables et les plus illustres de notre littérature et de notre art savants. Considérons ce qu'est la chanson populaire : un art purement oral, l'art des illettrés, produit par des génies inconnus, mais certainement étrangers à notre culture, illettrés eux-mêmes, propagé de génération en génération par la force de la seule mémoire et sans le secours d'aucun artifice, même du plus légitime de tous : l'écriture ! Si donc une seule génération eût oublié l'œuvre d'art populaire, c'eût été pour elle la destruction immédiate et complète.

Imaginons, maintenant, que les chefs-d'œuvre de l'art savant auraient besoin, pour survivre, d'être conservés par une tradition ininterrompue. Que nous resterait-il donc de l'art du passé ? Oh ! combien peu de chose ! Pas une note de Bach. Vous savez quelle fut la vie de ce maître puissant : pour les cérémonies de son église, il composait à profusion ses admirables cantates, ses sublimes Passions ; on les exécutait une fois, deux fois, trois fois dans les cas très exceptionnels où l'œuvre avait paru mériter un honneur si peu accoutumé ; puis, le tout était relégué dans un tiroir, et, vingt ans après la mort du maître, personne n'en savait plus une note.
Au théâtre, Rameau fit oublier Lulli, et Gluck Rameau : lui-même, l'immortel auteur d'Orphée, subit, du fait de Rossini, une éclipse de près d'un demi-siècle ; il eût donc été complètement oublié si son œuvre ne nous eût été conservée par le moyen qu'ignore la tradition populaire : l'écriture, l'imprimé.

Il n'y a pas un siècle et demi que Gluck écrivait ses premiers chefs-d'œuvre. Et, d'autre part, il y a certaines de nos chansons populaires dont nous pouvons affirmer, avec des preuves qu'il serait trop long de produire ici, qu'elles remontent au moins au XVe siècle, et je crois fort qu'il est possible de relever, pour quelques-unes, des traces plus anciennes encore. Quelle plus merveilleuse preuve de vitalité le génie populaire pourrait-il donner, que la survivance de son œuvre à travers tant de siècles !

 

***

 

Mais, direz-vous, comment peut-il donc se faire que l'on connaisse des productions si anciennes si ce n'est pas dans les livres qu'on peut les trouver ? Si je ne craignais de me servir d'une expression un peu prétentieuse, je vous dirais, mesdemoiselles, que le livre qu'il faut ouvrir, c'est le grand livre de la Nature. Il faut s'en aller à travers champs, dans les provinces reculées, faire parler les gens, et, d'abord, tâcher de s'en faire comprendre, pour pouvoir les comprendre et les connaître à son tour.

Je me fais honneur d'avoir été de ceux qui, en ces dernières années, ont pris quelque part à ces recherches. Il n'est guère d'année où, lorsque vient la belle saison, je ne m'en aille, quittant Paris, dans quelque province, un album de papier de musique dans une main, le crayon dans l'autre, allant demander aux bonnes gens, non pas comme Figaro, ce dont il est question, mais ce que l'on chantait autrefois parmi eux.

C'est là, je vous assure, une manière d'exploration tout à fait intéressante (j'allais dire une manière d'alpinisme, non sans cause, car c'est dans les Alpes que j'ai fait les plus abondantes cueillettes de ce genre). On pénètre dans les cabanes, on interroge les vieilles gens, et l'on arrive ainsi à connaître un pays dans toute son intimité.

Je me souviens qu'un jour, au fond de la vallée de Chamonix, j'interrogeais l'instituteur sur les vieux souvenirs de la contrée. Ce brave homme était fort étonné. Il n'avait jamais vu les touristes s'intéresser à la vie ni aux mœurs des paysans, — bien moins encore à leurs chansons ! Et, pendant que nous discutions ensemble, voilà qu'arriva du haut de la montagne, par le col de Balme, un autre voyageur qui, s'approchant, vint prendre part à notre entretien. C'était un philologue allemand qui étudiait, lui, non pas la chanson populaire, mais les particularités des dialectes de France. C'est ainsi que nous nous rencontrions en faisant des recherches et des trouvailles sur le vif, ce qui est beaucoup plus intéressant, je vous assure, que de fouiller les vieux bouquins ! Je ne les dédaigne pas, certes, mais je trouve plus intéressant encore de travailler ainsi sur la personne vivante. (Applaudissements.)

 

***

 

A l'époque de 1830, le moment était favorable pour entreprendre des recherches de cet ordre. Elles pouvaient être continuées encore il y a vingt ou vingt-cinq ans. Maintenant, il n'en est plus de même, et je puis dire qu'il est trop tard.

Au nombre de mes campagnes entreprises à la recherche des chansons populaires, la plus importante fut aussi la plus récente, celle que j'ai faite dans les Alpes françaises, en Savoie et en Dauphiné. J'avais constaté que les provinces de l'Ouest étaient celles où l'on avait d'abord recueilli le plus grand nombre de chansons populaires ; et cela est très naturel, car les chansons de ce pays sont si nombreuses, que l'on n'a, en vérité, qu'à se baisser pour les cueillir ! Au contraire, aucune récolte analogue n'avait été faite dans le sud-est de la France, cet admirable pays de montagnes hautaines qui forme notre frontière avec la Suisse et l'Italie.

Je voulus en avoir le cœur net, et je commençai mon enquête. M. le ministre de l'instruction publique avait bien voulu s'y intéresser et m'avait chargé d'une mission à cet effet.

Le premier jour où je me présentai aux autorités du pays (ce qu'il convenait de faire tout d'abord), je crus que je ne trouverais rien et je fus un peu découragé ! On me dit que les habitants de ces rudes pays n'avaient ni le goût du chant, ni le temps de chanter, qu'ils n'avaient pas de répertoire de chants populaires, etc. Je fis bien de ne pas écouter ces oiseaux de mauvais présage, car, au bout de quelques semaines, je rapportais deux ou trois mille textes, paroles et musique, que j'avais transcrits moi-même, ou dont quelques collaborateurs m'avaient donné les paroles, tandis que j'en avais noté les airs sous leur dictée, d'autres, enfin, que j'avais pu trouver dans d'anciens cahiers.

Mais qu'il était temps de faire ce travail ! Mes meilleurs collaborateurs étaient des vieillards qui n'avaient plus longtemps à vivre. Savez-vous l'âge d'un homme chez qui j'ai recueilli toute une collection de chansons du Dauphiné ? Une particularité vous le dira : il avait vu Napoléon ! C'était, sans aucun doute, le dernier homme de France qui eût vu Napoléon. Il habitait La Mure. En 1815, au retour de l'île d'Elbe, Napoléon avait passé par la petite ville. Lui, enfant, regarda le grand homme, qui, de son côté, ne demandait pas mieux que de se laisser admirer ; il en conserva un souvenir inoubliable ! Mais est-il besoin de vous dire que l'homme qui avait gardé ce souvenir, en 1895, a disparu depuis ce temps de la scène du monde, et que, si je retournais à La Mure, il ne serait plus là pour me chanter et danser les rigodons dont il avait un répertoire abondant autant qu'animé ?

Plus loin, dans le fond du Briançonnais, il y avait une vieille femme que l'on me signala comme ayant été la plus brillante des chanteuses d'autrefois. J'allai la voir : je la trouvai paralysée, impotente, clouée sur une vieille chaise, au fond de sa cabane de terre, dans une de ces maisons des montagnes à demi enfouies par crainte des neiges de l'hiver. Quand elle me vit arriver, elle manifesta une grande joie. Voilà donc, enfin, quelqu'un qui la comprenait ! Elle allait pouvoir sauver pour l'avenir ces belles chansons du souvenir desquelles elle restait la seule dépositaire ! Je tiens d'elle, en effet, une des parties les plus intéressantes du répertoire que j'ai recueilli là. Mais elle avait quatre-vingts ans ; lorsque je revins, l'année suivante, je ne la trouvai plus ! (Vifs applaudissements.)

 

 

 

la Vieille Françoise, par J. Pagès

 

***

 

Ces chansons, vous le voyez, ont dû être recueillies d'une façon assez capricieuse, avant de constituer le recueil général qu'il serait possible de former aujourd'hui. Et, maintenant que le répertoire nous en est connu, nous pouvons dire que la chanson populaire représente une véritable littérature, un art complet, mais bien différent du nôtre : l'art du peuple. Gardez-vous de croire, mesdemoiselles, que le peuple n'a pas de besoins d'art ! Il éprouve ce besoin tout aussi bien que nous ; mais il le satisfait par d'autres moyens, assurément moins complexes. Ne pensez pas non plus que ces chansons soient les débris, les rognures de notre art. Il n'est que trop vrai que, de nos jours, les garçons qui rentrent au pays après le service militaire, les filles après s'être placées, ont contracté dans les villes un goût d'art inférieur, — celui de la chanson du café-concert, — qui fait une concurrence néfaste aux belles chansons d'autrefois. Mais ceux qui avaient créé ou propagé ces dernières étaient du peuple, et c'est le génie du peuple qui s'exprimait dans leurs antiques chants.

Donc, c'est un art complet que représente la chanson populaire. De même que notre littérature, notre musique, se divisent en des genres divers, de même l'ensemble de ce répertoire peut être classé en des subdivisions bien marquées. (Applaudissements.)

 

***

 

Voyez notre poésie. Nous y détachons tout d'abord des formes très distinctes : l'épopée, la tragédie, le drame. De tout cela, notre poésie populaire nous fournit les exemples les plus significatifs. Les sujets mêmes qu'elle traite présentent beaucoup d'analogie avec ceux des œuvres les plus illustres dans la littérature savante. J'ai nommé, en premier lieu, l'épopée. C'est, en effet, la forme par excellence de la poésie primitive : c'est l'art d'Homère, celui de l'auteur inconnu de la Chanson de Roland. Mais nos chansons populaires connaissent aussi l'épopée ; celles qui rentrent dans cette catégorie sont même ce que leur répertoire nous offre de plus intéressant et de plus beau. Leur style, avec ses répétitions d'une monotonie voulue, a quelque chose d'homérique ; quant aux idées, aux sujets, ils appartiennent aussi à l'épopée. Quel est le sujet favori des épopées les plus illustres ? C'est l'histoire du guerrier — Ulysse, par exemple — qui s'en va dans les combats lointains, reste longtemps éloigné de sa patrie, et, au retour, trouve bien des choses changées au logis. Voyez, par exemple, une chanson, bien connue aujourd'hui, dont je vous demande la permission de vous rappeler seulement quelques couplets : celle du Roi Renaud, ou Jean Renaud. Elle rentre incontestablement dans le genre de l'épopée. Son héros est aussi un guerrier qui revient de sa dure campagne. Il est blessé à mort. Sa mère, qui le voit venir, le salue joyeusement en lui disant que sa femme vient de lui donner un fils. Mais le pauvre guerrier n'a pas le cœur de se réjouir : au seuil du château, il expire. Et voici que, dans une chambre reculée, la nouvelle accouchée entend des bruits suspects : des pleurs, des chants funèbres, les coups qu'on frappe sur le cercueil ; on voudrait lui cacher l'affreuse vérité ; et voici le dialogue poignant qui s'engage entre elle et la mère :

 

« Ah ! dites-moi, mère ma mie,
Qu'est-c' que j'entends pleurer ici ?

— Ma fille, c'est un d' nos chevaux
Que les valets ont trouvé mort.

 

— Ah ! dites-moi, mère ma mie,
Qu'est-c' que j'entends cogner ici ?

— Ma fille, c'est le charpentier
Qui raccommode nos greniers.

 

— Ah ! dites-moi, mère ma mie,
Qu'est-c' que j'entends chanter ici ?

— Ma fille, c'est la procession
Qui fait le tour de la maison.

 

— Ah ! dites-moi, mère ma mie,
Quell' robe mettrai-je aujourd'hui ?

— Mettez le blanc, mettez le gris,
Mettez le noir pour mieux choisir. »

 

(Applaudissements.)

Et voilà les deux femmes qui s'en vont dans la campagne. De petits bergers les voient passer :

 

Voici la femme du seignour
Que l'on enterra l'autre jour !

 

« Ah ! dites-moi, mère ma mie,

Qu'est-c' que ces pastoureaux ont dit ?
— Ma fill', ne puis vous le celer :
Renaud est mort et enterré ! »

 

Et l'épouse fidèle expire à son tour sur la tombe encore fraîche de l'époux, terminant par cette strophe vraiment tragique :

 

« Terre, ouvre-toi ; terre, fends-toi,
Que j'aille avec Renaud, mon roi ! »
Terre s'ouvrit, terre fendit,

Et la belle rendit l'esprit.

 

(Vifs applaudissements.)

 

 

 

Illustration pour la Chanson de Roland

 

***

 

Bien d'autres de nos chansons populaires ont pareillement grande allure, sans être, pourtant, d'un accent aussi sévère que celle-ci. En voici une autre, où nous retrouverons l'éternel sujet du retour du guerrier, noble ou vilain. Un jeune chevalier est parti le lendemain de ses noces ; pendant qu'il est absent, sa mère, une terrible belle-mère (il y en avait déjà, paraît-il, au temps des chansons) (Ri­res.), fait subir à la jeune épousée les plus durs traitements, et l'envoie aux champs, où elle doit garder les troupeaux. Et, au bout de sept ans (sept ans, c'est le chiffre fatidique dans les chansons populaires), voici que notre chevalier revient. On change, en sept ans ! Lui reconnaît tout son monde ; mais personne ne le reconnaît. Il s'approche donc de la bergère, et voici le dialogue qui s'engage entre eux :

 

« Et bonjour donc, bergère ! Pouvez-vous nous loger ?
— Non pas, mon bon monsieur. Je ne peux vous loger,

Car j'ai à mon mari promis fidélité.

Allez à ce château, que vous voyez d'ici ;

Là, vous y trouverez logement pour la nuit,
Car c'est ici que log' la mèr' de mon mari. »

 

En effet, le chevalier va au château, toujours non reconnu ; il y reçoit l'hospitalité, et, le soir, il s'en va frapper à la porte de la bergère :

 

« Ouvre ta port', Germaine, car je suis ton mari.
— Donnez-moi des nouvell's de la première nuit,

Et, par là, je saurai si vous êt's mon mari.

 

— T'en souviens-tu, Germaine, de la première nuit,
Où tu étais assise sur un beau cheval gris,
Placée entre ton frère, et moi, ton favori ?

 

T'en souviens-tu, Germaine, de la seconde nuit ?
En te serrant les doigts ton anneau se rompit.
Tu en as la moitié, et l'autre la voici. »

 

Et Germaine, rassemblant les deux parties de l'anneau et désormais rassurée, s'écrie :

 

« Levez-vous, allégresse, levez-vous promptement,
C'est pour ouvrir la porte à mon fidèle amant. »

 

La chute en est jolie, amoureuse, adorable,

 

dirions-nous volontiers avec Molière, et le dénouement est moins sombre que dans la chanson de tout à l'heure ; mais celle-ci n'en rentre pas moins encore, par son sujet comme par son style soutenu, dans le genre inépuisable de l'épopée.

 

 

 

le Retour du Marin, lithographie de Célestin Nanteuil

 

 

Il est une autre chanson que vous connaissez certainement, car elle a été chantée souvent ici : le Retour du Marin :

 

Quand le marin revient de guerre,

Tout doux...

 

Elle a encore le même sujet. Mais les personnages sont différents, et, par là, la chanson est peut-être plus populaire encore ; car elle ne met plus en cause des seigneurs et de nobles dames, mais ses héros sont un pauvre marin qu'on avait cru perdu en mer, et la femme, qui n'a pas su l'attendre. Je ne vous la dirai pas, car nous avons bien d'autres choses à vous faire connaître. Mais je reste pour quelque temps encore dans le même ordre d'idées en vous faisant entendre, pour commencer l'audition musicale, deux de ces chansons de caractère sérieux, formées de très longs couplets tout au long desquels se déroule un récit de caractère épique. Celles que j'ai choisies pour commencer se rattachent étroitement au sujet qui a servi de point de départ à cette conférence : la rénovation de la chanson populaire par les hommes de 1830. C'est, en effet, à Gérard de Nerval qu'on a dû, pour la première fois, la connaissance de la première chanson qu'on va vous faire entendre avec sa mélodie : le Roi Loys. (Vifs applaudissements.)

 

***

 

A ce propos, je reviens encore, en quelques mots, sur la façon dont les recueils commencés par les hommes de ce temps-là ont été complétés, et sur la part modeste qu'il m'a été donné de prendre à leur achèvement. Je vous ai parlé de voyages faits dans les provinces à la recherche de ces chansons populaires ; mais, souvent, il n'est pas nécessaire d'aller si loin. Je me trouvais, un jour, à Paris, en la compagnie de Français, le célèbre paysagiste, disparu, lui aussi, comme tous ceux qui ont contribué à ces premières recherches, et je lui exprimais mon regret que ces airs populaires eussent aussi complètement disparu. Je tombais à merveille : il les savait tous ! En effet, la tradition propagée par Gérard de Nerval avait été adoptée dans des ateliers d'artistes, et Français s'en trouvait être le dernier dépositaire. Je vous laisse à penser si, sur cette communication, je mis longtemps à tirer de ma poche mon carnet de notes et à demander au vieil artiste, qui s'y prêta obligeamment, de me chanter les airs de Gérard de Nerval ! Vous entendrez, au cours de cette audition, plusieurs chansons qui furent complétées ainsi, — et, pour commencer, celle du Roi Loys.

Cette chanson, de haut style, tout en se terminant par un dénouement moins triste que la chanson de Jean Renaud, a, cependant, le même caractère, presque la même mélodie. Gérard de Nerval, qui s'occupait beaucoup plus de vers que de musique, avait été frappé lui-même par la beauté et la grandeur de celle-ci. Il la qualifiait : « Un chant d'église croisé sur un chant de guerre. »

Mlle Madeleine Bonnard va vous la faire entendre. C'est la première fois, mesdames et messieurs, que cette jeune artiste se présente devant vous ; je dirai presque que c'est un début pour elle, car elle est nouvellement entrée dans la carrière, étant sortie cette année même du Conservatoire, avec tous ses prix. Je ne pouvais faire appel plus à propos à un si aimable et excellent concours, et c'est avec le plus grand plaisir que j'ai l'honneur de vous présenter Mlle Madeleine Bonnard, sous les auspices de la chanson populaire. (Applaudissements.).

 

LE ROI LOYS

 

Le roi Loys est sur son pont,
Tenant sa fille en son giron ;

Ell' lui demande un cavalier

Qui n'a pas vaillant six deniers.

 

« Ma fille, il faut changer d'amour,
Ou vous entrerez dans la tour. »

« J'aime mieux rester dans la tour,
Mon pèr', que de changer d'amour. »

 

« Vite, appelons mes estafiers
Aussi bien que mes gens de pied !
Qu'on mène ma fille à la tour ;
Ell' n'y verra jamais le jour. »

 

Elle y resta sept ans passés

Sans que personn' pût la trouver ;
Au bout de la septième année,
Son père vint la visiter.

 

« Bonjour, ma fill', comm' vous en va ? »
Ma foi, mon pèr', ça va bien mal.
J'ai les pieds pourris dans la terre
Et les côtés mangés des vers.

 

» Mon cher papa, point vous n'auriez
Cinq à six sous à me donner ?

C'est pour donner à mon geôlier,

Qu'il me desserre un peu les pieds. »

 

« Oui-da, ma fill', nous en avons,
Et par mille et par millions :
Autant d'argent je vous donn'rai,
Si vos amours voulez changer. »

 

« J'aim' mieux mourir dedans la tour,
Mon pèr', que de changer d'amour. »
« Eh bien ! ma fill', vous y mourrez,
De guérison point vous n'aurez. »

 

Le beau Déon, passant par là,
Un mot de lettre lui jeta.

« Faites-vous morte ensevelir,

Que l'on vous porte à Saint-Denis. »

 

La belle n'y a point manqué,
Dans le moment a trépassé ;
Ell' s'est laissé ensevelir,
On l'a portée à Saint-Denis.

 

Le roi, derrière, va pleurant,

Les prêtres vont, devant, chantant ;
Quatre-vingts prêtres, trente abbés,
Autant d'évêques couronnés.

 

Le beau Déon, passant par là :
« Arrêtez, prêtres, halte-là !
Vous portez ma mie enterrer,
Ma patenôtre lui dirai. »

 

Il tira son couteau d'or fin
Et décousit le drap de lin,

En l'embrassant, fit un soupir,
La belle lui fit un souris.

 

Sonnez, trompette et violon !
Ma fille aura le beau Déon...
Fillette qu'a envie d'aimer
Père ne la peut empêcher.

 

 

Illustration pour le Roi Loys

 

 

(Vifs applaudissements.)

Pour en finir avec ce genre de chansons, un peu longues, il faut l'avouer, mais si intéressantes, je vais vous en faire entendre une dernière, qu'il sera facile de rattacher, comme les précédentes, à des souvenirs littéraires. Le Plongeur est une célèbre ballade de Schiller, dont le sujet a été trouvé par lui dans notre chanson française. Mais quelle différence entre les deux œuvres ! Dans le poème romantique allemand, l'action se déroule dans un décor superbe, en la présence du roi, devant une armée avec des lances, des épées, des oriflammes. Dans la simple chanson populaire, nous n'avons que trois personnages : la fille du roi, qui s'en va laver son linge, le plongeur, héros du drame, et sa mère, qui assiste de loin au triste dénouement.

Je vais, mesdames et messieurs, vous demander la permission de vous faire entendre moi-même cette chanson. Je sais que ce n'est pas trop l'habitude d'entendre chanter un conférencier ! Cependant, ce n'est pas une si grande innovation, et je puis invoquer quelques précédents. Il y en a un qui me vient tout naturellement à l'esprit : j'ai entendu, naguère, une conférence sur Béranger, dans laquelle le conférencier chanta aussi les chansons ; et ce conférencier se nommait Francisque Sarcey. Du moment que j'ai un pareil exemple à produire, je puis me rassurer, et pense que je ne serai pas trop audacieux, en venant vous chanter moi-même, pour commencer, la chanson du Plongeur. La poésie est encore de celles qu'on peut retrouver dans les écrits de Gérard de Nerval ; quant à la mélodie, je l'ai notée en Bretagne, où je l'ai recueillie de la bouche même d'une paysanne. (Vifs applaudissements.)

 

LE PLONGEUR (*)

 

Derrière chez mon père,

Vive l'amour !
L'y a-t-un vivier,
Diguedon ma dondaine,

L'y a-t-un vivier,

Vive le laurier !

 

La fille au roi d'Espagne,

Vive l'amour !

Y va ses draps laver.

 

Son battoir était dore,

Vive l'amour !
Son lavoué d'argenté.

 

Du premier coup qu'elle frappe,

Vive l'amour !

Ses anneaux sont tombés.

 

La belle se désole,

Vive l'amour !

Ell' s'est mise à pleurer.

 

Par le chemin il passe,

Vive l'amour !
Trois jeunes cavaliers.

 

Ils ont demandé : « Belle,

Vive l'amour !

Qu'avez-vous à pleurer ? »

 

« Sont mes anneaux de noce,

Vive l'amour !

Dans la mer ont tombé. »

 

« Que donn'rez-vous la belle ?

Vive l'amour !

J'irai vous les r'pêcher. »

 

« J'ai cent écus en bourse,

Vive l'amour !

En aurez la moitié. »

 

Cavalier se débotte,

Vive l'amour !

Dans la mer a plongé.

 

A la première plonge,

Vive l'amour !
Les entendit fringuer.

 

A la seconde plonge,

Vive l'amour !

Les a touchés du pied.

 

A la troisième plonge,

Vive l'amour !
Le galant s'est noyé.

 

Sa mère, à la fenêtre,

Vive l'amour !

Qui voit son fils plonger.

 

« Faut-il pour une fille,

Vive l'amour !

« Faut-il pour une fille,

Vive l'amour !

Que mon fils soit noyé,
Diguedon ma dondaine,
Que mon fils soit noyé,

Vive le laurier ! »

 

(Vifs applaudissements.)

(*) Cette chanson fait partie du recueil : Mélodies Populaires des Provinces de France, par M. Julien Tiersot, Heugel et Cie, éditeurs, 2 bis, rue Vivienne, Paris.

 

***

 

Mais voilà bien des chansons faites pour porter le diable en terre, et qui n'en finissent pas ! Si nous continuions sur ce ton-là, nous finirions par nous faire passer, nous autres Français, pour un peuple morose ! Véritablement, personne n'imagine que la chanson française doive être constamment soutenue sur ce ton-là ! Il n'en est rien, en effet ; je vais vous en donner la preuve tout de suite, en vous faisant entendre, par la voix de Mlle Bonnard, une chanson de tout autre caractère, beaucoup plus vive et plus gaie, et qui a toutes les grâces, toute l'amabilité qu'on peut imaginer être celles de la poésie française et de la chanson. Vous allez voir encore par elle de quelle manière la chanson populaire peut se rattacher à notre littérature et à notre poésie de 1830. Vous entendrez, au passage, la description du merveilleux navire sur lequel sont montées les filles de La Rochelle, et vous y retrouverez une analogie frappante avec certaine barcarolle de Théophile Gautier, que Berlioz d'abord, Gounod ensuite, ont mise en musique ; et où il se trouve des vers tels que ceux-ci :

 

L'aviron est d'ivoire,

Le pavillon de moire,

Le gouvernail d'or fin ;

J'ai pour lest une orange,

Pour voile une aile d'ange,
Pour mousse un séraphin.

 

Ecoutez, maintenant, la chanson populaire qui a visiblement servi de thème aux rimes savantes du poète de 1830. C'est encore une de celles dont Gérard de Nerval nous a fait connaître la poésie ; j'en ai retrouvé la musique à une autre source.

 

 

 

 

LES FILLES DE LA ROCHELLE

 

Mélodie populaire

Recueillie et harmonisée par Julien TIERSOT

 

Sont les fill’s de la Rochelle,

Ont armé un bâtiment,

Ont armé un bâtiment,

Pour aller faire la course

Dedans les mers du Levant.

 

Ah ! la feuille s'envole, s'envole,

Ah ! la feuille s'envole au vent.

 

La grand' vergue est en ivoire,
Les poulies en diamant.

La grand' voile est en dentelle,
La misaine en satin blanc.

 

Les cordages du navire

Sont de fil d'or et d'argent,
Et la coque est en bois rouge

Travaillé fort proprement.

 

L'équipage du navire,

C'est tout filles de quinze ans,
Le cap’tain’ qui les commande

Est le roi des bons enfants.

 

Hier, faisant sa promenade
Dessus le gaillard d'avant,

Aperçut une brunette,

Qui pleurait dans les haubans.

 

Qu'avez-vous, gentil brunette ?
Qu'avez-vous à pleurer tant ?

Av' ous perdu père et mère,

Ou quelqu'un de vos parents ?

 

J'ai cueilli la rose blanche
Qui s'en fut la voile au vent,

Elle est partie vent arrière,

Reviendra z'en louvoyant.

 

Ah ! la feuille s'envole, s'envole,

Ah ! la feuille s'envole au vent.

 

(Longs et enthousiastes applaudissements.)

Nous sommes heureux de publier ce beau morceau grâce à l'obligeante permission de MM. Heugel et Cie. Il fait partie du nouveau recueil de M. Julien Tiersot : Mélodies Populaires des Provinces de France, dont voici le sommaire :

Cinquième Série. — La Fille aux oranges. — Le Plongeur. — Les Filles de La Rochelle. — L'Oiseau dans sa cage. — Le Tilleul. — La Cigale et la Fourmi. — Trois Berceuses. — Berceuse Bretonne. — Vocero Corse : 1° de mort violente. — Vocero Corse : 2° de mort naturelle.

Sixième Série. — Si j'avais un tambour. — Petite Bergerette. — La Saint-Martin. — Chant de Moisson. — Voici le joli mois de Mai. — Les Noces de l'Alouette et du Moineau. — Marche de Noce. — Corbleu ! Marion. — Blanche colombe. — Vole, mon cœur, vole.

 

 

la Chanson populaire

 

Conférence de M. Julien TIERSOT

 

Avec le concours de Mlle Madeleine BONNARD
30 janvier 1911. Répétée le 1er février.

(Journal de l’Université des Annales, 15 juillet 1911)

 

Nous donnons ici la fin de l'intéressante conférence de M. Tiersot, que l'abondance des matières ne nous a pas permis de donner en entier dans le dernier numéro.

 

 

Vous voyez comme la chanson populaire sait bien faire chanter les bêtes. (Rires.) Je vais vous en donner, sans plus tarder, une preuve de plus, en vous chantant moi-même une autre chanson qui, celle-ci, présentera pour particularité que je la dirai dans son patois original. C'est une chanson bressane, les Noces de l'Alouette et du Moineau. Compatriote du grand esprit que j'ai cité tout au début de cette conférence, Edgar Quinet, je tiens à vous apporter, dans toute leur pureté native, les chansons recueillies dans notre commun pays. Mais, comme je ne puis prétendre que le patois bressan soit une langue familière, même à l'auditoire de l'Université des « Annales », je vais, avant de chanter la chanson, vous donner sur son sujet quelques explications sommaires, qui seront certainement suffisantes pour que vous puissiez suivre le sens de ce précieux chef-d'œuvre.

L'alouette et le moineau veulent se marier ; mais ils sont de si pauvres oiseaux, qu'ils n'ont rien à offrir à leurs invités pour le repas de noce ! Heureusement, l'on est très bon enfant chez les bêtes, de sorte que chacun arrive en apportant son petit cadeau : le chien porte un pain ; le mouton, un poinçon de vin ; le renard, du lard ; ce sont les rats qui serviront de ménétriers ; ce sont les souris du grenier qui seront les danseuses. Et la fête bat son plein lorsqu'elle est interrompue d'une façon tragique par un affreux chat, qui met en fuite tout le monde !

Voici donc, dans son patois original, cette fois, la chanson des Noces de l'Alouette et du Moineau :

 

 

 

 

LES NOCES DE L'ALOUETTE ET DU MOINEAU (*)

 

L'alouette et le moineau
Voudraient bien se marier.

L'aluetta pi le mognô

Veudran ben se mario.

 

(Refrain.)

Alouette,

Fais la ruette ;

Au château,
De tout il faut.
Aluetta,

Fa la ruetta;
U çantlo,

E toti fô.

 

Ils voudraient faire un festin,
Mais, de pain, ils n'en ont point.
Veudran ben fore un festin,
Mais de pan ne n'en an dzin.

(Refrain.)

 

Vint à passer un gros chien,
Sur son dos portant du pain.
Vint à passo in çin blanc,
Chu son cu pourtin de pan.

(Refrain.)

 

Pour du pain, en voilà bien ;
Mais, de lard, n'y en a point.
Pé de pan, no-z-en an ben,
Mais de la, ne n'en an dzin.

(Refrain.)

 

Vint à passer un renard,

Sur son dos portant du lard.

Tint à passo in rena,
Chu son cu pourtin de la.

(Refrain.)

 

Pour du lard, en voilà bien ;
Mais, de vin, n'y en a point.
Pé de la, no-z-en an ben,
Mais de vin, ne n'en an dzin.

(Refrain.)

 

Vint à passer un mouton,

Sur son dos porte un poinçon.

Vint à passo un mouflion,
Chu son cu pourte un ponçon.

(Refrain.)

 

Pour du vin, en voilà bien,

De ménétriers, n'y en a point.
Pé de vin, no-z-en an ben,

Mais de menétri, ne n'en an dzin.

(Refrain.)

 

Les rats qui sont au grenier

Feront les ménétriers.
Les rats qui sont u greni,

Sevront ben de menétri.

(Refrain.)

 

Des ménétriers, en voilà bien ;

Mais, pour des danseurs, n'y en a point.

Ré de menétri, no-z-en an ben,
Mais de dancheri, ne n'en an dzin.

(Refrain.)

 

Les souris sont au grenier,
Viendront bien au bal danser.
Les rat' qui sont u greni,

Sevront ben de dancheri.

(Refrain.)

 

Vint à passer un vieux chat,
Les danseurs les emporta.
Vint à passo in ça gris,

Emporta les dancheri.

(Refrain.)

 

Gare, gare, ménétri !

Gare, gare, au vieux chat gris !
Para, para, menétri,

Para, para lou ça gris.

(Refrain.)

 

Julien TIERSOT.

(Vifs applaudissements.)

(*) Cette chanson fait partie du recueil paru chez Heugel, intitulé : les Mélodies Populaires des Provinces de France.

 

Maintenant, passons à des choses plus graves. Et, pour cela, je resterai encore un moment en Bresse, pour vous faire entendre ces mélopées dont Edgar Quinet nous a parlé avec une émotion si profonde, les véritables chants de la terre de France : les chants de laboureurs. George Sand aussi, dans son Berry, avait entendu ces airs et en avait compris la pénétrante poésie. Je ne puis résister, avant de vous faire entendre moi-même la chanson du Pauvre Laboureur, au désir de vous lire les quelques lignes par lesquelles la romancière en évoqua l'impression dans la première page de la Mare au Diable.

La scène se passe dans la campagne du Berry, au lever du jour. Les premiers rayons du soleil viennent de paraître. Le laboureur sort de sa maison rustique, conduisant devant lui son attelage de bœufs et sa charrue. Il arrive au bord du champ, enfonce le soc dans la terre, pique les bœufs de l'aiguillon, et se met à chanter.

« La voix mule entonna le chant solennel et mélancolique que l'antique tradition du pays transmet, non à tous les laboureurs indistinctement, mais aux plus consommés dans l'art d'exciter et de soutenir l'ardeur des bœufs de travail. Ce chant, dont l'origine fut peut-être considérée comme sacrée, et auquel de mystérieuses influences ont dû être attribuées jadis, est réputé encore, aujourd'hui, posséder la vertu d'entretenir le courage de ces animaux, d'apaiser leurs mécontentements et de charmer l'ennui de leur longue besogne. Il ne suffit pas de savoir bien les conduire en traçant un sillon parfaitement rectiligne, de leur alléger la peine en soulevant ou enfonçant à point le fer dans la terre : on n'est point un parfait laboureur si on ne sait chanter aux bœufs, et c'est là une science à part qui exige un goût et des moyens particuliers.

» Ce chant n'est, à vrai dire, qu'une sorte de récitatif interrompu et repris à volonté. Sa forme irrégulière et ses intonations fausses, suivant les règles de l'art musical, le rendent intraduisible. Mais ce n'en est pas moins un beau chant, et tellement approprié à la nature du travail qu'il accompagne, à l'allure du bœuf, au calme des lieux agrestes, à la simplicité des hommes qui le disent, qu'aucun génie étranger au travail de la terre ne l'eût inventé, et qu'aucun chanteur autre qu'un fin laboureur de cette contrée ne saurait le redire. Aux époques de l'année où il n'y a pas d'autre travail et d'autre mouvement dans la campagne que celui du labourage, ce chant si doux et si puissant monte comme une voix de la brise. La note finale de chaque phrase est tenue et tremblée avec une longueur et une puissance d'haleine incroyable. Cela est sauvage, mais le charme en est indicible, et, quand on s'est habitué à l'entendre, on ne
conçoit pas qu'un autre chant pût s'élever à ces heures et dans ces lieux-là, sans en déranger l'harmonie. » (Vifs applaudissements.)

Ce chant, que George Sand déclarait intraduisible, je l'ai traduit ; je l'ai noté à Nohant même, sous les aimables auspices des petites filles de l'écrivain. Ce n'est pourtant pas lui que je vais vous faire entendre, par une raison d'ailleurs très bien expliquée dans le texte que vous venez d'entendre. Le « briolage » berrichon n'est pas une chanson ; c'est une mélopée soutenue par quelques paroles à demi improvisées et adressées par le laboureur à ses bœufs. Au contraire, le chant du bouvier bressan est une chanson complète qui, en même temps que sa mélodie a la même beauté que celle du Berry, a des paroles montrant un tableau complet du laboureur, de sa personne, de sa vie, de ses aspirations, de ses peines.

C'est donc la chanson bressane du Pauvre Laboureur, que je vous demande la permission de vous faire entendre maintenant.

 

 

 

 

Le pauvre laboureur,

Il n'est qu'un partisan ;
Il est vêtu de toile

Comme un moulin à vent.
Il port' des harselettes :
C'est l'état d' son métier ;
Pour empêcher la terre
D'entrer dans ses souliers.

 

Le pauvre laboureur,

Il est toujours content.
Quand 'l est à la charrue,
Il est toujours chantant.
Il n'y a ni roi, ni prince,
Ni duk[e], ni seigneur
Qui n' vive de la peine
Du pauvre laboureur.

 

 

 

Labourage, tableau de Lhermitte

 

(Vifs applaudissements.)

Vous ne pensiez sans doute pas, mesdames et messieurs, qu'une audition consacrée à la chanson populaire française dût contenir des chants aussi graves que ce chant héroïque du laboureur de France, commencé par une plainte pour s'achever par un chant de triomphe. Vous venez de voir, pourtant, qu'il en est ainsi. D'ailleurs, nous n'avons pas encore tout dit. Nous avons un dernier cycle à parcourir. Nous vous avons fait entendre les chansons épiques, tragiques, dramatiques, lyriques ; celles qui sont associées au travail de l'homme, même celles qui mettent en scène les animaux. Mais il en reste, et des meilleures. Nous n'avons pas encore abordé, en effet, la comédie et la satire : ces formes familières à toute littérature ne pouvaient manquer d'avoir leur équivalent dans le répertoire de notre chanson populaire.

Quel est le sujet essentiel de la comédie ? C'est le mariage. Pas de vraie comédie sans une intrigue autour d'un mariage et un bon mariage au dénouement. Eh bien ! oui, le mariage est le sujet d'un nombre considérable de chansons populaires, et leur groupement offre certaines particularités, qu'avant de vous faire entendre les chansons, je dois vous signaler.

Tout d'abord, les chansons qui concernent le mariage sont presque toutes des chansons de femmes. Pourquoi cette préférence ? Je ne peux le savoir. On pourrait croire, en entendant nos chansons que le mariage intéresse plutôt le sexe prétendu faible que le nôtre. Je n'en pense pas un mot ! Mais, enfin, le fait est là : les chansons concernant le mariage, prononcées à la première personne, sont presque toutes des chansons de femmes. Celles-ci se subdivisent elles-mêmes en deux catégories très distinctes, qui peuvent être définies par deux simples mots : avant, après. Avant le mariage, la jeune fille grille d'envie d'être mariée, elle supplie sa mère de lui trouver un mari, de lui accorder celui qu'elle a choisi. Après, ah ! la pauvre femme est bien malheureuse, et elle voudrait bien ne plus être mariée !

Cette dernière manière de considérer le sujet a, notamment, donné naissance à un nombre considérable de chansons, si considérable qu'on a donné, et très anciennement, un nom à leur groupement : la Maumariée, la femme « mal mariée », malheureuse dans le mariage. Déjà, l'on peut lire ce nom dans les poésies des trouvères ; on le retrouve dans Rabelais. Inutile de vous dire que ces chansons de maumariées se chantent sur des tons assez divers ; les unes sont tristes (cela se comprend du reste !), d'autres, au contraire, parmi ces héroïnes, prennent assez bien leur mal en patience.

 

Nous allons, à la fin de cette séance, vous donner quelques échantillons de ces diverses séries de chansons. Tout d'abord, c'est le dialogue amoureux, la poursuite, le galant qui fait sa cour et qui, parfois, est traité assez durement. Et je suis heureux de trouver ici l'occasion de rendre hommage à notre grand Mistral. Vous reconnaîtrez, dans la chanson qui va vous être chantée (la Chanson des Métamorphoses), le prototype populaire d'un des morceaux les plus justement célèbres de la moderne poésie provençale : la Chanson de Magali. Le sujet de cet exquis poème est, en effet, tout populaire ; Mistral l'a emprunté à la tradition, le développant et l'ornant des fleurs les plus brillantes de la poésie méridionale. Vous le connaissez, et ce n'est point ici le lieu de le redire. Mais voici la poésie populaire qui a servi de thème à ces variations : elle est répandue par toute la France, et j'ai recueilli dans le Morvan la version que nous allons vous faire entendre.

Après elle, nous terminerons la représentation (c'est le cas d'employer ce mot, puisque nous parlons de comédie) par un autre dialogue qui est bien, en effet, plutôt une comédie qu'une chanson. Elle a été révélée, pour la première fois au public lettré, par Alphonse Daudet qui, l'ayant intercalée dans Numa Roumestan, la fait commenter par un de ses personnages en ces termes, prononcés dans le plus pur accent provençal :

 

LA CHANSON DES MÉTAMORPHOSES (*)

 

Mignonne, ma mignonne,

Mon cœur joli,

J' t'y donn'rai cinq cents livres

De mon argent,

Si tu y veux me rendre

Le cœur content.

 

J' n'en veux pas cinq cents livres,

De ton argent,

Je veux m'y rendre, sœure,

Dans un couvent.

Enfin, de moi tu n'auras

Pas d'agrément.

 

Si tu t'y rendais, sœure,

Dans un couvent,

Je m'y rendrais, prêcheur,

Pour t'y prêcher,

Je prêcherais la sœure,

Par amitié.

 

Si tu t'y rends, prêcheur,

Pour m'y prêcher,

J' m'y rendrai caill' volante

Le long des champs.

Enfin, de moi tu n'aurais

Pas d'agrément.

 

Si tu t' rends caill' volante,

Le long des champs,
Je m'y rendrais chasseur,

Pour t'y chasser.

Je chasserais la caille,

Par amitié.

 

Si tu t'y rendais, chasseur,

Pour m'y chasser,

Je m'y renderais, rate,

Dans le grenier.

Enfin, de moi tu n'aurais

Pas d'agrément.

 

Si tu t'y rendais, rate,

Dans le grenier,

Je m'y renderais, chat,

Pour t'y rater :

Je raterais la rate,

Par amitié.

 

Si tu t'y rendais, chat,

Pour m'y rater,

Je m'y rendrais, étoile,

Dedans le temps.
Enfin, de moi tu n'aurais

Pas d'agrément.

 

Si tu t'y rends, étoile,

Dedans le temps,

Je m'y rendrais, brouillard,

Pour t'y brouiller,

Je brouillerais l'étoile,

Par amitié.

 

Si tu t'y rends, brouillard,

Pour m'y brouiller,
Je m'y rendrai, saint Pierre,

Dans l' paradis,

Je n'ouvrirai la porte

Qu'à mes amis.

 

(*) Cette chanson fait partie du recueil de M. Julien Tiersot, les Mélodies Populaires des Provinces de France (Heugel et Cie, éditeurs).

 

 

 

Un Mariage Breton, tableau de Laby

 

 

— Ça, mes einfants, c'est grand comme du Shakespeare !

Nous ajouterions volontiers :

— C'est beau comme du Molière.

Et, en nous mettant sous l'égide de tous ces grands noms, nous allons terminer cette revue rétrospective de la chanson populaire, à la fois trop longue et trop rapide ; car, après un tel dénouement de la comédie, il n'y aura rien de mieux à faire que de baisser le rideau. (Applaudissements prolongés.)

 

 

 

 

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