P. HÉMARDINQUER

 

LE PHONOGRAPHE ET SES MERVEILLEUX PROGRÈS

 

 

 

 

CHAPITRE VI

 

LA PRATIQUE DU PHONOGRAPHE

 

Généralités

Les différents modèles de phonographes

Les phonographes en coffrets

Les phonographes portatifs

Les phonographes meubles

Les phonographes automatiques

Comment choisir un phonographe

Comment obtenir une bonne audition

Comment augmenter les qualités acoustiques

 

 

 

Généralités.

 

Nous avons étudié, dans les chapitres précédents, les caractéristiques des différents organes du phonographe mécanique et décrit leur évolution, et nous venons, d'autre part, d'indiquer les principes de construction du phonographe électrique.

Nous voudrions maintenant donner quelques notions indispensables à l'usager pour le choix et l'utilisation d'un phonographe, et nous limiterons en général ces indications au cas du phonographe mécanique, afin de ne pas entrer dans des détails techniques trop nombreux, et qui risqueraient, d'ailleurs, de ne pas être compris par nos lecteurs, peu familiarisés avec ces questions.

 

 

Les différents modèles de phonographes.

 

On n'emploie presque plus de phonographes à cornet acoustique métallique extérieur, sauf s'il faut obtenir une audition de grande intensité, mais plus ou moins artistique, pour une salle de café, une salle de danse, etc. (fig. 115).

 

 

 

FIG. 115. — Phonographe à grand pavillon pour salle de danse, cafés, etc. (type Pathé).

 

 

Les phonographes mécaniques sont donc presque exclusivement adoptés aujourd'hui sous la forme portative, la forme coffret ou la forme meuble, et nous avons montré, d'ailleurs, que les phonographes électriques étaient presque toujours présentés sous forme de meubles.

 

 

Les phonographes en coffrets.

 

Ce sont des modèles qui donnent une audition d'intensité moyenne, et dont la forme est la plus classique (fig. 116). Ils sont généralement équipés avec des moteurs à double ressort, permettant de jouer les deux faces d'un disque de 30 centimètres, et ils comportent dès diaphragmes à membranes métalliques ou en mica.

 

 

          

 

FIG. 116. — Deux phonographe-coffrets.
A, Columbia ; B, Odéon.

 

 

Leurs chambres d'amplification ne peuvent évidemment avoir un très grand développement effectif, mais certains modèles comportent cependant des dispositifs à double pavillon stéréoscopique, suivant le principe indiqué précédemment.

Dans un modèle assez original, le diaphragme est relié par l'intermédiaire d'un bras acoustique, à deux corps articulés à deux tubes disposés de part et d'autre, et rigoureusement semblables. Ces deux tubes transmettent les sons émis par le diaphragme à deux cloches renversées au-dessus de sortes d'auges récupératrices.

Ces auges se trouvent logées dans la tablette supérieure d'une caisse de résonance, travaillant comme celle de la plupart des instruments de musique en bois et réalisée suivant les mêmes principes (fig. 117) .

 

 

 

FIG. 117. — Un phonographe-coffret original, le modèle "Orbiphone" à double réflexion des sons.
 

 

Les phonographes portatifs.

 

Les machines parlantes de ce type ont, depuis quelque temps, une très grande vogue, sans doute parce que les amateurs de phonographes éprouvent le besoin d'emporter partout avec eux leur instrument, même en voyage.

On peut cependant distinguer plusieurs genres de phonographes portatifs.

Les uns sont presque des jouets, ou sont réalisés sous une forme très originale, comme, par exemple, ce petit phonographe dont la mise en marche est déclenchée par un mouvement de réveil (fig. 118).

 

 

 

FIG. 118. — Un phonographe portatif très simple genre jouet en A, et un phonographe-réveil en B.

 

 

D'autres sont construits sous une forme très portative, de sorte qu'ils ne sont guère plus encombrants que des appareils photographiques. Ils sont spécialement désignés pour être emportés au cours d'une excursion et pour servir à exécuter de la musique de danse (fig. 119).

 

 

 

FIG. 119. — Phonographe portatif réalisé sous la forme d'une élégante mallette de voyage recouverte de cuir. Diaphragme perfectionne à aiguille ou à saphir (type Olotonal Pathé).

 

 

D'autres, enfin, ont l'apparence d'une valise de voyage ; ils sont munis de bras acoustiques et de diaphragme analogues à ceux des coffrets, et comportent simplement un moteur d'entraînement moins puissant et une chambre d'amplification plus réduite (fig. 120).

 

 

          

 

FIG. 120. — Deux modèles intéressants d'appareils portatifs.
A, Columbia ; B, Odéon.

 

 

Les phonographes-meubles.

 

Ce sont les appareils les plus coûteux et les plus encombrants, mais aussi ceux qui donnent les meilleurs résultats au point de vue musical ; ils sont munis de moteurs d'entraînement à plusieurs ressorts ou de moteurs électriques, d'un bras acoustique et d'un diaphragme scientifiquement établis, et surtout d'une chambre d'amplification à grand développement, suivant les principes déjà indiqués (fig. 121 et 122).

 

 

 

FIG. 121. — Le phonographe portatif Broadcast.

 

 

 

FIG. 122. — Appareils-meubles verticaux à grande puissance.

A, Columbia ; B, Odéon ; C, Gramophone.

 

 

De plus, un dispositif à volets orientables permet généralement de faire varier à volonté l'intensité d'audition, et des casiers à disques sont prévus souvent dans le meuble lui-même.

Ces meubles sont sans doute encombrants, mais ils peuvent faire partie, en quelque sorte, du mobilier, et il en existe qui ont l'apparence de bibliothèques, de commodes, etc. (fig. 123).

 

 

 

FIG. 123. — Ce phonographe-meuble a l'aspect, une fois refermé, d'une élégante bibliothèque moderne (type Pathé).

 

 

Les phonographes présentés en France ont généralement une forme allongée dans le sens vertical, mais il existe également des appareils assez bas, du type dit « console », dans lesquels les casiers à disques occupent presque la moitié de la partie inférieure du meuble (fig. 124).

 

 

 

FIG. 124. — Un phonographe type "Console" (Gramophone).

 

 

Les phonographes automatiques.

 

Les disques actuels permettent une audition dont la durée n'excède pas quatre minutes ; aussi, lorsqu'on veut écouter un concert assez long, faut-il souvent changer les disques, et cette opération facile peut paraître quelquefois un peu fastidieuse.

Il existe maintenant des phonographes extrêmement perfectionnés, donnant une reproduction aussi bonne qu'un appareil ordinaire, mais pourvus d'un système automatique permettant de jouer sans interruption une suite de disques, allant jusqu'à vingt, dans n'importe quel ordre et sans intervention de l'usager.

Le mécanisme est mu entièrement par un moteur électrique, et les disques sont généralement empilés d'un côté du plateau dans l'ordre dans lequel ils doivent être joués ; à droite du plateau porte-disques se trouve un compartiment caoutchouté qui reçoit les disques joués (fig. 125 et 126).

 

 

 

FIG. 125. — Phonographe automatique changeant ses disques lui-même, type Gramophone ; vu par-dessus et de face.

 

 

 

FIG. 126. — Les trois phases du fonctionnement du phonographe automatique.

I, La main mécanique soulève un disque et vient le placer sur le plateau, le diaphragme se soulevant de lui-même pour laisser la place ;

II, Le bras va retourner vers sa position de gauche, le diaphragme avance vers le disque et l'audition commence.

III, Une fois l'audition terminée, le diaphragme est soulevé et le disque jeté dans un compartiment garni de caoutchouc.

 

 

On met l'appareil en marche en appuyant sur un simple bouton et un « bras d'alimentation » en forme de T vient saisir le disque placé au sommet de la pile, comme le ferait une main véritable.

Le disque est ensuite transporté sur le plateau en marche par un mouvement de rotation du bras, et ce dernier reprend sa première position ; en même temps, le diaphragme s'avance au-dessus du disque et s'abaisse lentement jusqu'à ce que l'aiguille repose sur le début des sillons, et l'audition commence.

Une fois le disque terminé, le diaphragme se soulève de nouveau, le pivot central du plateau qui reste en rotation s'abaisse, et ne maintient plus le disque. Ce dernier, sous l'action de la force centrifuge, est projeté dans le compartiment caoutchouté, dans lequel il tombe sans heurt, et l'opération primitive recommence.

Nous avons décrit évidemment ce dispositif automatique à titre d'exemple, et il en existe sans doute d'autres analogues, de principes plus ou moins similaires.

Ces appareils merveilleux sont malheureusement d'un prix très élevé, et peu à la portée de la masse des amateurs, aussi sont-ils généralement employés dans une salle de danse ou de spectacle.

 

 

Comment choisir un phonographe ?

 

Nous venons d'indiquer les caractéristiques des différents modèles de phonographes, et l'amateur peut donc déterminer son choix, avant tout, suivant le but qu'il veut atteindre, en achetant un appareil.

Il existe sans doute des modèles portatifs permettant d'obtenir une audition vraiment musicale, mais, si l'on veut une reproduction d'assez grande intensité, il vaut mieux porter son choix sur un phonographe-meuble.

Il existe maintenant de nombreux constructeurs de phonographes, réalisant d'excellents appareils, et c'est à l'amateur lui-même de déterminer après audition, s'il y a lieu, le modèle qui lui convient le mieux, soit pour ses qualités musicales, soit pour ses qualités pratiques ou esthétiques.

Lorsqu'on veut juger des qualités musicales d'un phonographe, il ne suffit pas d'écouter un seul disque avec cet appareil, il faut en jouer plusieurs de genres différents produisant évidemment des sons de fréquences très différentes.

Sans doute vaudrait-il mieux employer des disques spéciaux pour essais sur lesquels sont enregistrés simplement des sons purs de différentes fréquences, mais, comme cela est généralement impossible, on jouera plusieurs disques courants, mais de genres très différents, par exemple une chant de basse, un solo d'orgue, un solo de piano, un disque d'orchestre, un chant de ténor, un chant de soprano.

Si l'audition a été satisfaisante lors de la reproduction de tous ces disques, on peut en conclure que le diaphragme et la chambre d'amplification sont satisfaisants.

 

 

Comment obtenir une bonne audition ?

 

Une fois le phonographe choisi, l'usager doit encore, pour obtenir une bonne audition, choisir convenablement le type d'aiguille à monter sur le diaphragme, régler soigneusement la vitesse du plateau porte-disques, et enfin disposer rationnellement le phonographe dans la pièce où a lieu l'audition.

L'intensité d'audition varie, en effet, suivant le diamètre et la longueur des aiguilles ; elle est d'autant plus grande que leur diamètre est plus grand et que leur longueur est plus petite ; elle dépend aussi de la forme de la pointe et de leur nature.

Les aiguilles courantes sont en acier de forme cylindro-conique très effilée, et doivent être changées après chaque audition (A, fig. 127) ; les aiguilles de la même forme, en « acier doré », peuvent fournir plusieurs auditions sans être changées, mais ont l'inconvénient d'user plus vite les disques.

 

 

 

FIG. 127. — Quelques modèles d'aiguilles phonographiques.

A, cylindro-conique ordinaire en acier ; B, en fer de lance ; C, prismatique en fibre de bambou ; D et E, à pointes en alliage de tungstène dites « Tungstyles » ; F, à collerette pour auditions intenses.

 

 

Les aiguilles « fer de lance », également en acier, doivent être changées après chaque audition, mais peuvent fournir une audition d'intensité variable suivant l'orientation du plat de la lame par rapport au sillon (B, fig. 127).

Les aiguilles en fibre de bambou, prismatiques et de section triangulaire, donnent des auditions régulières et pures, mais sont surtout destinées à la reproduction des disques d'orgue et de violon (C, fig. 127).

Enfin, les aiguilles à pointe très fine cylindrique en alliage de tungstène permettent d'obtenir une soixantaine de reproductions au maximum sans changement, et donnent, dans certains cas spéciaux, des auditions de qualité suffisante, à condition que le sillon soit de largeur correspondante à leur diamètre ; des aiguilles très courtes en acier à collerettes sont employées, enfin, pour des reproductions intenses de musique de danse surtout avec des appareils portatifs (DE et F, fig. 127).

Nous avons déjà noté la nécessité absolue de régler avec précision la vitesse de rotation du disque, et combien de fois peut-on constater que les déformations nuisibles proviennent, en réalité, d'une vitesse de rotation trop grande ou trop petite !... Il importe essentiellement de régler la vitesse de rotation exactement à soixante-dix-huit ou quatre-vingts tours par minute, suivant l'indication portée généralement par l'étiquette même du disque.

Il est prudent, par contre, de ne pas accorder une confiance excessive à l’exactitude des indications gravées sur le cadran du régulateur de vitesse de l'appareil, et il vaut mieux contrôler la vitesse à l'aide d'une montre, ou à l'aide d'un indicateur de vitesse automatique, basé sur l'effet de la force centrifuge, et qu'on peut se procurer maintenant dans le commerce.

Enfin, si la disposition des phonographes-meubles dans la pièce où a lieu l'audition n'a pas une importance essentielle, il faut, au contraire, autant que possible, déterminer convenablement la position d'un appareil portatif ou d'un coffret.

Ce dernier sera, de préférence, placé à environ un mètre au-dessus du plancher, et il est recommandé de ne pas le placer devant une glace ou un mur poli, qui produirait des réflexions sonores nuisibles si l'intensité de l'audition augmente.

On peut, parfois, en plaçant l'appareil dans un angle de la pièce, obtenir une légère augmentation de l'intensité de l'audition, mais il est plus sûr de le disposer aux deux tiers de la pièce pour éviter les réflexions sonores trop complexes.

 

 

Comment augmenter les qualités acoustiques d'un phonographe.

 

Un phonographe n'est pas, en réalité, un appareil très complexe au point de vue mécanique, et nous avons vu que la qualité de la reproduction dépendait avant tout du diaphragme, du bras acoustique et du cornet diffuseur de sons.

Il est donc relativement facile, lorsqu'on possède un phonographe d'ancien modèle, d'augmenter ses qualités acoustiques en changeant son diaphragme et même, lorsque le coffret ou le meuble est de dimensions suffisantes, en remplaçant son cornet rudimentaire par un pavillon de conception plus moderne (fig. 128).

 

 

 

FIG. 128. — Pavillon de conception moderne de 1 m. 20 de développement effectif pouvant être placé dans un phonographe ancien modèle (type Thorens).

 

 

Il va sans dire, pourtant, que cette modification ne doit être effectuée que sur un appareil de marque et en bon état, comportant encore un excellent moteur d'entraînement.

 

 

 

 

 

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