Phryné

 

scène de l'apparition à l'Acte II de Phryné, illustration de F. Marcotte (1893)

 

 

Opéra-comique en deux actes, en vers libres, livret de Lucien AUGÉ DE LASSUS, musique de Camille SAINT-SAËNS (composée en 1892-1893).

 

 

   partition

 

 

Création à l'Opéra-Comique (salle du Châtelet) le 24 mai 1893 ; mise en scène de Léon Carvalho ; décors d’Auguste Rubé et Philippe Chaperon ; costumes de Théophile Thomas ; statue de Phryné-Aphrodite par M. Campagne.

 

120 représentations à l’Opéra-Comique au 31 décembre 1950, dont 32 après le 1er janvier 1900.

 

 

Première à la Monnaie de Bruxelles le 02 décembre 1896 avec Mmes Jeanne HARDING (Phryné), MILCAMPS, MM. ISOUARD (Nicias), GILIBERT, BLANCARD, CAISSO, DANLÉE.

 

Première au Théâtre de la Gaîté le 06 juin 1914.

 

Représentation au Théâtre du Trianon-Lyrique en août 1909 avec Mmes Jane MORLET (Phryné), Georgette HILBERT (Lampito), de BUSSON (une Jeune Grecque), Lina CALVIÉRI (une Jeune Grecque), MM. José THÉRY (Dicéphile), René LAPELLETRIE (Nicias), sous la direction de M. CHERUBINI.

Représentation au Théâtre du Trianon-Lyrique le 11 décembre 1922.

 

 

 

personnages

emplois

Opéra-Comique

24 mai 1893

création

Opéra-Comique

11 juin 1901

89e

Opéra-Comique

13 janvier 1910

100e

Opéra-Comique

12 avril 1916

110e

Opéra-Comique

10 octobre 1935

117e

Phryné soprano Mmes Sibyl SANDERSON Mmes Sibyl SANDERSON Mmes Marianne NICOT-VAUCHELET Mmes Mary DORSKA Mmes Lillie GRANDVAL
Lampito, esclave de Phryné (rôle travesti) soprano Marie BUHL Mathilde de CRAPONNE Marguerite HERLEROY Yvonne BROTHIER Christiane GAUDEL
Dicéphile, archonte basse chantante MM. Lucien FUGÈRE MM. Lucien FUGÈRE MM. André ALLARD MM. André ALLARD MM. Louis MUSY
Nicias, neveu de Dicéphile ténor Edmond CLÉMENT Edmond CLÉMENT Fernand FRANCELL Albert PAILLARD Louis ARNOULT
Cynalopex, démarque 2e ténor Paul BARNOLT Georges MESMAECKER Georges MESMAECKER Georges MESMAECKER Paul DUREL
Agoragine, démarque basse Jean PÉRIER André ALLARD Louis VAURS Louis VAURS Gabriel JULLIA
un Héraut   Gaston LONATI Etienne TROY ELOI ELOI POUJOLS
Peuple, Esclaves, Chanteurs, Danseurs, Joueurs de flûte et de tambourin, Soldats scythes            
Chef d'orchestre   Jules DANBÉ Alexandre LUIGINI Eugène PICHERAN Camille SAINT-SAËNS Albert WOLFF

 

La scène se passe à Athènes au IIIe siècle av. J.-C.

 

 

 

 

C'est une fantaisie charmante, où l'on retrouve, avec une inspiration pleine de fraîcheur, les qualités de forme et de style qui sont le fond du talent de Saint-Saëns. A citer, notamment : le joli chœur d'introduction, les couplets bouffes de Dicéphile, dont l'accompagnement est si plein de délicatesse, ceux de Nicias, un air de danse exquis, l'air de Phryné, la scène de mystification, etc.

(Nouveau Larousse Illustré, 1897-1904)

 

 

 

 

 

La muse ordinairement plus sérieuse de M. Saint-Saëns ne nous avait pas habitués à des œuvres de ce genre. Ceci est un badinage, mais un badinage exquis, une fantaisie charmante et telle qu'elle ne pouvait sortir que des mains d'un grand artiste. D'aucuns s'en sont presque scandalisés, prétendant volontiers qu'un tel artiste se déshonorait, s'encanaillait tout au moins à traiter de semblables sujets avec la légèreté qu'ils comportent. Ainsi donc, la grâce, l'élégance, la coquetterie seraient interdites à un compositeur par cela seul qu'il s'est fait connaître par des œuvres plus sérieuses ! A ce compte, Grétry aurait eu le plus grand tort d'écrire le Tableau parlant, Gluck la Rencontre imprévue, Ambroise Thomas le Caïd et Gounod le Médecin malgré lui. Laissons dire les gens austères et remercions les artistes qui, comme M. Saint-Saëns, veulent bien prendre la peine de varier nos jouissances et consentent à quitter parfois l'Olympe pour descendre sur la terre. La vérité est que M. Saint-Saëns a écrit, sur un livret qui met en scène la belle Phryné placée entre un jeune soupirant qui lui plaît et un vieil amoureux sénile qu'elle berne et mystifie aux yeux de tous, une partition tout aimable, où la gaieté s'avoisine à la grâce, et cela sans renoncer un instant à ses belles qualités musicales, je veux dire à la pureté du style, à la saveur piquante des harmonies, à l'élégance enfin et à la vivacité d'un orchestre toujours alerte, toujours varié, plein de couleur et traité de main de maître. Le chœur d'introduction, les couplets bouffes de Dicéphile, si curieusement accompagnés, ceux de Nicias, un motif de danse délicieux, l'air de Phryné, la scène de la mystification, tout serait à citer dans cette mignonne partition, dont l'enfantement n'a été évidemment qu'un jeu pour son auteur, et qui n'en donne pas moins la meilleure et la plus éclatante preuve de l'étonnante souplesse de son talent. Le public, moins austère que certains censeurs moroses, a fait à ce joli badinage musical tout l'accueil qu'il méritait.

(Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903)

 

 

 

 

 

 

l'Acte I de Phryné au Trianon-Lyrique en août 1909 [photo Bert]

 

Phryné au Trianon-Lyrique

 

L’illustre compositeur à qui nous devons Samson et Dalila, la symphonie en ut mineur, et tant d'œuvres instrumentales ou lyriques qui sont l'honneur de l'École française, a toujours eu un goût décidé pour la fantaisie malicieuse et humoristique. C'est même un trait de son caractère, sinon de sa musique, à proprement parler. En général, il n'a pas voulu débrider cette verve spontanée quand il faisait œuvre d'art ; il n'en a même pas cherché l'occasion au théâtre, et dans les scènes où telle situation pouvait y prêter : l’harmonie générale eût pu s'en ressentir. Un jour pourtant, tenté par un livret plein d'une grâce légère et piquante, il s'est donné carrière, et Phryné est venue au monde.

Et c'est un petit chef-d'œuvre en son genre, ce genre si français qui est proprement le vieil opéra-comique et qui côtoie la moderne opérette sans y tomber jamais. C'est comme l'aimable pochade d'un grand peintre qui s'est diverti entre deux toiles magistrales, c'est une délicieuse fantaisie, ironique sans vulgarité, d'une verve gaie, dont le texte alerte s'enveloppe d'une musique libre et spirituelle, des plus amusantes à étudier.

Son apparition sur la scène de l'Opéra-Comique remonte au 24 mai 1893 ; l'œuvre y trouva un succès qui ne s'est pas démenti depuis : elle n'a pas, en somme, quitté le répertoire, malgré cette tare (aux yeux de certaines personnes) de comporter du parlé. C'est là que M. Félix Lagrange, toujours avisé, a été la chercher pour son Trianon-Lyrique. Fortuné théâtre, théâtre privilégié entre tous ! S'il occupait un local sur le côté impair du boulevard Rochechouart, côté ville, il n'aurait aucun droit sur les répertoires de l'Opéra ou de l'Opéra-Comique ; sur le côté pair, côté faubourg, il les a tous ! Reconnaissons qu'il en profite avec une activité et une fureur de travail qui méritent tous les éloges. Déjà, plus d'une fois, j'ai attiré l'attention de nos lecteurs sur ces affiches constamment renouvelées. Avec Phryné, M. Lagrange était d'autant plus sûr du succès que cette partition n'était plus entendue depuis cinq ou six ans au moins. Il a tout fait pour nous rendre les impressions inoubliables et vraiment artistiques que nous ont laissées les créateurs de l'œuvre : cette ravissante Sibyl Sanderson, tout épanouie de beauté et de virtuosité vocale ; Lucien Fugère, un Daumier superbe de largeur et de finesse, et Edmond Clément, qui a dépassé depuis, avec tant d'élan, les promesses qu'il donnait alors.

Rappelons brièvement le sujet de cette amusante comédie : le titre seul en évoque les traits essentiels. On sait l'histoire de Phryné, courtisane et musicienne, riche excessivement, belle à servir de modèle à Praxitèle pour une idéale Vénus, enfin défendue devant l'Aréopage par Hypéride... et sa beauté sans voiles. Il n'y a pas d'Aréopage ici, mais seulement un vieil archonte morose, tuteur avare et un peu voleur d'un neveu que l'amour de Phryné sait défendre des poursuites de ses créanciers comme de la colère de son oncle outragé. Comment le défend-elle, ce charmant Nicias ? En éblouissant de ses charmes l'austère Dicéphile et en le faisant surprendre à ses pieds par les démarques ironiques et scandalisés... Et vraiment, Phryné est bonne fille, et Dicéphile pourra, sans trop de rancœur, rendre à Nicias d'exacts comptes : car, de cette défaillance, l'Aréopage ni le peuple ne sauront rien, et Dicéphile restera aux yeux de tous le sage aimé dont on couronnait le buste, au début de cette histoire, parmi les chants et les danses.

Mais, à vrai dire, c'est surtout le détail musical qui donne du prix à tout ceci. Non que pour sourire à ce conte railleur M. C. Saint-Saëns ait donné carrière à toute la verve pittoresque qui d'habitude apporte tant de prix à son orchestre. Il a voulu être simple et peindre à l'aquarelle ; mais comme ses idées naissent spontanément avec les péripéties de l'action, comme les instruments eux-mêmes savent, au moment opportun, prêter leur saveur aux spirituelles imaginations du musicien ! Il y a notamment un certain basson facétieux, dont les ébats suivent comme à la piste le vieux Dicéphile en ses déportements, et, s'il se prend trop au sérieux, se moque de lui à sa barbe ....., qui est bien la plus divertissante chose du monde. Le rythme même des chœurs qui couronnent le buste de Dicéphile, comme celui des phrases lapidaires qu'il laisse tomber de ses lèvres en se rengorgeant devant son image, ou des sages conseils, viande creuse, dont il repaît son neveu, évoque le personnage et son caractère de la plus vivante façon. L'humeur insouciante et l'élégance de Nicias ne sont pas moins saisies et rendues à ravir par la facilité mélodique de ses soupirs amoureux ou de sa verve gamine lorsqu'il rallie autour de lui ses amis de fête pour bafouer son oncle d'une chanson vengeresse et couronner d'une outre de vin rouge la blancheur immaculée du fameux buste. Et quel effet irrésistible que le retour de Dicéphile, la nuit tombante, une lanterne à la main, pour contempler encore, dans le calme et la solitude, le marbre qui doit le rendre immortel ! Quel amusant conflit entre les échos lointains de la bande joyeuse qui le raille, et son indignation stupéfaite et horrifiée à la vue du désastre !

Phryné, elle, n'est pas traitée d'ironique façon. Le musicien l'a enveloppée de toute la grâce légère et charmeuse de son inspiration. Au premier acte, où elle se borne à sauver Nicias des griffes des démarques lancés par Dicéphile, elle égrène simplement son sourire en vocalises amusées. Mais au second, qu'elle parfume tout entier de son harmonieuse beauté, la phrase s'élargit, la mélodie s'élève, dès le prélude on se sent séduit par le charme discret de l'inspiration, dont l'épanouissement, toujours enveloppé par la finesse en demi-teinte de l'orchestre, est l'invocation à Vénus, si poétique, si noble de lignes, qui confond en une commune extase les confidences des deux amants.

Cependant Phryné a promis son aide toute puissante à Nicias, et c'est maintenant sa plus fine et sa plus élégante coquetterie qu'elle va mettre en jeu contre Dicéphile. Celui-ci, qui est venu, bourru, colère, impitoyable, pour menacer et sévir, est déjà quelque peu interloqué par la grâce de la petite esclave Lampito, chargée de l'amuser un instant. Son ariette : « C'est ici qu'habite Phryné », est délicieuse. Les couplets de Dicéphile, resté seul : « L'homme n'est pas sans défaut », sont d'un tour des plus comiques. Mais c'est la grande scène de séduction qui file de la plus charmante façon ! Il faut voir la soumise Phryné s'incliner devant Dicéphile comme « devant l'Aréopage », et plaider sa cause tout en achevant sa toilette ; il faut suivre l'infortuné vieillard, vite troublé, bien qu'il se dise à lui-même : « N'oublions pas que je suis en courroux », jusqu'au moment où Phryné, disparue dans une obscurité subite, semble reparaître à ses yeux éblouis dans la statue d'Aphrodite sans voiles... « Ah ! que dira l'histoire ?... » s'écrie Dicéphile en tombant à genoux, plein d'extase... Et toutes ces pages sont encore du goût le plus sûr et le plus fin, en même temps que les plus divertissantes du monde.

Les artistes de M. Lagrange ont bien rendu ces divers effets, dans une mise en scène adroite et parmi de jolis décors. Il n'y a que des éloges à adresser à la grâce enveloppante de Mademoiselle Jane Morlet dans Phryné, et à sa jolie voix ; à la rondeur pleine de dignité et sans charge de M. José Théry dans Dicéphile ; à la vivacité piquante de Mademoiselle Georgette Hilbert dans la petite Lampito ; à l'élégance enfin et à l'adresse vocale de M. Lapelletrie dans Nicias. C'est M. Cherubini dont le geste sûr dirigeait l'orchestre.

 

(Henri de Curzon, le Théatre n° 256, août 1909)

 

 

 

l'Acte I de Phryné au Trianon-Lyrique en août 1909 [photo Bert]

 

 

 

 

 

Principaux personnages : Dicéphile, archonte ; Nicias, son neveu ; Phryné, courtisane ; etc.

La scène se passe à Athènes, au IIIe siècle avant J.-C.

Cet ouvrage est de caractère gai et léger ; M. Augé de Lassus y a prodigué l'esprit et les jolis vers, et M. Saint-Saëns l'a paré d'une musique parfaitement adéquate au sujet.

L'archonte Dicéphile est célibataire, vieux et laid. Il déteste les femmes, qui le lui rendent avec usure, mais a su, par des moyens à lui, s'assurer une certaine popularité auprès des citoyens. Il a un neveu, Nicias, dont il administre la fortune, c'est-à-dire si l'on en croit le neveu et l'opinion publique, qu'il se l'approprie, ne lâchant au malheureux Nicias que juste assez pour lui permettre de faire des dettes. Aussi n'est-il pas pressé de rendre ses comptes, bien que le temps en soit venu.

Au premier acte, on inaugure un buste de Dicéphile. Phryné, qui sort de sa maison, persifle poliment le hargneux magistrat. Celui-ci est donc de méchante humeur, et ordonne à ses acolytes Cynalopex et Agoragine de se saisir de son neveu, contre lequel il a obtenu une saisie par corps. Et justement Nicias approche. Il s'efforce d'obtenir quelque argent du vieux grigou, mais n'en reçoit que de bons conseils. Il l'accuse alors carrément de vol, et Dicéphile s'éloigne sans oser pousser trop avant la conversation sur ce sujet.

Resté seul, Nicias se désole : il aime Phryné, ne se croit pas aimé d'elle, et ne possède pas un sou vaillant. Une bande de joyeux fêtards qui passent essaient en vain de l'égayer : il demande qu'on le laisse avec ses pensées. Arrivent alors Cynalopex et Agoragine, qui voudraient bien s'assurer de lui, mais redoutent l’éclat de sa colère. Et non sans raison, car lorsqu'ils essaient de l'arrêter, il les bat sans merci. Tumulte, interrompu par l'arrivée de Phryné. Quand la courtisane apprend que l'on veut mener Nicias en prison, elle fait rosser la police par ses esclaves et recueille leur victime dans sa maison. L'acte se termine gaîment aux cris de : « Dicéphale est un fripon ! »

Le second acte se passe chez Phryné. Celle-ci a recueilli Nicias, lui rendant ainsi un éminent service dans une circonstance critique. Elle lui avoue maintenant qu'elle l'aime. Et quand on vient annoncer que Dicéphile, furieux, cherche partout son neveu pour en tirer vengeance, qu'il vient le relancer jusque chez la courtisane qui lui offrit asile, Phryné prie Nicias de s'éloigner : elle en fait son affaire.

Dicéphile entre et se montre au début fort peu poli. Mais Phryné est une fine mouche, qui sait s'y prendre avec les hommes. Elle affole petit à petit le vieillard, qui se sent soudain des ardeurs jusque-là ignorées. Quand il est à point, elle lui fait tirer un rideau, derrière lequel se trouve une merveilleuse statue d'elle-même, toute nue. Cette vision achève le malheureux archonte, qui tombe aux genoux de l'hétaïre. A ce moment paraissent Nicias et un esclave, avec Agoragine et Cynalopex. Surpris dans cette attitude compromettante, l'archonte cède à un léger chantage et tout finit par une réconciliation.

(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)

 

 

 

 

Catalogue des morceaux

 

ACTE I

Introduction

01 Choeur et Ensemble Honneur et Gloire ! Phryné, Lampito, Dicéphile, Cynalopex, Agoragine, Choeurs
02 Duo Enfant, je te donne l'exemple Nicias, Dicéphile
03 Cantabile et Choeur O ma Phryné Nicias
Que la fête se prépare ! Choeurs
04 Finale A l'aide Citoyens ! Phryné, Lampito, Nicias, Dicéphile, Cynalopex, Agoragine, Choeurs
Si le front couronné de lierre Phryné
On raconte qu'un Archonte... Nicias
ACTE II
05 Introduction et Duo Excusez ma présence... Nicias
Quoi ! vous partez sitôt Phryné
06 Air et Trio Un soir j'errais sur le rivage Phryné
O reine de Cythère ! Phryné, Lampito, Nicias
07 Ariette C'est ici qu'habite Phryné Lampito
08 Couplets L'homme n'est pas sans défaut Dicéphile
09 Duo et Scène de l'Apparition Je suis devant l'aréopage Phryné
C'est Phryné... Choeur invisible
Quelle merveille ! Dicéphile
10 Finale Salut et Gloire ! Phryné, Lampito, Nicias, Choeur

 

 

 

LIVRET

 

 

 

esquisse de décor de l'Acte I pour la création par Philippe Chaperon [ALF]

 

(édition de mars 1935)

 

 

ACTE PREMIER

 

 

Un carrefour à Athènes ; au fond, exhaussé de quelques degrés et porté sur une gaine de marbre, le buste voilé de Dicéphile. A gauche, la maison de Phryné. Un perron accède à la porte d'entrée. A droite, un banc de marbre.

Au lever du rideau une foule considérable remplit le carrefour et s'empresse autour de Dicéphile. Agoragine et Cynalopex sont groupés un peu à l'écart sur la droite. Un héraut public, escorté de gardes, se tient debout au milieu de la scène.

 

 

SCÈNE PREMIÈRE

DICÉPHILE, AGORAGINE, CYNALOPEX, UN HÉRAUT PUBLIC, PEUPLE, SOLDATS

 

LE HÉRAUT.

Le peuple athénien, sur le Pnyx assemblé,
A rendu ce décret que j'apporte et publie.
Faites silence, tous ! Que personne n'oublie
Qu'Athènes, par ma voix, en ces lieux a parlé !
Gens de bien !...

 

CYNALOPEX, bas à Agoragine.

Ce n'est pas à toi que l'on s'adresse,
Agoragine !

 

AGORAGINE, bas à Cynalopex.

Ami ! ta place est-elle ici ?
Va-t'en, Cynalopex !

 

LE HÉRAUT.

Ce décret intéresse
Le grand citoyen que voici !

(Il désigne Dicéphile.)

Dicéphile, l'archonte. — A lui salut !

(Le héraut salue Dicéphile, puis déploie un rouleau de papyrus et se prépare à lire le décret au peuple.)

 

DICÉPHILE.

Merci !

 

LE HÉRAUT, lisant.

Considérant les importants services
Que rend à la cité ce digne magistrat,

Considérant qu'il réforme les vices
Et donne des vertus, l'exemple à tout l'État,

Considérant qu'une cité s'honore

En immortalisant un homme aussi pieux ;

Le peuple veut que son buste décore
La ville, comme font les images des dieux !

(La foule s'écarte ; le héraut dévoile le buste de Dicéphile, puis il prend une palme que lui présente un des hommes de son escorte et la dépose sur les degrés où s'élève le monument.)

De par le peuple j'inaugure

Ce marbre que la gloire élève à la vertu !

 

AGORAGINE, à part.

Le marbre n'a jamais pris si laide figure.

 

DICÉPHILE.

C'est trop d'honneur et j'en suis confondu.

 

CYNALOPEX, bas à Agoragine.

Il faut que j'aie aussi mon buste. Qu'en dis-tu ?

 

AGORAGINE, bas à Cynalopex.

Ce serait trop monter en grade ;
Tu ferais peur aux moineaux, camarade !

 

LE HÉRAUT.

Citoyens d'Athènes, fêtez

L'austère magistrat que Sparte nous envie !
Ce marbre saint lui donne une nouvelle vie.
Citoyens d'Athènes, chantez !

(Le héraut, suivi de ses soldats d'escorte, quitte la scène. La foule s'empresse autour de Dicéphile).

 

CHŒUR D'HOMMES DU PEUPLE.

Honneur et gloire à Dicéphile,
Digne fils de nos grands aïeux !
Si la vertu règne en la ville,
C'est qu'elle est à ses lois docile.
Chantons le sage aimé des dieux !

 

DICÉPHILE.

Amis, en vérité, c'est trop. Cessez, de grâce !
Cette apothéose embarrasse

Ma modestie !

 

CYNALOPEX, à part.

Aussi menteur que vieux !

 

CHŒUR D'HOMMES DU PEUPLE.

La vertu règne en cette ville,
Honneur et gloire à Dicéphile !
Chantons le sage aimé des dieux !

(Entre un groupe de jeunes esclaves portant des couronnes et des guirlandes de fleurs).

 

DICÉPHILE.

Qui vient là ? Quel est ce cortège ?

 

AGORAGINE, à Dicéphile.

Des esclaves, je crois, messagers amoureux.

 

DICÉPHILE.

Les confondent les dieux !

 

CYNALOPEX, à part.

Que le ciel les protège !

DICÉPHILE.

C'est un scandale ! Ils sont nombreux !

 

AGORAGINE.

Je le crois bien ! chacun apporte
Quelque présent par l'amour destiné
A la belle Phryné.

 

CYNALOPEX.

Et les offrandes, à sa porte,
S'entassent, chaque jour, à faire envie aux dieux.

 

DICÉPHILE.

En vérité, c'est odieux.

(Phryné paraît sur le seuil de sa maison. Les esclaves porteurs de présents s'empressent autour d'elle. Elle s'avance lentement et la main appuyée sur l'épaule de son jeune esclave Lampito.)

 

 

SCÈNE II

LES MÊMES, PHRYNÉ, LAMPITO.

 

DICÉPHILE.

Qui vient encor ?

 

CYNALOPEX.

C'est elle !
La divine Phryné !

 

DICÉPHILE.

Phryné ! Toujours Phryné !

(La foule s'empresse sur les pas de Phryné.)

Mais on dirait que ce peuple infidèle
Ne voit que cette femme !

 

AGORAGINE, à part.

Il en est étonné.

 

CHŒUR D'HOMMES, CHŒUR DES JEUNES ESCLAVES, CYNALOPEX, AGORAGINE.

(Ensemble.)

C'est Phryné ! Quand elle passe,
Il semble que dans l'espace
Le bonheur s'éveille et rit.
Que de grâce et de jeunesse !
N'est-ce pas une déesse

Qui s'avance et nous sourit ?

 

DICÉPHILE.

Ne sont-ils pas fous, de grâce ?
Pour une femme qui passe,
Les voilà tout ébahis !

Chacun la suit et s'empresse,
Les dieux, pour cette déesse,
Comme moi seraient trahis !

 

PHRYNÉ, elle s'avance parlant à Lampito.

Lampito, réponds-moi ! Pourquoi cette assistance
Auprès de ma maison ?

 

LAMPITO, à Phryné.

Ce n'est pas sans raison.
L'affaire est d'importance.
On inaugure ici le buste vénéré

Du fameux Dicéphile.

 

PHRYNÉ.

Ah ! je sais !

(Elle s'approche de Dicéphile, s'adressant à lui.)

Votre nom, seigneur, en cette ville
De personne n'est ignoré.

Votre mérite est grand et la Grèce le vante.
En ce qui touche la vertu,

Je suis, il est vrai, peu savante,

Et cependant, votre servante

Sait le respect qui vous est dû !

 

AGORAGINE, à part.

Le respect est de trop.

 

PHRYNÉ, à Dicéphile.

Ce peuple vous acclame ;
Permettez, Seigneur, qu'une femme

Vous présente, à son tour, son humble compliment.

(A Lampito).

Viens, Lampito, j'en rirais trop vraiment.

(Phryné s'éloigne, toujours nonchalamment, la main appuyée sur l'épaule de son esclave Lampito. Quelques autres esclaves l'escortent. Au moment où elle passe devant le buste de Dicéphile, Lampito le lui montre en riant. Puis elle disparaît avec ceux qui l'accompagnent.)

 

CHŒUR DES HOMMES DU PEUPLE, AGORAGINE, CYNALOPEX.

[ensemble]

C'est Phryné, quand elle passe,
Il semble que dans l'espace
Le bonheur s'éveille et rit.
Que de grâce et de jeunesse !
N'est-ce pas une déesse

Qui s'avance et nous sourit ?

 

DICÉPHILE.

Ne sont-ils pas fous de grâce ?
Pour une femme qui passe
Les voilà tout ébahis !

Chacun la suit et s'empresse.
Les dieux pour cette déesse
Comme moi seraient trahis.

(La foule se dissipe. Il ne reste en scène que Dicéphile, Agoragine et Cynalopex.)

 

 

SCÈNE III

DICÉPHILE, AGORAGINE, CYNALOPEX.

 

DICÉPHILE.

Trouverai-je toujours ces femmes sur ma route ?
Cette Phryné me raille, il me semble...

 

AGORAGINE, à part.

Il en doute !

CYNALOPEX.

Seigneur, Phryné n'oserait pas,
Je suis sûr qu'elle vous redoute.
Une peur salutaire accompagne vos pas.

 

AGORAGINE.

Il faut avouer qu'elle est belle.


DICÉPHILE.

Elle est belle ! Voilà

Ce que le sot vulgaire appelle

Des raisons ! Tout est dit quand ils ont dit cela.
Est-ce que la beauté de la laideur diffère

A ce point ? Un regard plus ou moins caressant,
Un nez plus ou moins long, voyez la belle affaire ?
Après tout, la beauté va toujours s'effaçant.

 

CYNALOPEX, à part.

Tandis que la laideur va toujours grandissant.

AGORAGINE.

On dit que Praxitèle,
Voulant représenter la reine des amours,

Vint chez Phryné s'inspirer d'elle ;
Et le marbre la fait déesse pour toujours.

 

DICÉPHILE.

Praxitèle fait des statues
Trop court vêtues ;

Ce n'était pas l'usage ancien.
Que ne fait-il plutôt des portraits !

 

CYNALOPEX, à part montrant Dicéphile.

Oui, le sien !

 

AGORAGINE.

Mais cette Aphrodite nouvelle,

Si j'en crois ce qu'on dit, est, selon votre vœu,
Le portrait de tout point fidèle

De son modèle.

 

DICÉPHILE.

C'en est assez ! Parlons de mon neveu !

 

CYNALOPEX.

Comme vous l'ordonnez, nous avons fait emplette
Des créances qu'il n'a jamais voulu payer.

Du jeune Nicias, vous êtes créancier.

Et voici la liste complète

De ce qu'il doit.

(Cynalopex déroule une longue bande de papyrus et la montre à Dicéphile.)

 

DICÉPHILE.

C'est long !

 

AGORAGINE.

Nous avons obtenu

Un jugement qui le condamne

Par corps.

 

DICÉPHILE.

Bien ; c'était convenu.

 

CYNALOPEX.

Si par la ville encore il se pavane,

Il sera, sans manquer, demain sous les verrous.

 

DICÉPHILE.

C'est parfait !

 

AGORAGINE.

Cependant redoutez son courroux !
Vous étiez son tuteur fidèle ;

Il réclame à grands cris ses comptes de tutelle.

 

DICÉPHILE.

N'ayez pas de souci ; c'est affaire entre nous.
Notre bourse est commune.

 

CYNALOPEX, à part.

Oh ! oui.

 

DICÉPHILE.

C'est prévoyance.
Ce cher enfant manque d'expérience.

Voici l'été qui vient ; le frais d'une prison
Est bon à respirer et mûrit la raison.

C'est pour son bien, ce que je veux en faire.

 

AGORAGINE, à part.

Pour son bien, c'est le mot.

 

DICÉPHILE.

Terminez au plus tôt

Cette importante affaire !

Par la grâce de mon crédit,

Vous êtes tous les deux démarques ;
Et je vous garde d'autres marques
De ma haute faveur.

 

CYNALOPEX.

Nous l'espérons.

DICÉPHILE.

C'est dit !

Vous avez le droit enviable
D'appréhender tout délinquant,

Et jusqu'au débiteur à ses devoirs manquant.

 

AGORAGINE.

Comptez sur nous ! Je suis d'humeur impitoyable.

 

DICÉPHILE.

Faites-vous délivrer le jugement !

(Apercevant Nicias qui parait au fond.)

Voici

Mon neveu Nicias qui s'approche d'ici :
Allez ! Hélas ! où mènent les désordres ?

 

CYNALOPEX.

Nous remplirons, seigneur, fidèlement vos ordres.

(Sortent Agoragine et Cynalopex.)

 

 

SCÈNE IV

DICÉPHILE, NICIAS.

NICIAS, s'avançant vers Dicéphile.

Bonjour, mon cher oncle !

 

DICÉPHILE.

Bonjour !

 

NICIAS.

Il faut que je vous félicite :

Le peuple a dignement payé votre mérite,

Et vous voilà grand homme enfin !... Chacun son tour !

 

DICÉPHILE.

Merci du compliment, j'y suis toujours sensible.
(A part.)

Il va me demander, j'en suis sûr, de l'argent.

 

NICIAS.
Mon cher oncle... !

 

DICÉPHILE, à part.

Il y vient.

NICIAS.

Vous serait-il possible

De me prêter, j'en ai besoin urgent,

Deux talents ?

 

DICÉPHILE.

Deux talents ! Cela fait cent vingt mines,
Ou douze mille drachmes.

 

NICIAS.

Bah !

Vous êtes magistrat.

Cela rapporte.

 

DICÉPHILE.

Moins que tu t'imagines.
Je suis pauvre !

 

NICIAS.

Voyons ! Rien qu'un petit talent !

(D'un ton suppliant et caressant.)

Pour une fois soyez brave homme !
Je veux bien abaisser la somme.

Un talent ! Un talent !

Et je vante partout votre cœur excellent.

 

DICÉPHILE.

Je ne puis, Nicias.

 

NICIAS, haussant le ton.

Mais ce n'est qu'une avance
Que je vous demande, après tout.
Soit dit, en confidence,

Vous me devez beaucoup.

Vous étiez mon tuteur, et tout bas on raconte
Que si je ne puis pas obtenir un seul compte,
C'est que vous me volez.

 

DICÉPHILE.

Quel mensonge impudent !

 

NICIAS.

Je le crois cependant.

Vous me faisiez jeûner et coucher sur la dure.

Que de fois, sans manteau, j'ai soufflé dans mes doigts !
Un oncle est un caissier donné par la nature.
Vous l'avez oublié.

 

DICÉPHILE.

Je fais ce que je dois.

 

NICIAS.

Mon oncle, un peu moins de paroles
Et plus d'argent !

 

DICÉPHILE.

Ne fais pas de dépenses folles
Et tu seras moins exigeant.

 

NICIAS, menaçant.
De l'argent, s'il vous plaît ?

 

DICÉPHILE, railleur.

Tu n'iras plus aux courses
Faire courir tes chars.

 

NICIAS.

Je ne fais plus courir
Que mes créanciers.

 

DICÉPHILE.

Oui, te voilà sans ressources.

 

NICIAS.

J'ai vendu mes chevaux que je voyais maigrir,
Et je les ai mangés, ne pouvant les nourrir.

 

DICÉPHILE.

Je soupçonne une femme
En cette affaire.

 

NICIAS.

Eh bien !

DICÉPHILE.

La femme est un rongeur qui croque notre bien,
Et dégrade notre âme.

Prends-y garde !

 

NICIAS.

Chansons !...

 

DICÉPHILE.

Quelque femme de rien,

Quelque Phryné sans doute.

 

NICIAS, à part.
Saurait-il que je l'aime ?

 

DICÉPHILE.

Écoute !
Je te donne...

 

NICIAS.

Oh ! mon oncle !...

DICÉPHILE.

Un avis précieux.

Si tu le suis, tu t'en trouveras mieux.

 

NICIAS.

Cela s'appelle un oncle, justes dieux !

 

DUO

 

DICÉPHILE.

Enfant, je te donne l'exemple.

Je marche de respects partout environné ;

Je vois, comme un dieu dans son temple,
A mon nom glorieux le peuple prosterné !

 

Célibataire

Toujours austère,
Dans ma maison

Tu vois sans cesse
Vertu, sagesse,

Froide raison.

Sexe frivole

Qui passe et vole
De tous aimé,

En vain s'approche ;
Mon cœur de roche
Reste fermé.

 

NICIAS.

Maintenant il se peut ; cela vous plaît à dire,
Il n'en fut pas toujours ainsi !

 

DICÉPHILE.

Du sage Dicéphile, on ne saurait médire.
Je n'ai jamais aimé... que moi.

 

NICIAS.

Quel goût !

 

DICÉPHILE.

Merci !

 

[ NICIAS.

[ Rien sur la terre
[ N'est solitaire,
[ Et la maison

[ Qui n'a tendresse,

[ A la tristesse
[ D'une prison.

[ Le temps s'envole.
[ Tout est frivole,
[ Sinon aimer.
[ L'amour s'approche ;
[ Quel cœur de roche
[ Va se fermer ?

[

[ DICÉPHILE.
[ Célibataire,
[ Toujours austère,
[ Dans ma maison,
[ Tu vois sans cesse
[ Vertu, sagesse,
[ Froide raison.

[ Sexe frivole

[ Qui passe et vole
[ De tous aimé,

[ En vain s'approche,
[ Mon cœur de roche
[ Reste fermé !

 

DICÉPHILE.

Au revoir et qu'il te souvienne
De ma sage leçon !

(Dicéphile s’éloigne, lui-même respectueusement, salue en passant son buste.)

 

 

SCÈNE V

NICIAS, puis CHANTEURS, DANSEURS, FLUTEURS, etc.

 

NICIAS, d'un air accablé.

Quelle destinée est la mienne !

Si je me plains, ce n'est pas sans raison.
J'ai pour toute famille

Un oncle qui me pille.

Pour des amis, je n'en ai pas ;
Mes créanciers sont sur mes pas.

J'aime aussi, j'aime et rien ne récompense

Mes vœux inassouvis, mes rêves superflus ;
Et c'est en vain que je dépense
Tout mon argent que je n'ai plus.
Phryné demeure invulnérable.
Je n'aurais pas cru que son cœur
Me tiendrait si longtemps rigueur.

Mon oncle m'est encor, je crois, plus secourable.

Quelquefois, cependant, un regard favorable

Me retient auprès d'elle et me fait espérer ;

Mais ses yeux sont menteurs, plus que je ne puis dire ;
Mon temps se passe à la maudire,

Autant qu'à l'adorer.

O ma Phryné ! c'est trop peu que je t'aime,
Il faut m'aimer.

L'amour te suit, et c'est l'instant de même,
De t'enflammer.

Quel roi si grand qui n'ait de par le monde
Ses ennemis ?

A tes beaux yeux, à ta couronne blonde,
Tout est soumis.

L'amour te suit, et c'est l'instant de même
De t'enflammer.

O ma Phryné ! c'est trop peu que je t'aime,
Il faut m'aimer !

(Nicias va s'asseoir à droite sur le banc de marbre et reste plongé dans un profond accablement. Entre un cortège de danseurs, danseuses, flûteurs, joueurs de cithares et de tambourins. C'est une troupe ambulante et qui se loue pour quelque fête, à tout venant.)

 

LE CHŒUR.
(Dansant et chantant.)

Que la fête se prépare !
Voici joueurs de cithare
De flûte et de tambourin !
Nous sommes la gaîté folle

Qui console

Et qui chasse le chagrin.

Lesbos est notre patrie

Si chérie.

Nous chantons et nous dansons.
Il n'est que joie et délire,

Quand la lyre

Emporte au loin nos chansons !

Nicias ! Nicias ! Viens-tu, cher camarade ?

 

NICIAS.

Non, non, je n'ai besoin
De chanson, ni d'aubade ;
Hélas ! et j'ai bien d'autre soin !

 

LE CHŒUR.

Tel aujourd'hui gémit et pleure,
Qui doit rire et chanter demain.

 

NICIAS.

Non, non, ce n'est le jour ni l'heure ;
Passez, passez votre chemin !

 

LE CHŒUR.
(Dansant et chantant.)

Lesbos est notre patrie
Si chérie !

Nous chantons et nous dansons !
Il n'est que joie et délire,

Quand la lyre,

Emporte au loin nos chansons.

(Chanteurs et danseurs traversent la scène, au son des flûtes et des tambourins qui rythment une danse joyeuse et disparaissent.)

 

 

SCÈNE VI

NICIAS, AGORAGINE, CYNALOPEX, puis PHRYNÉ, LAMPITO, suite d'esclaves.

 

NICIAS, seul.

Je suis las de la vie.

Tout n'est que chagrin ici-bas.

Mais avant de hâter l'heure de mon trépas.
J'ai de rosser quelqu'un une pressante envie.

(Agoragine et Cynalopex entrent. Ils se tiennent d'abord un peu à l'écart et se montrent Nicias resté sur le banc de marbre.)

 

AGORAGINE, montrant Nicias.

C'est lui !

 

CYNALOPEX, bas à Agoragine.

Soyons prudents, crois-moi !
Allons d'abord chercher main-forte.
Je voudrais une escorte

Pour la majesté de la loi.

 

AGORAGINE, bas à Cynalopex, d'un ton méprisant.

Maudit poltron !

 

CYNALOPEX, bas à Agoragine.

Je crains la solitude.

Ce n'est pas de la peur, c'est de l'inquiétude.

 

AGORAGINE, bas à Cynalopex.

Allons ! marchons ! c'est trop tarder !
Il ne faut pas qu'il nous échappe.

 

CYNALOPEX.

O dieux cléments ! faites que je n'attrape
Pas trop de coups !

 

AGORAGINE, bas à Cynalopex.

Faut-il y regarder ?

(Agoragine et Cynalopex se rapprochent de Nicias.)

Debout ! seigneur ! Veuillez nous suivre !

 

NICIAS, repoussant Agoragine.

Arrière donc ! Vous êtes ivre.

 

CYNALOPEX.

Oh ! pas moi.

 

AGORAGINE.

Suivez-nous !

 

NICIAS.

Mais où donc ?

 

AGORAGINE.

En prison !

 

NICIAS, se levant.

En prison ?

 

CYNALOPEX.

Oui, vraiment !

 

AGORAGINE.

C'est l'austère maison.

Où désormais il faudra vivre.

En route !

(Il veut entraîner Nicias qui le repousse brusquement.)

NICIAS.

Par les dieux des enfers, non ! non ! non !

 

CYNALOPEX, à part.

Cela va mal !

 

AGORAGINE.

Je suis démarque,

Et comme tel représente la loi.

Obéissez au peuple-roi !

Vous n'êtes pas, que je sache, un monarque.

 

CYNALOPEX, à Agoragine.

Je suis démarque comme toi.

(A Nicias.)

Un démarque, seigneur, honnête, respectable,
Et d'abord, c'est la loi, partout inviolable.

 

NICIAS.

Inviolables, vous ! — Il faut voir !... Un bâton !...

(Il aperçoit et ramasse aussitôt un bâton tombé derrière le banc où il était assis.)

C'est à merveille !

 

CYNALOPEX, bas à Agoragine.

Ami, changeons de ton !
Je crains pour mes épaules.

 

AGORAGINE, d'un ton indigné.

Frapper des magistrats !

 

NICIAS, toujours le bâton à la main.

Pourquoi pas, méchants drôles ?
Qui m'a fait condamner ?

 

AGORAGINE.

Dicéphile !

 

NICIAS.

Mon oncle ?

 

AGORAGINE.

Oui, votre oncle lui-même !

 

NICIAS.

Ah ! bandit ! ah ! le traître !

 

AGORAGINE, railleur.

Un oncle qui vous aime.
Les ordres sont sacrés, qu'il veut bien nous donner.

 

CYNALOPEX, il cherche dans sa poche le texte du jugement.

Voici le jugement !

 

NICIAS, envoie un coup de bâton.

Et voici la réponse !

 

CYNALOPEX, criant.

Grands dieux ! mon dos ! quel métier ! j'y renonce.

 

Ensemble.

 

AGORAGINE.

A l'aide, citoyens !

 

CYNALOPEX.

Au secours ! au secours !

 

AGORAGINE ET CYNALOPEX.

Au secours ! au secours !

 

NICIAS.

Criez, tout à votre aise ! appelez au secours !
Vous aurez de mes marques,
Seigneurs démarques.

(Nicias menace encore de son bâton Agoragine et Cynalopex.)

 

CYNALOPEX.

De grâce, cher seigneur, ne tranchez pas le cours
De mes beaux jours !

 

AGORAGINE.

A l'aide, citoyens !

 

CYNALOPEX.

Au secours ! au secours !

 

NICIAS.

Criez tout à votre aise ! appelez au secours !

(Entrent Phryné, Lampito, suite d'esclaves.)

 

AGORAGINE.

On vient ! à nous !

 

CYNALOPEX, criant.

A moi !

 

PHRYNÉ, paraissant.

Qu'entends-je ?

 

LAMPITO.

Quel tumulte !

 

NICIAS, apercevant Phryné.

Phryné !

 

PHRYNÉ.

Vous, Nicias !

 

CYNALOPEX.

On me bat !

 

AGORAGINE.

On m’insulte !

 

PHRYNÉ.

Qu’arrive-t-il, enfin ?

 

NICIAS.

Moins que rien. Nous causons
Et doucement je leur explique

Que l'air de leurs prisons

M'est déplaisant en toutes les saisons.

 

AGORAGINE.

Il outrage le peuple et la force publique.

 

PHRYNÉ.

Vous, en prison, Nicias !

 

CYNALOPEX, AGORAGINE.

C'est la loi !

 

NICIAS.

Ils disent vrai !

 

PHRYNÉ, à ses esclaves.

Mes esclaves, à moi !
Défendez Nicias !

 

NICIAS.

Ah ! merci !

 

AGORAGINE, à part.

Que dit-elle ?

 

LAMPITO.

Oui, oui ! Bataille !

 

PHRYNÉ, aux esclaves.

A moi, ma phalange fidèle !

 

CYNALOPEX.

Si les femmes vont s'en mêler,
Il n'est que temps de s'en aller !

(Les esclaves empressés et menaçants entourent Agoragine et Cynalopex.)

 

CHŒUR DES ESCLAVES.
Alerte ! Alerte !

Nous voici ! Nous voici !

 

CYNALOPEX, à Agoragine.

Fuyons ! c'est notre perte.

La place n'est pas bonne ici !

NICIAS, aux esclaves en leur montrant Agoragine et Cynalopex.

Rossez-les d'importance !

 

PHRYNÉ.

Que le bâton rythme leur danse !

 

LAMPITO.

Hors d'ici ! Hors d'ici !

LE CHŒUR.

Hors d'ici ! Hors d'ici !

(Nicias, Lampito et les esclaves repoussent et frappent Agoragine et Cynalopex.)

 

AGORAGINE.

A moi, des coups ! Quelle impudence !

 

CYNALOPEX.

Encor des coups ! Fuyons d'ici !

 

LE CHŒUR.
Alerte ! Alerte !

AGORAGINE ET CYNALOPEX.
C'est notre perte !

 

LE CHŒUR.
Fuyez ! Fuyez d'ici !

PHRYNÉ, NICIAS ET LAMPITO.
Hors d'ici ! Hors d'ici !

AGORAGINE ET CYNALOPEX.
Fuyons ! Fuyons d'ici.

(Agoragine et Cynalopex, roués de coups et poursuivis, s'échappent à grand'peine.)

 

 

SCÈNE VII

NICIAS, PHRYNÉ, LAMPITO, ESCLAVES, puis la Troupe de Chanteurs et Danseurs ambulants

 

NICIAS, à Phryné.

Phryné, je vous rends grâces ;
Vous me tirez d'un mauvais pas.

 

PHRYNÉ.

Je compatis à vos disgrâces ;
Mais à présent, qu'allez-vous faire ?

 

NICIAS.

Hélas !

Je n'en sais rien. Je reste sans asile.
Le plus sage serait de quitter cette ville ;

Mais je ne pourrais vivre où vous ne seriez pas !

 

PHRYNÉ.

Le remède est facile.
Les dieux de la cité

Nous font un saint devoir de l'hospitalité !
Si le front couronné de lierre,
Et sur la lèvre une chanson,
Heurte à ma porte hospitalière,
Bacchus qui n'a plus de raison,
Ma porte s'ouvre complaisante,
Et je suis là toujours présente :

Entrez, ami !

Je ne suis pas bonne à demi.

 

NICIAS.

Et si l'amour demande asile ?

PHRYNÉ.

Je puis ouvrir et cependant
Combien le mensonge est facile !

 

NICIAS.

C'est le bonheur en attendant.

 

PHRYNÉ

Aussi je dis, c'est le plus sage,
La main accepte le message,
Le cœur écoute la chanson...

Mais...

 

NICIAS.

Mais !

 

PHRYNÉ.

Contentez-vous, ami, de la maison !

 

NICIAS.

Il m'en faut contenter aujourd'hui... Mais j'y pense...

 

PHRYNÉ.

Hâtons-nous !

 

NICIAS.

Un instant.
Le tour qu'on m'a joué mérite récompense.

(Il se rapproche du buste de Dicéphile et le regarde en face.)

Et le voilà pourtant
Trônant et triomphant,
Cet oncle parricide.

(Interpellant le buste et le menaçant du poing.)

Infâme, tu me railles !
Quand verrai-je ton marbre, insulté, souffleté,
Et se casser le nez au pied de nos murailles,

Ta grotesque immortalité !

(La troupe des chanteurs et des danseurs reparaît, traversant la scène.)

 

LE CHŒUR.

Lesbos est notre patrie
Si chérie ;

Nous chantons et nous dansons !

Il n'est que joie et délire,
Quand la lyre
Emporte au loin nos chansons.

 

NICIAS.

Arrêtez, cette fois, mes joyeux camarades !

(Les chanteurs et les danseurs s'arrêtent.)

L'instant est mieux choisi ;
Et je veux à mon tour de folles sérénades.
Partagez-vous ceci !

(Nicias jette de l'argent aux musiciens.)

C'est le dernier argent qui me restait !

 

LE CHŒUR.

Merci !

 

NICIAS.

Avant de passer outre,
Lampito, prends cette outre !

(Nicias désigne à Lampito une outre que porte l'un des chanteurs. Lampito la prend aussitôt.)

Coiffes-en mon oncle !

(Lampito coiffe le buste de Dicéphile d'une outre, et, grotesquement, la pose de travers.)

 

LAMPITO.

C'est fait !

 

NICIAS.

Son buste, maintenant, est d'un meilleur effet.

 

PHRYNÉ.

Riez ! l'éclat joyeux des rires

Que vous lancez,
Dissipe les sombres délires ;

Chantez ! Dansez !
Bondissez comme font les chèvres

Aux prés fleuris !

Le rire est la fleur de nos lèvres.

Riez ! Je ris !

(Les flûtes, les lyres, les tambourins font rage. Une ronde se forme, brutalement rythmée. Danseurs et danseuses tourbillonnent devant le buste de Dicéphile.)

On raconte
Qu'un archonte

Était un fourbe maudit,
Son mérite

Hypocrite

Un beau jour se démentit.
Si d'un masque,
Sort fantasque !

Les dieux lui firent le don,
Que le monde
Le confonde,

Dicéphile est un fripon !

 

LE CHŒUR, PHRYNÉ, NICIAS.

(Reprise dans un ensemble général.)

On raconte

Qu'un archonte
Était un fourbe maudit,
Son mérite

Hypocrite

Un beau jour se démentit.

Si d'un masque,
Sort fantasque !

Les dieux lui firent le don,

Que le monde
Le confonde

Dicéphile est un fripon !

(Phryné et Nicias accompagnés de Lampito et des autres esclaves s'éloignent et rentrent dans la maison de Phryné. Les danseurs et les chanteurs les suivent, toujours chantant et dansant. Peu à peu le bruit faiblit et s'éteint. Le jour baisse.)

 

 

SCÈNE VIII

DICÉPHILE, LE CHŒUR, hors de scène.

(La nuit est venue. Dicéphile entre, marchant avec précaution. Il tient une lanterne.)

 

DICÉPHILE.
Comme tout est tranquille !

Que la police est bien faite en la ville,
Depuis que je m'en suis mêlé !

 

LE CHŒUR.

(Les voix sortent de la maison de Phryné, d'abord confuses, incertaines, puis peu à peu, jusqu'à la fin de la scène, plus bruyantes et plus hardies.)

Dicéphile ! Dicéphile !

 

DICÉPHILE.
Quel bruit ! On a parlé !

 

LE CHŒUR.

Dicéphile ! Dicéphile !

 

DICÉPHILE.
J'entends mon nom !

 

LE CHŒUR.

Dicéphile est un fripon !

 

DICÉPHILE.
Comme ce peuple est sage et bon

 

LE CHŒUR.
Dicéphile est un fripon !
 

DICÉPHILE.

Que dit-on ? Que dit-on ?

J'entends le mot de fripon.

Je me trompe, sans doute, on célèbre ma gloire.
Les siècles à venir connaîtront ma mémoire.
Voyons encor mon buste vénéré !

(Dicéphile s'approche de son buste, la lanterne à la main et le voyant coiffé d'une outre et barbouillé de lie, il recule stupéfait, haletant de rage.)

Grands dieux ! grands dieux ! quel sacrilège infâme !
Me traiter ainsi, moi que tout un peuple acclame !

(Désignant d'un geste de menace la maison de Phryné.)

Ah ! je me vengerai !

 

LE CHŒUR.

Dicéphile ! Dicéphile !

Qu'on le dise par la ville !
Dicéphile est un fripon !

 

 

 

 

 

esquisse de décor de l'Acte II pour la création par Philippe Chaperon [ALF]

 

 

ACTE II

 

 

Chez Phryné. Un intérieur grec élégant et riche. Au fond, large ouverture donnant sur un sanctuaire on se trouve placée une statue d'Aphrodite. Le piédestal est tout enguirlandé de feuillage et de fleurs. — Au lever du rideau, une tenture close cache la statue. Porte à gauche, premier plan, donnant sur les appartements de Phryné, porte à droite. Sièges, un lit de repos sur la gauche, une table vers la droite ; des objets de toilette, des bijoux, un miroir y sont jetés en désordre.

 

 

SCÈNE PREMIÈRE

PHRYNÉ, NICIAS.

(Phryné est assise près de la table et consulte son miroir. Entre Nicias qui s'approche lentement d'elle.)

 

PHRYNÉ, apercevant Nicias dans le miroir.

Nicias !

 

NICIAS.

Excusez ma présence indiscrète !

Hier la prison était prête

Où mon cher oncle avait dessein de m'envoyer.
Vous m'avez défendu : c'est la première dette

Que j'ai regret à ne pouvoir payer.
Puisse-t-il être un dieu qui dignement l'acquitte,
Et vous rende en bonheur tout ce que je vous dois !

Ma Phryné, je vous quitte,

Et je vous dis merci pour la dernière fois.

 

PHRYNÉ.

Quoi ! Vous partez si tôt, Nicias ? Qui vous presse ?
Qu'allez-vous devenir ?

 

NICIAS.

Mon sort vous intéresse ?

Je dois vous fuir pourtant. Tout moment de retard
Me rendrait, je le sens, plus cruel le départ.

 

PHRYNÉ.
Vous avez peur ?

 

NICIAS.

Pourquoi n'aimez-vous pas, cruelle ?
L'amour fait la beauté plus belle.

 

PHRYNÉ.

Qui vous dit que je n'aime pas ?
Mon cœur a de secrets combats.
Vous avez tout perdu, Nicias ?

 

NICIAS.

Tout m'accable.

Pas un seul usurier qui ne soit implacable.
Dicéphile me vole et je suis ruiné.

J'ai tout perdu, c'est vrai, Phryné.

 

PHRYNÉ.
Tant mieux !

 

NICIAS.

Comment tant mieux ?

 

PHRYNÉ.

Sans doute

Tu n'as pas tout perdu, cher Nicias, écoute !
Je veux le dire, désormais

Je t'aime, Nicias, dès longtemps je t'aimais.

 

NICIAS.

Tu m'aimes ?

 

PHRYNÉ.

Oui, je t'aime, et jamais sur ma lèvre
Ce mot si caressant

Ne laissa, Nicias, tant de joie en passant.

 

NICIAS.

Je t'aime ! Ah ! quelle douce fièvre

A confondu nos cœurs et fait brûler mon sang !

 

PHRYNÉ.

Ta parole m'enivre.

 

NICIAS.

Je te vois et me sens charmer.

Il vaudrait mieux cesser de vivre,
Que vivre sans aimer.

(Entre précipitamment, par la droite, Lampito.)

 

 

SCÈNE II

NICIAS, PHRYNÉ, LAMPITO

 

NICIAS, apercevant Lampito, d'un ton impatient.

Qui vient là ?

 

LAMPITO.
Moi, seigneur !

 

PHRYNÉ.

Lampito, qui t'appelle ?

 

LAMPITO.

J'ai regret de vous déranger ;

Mais je dois vous apprendre une grave nouvelle :
Vous êtes en danger.

 

PHRYNÉ.

Qu'est-ce donc ?

 

LAMPITO.

Dicéphile…

 

NICIAS.

Eh bien ?

 

LAMPITO.

N'est pas content !


NICIAS.

C'est qu'il est difficile ;
Une autre fois nous ferons mieux.

 

LAMPITO.

Il court par la Cité comme un fou furieux.

 

PHRYNÉ.

Qui t'a dit cela ?

 

LAMPITO.

Son esclave,

Que je quitte, un ami.
Dicéphile a juré de punir qui le brave,

Et n'entend pas se venger à demi.

 

NICIAS.

Qu'il vienne donc ! et je le traite
Comme j'ai fait hier des autres.

 

LAMPITO.

Cher seigneur,
Si nos bâtons hier ont battu leur retraite,

Nous n'aurons pas toujours même bonheur.

On vous recherche, et je redoute

Pour la fête d'hier un fâcheux lendemain.

 

NICIAS.

Que je ne trouve pas mon oncle sur ma route,
Il apprendrait ce que pèse ma main !

 

LAMPITO.

Prenez-y garde !
Deux magistrats rossés,
Pour une fois c'en est assez.

 

PHRYNÉ, s'adressant à Nicias.

Laisse-moi faire, ami, tout ceci me regarde.

 

NICIAS.

Tu connais nos périls et tu veux les braver ?
Mais comment ?

 

PHRYNÉ.

Je ne sais ; mais je veux te sauver.
Implorons Aphrodite aux amoureux clémente !
N'est-elle pas la fille et l'égale des dieux,

Cette déesse si charmante,

Et l'orgueil, et la joie et la splendeur des cieux ?

 

Un soir j'errais sur le rivage,

Rêvant de vivre en ton cher esclavage,

Près d'un temple où tu fais séjour,
O reine de beauté, je te sentais présente !
Si doux était l'adieu de l'heure finissante,

Si pur était le ciel aux feux mourants du jour !

Bientôt, tranquille et dédaigneuse,
Folâtrait la baigneuse.

Mes longs cheveux flottaient des zéphirs caressés,
Les alcyons passaient alanguis et lassés.

Tout à coup s'envolait ton grand nom, Aphrodite.
Ainsi me saluaient étonnée, interdite,
Les pécheurs abusés dont les dieux s'égayaient.

Excuse leur démence !

Ils m'avaient aperçue, et c'est toi qu'ils voyaient,
Comme en ce premier jour où, dans ta gloire immense,
Ton beau corps ruisselant des pleurs du flot amer,
Tu t'élevais superbe au-dessus de la mer !

 

PHRYNÉ, NICIAS, LAMPITO.

O reine de Paphos, de Cnide et de Cythère,
Jamais l'encens pour toi ne cesse de fumer ;
Ton radieux sourire illumine la terre ;
Le monde finirait s'il finissait d'aimer !

Fille de l'onde,

Tout fléchit devant toi,
Aphrodite la blonde,
Protège-nous ! Protège-moi !

(Lampito s'éloigne et se dispose à sortir, mais revient précipitamment.)

 

LAMPITO.
J'aperçois Dicéphile !

NICIAS.

Déjà ?

 

PHRYNÉ, s'adressant à Nicias.

Va-t'en, Nicias !

 

NICIAS.

Mais...

 

PHRYNÉ, interrompant Nicias.

Il le faut.

 

NICIAS, s'adressant à Phryné.

Soit ! je suis ton esclave docile,
Tu le veux et je me soumets,

J'en prendrai l'habitude.

(A part.)

Je reste près d'ici ; j'ai quelque inquiétude

Au sujet des moyens qu'elle compte employer.

(Haut à Phryné.)

Au revoir !

 

PHRYNÉ.

A bientôt !

(Nicias sort par la petite porte de droite. — A Lampito.)

Introduis Dicéphile,

Lampito, qu'il attende !

(Lampito sort par la droite.)

Un nautonier habile,
Quand le vent est mauvais, a soin de louvoyer.

(Phryné sort par la porte de gauche qui donne accès dans ses appartements.)

 

 

SCÈNE III

LAMPITO, DICÉPHILE

(Lampito entre immédiatement suivi de Dicéphile.)

LAMPITO, à Dicéphile.

Vous demandez, seigneur !

 

DICÉPHILE, l'interrompant.

Je veux voir ta maîtresse,
Et l'affaire qui l'intéresse,

Ne peut souffrir de longs retards.

(D'un ton imposant et irrité.)

L'archonte Dicéphile a droit à des égards.

 

LAMPITO.
Attendez !...

 

DICÉPHILE, brusquement.

Et n'est pas accoutumé d'attendre.

 

LAMPITO,
Phryné va se hâter.

(A part.)

L'archonte n'est pas tendra.
Je crains la fin de cette affaire-ci.

 

DICÉPHILE.

Eh bien, c'est donc ici
Qu'habite cette femme
Qui met d'un seul regard toute une ville en flamme !

 

LAMPITO.

C'est ici qu'habite Phryné.

Belle en tous lieux, elle est plus belle
Au séjour fortuné

Qui la respire et la rappelle.

(Dicéphile, assis sur la droite, négligemment a pris le miroir de Phryné.)

Gentil miroir où ses grands yeux
Laissent tomber une caresse,
Cesse de refléter les cieux,

Tu vas sourire à ta maîtresse.

(Montrant le lit de repos.)

Lit si propice aux doux larcins,
Où la défaite est si facile,
Alanguis-toi, toujours docile !
L'amour attiédit les coussins.

(Montrant les bijoux.)

Bijoux choisis par elle,
Heureux colliers, bracelets d'or,
Bientôt vous prêterez encor
A sa beauté grâce nouvelle.
C'est ici qu'habite Phryné.

Belle en tous lieux, elle est plus belle

Au séjour fortuné
Qui la respire et la rappelle.
C'est ici qu'habite Phryné.

(Lampito sort.)

 

 

SCÈNE IV

 

DICÉPHILE

(Seul, examinant toutes choses.)

Voyons ! Mon petit inventaire !
Cela sent bon ici. — Je suis plus mal logé.
Tout raconte un bonheur rarement solitaire

Et souvent partagé.

(Reprenant le miroir que Lampito a laissé sur la table.)

Ah ! le fameux miroir ! — C'est bien ici sa place.
Se regarder du matin jusqu'au soir,
Ainsi le temps de ces femmes se passe.

(Se mirant.)

Moi, je ne trouve rien d'agréable à me voir,
Et ce m'est un plaisir dont bientôt je me lasse.
Les hommes, entre nous,

Sont de grands fous ;

Et dix ans devant Troie, et d'estoc et de taille
On mena terrible bataille

Pour certaine coquine ! Hélas, trois fois hélas !

Athènes en est pleine,

Et les filles d'Hélène

Ne manqueront jamais aux fils de Ménélas.

 

L'homme n'est pas sans défaut,

Tant s'en faut ;
Mais la femme plus perverse,

Ne nous verse

Pour deux ou trois bons moments,

Que tourments.

On est sage, mais quand même,
Si l'on aime,

C'est payer bien cher après,
Des regrets.

Moi, jamais l'âme échauffée

Comme Orphée,
Je n'ai chanté mes malheurs

Dans les pleurs ;
J'aurais dit en son repaire

A Cerbère :

Ma chère Eurydice est là ;
Gardez-la !

(Phryné entre et avance lentement.)

 

 

SCÈNE V
DICÉPHILE, PHRYNÉ

 

DICÉPHILE, à part, apercevant Phryné.
C'est elle, enfin !

 

PHRYNÉ, à part.

Je dois acheter le silence
De cet homme à tout prix,
Et faire de nos lois trébucher la balance.

 

DICÉPHILE, à part, observant Phryné.

Elle n'ose avancer ; je n'en suis pas surpris.

 

PHRYNÉ, à part.

A tout prix ? C'est bien cher. Il faut que je le paie
Avec de la fausse monnaie.

 

DICÉPHILE, à part.

C'est mon tour de railler ; elle a l'air consterné.

 

PHRYNÉ, à part.

Je saurai vaincre, ou bien, je ne suis pas Phryné.

(Elle s'avance vers Dicéphile et s'adresse à lui.)

Seigneur, est-ce bien moi que vous cherchez ?

 

DICÉPHILE, d'un ton brusque.

Vous-même !

 

PHRYNÉ.

Ma joie en est extrême.

 

DICÉPHILE.

Pas de vain compliment !
Vous savez trop pourquoi je viens.

 

PHRYNÉ, simulant l'étonnement.

Non pas vraiment !

 

DICÉPHILE.

Quel aplomb !

 

PHRYNÉ.

Quel tapage !

 

DICÉPHILE, d'un ton solennel.

En ce moment l'Aréopage

Se réunit de par exprès commandement.

Votre crime est de ceux que jamais rien n'efface.

 

PHRYNÉ.

Regardez-moi, s'il vous plaît, bien en face !

(Elle se rapproche de Dicéphile et se place droite et fière devant lui.)

DICÉPHILE, étonné.

Mais...

 

PHRYNÉ, d'un ton câlin.

Et répondez-moi, Dicéphile, entre nous,
Croyez-vous que l'Aréopage

Condamnera Phryné ? Dites ! Le croyez-vous ?

 

DICÉPHILE.

J'en suis sûr. — Et pourtant, c'est peut-être dommage !

 

PHRYNÉ.

N'est-ce pas, mon ami ?

 

DICÉPHILE.

On s'est moqué de moi.

 

PHRYNÉ.

Rien qu'à demi.

 

DICÉPHILE, furieux, à haute voix.

On m'a coiffé d'une outre et barbouillé de lie !...

 

PHRYNÉ.
Vous ?

 

DICÉPHILE.

Non ! mon buste !

 

PHRYNÉ.

Une aimable folie.

 

DICÉPHILE.

Oh !

 

PHRYNÉ.

Il faisait si noir... Écoutez mes raisons !

 

DICÉPHILE.
C'en est trop !

 

PHRYNÉ, insistant.

Faites-moi la grâce de m'entendre.
Le plus grand criminel a droit de se défendre.

 

DICÉPHILE, inquiet, à part.

La sirène est bien belle, et je crains ses chansons.

 

PHRYNÉ, lui fait signe de se rapprocher d'elle, Dicéphile s'en étant écarté ; elle va prendre place sur le lit de repos où lentement, hésitant, Dicéphile la rejoint.

Venez donc près de moi !... Là !... plus près, et causons !

DUO

PHRYNÉ.

Je suis devant l'Aréopage,

N'est-ce pas, Dicéphile, en étant devant vous ?

 

DICÉPHILE.

C'est tout comme, en effet.

PHRYNÉ.

Et le procès s'engage.

Que Thémis prononce entre nous !
Je suis le criminel et le juge c'est vous.

Interrogez l'accusé, c'est l'usage.

 

DICÉPHILE, à part.

N'oublions pas que je suis en courroux !

 

PHRYNÉ, se levant et d'un air triomphant.

C'est Phryné qu'on m'appelle ;
Je suis à la fleur de mes ans.

On fait courir sur moi des propos médisants ;
Qu'importe ! Je suis belle !

Et les remords sont déplaisants !

(Vivement et s'adressant à Dicéphile directement.)

Poursuivez l'interrogatoire !
Prononcez le réquisitoire !

Parlez ! Parlez ! Je vous réponds !

(Phryné s'avance vers Dicéphile qui recule et se trouble.)

DICÉPHILE, à part.

Son crime est affreux et notoire ;
Mais je crains ses regards fripons.

 

PHRYNÉ, plus simplement.

Vous vous taisez ?

(D'un ton dégagé.)

Souffrez que je complète,
Tout en vous écoutant, ma première toilette.

(Hypocrite et railleuse.)

Votre présence auprès de moi

Me cause tant d'émoi
Que j'en perds à demi la tête.

Je voudrais bien avoir,
Seigneur, excusez ! mon miroir.

(Dicéphile, un moment hésitant, se met à chercher le miroir, mais comme au hasard.)

Là !... sur la table !

(Phryné désigne à Dicéphile la table où sont déposés les objets de toilette. Dicéphile prend le miroir et le présente à Phryné, qui le reçoit d'un air insouciant. — Prenant le miroir.)

Bien !

(Elle se regarde, puis, sans même tourner la tête vers Dicéphile.)

Et mon collier, de grâce !

(Dicéphile va chercher le collier et le présente à Phryné, elle le prend, puis d'un geste aussitôt renvoie Dicéphile chercher quelque autre objet.)

Mes bagues ! Un ruban !

(Phryné commande d'un ton toujours plus brusque et plus rapide Dicéphile, bientôt tout haletant, court de Phryné à la table et de la table à Phryné.)

 

DICÉPHILE, un moment hors de lui et regardant Phryné, à part.

Il faut que je l'embrasse !

 

PHRYNÉ, il se rapproche brusquement, comme pour embrasser Phryné ; elle se retourne et l'arrête d'un geste.

C'est abuser peut-être ! Attachez au bras droit
Cet anneau d'or !

(Elle présente à Dicéphile un anneau d'or et tend son bras nu. Dicéphile comme inconscient de ce qu'il fait, prend l'anneau et reste immobile devant Phryné.)

Qu'avez-vous ?

 

DICÉPHILE, ébloui et comme fou.

Je regarde !...

(Il se dispose à attacher l'anneau au bras de Phryné, mais l'anneau lui échappe et tombe à terre.)

 

PHRYNÉ.

Bon ! le voilà par terre ! Eh ! seigneur, prenez garde !
Vous êtes maladroit !

(Phryné ramasse l'anneau et se l'attache elle-même au bras.)

 

DICÉPHILE, à part, balbutiant.

Qu'ai-je donc ? J'y vois double !
Je ne sais où j'en suis.

 

PHRYNÉ, à part, observant Dicéphile et déjà à demi-triomphante.

Il se tait, il se trouble,
Aphrodite, poursuis !
Complète ma victoire !
Ma grâce est à ce prix.

 

DICÉPHILE, à part.

Ah ! que dira l'histoire,
Si Dicéphile est pris ?

(Reprenant quelque sang-froid et d'un ton qu'il veut rendre assuré.)

Phryné, cessez ce badinage !
Vous me faites jouer un fâcheux personnage.

 

PHRYNÉ, surprise.

Vous vous en plaignez donc ?

(Phryné est allé s'étendre à demi sur le lit de repos.)

Rien qu'un service encor ; ce ne sera pas long.
Et vous êtes si bon...

 

DICÉPHILE.

Non pas, vraiment !

PHRYNÉ.

Que j'ose

Vous demander...

 

DICÉPHILE.
Mais quoi ?

 

PHRYNÉ.

Quelques fleurs, une rose.

 

DICÉPHILE, jetant un regard rapide autour de lui.

Il n'en est pas ici.

PHRYNÉ.

Derrière ce rideau !

(Phryné désigne à Dicéphile le rideau qui voile la statue d'Aphrodite ; il s'approche du rideau après un moment d'hésitation. Tout à coup, la scène est plongée dans l'obscurité.)

 

DICÉPHILE, étonné.

Le ciel s'est obscurci.
Tout à coup... qu'est-ce donc ?

 

PHRYNÉ.

Sans doute quelque orage

(Pressante.)

Ma rose, s'il vous plaît. Allez donc ! Du courage !

(Phryné s'est levée et se tient sur la gauche, tout à fait à l'écart, invisible à Dicéphile.)

Au moment où Dicéphile s'approche, le rideau s'écarte et s'ouvre de lui-même. La statue d'Aphrodite nue apparaît. Le piédestal est enguirlandé de myrtes et de roses. La statue est de marbre et reproduit les traits de Phryné, seule elle est éclairée comme par une lumière mystérieuse, tandis que tout le reste de la scène est plongé dans l'obscurité. Des voix s'élèvent et semblent saluer la déesse. C'est un murmure très doux. Les chanteurs restent invisibles.

 

CHŒUR.

C'est Phryné ! Quand elle passe,
Il semble que dans l'espace,
Le bonheur s'éveille et rit
Que de grâce et de jeunesse !
N'est-ce pas une déesse

Qui s'avance et nous sourit ?

 

DICÉPHILE, s'arrête ébloui et stupéfait.

Grands dieux ! grands dieux ! quelle merveille !
C'est une vision ; et je suis dans les cieux.

Il semble qu'une autre âme en mon âme s'éveille.
Tant de charmes jamais n'ont ébloui mes yeux.
O déesse ! O déesse !

Toute grâce et jeunesse !

Qui t'amène au milieu de nous ?

Je t'adore, ô déesse, et tombe à tes genoux !

(Dicéphile hors de lui s'élance comme pour pénétrer dans le sanctuaire et saisir la statue dans ses bras. Le rideau tombe devant lui, la statue disparaît. Dicéphile étonné se retourne. Phryné est négligemment étendue sur le lit de repos, la scène s'éclaire et tout se retrouve dans le même ordre et à la même place. La musique cesse.)

Plus rien ! Etait-ce un rêve ? Ah ! ma raison s'égare !

(Dicéphile affolé regarde de tous côtés, puis s'adresse brusquement à Phryné.)

Qu'ai-je vu là, Phryné ? Tout à l'heure ? C'est vous !
Vous partout ! Vous toujours !

 

PHRYNÉ, très calme et d'un ton attristé.

Mon procès se prépare,
Dicephile, et je crains votre juste courroux.

 

DICÉPHILE, vivement.

Non ! non ! Moi seul je suis un coupable, un impie.
Et ce crime à vos pieds, en tremblant, je l'expie.
J'aime ! J'aime !

(Il se jette aux pieds de Phryné.)

 

PHRYNÉ, à part, se levant.

Allons donc !

DICÉPHILE, suppliant.

Ayez quelque bonté

Que mon rêve devienne une réalité !

 

PHRYNÉ.

Je suis, l'oubliez-vous ? devant l'Aréopage.

DICÉPHILE.

Il vous acquittera, j'en suis sûr, et pour gage,
Laissez-moi vous ravir, rien qu'un petit baiser.

(Il veut saisir la main de Phryné, mais elle la retire aussitôt.)

 

PHRYNÉ.

Cessez !

 

DICÉPHILE.

Mon cœur va se briser,

O ma Phryné si belle,

Vous n'êtes pas toujours d'humeur aussi cruelle.

 

PHRYNÉ.

Impertinent !

 

DICÉPHILE.

Vous aimez quelquefois

Que cette main mignonne

Un instant s'abandonne :
Et je mets à vos pieds la justice et les lois !

Dicéphile toujours à genoux, s'efforce vainement de saisir la main de Phryné qui toujours la retire, elle est debout sur la droite cachant Dicéphile. De droite, de gauche apparaissent Nicias et Lampito, celui-ci conduisant Agoragine et Cynalopex.

 

 

SCÈNE VI

LES MÊMES, NICIAS, LAMPITO, AGORAGINE, CYNALOPEX, puis ESCLAVES, NOMBREUSE ASSISTANCE.

 

NICIAS, frappant Dicéphile sur l'épaule.

Mon oncle, c'est à vous de nous payer l'amende.

 

DICÉPHILE.

Pourquoi ? Seul, je règne et commande.

 

NICIAS.

Craignez l'aréopage ! Il peut vous révoquer ;
Et sur notre rapport il n'y saurait manquer.

 

DICÉPHILE.

Ma place ! Dieux vengeurs ! Plutôt perdre la vie !

 

NICIAS.

Ce cri du cœur me fait envie.
Vivez et régnez mais

De tous vos biens ce soir j'exige le partage
En attendant votre héritage.
C'est dit ?

 

DICÉPHILE.

Eh ! oui ! c'est dit !...

 

NICIAS.

Touchez-là !... Désormais

Nous chanterons mieux que jamais,

Vos vertus et les nôtres

 

DICÉPHILE, inquiet.

Le peuple croira-t-il ?...

 

CYNALOPEX.

Il en a cru bien d'autres.

(Entre un groupe nombreux d'esclaves et d'Athéniens.)

NICIAS.

Nous déclarons la guerre à tous vos ennemis,
Et nous crierons plus fort.

(S'adressant au chœur.)

N'est-ce pas, mes amis ?

 

PHRYNÉ, à Dicéphile.

Votre fête d'hier vous est ici rendue.

 

DICÉPHILE.

Et tout cela pour voir une statue !

 

Ensemble final.

 

CHŒUR.

Honneur et gloire à Dicéphile !
Digne fils de nos grands aïeux !
Si la vertu règne en la ville,
C'est qu'elle est à ses lois docile
Chantons le sage aimé des dieux !

(L'assistance et les deux démarques s'empressent autour de Dicéphile qui, résigné, accepte une coupe que Lampito lui présente. Phryné et Nicias se tiennent étroitement enlacés.)

 

 

 

 

 

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