Jean BÉRAIN
Jean Bérain, gravure de Claude Duflos d'après Joseph Vivien (1709)
Jean BÉRAIN
architecte, dessinateur et graveur français
(Saint-Mihiel, Meuse, 04 juin 1640 – Paris, 24 janvier 1711)
Fils de Jean BÉRAIN, maître arquebusier, et de Marie BÉTAN.
Epouse le 25 septembre 1665 Louise-Marie DROUAULT (– av. 1711).
Père de Jean BÉRAIN (Paris, 1674 – Paris, 1726), dessinateur, et de Pierre-Martin BÉRAIN (11 novembre 1677 – ap. 1742), historien et prévôt du chapitre de Hazelach, en Alsace.
Fils d’un arquebusier lorrain, élève de Charles Le Brun, il eut le titre de « dessinateur de la chambre et du cabinet du roi » (1673) et dirigea les fêtes de la cour sous Louis XIV. Il fournit des modèles à André Charles Boulle et créa, pour la Manufacture royale de Beauvais, les tentures célèbres des Grotesques à fond jaune, et des Triomphes marins. Auteur de maquettes de costumes pour le théâtre et l’opéra (notamment pour Lully), il devint en 1680 le décorateur officiel de l’Académie royale de musique, succédant à Carlo Vigarani. A la mort de Le Brun, Bérain fut chargé de la composition et du contrôle de la décoration des vaisseaux (1690). Ses dessins, masques, costumes, décorations, qui marquent la transition du style Louis XIV au style Louis XV, forment un important recueil (1711). Il est mort dans les galeries du Louvre, où le roi lui avait donné un appartement. Son fils Jean obtint la survivance de dessinateur de la chambre du roi (1711).
costume de Neptune par Jean Bérain
habits de théâtre par Jean Bérain [en bas à dr. costume d'Indien]
L'histoire, très significative, des costumes d'Opéra peut se faire fort aisément, et depuis les origines, grâce à la documentation abondante et remarquable — croquis, reports, modèles en couleurs, cartons, albums complets — conservée, sous l'administration de M. Charles Bouvet, aux archives et à la bibliothèque de notre Académie nationale de Musique et de Danse. Et dès qu'on ouvre les premiers recueils, c'est-à-dire ceux qui se rapportent aux premiers temps de l'Opéra (1671-72), on se trouve en face de dessins qui ne sont pas loin d'être de petits chefs-d'œuvre. L'artiste qui les a signés, et qui a imaginé le genre du costume d'opéra, s'appelait Jean Bérain (on l'appelle aussi Bérain-le-Vieux, pour le distinguer de son fils Jean). Il a dû travailler pour Cambert, le créateur de l'opéra français, pour sa Pomone et ses Peines et Plaisirs de l'Amour. En tout cas, dès que l'astucieux « Baptiste », dès que Lully, en d'autres termes, eut supplanté Cambert à la direction de « l'Académie Royale de Musique », c'est Bérain qui dessina tous les costumes (tous les habits de théâtre, comme on disait alors), nécessaires pour monter les innombrables comédies-ballets et drames musicaux dont, des années durant, allaient se régaler le Roi, la Cour et la Ville. Bérain, qui avait le même âge que le Roi-Soleil — né en 1638, il est mort en 1711 — tenait aussi de sa noblesse et même de sa majesté, le crayon aux doigts. C'est le Louis XIV du costume.
Les lignes essentielles de ses habits de théâtre, il ne les a d'ailleurs pas cherchées en dehors de ce que lui fournissaient les modes du temps. Dans ses habits de princes et de princesses, de héros légendaires, de rois mythologiques, de divinités mêmes, on retrouve presque toujours le « tonnelet », les larges canons de dentelles, les chausses, les lourdes « robes à paniers » de l'époque.
Quelques flots de rubans, un « corps » à écailles, une jupe à grands forages, un voile... et, grâce à Bérain, voilà les héros d'opéra pourvus des costumes qu'il leur fallait. Ses jupes, ses tuniques, ses cuirasses, couvertes de rinceaux et de treillages, paraissent incrustées comme des meubles de Boulle, mais son imagination en fait les accoutrements d'un monde nouveau où les personnages, pour vivre, ont besoin du caprice et de la fantaisie des artistes. La fantaisie de Bérain se donne jour, surtout dans le domaine des divinités infernales, des sorcières à serpents et des hommes-oiseaux. Et, dans cette société exotique, il choisira, pour thème principal de ses arabesques, les ailes aiguës de la chauve-souris. Mais qu'il s'agisse de coiffer d'un échafaudage de plumes la tête auguste d'un dieu — c'est-à-dire celle de Louis XIV en personne — il rehaussera sa verve légère de toute la grandeur d'un Le Brun.
De nos jours, les costumiers des Ballets Russes semblent s'être inspirés, souvent, des anciens croquis de Bérain-le-Vieux. Que ne l'ont-ils fait, chaque fois, avec le goût exquis de l'artiste français du Grand Siècle !
(programme de l'Opéra de Paris, 1935)
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frontispice de Jean Bérain pour Achille et Polyxène, opéra de Lully
Jean I Berain, dessinateur de la Chambre et du Cabinet du roi (1640-1711), par Roger-Armand Weigert [Paris, 2 vol. in-4°] — Aux environs de l'an 1680, commencèrent à paraître, dans les cadres de la vie publique et de la vie privée, les riants ornements que Jean Berain, servi par son imagination, dessinait de son crayon diligent. Nul contemporain cependant, sauf Donneau de Visé, rédacteur du Mercure galant, ne signala le merveilleux effort accompli par cet artiste pour rénover l'art décoratif de son temps. Après sa mort, tombé dans un injuste oubli, il y serait pour toujours demeuré si, récemment, Roger-Armand Weigert, attiré par le pittoresque, la grâce et l'originalité de ses créations, ne s'était avisé de projeter de vives lumières sur sa carrière obscure et sur son œuvre mal connue. De l'enquête approfondie, fructueuse en découvertes de tous genres, à laquelle ce consciencieux érudit vient de se livrer, Berain sort singulièrement grandi. Il ne semblait pourtant nullement prédestiné, par ses origines, à sa tâche de novateur. Aîné des cinq enfants de Jean Berain, maître arquebusier lorrain, et de Marie Bétan, il naquit à Saint-Mihiel, le 4 juin 1640. Il eut sans doute mené, comme ses ascendants, une terne vie d'artisan sans la guerre qui réduisit son pays à la famine. Louis XIII ayant, en effet, envahi la Lorraine, la famille Berain dut fuir sa ville natale et se réfugier à Paris, où elle s'installa entre 1645 et 1648. Jean I passa vraisemblablement sa jeunesse dans l'atelier paternel où il apprit le métier d'arquebusier. Curieux, avide de savoir, il s'instruisit en histoire et en mythologie, tandis qu'il pratiquait le dessin et la gravure où il excella bientôt. Décorer de figures ou de guirlandes l'acier des pistolets et des mousquets l'intéressait bien plus que d'en fabriquer les pièces. Dans quelles conjonctures le jeune artisan découvrit-il cet art ornemental, connu sous le nom de « Grotesques » et provenant des ruines antiques des thermes romains de Titus, que le Primatice au XVIe siècle, Simon Vouet au XVIIe utilisèrent à parer, l'un la galerie d'Ulysse au palais de Fontainebleau, l'autre le cabinet des bains au Palais-Royal ? On ne le peut préciser. Cet art était tombé en désuétude sous Louis XIV et avait cédé la place à un autre plus conforme aux disciplines classiques. Toujours est-il que Berain, en ayant eu la révélation, lui emprunta son inspiration, sa manière, son style. Dès 1659, c'est-à-dire à l'âge de dix-neuf ans, il publia, en effet, un recueil, dessiné et gravé par lui, de Diverses pièces très utiles pour les Arquebusiers où l'on discerne à la fois, et cette inspiration, et les prémices de son talent futur. Fut-il, à cet instant de sa vie, contraint de renoncer à sa profession, faute de pouvoir, en qualité d'étranger, obtenir la maîtrise ? Ou bien végéta-t-il obscurément dans cette profession fort encombrée ? De 1659 à 1665, on perd sa trace. Le 25 septembre de cette dernière année, il épouse, à peine âgé de vingt-cinq ans, Marie Drouault, fille d'un maître cordonnier ; en compagnie de cette jouvencelle, qui lui apporte une dot de 5 000 livres, il s'établit rue du Temple. Il paraît, dès lors, chercher sa voie plus spécialement dans le dessin que dans la gravure et renoncer à l'arquebuserie. Il fréquente un groupe de décorateurs travaillant pour le théâtre, les fêtes royales et publiques. On le voit, en effet, en relations avec Henri de Gissey, dessinateur de la Chambre du roi, que Weigert désigne comme son maître, et avec Carlo Vigarani qui l'initie à la science de la machinerie scénique. En 1670, connu de Colbert, surintendant des Bâtiments, et de Charles Perrault, son commis, protégé par Charles Le Brun, premier peintre du roi, il entre dans la troupe des artistes qui enrichissent d'estampes le Cabinet de Sa Majesté, nouvellement créé, et qui dessinent des ornements pour la galerie d'Apollon au palais des Tuileries. Il s'y lie d'amitié avec le graveur Jean Lepautre dont il subit l'influence et qui, plus tard, gravera bon nombre de ses dessins éphémères. Il travaille aussi avec le peintre et graveur Jean Lemoine dont il publiera, en 1676, un recueil d'Ornements. En dehors de quelques besognes, exécutées pour le roi, et qui, saris doute, assurent son existence, il reste l'auxiliaire d'Henri de Gissey. Sous la direction de ce dernier, qui le forme, il s'exerce à créer des costumes de ballets, de mascarades et de théâtre. Il imagine vers ce temps — première œuvre qui le désigne à l'attention — la pompe funèbre du duc de Beaufort. Il fait de si rapides progrès dans son art de décorateur qu'il égale bientôt son maître. Le 28 décembre 1674, Gissey mort, il obtient de Louis XIV, « bien informé de son expérience », le brevet de dessinateur de la Chambre et du Cabinet de Sa Majesté, laissé vacant par le défunt. Il est désormais, sous l'autorité du premier gentilhomme de la Chambre, le fonctionnaire indispensable de l'administration des Menus Plaisirs. Dotée de ressources importantes, cette administration assume la tâche de glorifier le souverain, l'entourant de faste dans toutes les circonstances de sa vie publique ou privée, de servir aussi — Weigert l'a fort bien discerné — sa politique intérieure et extérieure en prodiguant au peuple les divertissements et en suscitant, à l'étranger, le sentiment de sa grandeur. Le dessinateur de la Chambre du Roi doit, pour remplir dignement son emploi, disposer d'une imagination vive et d'une parfaite science du dessin, connaitre les principes de l'architecture et les lois de la perspective, savoir, aussi exactement qu'un peintre, harmoniser les couleurs et ménager leurs effets. Il fournit aux intendants des Menus Plaisirs des idées et des projets de fêtes ou de cérémonies qui, agréés par le roi, sont réalisés sous sa direction par un nombreux personnel d'artistes et d'artisans dont il contrôle le travail. A examiner, sous ses différentes formes, l'activité de Berain, on se demande comment il peut suffire à des tâches si diverses. Il est, en premier lieu, l'arbitre secret de la mode. En collaboration, en effet, avec les tailleurs et les marchands d'étoffes, il dessine les habits du roi, de la reine, des princes et princesses du sang, en diversifie, chaque saison, les aspects, préside à cette élégance raffinée qui constitue alors « le bel air ». C'est lui qui, en 1679, lors du mariage de Mlle d'Orléans avec le roi d'Espagne, crée le modèle somptueux de sa robe de noces. C'est lui qui, en 1680, imagine les costumes, d'une richesse inouïe, que le grand dauphin Louis arbore au cours de ses épousailles avec Victoire de Bavière et qui, de plus, revêt cette princesse d'une robe considérée « comme la plus magnifique que l'on eût jamais vue », toute parsemée d'attributs de l'hymen et de l'amour, mêlés, parmi les broderies d'or et d'argent, à des armes, chiffres et fleurons. En dehors des habits de cérémonie ou d'usage courant, Berain en dessille d'autres que les grands portent, en temps de carnaval, aux bals masqués, aux ballets, aux mascarades, et, en d'autres temps, aux carrousels et courses de bagues. Ceux-ci, toujours taillés dans des tissus fastueux, alourdis d'or, d'argent, de pierreries, restent fort éloignés de la réalité ou de la couleur locale qu'ils aspirent à représenter. Ils atteignent parfois à un burlesque échevelé. Ils satisfont cependant les goûts des contemporains, qui confondent volontiers opulence avec esthétique. A ce travail d'habilleur, qu'il doit souvent produire dans des délais réduits, Berain ajoute celui de décorateur du théâtre royal. A partir de 1675, il crée les décors, les costumes, les machineries des opéras joués à Saint-Germain, œuvres de Lully et de Quinault ou Thomas Corneille, Thésée (1675), Atys (1676), Isis (1677), Psyché (1678), Bellérophon (1679). En 1680, non content d'assurer la splendeur de ces spectacles de cour, il devient, en marge de sa fonction officielle, le décorateur gagé de Lully, maître, dès lors, de l'Académie de musique, puis, à la mort de ce dernier, celui de Jean Nicolas de Francini, son successeur. Au dire de Weigert, il monte, de la sorte, en trente années, plus de cinquante opéras, toute la production musicale, en définitive, de Lully, Colasse, Campra, Desmarets et Destouches, contribuant puissamment à son succès par la beauté de sa mise en scène. Il évince ainsi du théâtre français les Italiens qui, jusqu'à sa venue, tenaient sous leur domination les « pièces à machines », c'est-à-dire les pièces, particulièrement admirées du public, où les décors se substituaient les uns aux autres, où volaient et rampaient toutes sortes de monstres, où des dieux, montés sur leurs chars, circulaient à travers l'espace. Cependant, bien que les contemporains aient vanté la grâce de ses « vols » ou promenades aériennes de personnages, Berain n'excellait guère à susciter les illusions visuelles. Il employait une machinerie succincte, parfois enfantine, souvent dangereuse, comme on peut s'en rendre compte dans plusieurs de ses dessins retrouvés par Weigert. Mais nul, de son temps, ne lui fut supérieur dans la conception, l'agencement, le pittoresque, l'ornement des costumes dont il affublait les acteurs. Nul surtout ne peut lui être comparé comme créateur de décors. De ces décors, des descriptions nombreuses ont été publiées par Donneau de Visé, dans le Mercure galant. Elles permettent d'affirmer que Berain enveloppait l'action musicale d'une atmosphère harmonieuse où elle prenait sa plénitude de séduction. Inspirés de l'histoire, de la mythologie ou de ce merveilleux que Quinault et autres librettistes empruntaient aux écrits du Tasse ou de l'Arioste, les « paysages » scéniques de Berain, selon Weigert, qui nous en trace d'agréables images, représentaient tantôt une riche contrée arrosée par un fleuve sinueux et parsemée de châteaux ou de fabriques, tantôt une solitude encadrée dans des rochers abrupts, parfois une clairière sylvestre propice aux danses de bergers et de pastourelles, de faunes et de dryades, ou bien un bocage aux arbres en fleurs, ou une allée d'orangers formant perspective sur un svelte temple dédié à l'amour, ou un camp martial aux tentes multicolores, ou une forêt cachant dans sa profondeur une fontaine aux eaux magiques, ou enfin quelque palais enchanté, gardé par des dragons et retenant captive une dolente princesse. Dans les constructions architecturales de ses décors, Berain, soumis aux lois de l'art classique, s'écartait peu des ordres et des ornements antiques. Animé d'un profond sentiment de la nature, il réussissait mieux, semble-t-il, un site agreste qu'un ensemble de bâtiments, bien qu'il sût communiquer une apparence de grandeur aux salles où se déroulaient les épisodes des tragédies lyriques. En dehors de sa tâche de décorateur théâtral, Berain en remplit bien d'autres, d'un genre inattendu. Il dessina, par exemple, d'après des thèmes fournis par le père Ménestrier ou par l'abbé Tallemant, des pompes funèbres comprenant le catafalque ou « représentation » et les ornements d'église. Comme, dans ces appareils consacrés à la mémoire de grands personnages (Turenne, Marie-Thérèse, Condé, la reine d'Espagne, le Dauphin, Mademoiselle, le duc d'Orléans), il s'efforçait d'évoquer la gloire des défunts plutôt que de rappeler l'image de la mort, on lui reprocha d'introduire le théâtre sous la nef et de donner au deuil une figure galante. Il peut néanmoins être considéré comme un maître dans l'art funéraire. Mme de Sévigné, sur ce chapitre, ne lui ménagea pas ses cris d'admiration. En qualité de dessinateur du roi, Berain intervint aussi dans la décoration des fêtes publiques. Il présida aux illuminations du Louvre et autres monuments lors des victoires des années ou des naissances de princes royaux. Il contribua à fixer le style des feux d'artifice en donnant à ceux-ci des formes de temples parés de bas-reliefs et environnés de statues allégoriques. Plus tard, émule de Pierre Puget, qu'il n'égala point dans ce domaine, il travailla à la parure des vaisseaux de guerre dont les proues et les poupes recevaient alors de magnifiques ornements. Ce ne fut point cependant dans l'exercice de son emploi d'officier du roi qu'il manifesta sa vraie, sa profonde originalité d'artiste, car il y œuvrait sous le contrôle stérilisant de Le Brun, doctrinaire de l'art académique, lequel paralysait souvent ses élans de novateur. Il révèle cette vraie originalité surtout dans ses dessins à destination commerciale. Il semble avoir fourni, en effet, aux industries d'art des modèles de plafonds, lambris, cheminées, tapisseries, tentures, meubles, ferronneries, pendules, miroirs, lustres, girandoles, torchères, vaisselles d'argent, objets de toilette, bijoux, broderies, carrosses, chaises, etc..., le tout rajeuni de formes et d'ornements sortis de son imagination fantasque. De l'examen de ces travaux, dont quelques-uns ont survécu, dont les autres figurent en recueils gravés, on peut inférer qu'il souhaitait vivifier, égayer, transformer l'austère visage de la maison familiale. A tant besogner pour le roi et les particuliers, Berain avait acquis belle fortune à défaut de grande renommée. Il occupait, dans la galerie du Louvre, un logement concédé par Louis XIV. Il acheta, près de Bièvres, un vaste domaine champêtre où il réunit une magnifique collection de tableaux. Il était d'humeur difficile, et son portrait, peint par Vivien, qui le représente âgé de soixante-dix ans, traduit la sévérité de son caractère. Il n'entra point à l'Académie royale de peinture, dont les membres méprisaient sans doute son art primesautier. Il avait élevé neuf enfants. Il entreprit la formation artistique du troisième de ces enfants, Jean II, qui manifestait quelque habileté de crayon. En 1704, il obtint du roi, pour ce garçon qui ne l'égala point en talent, la survivance de son office de dessinateur. Il mourut le 24 janvier 1711, laissant une succession évaluée à deux millions de notre monnaie. Dans le dernier chapitre de son volume, Weigert s'efforce de dégager les caractéristiques et la nouveauté de ce qu'il nomme « le style Berain », harmonieux assemblage, dit-il, « d'originales arabesques, de pittoresques rinceaux » et de ces « grotesques » antiques que l'artiste interpréta selon son tempérament et sut adapter aux aspirations esthétiques de son temps. Ce style répondit au goût public rebuté des poncifs académiques imposés par Le Brun à l'art décoratif et aux vœux des artisans qui cherchaient à renouveler leurs modèles d'ornements. En le créant, Berain n'accomplit pas une révolution dans le domaine artistique. Loin de rompre tout à fait avec le passé, il produisit, en définitive, un style de transition, qui préparait les réalisations de l'avenir. « Respectueux, en effet, de l'unité, de la symétrie, de la majesté et de la grandeur qui marquent l'époque de Louis XIV », il conserva l'armature classique à ses compositions. Son mérite particulier consista à introduire en celles-ci, en plus d'innombrables éléments décoratifs nouveaux, l'air, la lumière, la légèreté, la grâce, l'enjouement, et à y faire circuler, à mi-chemin de la fantaisie et du réalisme, le frémissement de la vie.
(Emile Magne, Larousse Mensuel Illustré, avril 1939)
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costume de ballet dessiné par Jean Bérain