COMPTES RENDUS

DES SÉANCES

DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES.

 

 

SÉANCE DU LUNDI 29 NOVEMBRE 1897,

PRÉSIDENCE DE M. A. CHATIN.

 

 

 

PHYSIOLOGIE HUMAINE. – Etude des sons de la parole par le phonographe. Note de MM. MARICHELLE et HÉMARDINQUER, présentée par M. Marey.

 

« Nous avons repris, par la photographie, les expériences entreprises par Hermann, BœkePipping, etc. sur les sillons du phonographe, et nous avons cherché à en tirer des conclusions relativement à la formation des sons de la voix humaine.

« Les premières applications de la méthode graphique à l’étude de la parole, faites au laboratoire de M. Marey par M. Rosapelly, ainsi que les expériences de MM. Demeny et Marichelle sur la chronophotographie de bouches parlantes, avaient spécialement pour objet l’inscription des mouvements des organes phonateurs. D’autre part, on se rappelle les recherches faites au moyen du phonautographe de Scott et de l’appareil à flammes manométriques de R. Kœnig, sur l’analyse de la vibration aérienne. Nous avons songé à reprendre ces travaux à un point de vue un peu différent, en recherchant le rapport qui peut exister entre la forme de la vibration et les mouvements de l’organe phonateur.

« L’un de nous (1), dans une étude récente, a été amené, par l’examen des sillons phonographiques, aux conclusions suivantes :

« 1° Le timbre des voyelles ne paraît être essentiellement déterminé ni par la capacité de la cavité buccale faisant office de résonateur, ni par les mouvements de la langue en avant et en arrière, ni par le degré d’écartement des maxillaires ;

« 2° Les voyelles, ainsi que les consonnes, doivent leur timbre caractéristique au passage du souffle sonore à travers un ou plusieurs orifices qui se forment dans la bouche, entre la langue et le palais, ou entre les lèvres ; ce canal affecte la même forme que celle qui est prise par les lèvres dans l’action de souffler ;

« 3° Pour la production et la différenciation des voyelles et des consonnes, l’orifice générateur dont il vient d’être question subit des modifications de deux ordres, relatives au degré d’ouverture et à la région de formation de cette sorte de glotte buccale.

« Nous avons essayé de compléter cette étude en fixant, par la photographie, les inscriptions phonographiques des sons vocaux. Nous avons l’honneur de présenter à l’Académie une première série de ces photographies, qui, bien que très imparfaites encore, en raison des difficultés d’exécution, permettent du moins de faire ressortir les points suivants :

« 1° L’intensité du son diminue des voyelles ouvertes aux fermées correspondantes, quand on passe de o à ou, de ê à i, de e à u (clichés 1, 2, 3) ;

« 2° Le nombre des vibrations partielles constituant chaque période augmente de la série postérieure (ou, au, o) (cliché 1) à la série moyenne (u, eu, e) (cliché 3), et à la série antérieure (i, é, ê) (cliché 2) ;

« 3° D’une manière générale et à égalité d’effort de la part des parleurs qui ont été soumis à l’observation, les sons graves ont entamé moins profondément la cire que les sons aigus (cliché 4) ;

« 4° Malgré les diverses influences qui agissent sur la forme de la période, telles que la hauteur musicale, l’intonation, l’intensité, la conformation individuelle de l’organe phonateur, toute voyelle se distingue des autres sons vocaux par un certain ensemble de caractères invariables, qui lui constitue une individualité propre.

« Il ne paraît donc pas impossible, en tenant compte de toutes ces influences diverses, d’arriver, au moyen du phonographe, à une représentation schématique des sons voyelles. Nous nous proposons d’élucider tout particulièrement ce point de notre étude.

« Indépendamment des recherches relatives à la détermination des voyelles, il n’est pas un cas de prononciation que l’on ne puisse étudier à l’aide du phonographe. Les variations de l’intonation et de l’accentuation, par exemple, se lisent clairement sur le cylindre. On observe ainsi que, dans l’émission de certains « Ah ! » exclamatifs, la voix parlée franchit rapidement plus d’une octave et demie. »

 

(1) La Parole d’après le tracé du phonographe, par M. H. Marichelle, professeur à l’Institution nationale des Sourds-Muets de Paris ; Delagrave, 1897.

 

 

 

 

 

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