P. HÉMARDINQUER
LE PHONOGRAPHE ET SES MERVEILLEUX PROGRÈS
CHAPITRE VII
LES APPLICATIONS DU PHONOGRAPHE ET LE CINÉMATOGRAPHE SONORE
Généralités
Machine à dicter
Appareil à enregistrer les communications téléphoniques
Généralités sur le cinématographe sonore
Cinématographe et phonographe
Les premiers appareils de projections lumineuses et sonores
Les chronophones
Une nouvelle phase des travaux de M. Gaumont
La photographie des sons
Le procédé G. P. P.
Les caractères généraux des appareils étrangers
Les appareils à disques
L'appareil Vitaphone
Caractères généraux des films sonores étrangers
Le film sonore américain Movietone
Les autres films sonores étrangers actuels
Quelques remarques sur l'enregistrement et la reproduction des films sonores
L'avenir du film sonore
Généralités.
Les applications du phonographe sont de plus en plus nombreuses et s'étendent à toutes les manifestations intellectuelles, artistiques ou musicales de la vie courante.
L'audition des disques constitue sans doute, avant tout, une agréable distraction, mais aussi un enseignement de la musique qui peut être efficace et rationnel.
En dehors des disques courants de poésie, de chant ou de musique, il existe des séries entières destinées à l'enseignement, par exemple à l'enseignement des langues vivantes et même de la culture physique.
Nous ne pouvons, dans ce livre consacré avant tout à l'étude du phonographe, nous étendre sur ce sujet pourtant intéressant, et nous nous contenterons d'indiquer quelques applications peu connues des machines parlantes, et surtout de montrer sommairement comment les progrès du phonographe ont permis la réalisation des appareils actuels de cinématographie sonore.
Les machines à dicter.
Edison avait songé dès le début de son invention à utiliser le phonographe pour l'enregistrement de la correspondance destinée à être dactylographiée. Les machines actuelles phonographiques à dicter sont, en réalité, de simples phonographes enregistreurs et reproducteurs à rouleaux, mais elles ont été notablement perfectionnées (fig. 129).
FIG. 129. — Machine phonographique à dicter "Ediphone".
Les cylindres de cire sont entoilés et peuvent être rabotés par une machine spéciale automatique ; les casiers placés dans le bâti de la machine supportent neuf de ces cylindres prêts à être répétés.
Les systèmes d'entraînement, d'arrêt et de mise en route sont évidemment électriques, et la machine reproductrice est munie d'un dispositif à répétition également électrique.
Appareils à enregistrer les communications téléphoniques.
L'enregistrement des communications téléphoniques peut être fort utile, d'une part pour noter exactement une communication pendant l'absence du correspondant intéressé, d'autre part pour conserver une preuve indéniable de la conversation échangée.
On peut, d'ailleurs, remarquer qu'une telle opération peut présenter dans certains cas de graves inconvénients si elle était effectuée dans un but malfaisant, et son application peut soulever de délicats problèmes de droit.
Cependant, les avantages l'emportent beaucoup sur les inconvénients, et l'autorisation récemment délivrée par les P. T. T. d'adapter un appareil d'enregistrement à tout poste d'abonné du réseau français montre bien son utilité.
Un système analogue peut aussi être employé pour des usages particuliers, dans des compagnies de chemin de fer, sur des navires, etc., et il permettra de contrôler d'une façon irréfutable les ordres transmis par téléphone.
Il ne faudrait pas croire, d'ailleurs, que l'on puisse enregistrer les communications téléphoniques d'une façon suffisamment nette, simplement en reliant un récepteur téléphonique au diaphragme d'un phonographe (fig. 130). Les vibrations acoustiques transmises au diaphragme ne seraient pas, en effet, assez intenses.
FIG. 130. — L'enregistrement obtenu directement en reliant un récepteur téléphonique T au diaphragme enregistreur D d'un phonographe P est généralement insuffisant.
Pour arriver à obtenir un résultat satisfaisant, on utilise le principe d'enregistrement électrique.
Les courants téléphoniques provenant de l'appareil de réseau sont transmis à un petit amplificateur basse fréquence M, comportant simplement un étage à transformateur muni d'une lampe à deux grilles à faible tension plaque. Après amplification, les courants basse fréquence actionnent un enregistreur électro-magnétique F, formé, en principe, par un électro-aimant avec armature vibrante, reliée à une pointe mobile supportant un saphir d'enregistrement G, qui vient tracer un sillon sur un rouleau en cire I (fig. 131) ; l'enregistreur est évidemment entraîné latéralement par le mécanisme moteur qui fait tourner le rouleau à enregistrer.
FIG. 131. — Principe de l'enregistreur téléphonique dit « Télégraphone ».
(Ne pas confondre avec l'appareil Poulsen-Stille portant le même nom.)
Bien que de principe relativement simple, comme nous venons de l’expliquer, cet appareil d’enregistrement appelé Télégraphone, employé à l'étranger depuis quelques années, n'a été que très récemment mis au point, et il est seulement utilisé et admis officiellement en France depuis peu de mois. L'installation complète comprend, d'ailleurs, plusieurs parties (fig. 132) : l'enregistreur-reproducteur, une boîte de jonction, un microphone, un casque téléphonique et un bloc d'alimentation.
FIG. 132. — Vue d 'ensemble du Télégraphone.
A, Enregistreur et reproducteur électro-magnétique ; B, glissières d'entraînement ; C, rouleau de cire à enregistrer ; D, mécanisme d'entraînement ; E, levier de commande du mécanisme enregistreur et reproducteur ; F, tableau de repère des enregistrements.
L'enregistreur comporte, dans son socle, le petit amplificateur basse fréquence à lampe bigrille indiqué plus haut, avec accumulateur de chauffage du filament et petite pile de tension plaque de 20 volts. Un petit moteur électrique « universel », alimenté par le courant d'un secteur, fait avancer, au moyen d'une vis sans fin, le chariot portant le système enregistreur et fait, en même temps, tourner le cylindre à enregistrer ou à reproduire.
Pour la reproduction, on emploie un simple diaphragme mécanique relié au casque à deux écouteurs ; une aiguille-repère est fixée au chariot enregistreur et reproducteur ; elle permet de repérer exactement et rapidement, à l'aide d'indications inscrites sur une feuille de carton correspondante, les communications ou parties de communications enregistrées sur le rouleau.
La boîte de jonction permet de relier immédiatement l'appareil reproducteur, soit au microphone, pour la dictée à distance, soit au réseau téléphonique, et, dans ce cas, le système est simplement connecté à la place du deuxième écouteur téléphonique de l'appareil de réseau, et ne gêne en rien l'usage habituel du téléphone (fig. 133).
FIG. 133. — Schéma de montage du Télégraphone.
Un dispositif à relais commandant à la fois la mise en circuit du moteur d'entraînement et de l'enregistreur téléphonique, ainsi que l'allumage de la lampe bigrille, permet d'enregistrer automatiquement toute communication téléphonique en l'absence de l'abonné, et l'on peut, d'autre part, faire entendre téléphoniquement à distance la communication enregistrée, soit d'une manière acoustique, en reliant le reproducteur au microphone téléphonique, soit par un moyen électrique en utilisant un reproducteur électro-magnétique comme le microphone téléphonique lui-même. Si l'appareil doit enregistrer de longues conversations, des discours, des conférences, etc..., il sera remplacé par un modèle spécial pourvu de deux cylindres à enregistrer, montés de telle sorte que l'inscription commence sur le deuxième quelques secondes avant de s'arrêter sur le premier ; de même, elle pourra recommencer sur le premier quelques secondes avant la fin du deuxième cylindre. Dans l'intervalle, on aura pu remplacer le premier cylindre enregistreur par un cylindre neuf, et ainsi de suite.
Notons enfin qu'une machine spéciale très simple permet de raboter très simplement les cylindres enregistrés et de les rendre aptes à un grand nombre d'enregistrements successifs.
Généralités sur le cinématographe sonore.
Rendre la parole à ces éternels muets que sont les acteurs du cinématographe, compléter l'illusion produite par les vues animés et adjoignant aux projections lumineuses la reproduction intégrale des bruits divers de la réalité, est un problème qui a attiré l'attention des techniciens français depuis près de trente ans.
Ce problème consiste, en réalité, dans l'enregistrement et la reproduction des sons synchronisés avec l'enregistrement et la reproduction des images animées ; il est donc essentiellement phonographique et l'on conçoit qu'il ait fallu attendre les perfectionnements actuels des méthodes phonographiques pour trouver des solutions pratiques satisfaisantes de la cinématographie sonore.
On peut donc constater que la cinématographie sonore constitue une des applications essentielles les plus vastes et les plus intéressantes des procédés phonographiques modernes, et c'est à ce titre qu'il convient de l'étudier sommairement ici.
Cinématographe et phonographe.
On peut constater que toute l'histoire du film sonore en France se résume à peu près dans le récit des travaux de M. Léon Gaumont et de ses collaborateurs, de même que la réalisation pratique du cinématographe est due aux efforts et aux recherches des frères Lumière, auxquels revient la gloire d'avoir créé l'industrie cinématographique.
Dès l'apparition du cinématographe, qui succédait à celle du phonographe, c'est-à-dire à partir de 1895, le rapprochement de ces deux inventions devait tout naturellement faire naître l'idée de les combiner entre elles.
Mais cette idée, en apparence simple, se heurtait à des difficultés nombreuses qui peuvent être classées de la façon suivante :
1° Imperfection, à l'époque, des appareils de projection animée et des machines parlantes ;
2° Difficultés de l'enregistrement simultané des sons et des vues cinématographiques, l'appareil phonographique devant être placé évidemment hors du champ de l'objectif ;
3° Nécessité d'établir à la reproduction un synchronisme absolu du cinématographe et du phonographe ;
4° Reproduction des sons avec une intensité suffisante pour que l'audition soit satisfaisante dans une salle de spectacle.
Malgré ces difficultés, M. Léon Gaumont commençait ses essais dès 1900, date à laquelle un phonographe et un cinématographe reliés mécaniquement étaient déjà présentés par lui à l'Exposition Universelle.
Le 7 novembre 1902, un « portrait parlant », réalisé par lui, fut admiré à une séance de la Société française de Photographie et permit de démontrer pratiquement qu'un synchronisme de marche excellent entre le cinématographe et le phonographe pouvait être obtenu.
Ces premiers résultats encourageants incitèrent M. Gaumont à continuer ses travaux, qui furent poursuivis presque sans interruption avec l'aide de ses dévoués collaborateurs et amenèrent des perfectionnements continus et importants du procédé primitif.
Au Congrès international de la Photographie en 1910, une présentation nouvelle marquait de très sensibles progrès et la consécration officielle du procédé était en quelque sorte prononcée devant l'Académie des Sciences au cours de la séance du 27 décembre 1910, par l'image « photographique et parlante », projetée avec une sûreté si réussie, de M. le professeur d'Arsonval.
Ce dernier assistait d'ailleurs à la séance et pouvait, de son fauteuil, « se voir et s'entendre » sur l'écran.
Pendant que les recherches techniques se poursuivaient, une exploitation pratique du procédé était depuis longtemps commencée. Dès 1902, M. Gaumont avait pu donner non seulement à Paris, mais dans la plupart des villes de France et dans le monde entier, toute une série de « phono-scènes » qui plurent fort au public et, dès la fin de 1909, les « films parlants » firent régulièrement partie du programme du Gaumont-Palace, tandis que des Chronophones étaient régulièrement construits et employés avec succès dans de nombreuses salles.
Mais l'inventeur était plus sévère pour son œuvre que le public, et il comprit que ces réalisations ne constituaient qu'une étape vers le but définitif. Bientôt d'ailleurs, comme nous l'avons indiqué plus haut, l'apparition des procédés radiotechniques devait lui permettre de s'engager dans une voie nouvelle.
Mais, avant de décrire cette deuxième phase de son œuvre, nous allons indiquer sommairement comment les premiers résultats avaient pu être obtenus.
Les premiers appareils de projection lumineuse et sonore.
Nous avons montré qu'avec les premiers phonographes d'inscription des sons sur le rouleau, ou plutôt sur le disque (employé depuis longtemps), se faisait simplement au moyen d'un diaphragme vibrant muni d'une pointe enregistreuse.
Comme on ne pouvait songer, nous l'avons noté déjà, à cinématographier simplement l'artiste parlant ou chantant devant le pavillon du phonographe, M. Gaumont avait imaginé la méthode du double enregistrement.
On enregistrait d'abord le disque en plaçant le chanteur ou l'orateur aussi près du pavillon qu'il était nécessaire ; ensuite, le disque obtenu était placé dans un appareil reproducteur et l'on cinématographiait le chanteur ou l'orateur, qui devait mettre ses gestes en concordance avec le chant ou les paroles qu'il entendait et qui avaient été enregistrées précédemment.
Cette méthode ingénieuse était évidemment fort délicate à appliquer, et les « phono-scènes », dans ces conditions, ne comportaient guère que du chant, le rythme aidant alors l'acteur qui jouait devant le cinématographe.
Malgré ces difficultés, l'exécution de certains de ces premiers films sonores fut si réussie, que beaucoup de spectateurs les considéraient alors comme le produit d'un enregistrement simultané de l'image et du chant.
Mais, dès 1910, M. Léon Gaumont eut le premier l'idée, toute nouvelle pour l'époque, de tenter l'enregistrement des disques par un procédé électromagnétique et non par un procédé mécanique.
Ce résultat était obtenu par l'emploi d'un microphone sensible en relation avec un récepteur téléphonique inscripteur qui gravait le disque du phonographe.
La gravure était assez faible, parce qu'on ne connaissait pas encore les procédés d'amplification des courants musicaux, qui ne devaient être employés qu'à partir de 1918, mais les résultats furent cependant très améliorés, et l'on put ainsi obtenir des phonoscènes réussies d'orateurs, par exemple celle dans laquelle le professeur d'Arsonval était « filmé » et qui fut présentée à l'Académie des Sciences, comme nous l'avons indiqué.
Il ne devenait plus nécessaire alors de placer les acteurs très près du phonographe, puisque le microphone enregistreur pouvait être éloigné de ce dernier, et il devenait ainsi possible, théoriquement, d'enregistrer des pièces de théâtre en cinématographiant les acteurs en même temps qu'on enregistrait leurs paroles (fig. 134).
FIG. 134. — Disposition schématique du premier système d'enregistrement simultané des images et de la parole employé en 1910.
Mais, si l'enregistrement des sons accompagnant les vues animées était difficile à cette époque, leur reproduction ne l'était pas moins.
L'inscription phonographique était faible, comme nous l'avons noté et, de plus, souvent défectueuse, altérée par les vibrations propres des pièces en mouvement ayant servi à l'enregistrement.
On se contentait pourtant, au début, d'utiliser des phonographes ordinaires.
Plus tard, M. Gaumont eut l'idée d'employer pour la reproduction un système d'amplification utilisant l'air comprimé et dû à M. Laudet (1).
(1) Un appareil du même genre, dit Auxétophone Pearsons, avait d'ailleurs été déjà construit en 1908 par la Victor T. M. C. (Gramophone).
Le stylet du reproducteur n'agissait plus directement sur la membrane vibrante du diaphragme, mais commandait une sorte de soupape obturant un orifice par où arrivait de l'air comprimé.
L'air s'échappait ainsi en suivant les vibrations de la soupape, et la quantité d'air dépendait de l'intensité de la vibration ; en passant par un pavillon, cette masse d'air qui s'échappait par pulsations produisait des sons, et il suffisait théoriquement d'augmenter la pression de l'air pour augmenter l'intensité des sons émis.
Les premiers dispositifs de synchronisme. — Les Chronophones.
Ces détails montrent bien toute l'ingéniosité déployée par les chercheurs pour surmonter les difficultés rencontrées à ce moment, les dispositifs employés pour obtenir un synchronisme rigoureux n'étaient pas moins intéressants, et l'étude de cette partie du dispositif des premiers appareils de films sonores Gaumont, dits Chronophones, présente, outre un intérêt rétrospectif certain, un intérêt d'actualité non moins certain, car il est possible que des appareils d'amateurs du même genre, perfectionnés évidemment grâce aux récents progrès de la phonographie et du cinématographe, soient mis à la disposition du public, des écoles, des administrations, etc., etc., dans un délai plus ou moins rapproché.
Dans un premier modèle de Chronophone très simplifié pour amateur ou petit exploitant, l'entraînement du cinématographe se faisait à la main, et le phonographe était actionné par un ressort (fig. 135).
FIG. 135. — Un des premiers modèles de cinématographes sonores pour amateurs (type Chronophone Gaumont).
Le régulateur de synchronisme se composait alors d'une aiguille indicatrice montée sur une roue satellite d'un train différentiel actionné, d'un côté par un courant de 110 volts continu ou alternatif, soit par une pile ou batterie d'accumulateurs, de l'autre côté par une transmission flexible faisant corps avec un des mobiles du cinématographe.
Lorsque la vitesse de la dynamo et celle du cinématographe étaient identiques, la roue satellite roulait sur place et l'aiguille restait fixe ; dans le cas contraire, cette aiguille se déplaçait, à droite ou à gauche, suivant la prépondérance de vitesse soit de la dynamo, soit du cinématographe.
Il suffisait donc au cinématographiste, pour maintenir le synchronisme, de tourner la manivelle de son appareil de façon à maintenir ou à faire revenir l'aiguille devant le repère fixe ; le phonographe demeurait, d'ailleurs, généralement placé près du cinématographe.
Dans les modèles normaux de chronophones pour projection dans une salle de spectacle, établis vers 1910, le phonographe et le cinématographe étaient commandés chacun par des dynamos synchrones établies pour le courant continu 110 volts (fig. 136).
FIG. 136. — Un chronophone Gaumont pour salle de spectacle établi en 1910.
Les induits de ces moteurs étaient subdivisés en un même nombre de sections, et les sections de l'un des induits étaient reliées chacune à une section de l'autre induit et dans le même ordre. Il en résultait que le premier des induits ne pouvait tourner d'une certaine quantité sans que l'autre ne fit animé d'un même déplacement angulaire.
L'appareil de prise de vues et le phonographe enregistreur étaient reliés synchroniquement l'un à l'autre, de manière analogue, et les relations de vitesse entre les moteurs et les appareils cinématographique et phonographique étaient choisies telles que le déroulement de la bande avait, par rapport au disque, la même vitesse que pendant l'enregistrement du son, ce qui réalisait rigoureusement le synchronisme.
Le départ du cinématographe se faisait, d'ailleurs, électriquement par un contact placé sur le disque du phonographe, la bande cinématographique ayant été préalablement disposée de façon qu'une image servant de point de départ soit devant la fenêtre du cinématographe.
Un rhéostat spécial, placé dans le circuit des moteurs, permettait d'agir simultanément sur leur vitesse à tous deux, ce qui était indispensable pour retrouver rigoureusement celle qui correspondait à la vitesse d'enregistrement et, par conséquent, pour éviter une déformation des sons.
Enfin, si, par suite d'un accident quelconque, il se produisait une discordance entre les sons et les images, il était possible de ramener immédiatement la concordance en mettant en marche un petit moteur spécial actionnant un train différentiel placé sur l'arbre reliant le cinématographe au moteur qui le commandait.
Suivant le sens de rotation de ce moteur auxiliaire, on pouvait ainsi retarder ou avancer le mouvement du cinématographe sur celui du phonographe, la marche de ce dernier demeurant évidemment constante pour éviter toute déformation de la tonalité des sons.
On pourrait remarquer, à ce propos, que, théoriquement, les mouvements des appareils de projection sonore et lumineuse devraient être décalés pour tenir compte des différences des vitesses de propagation entre la lumière et le son ; mais, en pratique, ce décalage passe inaperçu pour le spectateur, de même qu'il passe inaperçu dans la vie réelle.
Les « chronophones » furent d'ailleurs, par la suite, munis de phonographes à deux plateaux commandés automatiquement pour assurer une marche continue et permettre théoriquement, par exemple, la reproduction de pièces de théâtre complètes.
Une nouvelle phase des travaux de M. Gaumont.
L'avènement des procédés radiotechniques d'amplification microphonique devait permettre un enregistrement électrique meilleur et plus facile des disques et une reproduction des sons d'une fidélité et d'une intensité encore inconnues.
Malgré les facilités toutes nouvelles des recherches, dans ces conditions complètement transformées qui faisaient disparaître une partie des difficultés signalées plus haut, M. Gaumont prit le parti, à cette époque, d'utiliser un procédé tout nouveau faisant appel à la lumière et à l'électricité pour l'enregistrement et la reproduction.
Deux ingénieurs danois, MM. Petersen et Poulsen, qui étudiaient déjà depuis quelque temps la question du film sonore, mais en employant uniquement le film, lui offrirent à ce moment leur collaboration, et ainsi fut fondée la « Société française des Films parlants » qui a réussi à mettre au point le procédé G. P. P. (Gaumont, Petersen, Poulsen), procédé utilisé pour la projection pratique et régulière dans de grandes salles de Paris et de l'étranger.
Comme nous allons le voir, le disque n'est plus utilisé dans ce nouveau procédé, qui emploie uniquement les films.
Nous avons noté au début de ce livre que l'enregistrement et la reproduction des sons pouvaient s'effectuer par des procédés assez divers différents du système phonographique ordinaire à disques ou rouleaux ; le principe d'enregistrement et de reproduction dans ce qu'on pouvait appeler le « phonographe à films » n'est plus mécanique ou électromécanique, mais uniquement photographique.
M. Gaumont a d'ailleurs continué aussi l'étude des cinématographes sonores à disques, et des modèles simples à reproduction électrique sont maintenant fabriqués en série en France.
Sans doute l'enregistrement d'un disque-type et ensuite sa reproduction ne sont pas des opérations faciles ; elles nécessitent, au contraire, l'emploi d'un matériel très coûteux, comme nous l'avons vu, exigeant une longue mise au point, et qui doit être manœuvré par des spécialistes avertis. Seuls, donc, à l'heure actuelle, les grandes maisons phonographiques peuvent réaliser des disques satisfaisants.
De plus, le disque, sous sa forme actuelle, est fragile et ne peut servir plus d'une vingtaine de fois dans les conditions du problème de la cinématographie sonore, c'est-à-dire lorsqu'on veut une très grande intensité d'audition, ce qui exige également une amplification intense.
Il était donc naturel que les éditeurs de films cinématographiques préfèrent remplacer le disque par le film, ce qui leur permettait de réaliser toutes les phases de la fabrication par des procédés uniquement photographiques.
Cependant, pour des usages, particuliers, pour des petites salles, pour la projection d'amateurs, le disque conserve des avantages indéniables, et nous venons d'indiquer qu'on peut maintenant trouver en France des appareils à reproduction sonore électrique relativement simples, destinés à être accouplés à des projecteurs cinématographiques.
Nous donnerons d'ailleurs plus loin quelques notions sur les appareils étrangers analogues.
La photographie des sons.
Dans le procédé à films G. P. P., l'appareil cinématographique destiné à l'enregistrement des images n'est pas modifié, mais on emploie un deuxième film enroulé sur le même arbre sur lequel s'enregistrent les ondes sonores avec un synchronisme naturellement parfait.
Pour obtenir ce résultat, on fait agir les sons sur un microphone sensible relié à un amplificateur de T. S. F. Les courants basse fréquence provenant de cet amplificateur actionnent, non pas un enregistreur électro-magnétique à disques, comme dans le procédé précédent, mais un galvanomètre très sensible portant un miroir minuscule on oscillographe de Blondel (fig. 137).
FIG. 137. — Disposition schématique de l'enregistreur de sons dans le procédé G. P. P.
Le miroir du galvanomètre est alors animé de vibrations correspondant aux oscillations reçues par la membrane du microphone. Si l'on fait agir sur lui des rayons d'une source lumineuse, on peut diriger la lumière, réfléchie, à travers une fente de quelques centièmes de millimètre de largeur, sur un filin sensible qui se déroule constamment et, sur ce film, s'inscrivent alors, après développement, des séries de lignes plus ou moins rapprochées et d'amplitude plus ou moins grande (fig. 138 et 139).
FIG. 138. — Disposition générale des appareils enregistreurs dans le procédé G. P. P.
FIG. 139. — Fragment d'un film sonore G. P. P. L'image a une surface variable, mais une opacité constante.
On a ainsi réussi à cinématographier les sons sur le film et la longueur des dentelures sur le film correspond à l'intensité des sons (fig. 139). On peut ainsi enregistrer les fréquences les plus basses et les plus élevées, jusqu'à 8000 périodes par seconde au minimum, tant le système du galvanomètre présente peu d'inertie.
Le procédé G. P. P.
Le film sonore ainsi obtenu, et qui présente les mêmes caractéristiques comme dimensions et perforations que le film cinématographique normal, permet inversement une très facile transformation de la lumière en sons à l'aide du procédé suivant.
On tire d'abord un positif de la bande enregistrée, et l'on remarquera, à ce propos, que l'emploi d'un film sonore séparé du film cinématographique ordinaire permet de conduire au mieux toutes les opérations photographiques.
Sur cette bande positive, on fait agir la lumière en sens inverse (fig. 140). La lumière, après avoir traversé la bande, traverse un diaphragme qui répartit convenablement le faisceau lumineux et va impressionner une cellule de sélénium ou photo-émettrice reliée à un amplificateur de puissance actionnant un haut-parleur.
FIG. 140. — Disposition schématique du système de reproduction G. P. P.
La résistance de la cellule varie suivant son éclairement, les vibrations enregistrées sur la bande se traduisent donc finalement par des sons émis par le haut-parleur et correspondant exactement aux sons enregistrés précédemment sur cette bande ; la transformation son-lumière est donc suivie de la transformation inverse lumière-son.
On a souvent reproché son inertie à la cellule au sélénium, mais on a reconnu qu'elle suffisait souvent dans le cas actuel parce que l'emploi de courants très faibles permettait d'atténuer cette inertie en très grande partie.
L'ensemble reproducteur (fig. 141 et 142) comporte donc deux appareils distincts. L'un est du modèle, ordinaire cinématographique, et il est placé comme à l'habitude, face à l'écran.
FIG. 141. — Dispositif complet pour projection de film sonore suivant le procédé G. P. P.
FIG. 142. — Vue d'ensemble d'un appareil de projection accouplé avec un appareil de reproduction sonore G. P. P. (ancien modèle).
Cependant, dans d'autres modèles récents, le système reproducteur de sons est placé sur le même bâti et en dessous simplement du système optique de projection.
Ce premier appareil est relié, d'une façon rigide, par un système à la cardan, avec l'appareil pour la transmission des sons.
L'amplificateur basse fréquence est relié par fils plus ou moins longs à de puissants haut-parleurs, mais la position de ces haut-parleurs varie évidemment suivant la disposition de la salle ; ils sont, le plus souvent, placés derrière l'écran de projection.
L'emploi d'un film sonore séparé du film d'images constitue évidemment la meilleure solution au point de vue théorique, mais, par contre, elle augmente énormément le prix de revient des films ; aussi M. Gaumont a-t-il récemment modifié son procédé et adopté le dispositif comportant l'emploi d'une bande acoustique plus étroite placée sur le même film sensible et accolée à la bande des images.
Enfin, un système bien préférable au point de vue théorique, et qui n'augmenterait pas le prix de revient de la bande, est également à l'étude ; il consisterait à juxtaposer la bande des images et la bande acoustique, mais en ayant des images phonographiques qui ne seraient pas sensibles aux mêmes rayons lumineux que les images cinématographiques ordinaires.
Les caractères généraux des appareils étrangers.
C'est donc en France que furent obtenus pratiquement les premières projections cinématographiques accompagnées de reproduction sonores synchrones ; mais, depuis quelques années, les techniciens étrangers, presque exclusivement des Américains et quelques Allemands, disposant généralement de moyens industriels et financiers d'une abondance toute américaine, ont multiplié leurs efforts pour résoudre également le problème en employant les procédés les plus modernes.
Les résultats obtenus sont des plus intéressants, si l'on en juge par le développement immense de l'industrie du film sonore dans le monde entier, et les plus originaux parmi ces dispositifs étrangers méritent d'être signalés sommairement ici.
L'enregistrement et la reproduction sonore par disques de phonographe, modifiés et perfectionnés grâce aux procédés électriques, sont employés à l'étranger dans les grandes salles de projection plus souvent qu'en France, semble-t-il, et les appareils étrangers de cinématographie sonore peuvent donc être classés en trois catégories principales.
1° Les appareils à disques ;
2° Les appareils à films à photographie des sons ;
3° Les appareils mixtes à disque et à films.
Les appareils à disques.
Pour l'enregistrement des disques synchronisé avec l'enregistrement des images, on emploie évidemment le procédé électrique, décrit plusieurs fois dans ce livre ; le microphone peut donc être placé hors du champ de l'objectif cinématographique, et l'enregistrement est effectué avec une intensité et une fidélité remarquables (fig. 143).
FIG. 143. — Disposition schématique d'un appareil enregistreur de cinématographie sonore à disques.
De même, pour la reproduction, on emploie en réalité un phonographe électrique à grande puissance, qui actionne finalement des haut-parleurs du type électro-dynamique disposés derrière l'écran lumineux (fig. 144).
FIG. 144. — Appareil reproducteur de cinématographie sonore à disques.
Lorsque tous les éléments d'un système sont bien étudiés et réalisés avec les plus grands soins dans les moindres détails, l'expérience montre que les résultats sont bons, tant au point de vue de l'intensité et de la pureté de l'audition, qu'au point de vue du synchronisme entre les images et les sons, mais il est évident que la construction mécanique d'un appareil à disques est, en réalité, beaucoup plus difficile que celle d'un appareil à films.
Une solution mixte, et qui paraît très bonne a priori, consiste à établir des appareils pouvant servir à volonté à la reproduction sonore par film ou par disques suivant la nature du film projeté, et c'est cette solution qui a été adoptée aux Etats-Unis par la Western Electric Company, en Allemagne par la Société Tobis ; en France, récemment, par la Société Gaumont, etc.
On peut sans doute, d'antre part, utiliser également des appareils à disques sans synchronisme automatique, et adopter simplement des puissants phonographes électriques pour exécuter des morceaux d'orchestre ou des « bruits » accompagnant la projection cinématographique.
Dans ce cas, on emploie souvent des disques du commerce ; on peut déjà trouver des séries de disques complètes spécialement enregistrées pour cet usage, et les morceaux d'orchestre à exécuter sont le plus souvent très classiques.
On utilise généralement un phonographe à double plateau, et à deux « pick-up », placé dans un endroit quelconque de la salle de projection, de façon qu'un opérateur puisse observer la projection lumineuse et changer en conséquence le disque à reproduire.
Des câbles bien isolés relient l'amplificateur phonographique à des haut-parleurs disposés derrière l'écran.
L'appareil Vitaphone à reproduction sonore par disques et synchronisme automatique.
Il existe plusieurs centaines de brevets étrangers relatifs au film sonore, et le plus grand nombre de ces brevets appartient à la puissante société américaine Western Electric. D'ailleurs, dans presque tous les pays, il s'est formé des syndicats d'exploitation des films sonores, afin d'utiliser au mieux les procédés le meilleurs pour les rassembler en un ensemble unique possédant l’essentiel des qualités des divers dispositifs.
Cette organisation permet d'obtenir d'excellents appareils et de supprimer une concurrence inutile et nuisible, elle permet d'abaisser les prix de revient des installations, et rend plus facile la tâche des opérateurs spécialistes de l'enregistrement et de la reproduction des films sonores, en réduisant au minimum la diversité des types des appareils employés.
Nous ne décrirons donc ici qu'un nombre très restreint d 'appareils de cinématographie sonore utilisés à l'étranger, et, parmi ceux-ci, le type Vitaphone de la Western Electric constitue le prototype des appareils à reproduction par disques.
Cet appareil qui est, d'ailleurs, généralement mixte, c'est-à-dire comporte également un dispositif de reproduction sonore par film du type Movietone, procédé que nous étudierons plus loin, est double, c'est-à-dire que la cabine de projection sonore et lumineuse comprend deux appareils de projection cinématographique, chaque appareil de projection étant accouplé avec un phonographe spécial muni d'un « pick-up » électro-magnétique (fig. 145 et 146).
FIG. 145. — Appareil Vitaphone-Movietone à reproduction sonore mixte par disques et par films.
On voit en bas, à droite, le plateau porte-disques entraîné par le moteur électrique qui commande tout l'appareil. Les transmissions sont munies d 'amortisseurs élastiques.
FIG. 146. — Disposition schématique de la cabine de projection de l'appareil Vitaphone-Movietone.
On peut donc passer sans interruption d'un groupe de projection à l'autre, et du système de reproduction sonore par disque au système à films sans aucune interruption.
Les disques utilisés sont d'un modèle spécial de
40 centimètres de diamètre, et tournent à raison de trente-trois tours et demi
par minute (rappelons que le diamètre des disques du commerce est de 30
centimètres et leur vitesse normale est d'environ quatre-vingts tours à la
minute). Ces disques permettent une audition d'une durée de onze minutes, durée
de la projection d'un rouleau de film normal.
Chaque appareil cinématographique sonore du groupe n'est donc utilisé à son tour
que pendant, onze minutes, durée de la reproduction d'un rouleau de film et du
disque synchrone, un appareil étant préparé à nouveau pendant que l'autre est en
fonctionnement.
Le moteur électrique commun aux appareils de projection lumineuse et sonore tourne à mille deux cents tours par minute et cette vitesse est ramenée à quatre-vingt-dix tours à l'aide d'un réducteur ; un régulateur de vitesse de grande précision la maintient constante et l'opérateur doit veiller avant tout au bon fonctionnement de cet appareil, afin d'éviter toute variation qui serait nuisible à l'audition phonographique.
Le synchronisme entre la projection cinématographique et la reproduction phonographique est obtenu très simplement par l'emploi d'un moteur commun d'entraînement des appareils lumineux et sonores, et grâce évidemment à l'enregistrement spécial du disque.
Cette commande mécanique unique, si simple en principe, doit cependant être soigneusement étudiée. Les vibrations mécaniques des arbres et des engrenages, qui seraient fort nuisibles à la pureté de l'audition, doivent être supprimées aussi complètement que possible par l'emploi de supports très stables et de liaisons antivibratoires à joints élastiques amortisseurs jouant le rôle de filtres mécaniques.
On assure simplement le synchronisme au départ à l'aide d'un repère indiqué sur le disque et d'un cadre très apparent portant le mot « Start » à l'extrémité du film cinématographique. Le procédé utilisé pour maintenir le synchronisme au moment de la prise de vues est très ingénieux et basé sur un principe stroboscopique. Sur la manivelle de l'appareil de prises de vues est fixé un disque peint à segments noirs et blancs et éclairé par un tube au néon connecté sur le secteur général d'alimentation du mécanisme.
Le disque paraît alors immobile si la vitesse de la manivelle est constante (et correspondant à la vitesse du disque), le disque paraît au contraire avancer ou rétrograder si cette vitesse augmente ou diminue.
L'opérateur dispose d'un rhéostat pour régler la, vitesse du moteur et d'un dispositif dit fader (évanouisseur) qui sert à contrôler l'intensité d'audition pendant la projection et à éviter tout bruit ou interruption désagréables lorsqu'on passe d'un groupe à l'autre et d'un disque à l'autre.
Le même panneau amplificateur, avec ses lampes de puissance, muni de potentiomètres de réglage, de voltmètres et ampèremètres de contrôle, de rhéostats des lampes amplificatrices, etc., sert, comme nous l'avons indiqué, pour les deux groupes cinématographiques et pour la reproduction sonore par disques et par films.
Des lignes téléphoniques soigneusement isolées relient les haut-parleurs à l'amplificateur. Ces haut-parleurs sont placés derrière l'écran d'un modèle spécial réfléchissant la lumière, mais laissant passage aux ondes sonores (fig. 147).
FIG. 147. — Salle de spectacle disposée pour l'emploi d'une installation sonore Vitaphone-Movietone. (La longueur de la figure a été réduite).
Les haut-parleurs sont d'un modèle très puissant, actuellement du type électro-dynamique à bobine mobile, et munis d'un pavillon bien étudié, mais à faible encombrement, car un intervalle de 1 m. 50 minimum de profondeur en arrière de l'écran est suffisant pour leur établissement (fig. 148).
FIG. 148. — Type de haut-parleur employé pour la cinématographie sonore.
La salle dans laquelle est monté le dispositif doit posséder enfin des propriétés acoustiques convenables.
Cet ensemble, étudié avec le soin le plus minutieux et parfaitement réalisé, a déjà pu être récemment jugé par les spectateurs et auditeurs français. Les films assez connus intitulés Ombres blanches, le Chanteur de jazz, le Fou chantant, etc., représentés récemment dans de grandes salles parisiennes comportaient une grande partie de reproduction sonore par disques et une autre partie par films ; cette reproduction sonore ne comportait d'ailleurs que des morceaux d'orchestre, des bruits (vent, tempête, etc...) et quelques chants, mais elle fut généralement trouvée très bonne.
Le système Vitaphone constitue, ainsi que nous l'avons indiqué, le procédé type actuel. On a signalé en Angleterre l'emploi d'un appareil dit Phototone, cet appareil comporte un double plateau, et il est employé avec des amplificateurs et haut-parleurs du type Siemens (fig. 149).
FIG. 149. — Reproducteur Phototone à deux plateaux porte-disques.
La particularité du système consiste à assurer automatiquement le départ du phonographe au moyen d'un contact métallique fixé au début du film.
Ce contact métallique actionne un relais à lampe qui, à son tour, met en action un embrayage magnétique du plateau du phonographe. Les premiers sillons du disque sont plus larges et non enregistrés, de façon à permettre facilement le démarrage. Une manivelle permet, d'ailleurs, de placer le « pick-up » à la position de départ indiquée par un trait de repère.
L'extrémité de chaque bande cinématographique porte également un petit contact en argent mettant de même en action le deuxième phonographe, de telle sorte que l'audition est continue.
Un dispositif de commande analogue avait été employé en France par M. Léon Gaumont dans ses premiers « films parlants ».
Caractères généraux des films sonores étrangers à enregistrement photographique.
Nous avons indiqué le procédé de photographie des sons employé dans le système Gaumont et d'ailleurs aussi R. C. A. (Radio Corporation of America), Sur la bande acoustique de ce type, les sons sont ainsi représentés par des images de surface variable, mais d'intensité lumineuse constante. Dans les procédés Western, Tobis, etc., au contraire, l'enregistrement phonographique est reproduit sur le film unique de largeur standard, sous forme de bandes de largeur constante, mais d'opacité variable.
Dans le premier procédé, les variations d'intensité sonore se manifestent par des variations de surface des images et dans le deuxième par des variations d'opacité lumineuse (fig. 150).
FIG. 150. — Fragment d'un film sonore américain enregistré par le système Movietone. La bande des sons (à gauche) est de largeur constante, mais d'opacité variable.
Le film sonore américain Movietone.
Nous avons indiqué plus haut que l'appareil cinématographique sonore américain du type Vitaphone de la Western Electric, dont le système phonographique est du modèle à disques, comporte également un dispositif permettant la reproduction par film à l'aide d'un appareil dit Movietone.
Ce procédé utilise un film photo et phonographique à enregistrement synchrone sur bandes séparées, mais à reproduction par la même bande à la fois cinématographique et acoustique du type indiqué précédemment (fig. 150).
La bande sonore sur ce film a une largeur de 3 millimètres environ, l'opacité des lignes sonores varie selon l'intensité des sons et leur nombre varie selon les fréquences à enregistrer.
Pour l'enregistrement, le microphone, qui est du type électrostatique, est relié à un amplificateur à lampes, et cet amplificateur transmet des courants électriques de fréquence correspondant aux vibrations sonores initiales à un dispositif de transformation des courants téléphoniques en ondes lumineuses agissant sur le film.
Pour l'enregistrement des films d'actualité, les enregistrements sonores et lumineux se font sur la même bande, alors qu'ils sont séparés la plupart du temps, comme nous l'avons noté.
Deux procédés sont employés pour l'enregistrement sonore des bandes. Le premier transformateur des ondes sonores en ondes lumineuses employé peut être une lampe éclairante (« flashing lampe »), dont le courant d'alimentation est modulé par les courants transmis par l'amplificateur.
Cette lampe est formée d'un tube cylindrique de 150 millimètres de long et 30 millimètres de diamètre avec une cathode de platine à oxydes, et une anode en nickel montée en face sur une boucle en U. Le cylindre contient de l'hélium à basse pression.
La cathode est portée au rouge par un courant de 350 volts d'une intensité de 10 milliampères. Lorsqu'on connecte la lampe dans le circuit de l'amplificateur, les courants amplifiés modulent la décharge lumineuse en concordance avec les variations des sons agissant sur le microphone.
La lampe est mise dans un tube en quartz et placée derrière un petit plateau de quartz également dont la surface fait corps avec une petite pellicule d'argent dans laquelle est ménagée une fente très fine de 1/100 à 1/300 de millimètre.
Une lentille donne enfin une image très nette et très fixe de cette fente sur l'émulsion photographique du film, qui se déplace synchroniquement avec le film lumineux.
Cette solution paraît théoriquement excellente, les variations lumineuses de la lampe pouvant être extrêmement rapides et correspondre aux fréquences les plus élevées des sons (6000 à 8000 périodes seconde d'après le constructeur), malheureusement il ne semble pas encore actuellement que la solidité de sa construction permette un service pratique assez long.
On emploie donc plutôt, comme transformateur de variations sonores en variations lumineuses, un système électro-magnétique à fil métallique vibrant placé dans le champ d'un électro-aimant parcouru par les courants de fréquence musicale, et qui découvre plus ou moins le film sensible (système à « light valve »). On remarquera l'analogie de ce procédé avec le procédé français Gaumont comportant un oscillographe à miroir.
Quel que soit le procédé adopté, le tirage des positifs photographique et phonographique et leur développement sont effectués séparément, des volets masquant pour le tirage la partie du film qui ne doit pas être impressionnée.
Ces opérations doivent être effectuées avec le plus grand soin, car toute imperfection de l'image acoustique produirait des déformations nuisibles. Les négatifs, comme les positifs, doivent être d'une propreté parfaite, sans quoi des bruits étrangers viendraient s'ajouter aux sons enregistrés.
Le système reproducteur est placé, dans l'appareil mixte Vitaphone-Movietone déjà décrit, en dessous de l'appareil projecteur cinématographique (fig. 151).
FIG. 151. — Le reproducteur sonore Movietone vu en perspective.
Une lampe à incandescence d'assez faible intensité éclaire la bande phonographique à l'aide d'un système optique, et le faisceau lumineux, plus ou moins affaibli par l'opacité du film, frappe ensuite une cellule photo-électrique.
Cette cellule, qui produit des variations de courant de faible amplitude correspondant aux variations de la lumière reçue, est reliée au panneau amplificateur déjà décrit, et qui est commun aux appareils de reproduction sonore par disques et par films.
Les autres films sonores étrangers actuels.
Les autres procédés étrangers de cinématographie sonore à film ne diffèrent guère du Movietone, qui peut être considéré à juste titre comme le prototype de ce genre d'appareils. Nous citerons cependant encore les appareils de Forest Tobis et R. C. A. Photophone, qui sont lés plus connus et les plus employés en dehors du Movietone.
Pour la transformation des variations sonores en variations lumineuses, de Forest emploie un tube à deux électrodes dans un gaz à basse pression qui fonctionne sous une tension de 500 volts, avec une intensité de 10 milliampères. La lumière ainsi produite passe par une fente très fine dont l'image est réduite par un procédé optique, comme dans le Movetione.
Les procédés de reproduction sont analogues à ceux du Movietone.
Quant au procédé allemand Tri-Ergon, il ne diffère guère non plus du Movietone. Le film employé, qui comportait au début une bande acoustique de 4 millimètres de large, ne comporte plus actuellement qu'une bande de 3 millimètres environ, comme dans le Movietone ; le film n'était pas primitivement du type universel de 35 millimètres de large, mais les perforations étaient normales, la bande phonographique étant en dehors de ces perforations. Il semble pourtant que le procédé standard soit adopté actuellement (fig. 152).
FIG. 152. — Fragment d'un film sonore allemand Tri-Ergon du type primitif. La largeur de l'image était normale, mais la bande acoustique était placée en dehors des perforations.
Enfin, le procédé R. C. A., adopté par Pathé, ressemble plutôt au procédé G. P. P.
Quelques remarques sur l'enregistrement et la reproduction des films sonores.
L'enregistrement d'un film sonore présente beaucoup plus de difficulté que l'enregistrement d'un film ordinaire, parce que, d'une part, les problèmes d'acoustique doivent être étudiés avec autant de soin que les problèmes d'éclairage, et que le coût beaucoup plus élevé de l'enregistrement exige la réduction du nombre des « répétitions » d'une même scène en cas d'insuccès.
La mise au point d'un enregistrement par le metteur en scène et par les artistes doit être faite à l'avance avec un soin minutieux, d'autant plus que les indications de mise en scène ne peuvent plus être effectuées verbalement, mais uniquement par gestes ou signaux lumineux.
Quiconque a pu assister à des prises de vues dans un studio ordinaire peut se rendre compte des difficultés de la mise en scène dans de telles conditions.
Aucun bruit étranger ne doit parvenir aux microphones pendant l'enregistrement : les murs du studio, las planchers et plafonds doivent être spécialement étudiés pour ne transmettre et ne réfléchir aucune vibration, et l'on ne devra pas admettre l'emploi d'objets pouvant réfléchir les sons, les appareils de ventilation, de chauffage et d'éclairage devant être parfaitement silencieux.
L'emplacement des microphones joue, d'autre part, un rôle considérable pour la bonne qualité de l'enregistrement acoustique, et les qualités phonogéniques des acteurs doivent être aussi soigneusement étudiées et développées que leurs qualités photogéniques.
La projection sonore ne peut pas non plus être effectuée dans une salle quelconque de spectacle ayant été construite uniquement pour la projection cinématographique, et dont les qualités acoustiques sont souvent insuffisantes.
Il serait, en effet, tout à fait déplorable d'utiliser un appareil de cinématographie sonore très perfectionné dans une salle de ce genre, car les réflexions sonores et les échos rendraient l'audition insupportable pour les spectateurs.
Il suffit en général, pour atténuer ces inconvénients, d'éviter l'emploi des murs revêtus de matière trop polie (marbre, par exemple) et des plafonds élevés sans aucun ornement que l'on voit dans quelques salles modernes.
Il faut recouvrir les planchers de tapis, les murs et les plafonds d'enduits et, de rideaux, s'il n'est pas possible d'en modifier la surface au moyen de quelques moulures décoratives.
L'avenir du film sonore.
Les perfectionnements du film sonore que nous venons d'exposer semblent bien faire actuellement de cette application nouvelle de la science moderne un procédé incomparable de diffusion artistique musicale et littéraire, tout autant qu'un admirable moyen d'enseignement.
Les techniciens qui travaillent depuis si longtemps à ce problème sauront sans doute encore perfectionner, s'il est possible, les détails des dispositifs employés actuellement, améliorer la fidélité de la reproduction sonore par amplificateurs et haut-parleurs, diminuer le prix de revient des appareils et de leur installation dans les salles ; l'adoption peut-être assez prochaine d'un appareil de projection cinématographique à déroulement continu de la pellicule atténuerait également quelques difficultés actuelles. D'un autre côté, il se dégagera sans doute assez vite une technique du film sonore, qui ne doit pas être une adaptation du théâtre, ni une adaptation des films cinématographiques à un enregistrement du son. On peut distinguer quatre catégories de films sonores : le film parlant, le film musical, le film de bruits, le film mixte comprenant toutes ces catégories.
Le film sonore musical et le film de « bruits » semblent pouvoir (et l'expérience l'a déjà montré) permettre des applications très variées. Ils remplaceront dans bien des cas, et avec avantage, les orchestres languissants et inhabiles des petites salles cinématographiques et donneront aux images muettes le relief saisissant de la vie.
Des milliers de salles, aux Etats-Unis, sont déjà équipées avec des cinématographes sonores, et nous devons souhaiter, en France, que chacun désormais, assis paisiblement dans toute salle d'un cinématographe de province, puisse jouir de la vue et du jeu des plus grands artistes du monde, écouter les morceaux d'orchestre exécutés par les premiers musiciens de Paris, s'instruire aux leçons de nos professeurs les plus éminents, frissonner enfin aux bruits des tempêtes ou s'émouvoir en entendant les chœurs des Cosaques russes chanter les Bateliers de la Volga ou le Chant du Prisonnier.