Thaïs (Massenet)

Version intégrale

 

Geori Boué : Thaïs

Berthe Monmart : Crobyle

Odette Ricquier : Myrtale

Yvonne Leroy : Albine

Roger Bourdin : Athanaël

Jean Giraudeau : Nicias

Michel Roux : Palémon

Chœurs et Orchestre de l'Opéra de Paris dir George Sebastian (Henri Merckel, violon solo)

 

Urania URLP 227, enr. en 1952

 

 

Anatole France, quand il publia, en 1891, Thaïs, était déjà connu par certaines œuvres de qualité, les Poèmes dorés, les Noces Corinthiennes, cette pièce qui préfigure par son idée essentielle l'œuvre qui nous intéresse ici, et surtout le Crime de Sylvestre Bonnard, qui établit une réputation que l'histoire de la courtisane d'Alexandrie devait consacrer définitivement.

On sait que le thème philosophique de Thaïs est l'évocation d'Alexandrie, après la mort du Christ, opposant le monde antique mourant sur les débris de son idéal aux croyances du monde nouveau. Avec cette grâce de style qui lui fut propre et ce mélange d’ironie et de pitié qui furent les fonds de son caractère d’écrivain, Anatole France donna la vie et le sang à des personnages qui symbolisèrent humainement la thèse du livre.

Nous ne savons pas si France aimait véritablement la musique. Pourtant, il fut enchanté par celle dont Massenet para l’illustration théâtrale de son roman. Et il écrivit ces lignes au compositeur : « Je vous remercie d'avoir élevé au premier rang des héroïnes lyriques la pauvre Thaïs... Vous êtes ma plus douce gloire. Je suis ravi ! »

Thaïs, opéra en trois actes et sept tableaux, fut représenté pour la première fois le 16 mars 1894, à l'Opéra de Paris. Elle y remporta un succès qui alla croissant de jour en jour. Massenet, d'ailleurs, avec ce souci de la perfection qui était le sien, lui fit, à plusieurs reprises, subir d'importantes modifications.

Voici comment se déroule l'action imaginée par Gallet d'après France : Le premier tableau est une image de la tranquille vie des pères du désert. Atmosphère sereine. Mais apparaît Athanaël, épuisé de fatigue. Il arrive d'Alexandrie, la ville impure dont le spectacle a troublé son âme. Son plus grand chagrin est d'y avoir rencontré Thaïs qu'il a connue jeune fille et qui, maintenant, est la plus belle, mais la plus effrontée des courtisanes. Athanaël rêve de la convertir, malgré les conseils du sage Palémon qui le met en garde contre les pièges du démon.

Athanaël s'endort, mais son sommeil est troublé par le souvenir de Thaïs dansant à demi-nue, devant la foule. Quand il se réveille, le cénobite prie Dieu en faveur de la pécheresse et s'en va, malgré les avertissements de Palémon, avec l'espoir de sauver cette âme égarée.

Nous sommes ensuite à Alexandrie, la « terrible cité ». Affectueusement reçu par Nicias, son ami, Athanaël demande à être mis en présence de Thaïs. Vêtu de pourpre, la barbe parfumée, le cénobite, au cours d’un banquet, rencontre la belle courtisane. Sans plus attendre, il la met en garde contre les dangers de sa vie dissolue. Rieuse, Thaïs mime les amours de Vénus, Athanaël s’enfuit.

Au premier tableau du deuxième acte, nous sommes dans la maison de Thaïs. Celle-ci s’ennuie. Athanaël surgit pour la prêcher encore. Il lui parle de l'amour divin, des félicités éternelles. La courtisane écoute cette fois avec plus d’attention. Mais tandis que le cénobite parle, elle brûle des parfums et chante le culte d'Astarté. Trouble un instant, Athanaël se ressaisit, évoque l’enfer promis aux pécheresses. Il ne réussit qu'à épouvanter celle dont il veut faire le salut.

Au tableau suivant, que précède un interlude où se trouve l'air fameux appelé la Méditation de Thaïs, nous nous trouvons sur une place d'Alexandrie, devant la maison de Thaïs et la demeure où sont réunis Nicias et ses amis. C'est la nuit. La face contre terre, Athanaël médite et prie. L'oraison est favorable puisque la courtisane apparaît, approche du moine et lui demande ce qu'elle doit faire. Car, méditant elle aussi, elle a pris conscience d'une vérité nouvelle. Athanaël lui demande d'anéantir tout ce qui rappelle sa vie impure et il pénètre avec Thaïs dans la maison.

Nicias et ses amis surgissent sur la place, dans un joyeux tumulte. C'est ici que se place le ballet dont nous avons publié la version dans le disque URLP 501. Suivi de Thaïs revêtue d'une simple tunique de laine, Athanaël apparaît, une torche à la main. Il annonce la conversion de la jeune femme, tandis que se désolent Nicias et ses compagnons et que la foule hue le terrible convertisseur. Les flammes commencent à sortir de la maison de Thaïs, le feu qui purifie les erreurs du passé.

Le premier tableau du troisième acte représente une oasis dans le désert. Athanaël conduit la repentie vers le monastère de Sainte-Albine. Thaïs a supporté toutes les fatigues, tous les renoncements. On entend, au loin, des chants liturgiques. Ce sont les religieuses guidées par Sainte-Albine qui viennent accueillir leur nouvelle sœur. Athanaël se sépare de Thaïs avec regret.

Au dernier tableau qui se déroule dans le monastère d'Albine, Thaïs est étendue, prête à mourir et ses compagnes, avec respect, prient pour elle. Athanaël surgit, s'approche de la gisante et lui dit des mots d'amour charnel. Mais Thaïs, grâce à la foi qu'elle a reçu du moine, ne pense plus qu'aux félicités célestes qui l'attendent. Et tandis que Athanaël répète ses paroles ardentes, Thaïs soupire : « Je vois le ciel, je vois Dieu ! ». Le moine, terrassé par sa terrestre passion, s'écrie : « Je t'aime, Thaïs !... Viens !... Viens !... ». Puis, s'apercevant que l'âme s'est envolée, s'écroule en disant avec une expression déchirante : « Morte ! Pitié ! »

Et l'on songe, malgré soi, à la fin du livre de France, qui se termine par cette phrase terrible : « Il était devenu si hideux que, passant la main sur son visage, il sentait sa laideur. »

Voici les artistes qui ont recréé au disque l'histoire de la belle et repentante Thaïs, car cette édition intégrale peut être considérée comme une sorte de création :  MM. Roger Bourdin, Jean Giraudeau, Michel Roux, Mme Geori-Boué, Mme Berthe Monmart, Mlle Odette Ricquier, Mme Yvonne Leroy.

L'orchestre du Théâtre National de l'Opéra de Paris est dirigé par le grand chef George Sebastian.

Mme Geori-Boué est la plus splendide, la plus attendrissante des Thaïs. On se souvient, peut-être, que c'est dans ce rôle qu'elle apparut la première fois, sur la scène de l'Opéra. Dans le disque que nous avons consacré à son récital (URLP 7070) nous avons longuement parlé de cette grande artiste. Le rôle difficile d'Athanaël est rempli par M. Roger Bourdin qui a su donner un extraordinaire relief à cette sombre figure. M. Jean Giraudeau est un parfait ténor dans le personnage de Nicias. Et tous les autres artistes ne méritent que l'éloge. Cet éloge, ces éloges, il faut les décerner aussi à l'orchestre de l'Opéra dont le rôle est important, spécialement à M. Henri Merckel, qui a exécuté le solo de violon dans la Méditation, et à son chef, George Sebastian, qui a conduit cette œuvre avec une maîtrise sans égale.

La version intégrale de Thaïs est publiée en 3 disques sous le n° URLP 227.

(pochette du disque Urania)