Scaramouche

 

affiche pour la création de Scaramouche par Jules Chéret (1891)

 

 

Pantomime-ballet et deux actes et quatre tableaux, livret de Maurice LEFÈVRE et Henri VUAGNEUX, musique d'André MESSAGER et Ernst August Georg dit Georges STREET (21 janvier 1854 – 06 février 1908).

 

 

   partition

 

 

Création au Nouveau-Théâtre le 17 octobre 1891 ; chorégraphie de Carlo Coppi.

 

 

personnages

créateurs

Arlequin Mlles Félicia MALLET
Colombine Cornélia RIVA
l'Hôtelière LAPUCCI
Scaramouche MM. Henry KRAUSS
Gilles Paul CLERGET
Cassandre MONDOS
Polichinelle ARMÉNIS
l'Hôtelier Paul LEGRAND
Chef d'orchestre Louis GANNE

 

 

 

 

Henry Krauss, créateur du rôle de Scaramouche

 

 

Introduction

Acte I. - 1er tableau

La scène représente une place de village. A gauche la maison de Cassandre. A droite l'église fleurie. Au fond la campagne riante sous le gai soleil de printemps.

le Mariage de Colombine

2e tableau

l'Evocation

I. Divertissement

II. Colombine et Gilles

III. Polka de Cassandre et Finale

Entr'acte

Acte II. - 3e tableau

Une hôtellerie pittoresque, garnie de cuivres, ornée de fleurs. Au fond, balcon sur lequel donnent les cinq portes des chambres à coucher. Escalier à droite et à gauche. A travers une baie, on aperçoit des fourneaux allumés. En scène. Grande table au milieu. Petites tables à droite et à gauche.

l'Hôtellerie

Divertissement

I. Valse

II. Pas de Colombine et d'Arlequin

III. Scène d'hypnotisme de Scaramouche

IV. Scène d'hypnotisme d'Arlequin

4e tableau

Apothéose

 

 

 

 

 

illustration de la partition de Scaramouche par Jules Chéret

 

 

 

 

 

 

 

la création de Scaramouche

 

 

C'est le progrès !... Jadis, quand on voulait publier dans un livre ou dans un journal un portrait ressemblant, il fallait avoir recours au dessinateur, au graveur en taille-douce ou au lithographe... Ce travail exigeait des semaines de préparation... Aujourd'hui, le graveur et le dessinateur sont remplacés par un photographe. Il suffit de demander au modèle une seconde d'immobilité ; le magnésium s'enflamme, on presse un bouton, et l'on possède un cliché merveilleusement fidèle...

 

Regardez cette scène qui figure en tête de cet article. Ne dirait-on pas d'un tableautin de Lancret ? C'est un épisode tiré du second acte de Scaramouche, la pantomime de MM. Maurice Lefèvre, Vuagneux, Messager et Street, représentée en ce moment au Casino de Paris. Mlle Félicia Mallet a créé le principal rôle de cet ouvrage ; elle est crânement entrée dans le maillot d'Arlequin, ainsi que vous pouvez en juger en contemplant la silhouette ci-contre :

 

 

 

Félicia Mallet dans Scaramouche (Arlequin)

 

 

« Un bout de femme pas plus haut que ça, mince extraordinairement, avec des gracilités de demoiselle obstinée et des grâces de jeune clown, une souplesse déconcertante, et le geste à la fois brutal et joli, spirituel toujours !

 

« Les jambes, très purement dessinées, sont exquises de gaminerie frêle ; les hanches n'ont jamais rendu impudiques ni le maillot, ni le travesti ; et la taille, d'une finesse singulière, vire à l'aise, ignorant le corset, soutien et protecteur des puissants appas.

 

« La main et le pied sont des merveilles de petitesse, mais pas la petitesse bête des objets de vitrine. Cela court, bouge, s'agite, fait, en une seconde, trois niques et dix pirouettes, comme si du vif-argent courait dans ces grêles veines bleues.

 

« Et cette mobilité extrême se retrouve sur le visage, qui est bien l’un des plus curieux et l'un des plus suggestifs que j'aie jamais entrevus.

 

« Rien du profil grec — ah ! mais non ! Rien non plus du facies auguste de la beauté romaine. Elle n'est pas davantage Louis XIV, cette frimousse extraordinaire sur laquelle le tragique sublime efface ou remplace la grimace gouailleuse du pitre ; ni Louis XV, ni Louis XVI, ni Empire... A la vérité, elle est « fin de siècle ».

 

« Oh ! pas de celui-ci, sans quoi je n'aurais jamais employé ce terme, devenu irritant de banalité et d'incohérence. Mais de l'autre, d'il y a cent ans.

 

« Regardez cette figure d'ovale un peu long, où le nez, sans courbe hautaine ni retroussis mutin, se tend vers la lèvre ; regardez cette bouche ironique, ce menton têtu, ce grand front barré de volonté, ces cheveux trop fins et rebelles, toute cette physionomie chétive et héroïque, où il y a de la réflexion, de la douleur, de la blague, du doute — et rappelez-vous les portraits de la Révolution !

 

« Et ces yeux !... Ces yeux pâles dont le bleu semble déteint par les larmes ou mangé par l'intérieur rayonnement de la pensée, ces yeux irisés comme la nacre, qui est faite des reflets de toutes les aurores, ces yeux dont la couleur semble renaître ou s'effacer, suivant qu'ils s'avivent de joie ou s'estompent de tristesse, ces yeux ressemblent étrangement à ceux qu'on vit briller, jadis, sous le bonnet à la Charlotte Corday.

 

« Vous souvient-il ce qu'elle fut sous ce bonnet-là, Félicia Mallet, dans cette fantaisie qui a nom Barbe-Bluette, et où elle trouva moyen d'être une mime de génie, cocasse à faire pleurer, terrifiante à faire fuir ?

 

« Vous rappelez-vous son entrée en scène, avec le tablier gorge de pigeon, le fichu à la citoyenne, sa silhouette frêle comme agrandie par cet austère costume ? Et ses mines de jeune chatte entre Arlequin et Pierrot sabrées soudain par le geste biblique dont, Judith en carmagnole, elle tranchait la tête de l'époux. Ses yeux, ses terribles yeux, s'emplissaient de volupté féroce, et son regard luisait comme un éclair de hache !... »

 

Nous n'avons rien à ajouter à ce joli portrait buriné par Jacqueline. Nous n'en connaissons pas de plus exact.

 

(la Revue illustrée, 15 juin 1891)

 

 

 

 

 

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