Jules BOSQUIN

 

Jules Bosquin en 1874 [photo Liébert]

 

 

Jules Alexandre BOSQUIN dit Jules BOSQUIN

 

ténor français

(Déville-lès-Rouen, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 29 septembre 1843* – Paris 16e, 25 mars 1909*)

 

Fils de François Alexandre BOSQUIN (Déville-lès-Rouen, 13 septembre 1809 Déville-lès-Rouen, 11 mai 1878) cordonnier [fils de Jean Pierre BOSQUIN (Auzebosc, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 26 octobre 1768 – Déville-lès-Rouen, 18 août 1842), tisserand], et de Florestine Victoire LOUVET (Heugon, Orne, 16 juillet 1815 Déville-lès-Rouen, 24 janvier 1888), mariés à Déville-lès-Rouen le 23 avril 1839*.

Epouse à Paris 1er le 30 mai 1882* Marie Ernestine SCHREDER (Saint-Brieuc, Côtes-d'Armor, 21 décembre 1860 Saint-Germain-en-Laye, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 23 juin 1945) [remariée à Paris 8e le 27 novembre 1919 avec François Félix HANRION].

Parents de Juliette Marie BOSQUIN (Paris 17e, 04 juin 1883* Saint-Germain-en-Laye, 19 avril 1962).

 

 

Il entre au Conservatoire de Paris en 1862 où, élève de Laget, il obtint des prix de chant (3e accessit en 1863 ; 1er accessit en 1864 ; 2e prix en 1865), et, en 1864, un 1er accessit d’opéra et un 2e accessit d’opéra-comique. Il fut engagé en 1865 par Léon Carvalho au Théâtre-Lyrique. Après avoir chanté quelques temps à Marseille, il rentra au Théâtre-Lyrique où il réussit dans Martha et les Noces de Figaro. Le 26 novembre 1868, Jules Pasdeloup reprit l’Iphigénie en Tauride de Gluck où il remporta un grand succès dans le rôle de Pylade. Il entra alors à l’Opéra, où il débuta le 18 octobre 1869 dans la Favorite (Fernand). Il y créa Erostrate de Reyer en 1871 et Polyeucte de Gounod en 1878. Parallèlement, il avait chanté aux Concerts du Conservatoire (sociétaire le 14 mai 1872 ; démissionnaire le 28 janvier 1873), et créé la version oratorio de Marie-Magdeleine (Jésus) de Massenet à l'Odéon le 11 avril 1873. Il quitta l’Opéra en 1881. En 1884, il chanta au Théâtre-Populaire-Lyrique sous la malheureuse administration de M. Lagrenée.

En 1882, il habitait 12 rue de Naples à Paris 8e ; en 1905, 96 avenue Kléber à Paris 16e où il est décédé en 1909 à soixante-cinq ans. Il posséda « le Manoir » à Hénouville, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime].

 

 

 

Sa carrière au Théâtre-Lyrique

 

Il y débuta le 06 octobre 1865 dans Don Pasquale (Octave).

 

Il y créa le 23 octobre 1867 les Bleuets (Fabio) de Jules Cohen ; le 11 décembre 1867 Cardillac (Olivier) de Lucien Dautresme.

 

Il y chanta Rigoletto (le Duc de Mantoue, 19 décembre 1865) ; Martha ; les Noces de Figaro ; Iphigénie en Tauride (Pylade, 26 novembre 1868).

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta (salle Le Peletier) le 18 octobre 1869 dans la Favorite (Fernand).

 

Il y créa le 07 octobre 1878 Polyeucte (Sextus) de Charles Gounod.

 

Il y participa le 16 octobre 1871 à la première d’Erostrate (Scopas) d’Ernest Reyer.

 

Il y chanta le Freischütz (Max, 1870) ; Faust (Faust, 1871) ; Don Juan (Don Ottavio, 1872) ; Robert le Diable (Raimbaut, 1872) ; Hamlet (Laërte, 1874) ; la Juive (Léopold, 1875) ; Guillaume Tell (Ruodi, 1875) ; la Muette de Portici (Alphonse, 1879).

 

 

 

 

Jules Bosquin

 

 

 

 

Artistes, chanteurs, instrumentistes, continuent à se succéder dans les salons de Mme Ernest Lévi-Alvarès, rue Saint-Louis-au-Marais. […] Et l’autre soir, nous y avons entendu un jeune ténor, élève de M. Laget, un vrai phénomène vocal dont nos théâtres pourraient bien un jour s’emparer avec bonheur : il se nomme Jules Bosquin, – retenez bien ce nom ! – Fils d’un simple artisan de Rouen, comme Poultier, il y a toute une fortune dans son gosier. Avis à nos impresarii.

(le Ménestrel, 08 mars 1863)

 

 

C’est aujourd’hui, à midi précis, en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, que sera célébré le mariage de M. Jules Bosquin, artiste de l’Opéra, avec Mlle Marie Schreder, fille d’un négociant de la rue Bertin-Poirée.

Trois anciens camarades de M. Bosquin, MM. Sellier, Lassalle et Boudouresque, chanteront à sa messe de mariage : M. Sellier se fera entendre dans l’Ave Maria de Gounod, avec solo de violon par M. Garcin et accompagnement de harpe par M. Prumier ; MM. Lassalle et Sellier, dans l’O salutaris de Dietsch.

(le Figaro, 01 juin 1882)

 

 

 

 

 

Pour constituer une excellente troupe d'opéra, il faut, à côté des premiers sujets, réunir des artistes doués de moyens naturels moins brillants, mais rompus aux difficultés de l'art, consciencieux, modestes, sachant toute la valeur de l'enseignement contenu dans ce vers :

Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier.

Ces artistes arrivent d'ailleurs aussi bien et quelquefois mieux que les chefs d'emplois, à s'imposer au public par la façon relativement supérieure dont ils remplissent des rôles trop souvent abandonnés à de médiocres chanteurs.

C'est ainsi qu'autrefois les Lafont, les Alexis Dupont, les Massol, les Marié, les Poultier, ont su conquérir une haute réputation tout en n'ayant jamais essayé de se mesurer avec les Nourrit, les Duprez, les Levasseur ou les Barroilhet.

Aujourd'hui, l'Opéra compte encore deux talents de ce genre : MM. Caron et Bosquin, toujours disposés à se contenter des rôles de demi-caractère, comme aussi, tout prêts à remplacer au pied levé et dignement, les premiers sujets.

Après avoir chanté quelque peu en province et en dernier lieu à Marseille où il resta une année comme second ténor, — Warot était le premier, — Bosquin vint à Paris et fut engagé par M. Carvalho au Théâtre-Lyrique en 1867.

Sa voix douce et pénétrante, d'un timbre frais et pur, fut aussitôt remarquée dans Martha, dont il chanta les suaves mélodies avec grâce et correction. On apprécia sa méthode, sa manière large de phraser, mais on fut en droit de lui demander plus de chaleur dans la diction et dans le chant.

Dans la Flûte enchantée, où il remplaça Michot, en septembre de la même année, ses qualités s'accentuèrent davantage. La musique large et sereine de Mozart convenait parfaitement à ses moyens.

Vient ensuite sa première création :

Les Bleuets, opéra en 4 actes de Cormon et Trianon, musique de Jules Cohen, le 23 octobre 1867 (rôle de Fabio).

Il s'y produisit avec ses qualités et ses défauts : sa voix pure, son chant correct, son manque d'entrain et de chaleur.

Entre cette première création et la seconde, il chanta le rôle du duc de Mantoue dans Rigoletto, où il ne se montra pas assez dégagé d'allures, comme comédien. Le rôle d'Olivier, de :

Cardillac, opéra-comique en 3 actes de Nuitter et de Beaumont, musique de Dautresme, le 11 décembre 1867,

lui fut on ne peut plus favorable.

Alors, pendant une année entière, il resta sur la brèche, reprenant tour à tour, la Flûte enchantée, Martha et Rigoletto, affermissant son organe, mais il faut l'avouer, sans trop développer ses qualités scéniques.

Une circonstance toute particulière devait bientôt décider de son avenir. M. Carvalho avait abandonné le sceptre du Théâtre-Lyrique qui était tombé aux mains de M. Pasdeloup. Celui-ci songea, comme son prédécesseur à des reprises de chefs-d'œuvre classiques, et il voulut même remonter jusqu'à Gluck dont l'Orphée avait eu, peu d'années auparavant. un éclatant succès avec la célèbre Pauline Viardot.

Eu novembre 1868, Iphigénie en Aulide, fût monté relativement avec soin ; mais un seul artiste s'y montra supérieur : ce fut Bosquin.

Sous l'élévation du style de Gluck, sa voix prit une ampleur que l'on ne lui eut point soupçonnée, et atteignit elle-même au véritable style vocal. Après l'air de Pylade, au second acte, le public transporté par la tendresse et la fraîcheur de cet organe franc et naturel, non créé par les artifices de l'étude, se laissa aller à l'enthousiasme ; Bosquin fut acclamé, et les portes de l'Opéra lui furent immédiatement ouvertes.

Avant de quitter le théâtre de ses débuts, Bosquin succéda à Michot dans le rôle de don Ottavio, de Don Juan, en janvier 1869. Puis il fit ses adieux au public de la place du Châtelet, avec Rigoletto, à la clôture de la saison, au mois de juin de la même année.

Les débuts de Bosquin à l'Académie de musique eurent lieu le 18 octobre 1869 dans la Favorite. On ne pouvait mieux choisir. Le rôle de Fernand est presqu'entièrement écrit dans une gamme expressive et tendre. Il exige plus de grâce et de sentiment que de tempérament dramatique. Si le jeune ténor ne donna pas à la physionomie générale du personnage cette autorité que Roger y apportait, il plût par la suavité de ses accents et la simplicité de sa diction nette et correcte.

Le 24 novembre 1869, il remplace Colin à l'improviste, dans Faust ; chante avec un charme réel l’acte entier du jardin et tous les passages où le génie délicat de Gounod a répandu tant de douceur. Une fois en possession de ce rôle, il le conserve et le joue très convenablement.

En janvier 1870, il prend également au lieu et place de Colin, le petit rôle de Laerte dans Hamlet, puis peu après reparaît dans Ottavio, de Don Juan, qu'il avait déjà chanté au Théâtre-Lyrique.

Après les évènements de la Commune et sous la direction de M. Halanzier, Bosquin renouvela son engagement à l'Opéra, où sa place est aujourd'hui parfaitement marquée.

Il y a tout un répertoire de demi-caractère, dont il peut être et dont il est le premier sujet.

A défaut de passion culminante, et de sons provoquant l'enthousiasme d'un public toujours disposé à subir les effets de la force, il a d'autres qualités qui ont leur mérite particulier et leur charme attrayant. Sa voix est une des mieux assise que l'on puisse entendre ; elle est juste, d'un timbre limpide. Il l'a conduit avec sûreté et atteint à l'émotion par la douceur et la délicatesse des sons.

Souvent dans les soirées de la Société des concerts du Conservatoire, ou bien aux Concerts-Populaires, lorsque Pasdeloup nous fin entendre les œuvres de style, c'est Bosquin l'interprète choisi. On a recours également à lui pour l'audition des cantates des prix de Rome, en un mot, nous le retrouvons dans toutes les circonstances où il faut un talent sûr et éprouvé.

Bosquin, d'ailleurs, est toujours disposé à se prêter à toutes les combinaisons où ou le croit utile. C'est un artiste modeste, intelligent et consciencieux, qui sait fort bien qu'il n'y a rien de petit dans l'Art. Dans les grands chefs-d'œuvre du répertoire, toutes les parties, sans être de nature à porter également sur le public, ont toutes leur raison d'être et leur beauté ; c'est aux interprètes à faire jaillir la lumière, que le génie du compositeur y a apportée.

Bosquin fera partie de la troupe du nouvel opéra. M. Halanzier n'aurait pas commis la faute de se priver d'un pensionnaire aussi utile pour les exigences du répertoire de son théâtre, et aussi sympathique au public, qui tient compte à l'artiste de savoir se borner à l'interprétation des rôles de demi-caractère qui lui assurent une longue carrière, en ne fatiguant pas son organe, dont la fraîcheur est le plus grand attrait.

La voix de Bosquin n'est point d'ailleurs de celles qui pourraient affronter impunément les Huguenots, Robert, la Juive ou le Prophète. Le comédien n'aurait pas non plus l'énergie et le tempérament indispensable pour conduire à bonne fin d'aussi grandioses conceptions. Pour lui comme pour nous, il y aurait tout à perdre dans de semblables tentatives.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 06 août 1874)

 

 

 

 

 

Jules Bosquin, en costume de scène, en 1870

 

 

 

 

Jules-Alexandre Bosquin est né à Déville-lès-Rouen, le 29 septembre 1843, dans la boutique d'un cordonnier. Jusqu'à l'âge de dix-neuf ans il travailla avec son père. Mais on lui avait fait remarquer qu'il avait de la voix, et lui-même s'en était aperçu. Il entra au Conservatoire en 1862 ; à la fin de sa seconde année d'études enlevait le second prix de chant et alors était enlevé à son tour du Conservatoire par M. Carvalho pour le compte du Théâtre-Lyrique où il débuta.

 

Il débuta dans le rôle d'Ottavio, de Don Pasquale, et commença sa carrière théâtrale avec l'hiver de l'année 1865. C'est au théâtre que les qualités d'un artiste s'accentuent, avec l'expérience des planches, tandis que les études avec l'orchestre forment le chanteur. La nature de la voix de M. Bosquin le prédisposait à être un chanteur classique... L'an d'après il quitte le Lyrique et est engagé par M. Halanzier, alors directeur à Marseille, où il passe la saison de 1866-67. Il est réengagé par M. Carvalho, sur la demande expresse de M. Cohen, dans l'opéra duquel (les Bleuets) il créa le rôle de Fabio.

 

En 1869, il entra à l'Académie de musique et chante la Favorite avec assez de réussite pour que l'administration lui ait conservé le rôle de Fernand depuis ce jour.

 

Nous retrouvons M. Bosquin dans les soirées de la Société des concerts du Conservatoire, ou bien aux Concerts Populaires. Lorsque M. Pasdeloup nous fait entendre des œuvres de style, M. Bosquin est presque toujours l'interprète choisi. On a recours également à lui pour l'audition des cantates des prix de Rome, en un mot, nous le rencontrons dans toutes les circonstances où il faut un talent sûr et éprouvé.

 

M. Bosquin est toujours, il faut le dire à sa louange, disposé à se prêter à toutes les combinaisons où on le croit utile. C'est un artiste modeste, intelligent et consciencieux, qui sait fort bien qu'il n'y a rien de petit dans l'Art, et qui le prouve.

 

Pendant le siège, qu'il a passé à Paris, il était l'un des attraits des concerts donnés par les artistes réunis en association.

 

Il a contribué à la représentation d'Erostrate.

 

En terminant cette biographie, nous croyons devoir entrer dans quelques considérations sur la situation de M. Bosquin à l'Opéra, et nous dirons : Pour constituer une excellente troupe d'opéra, il faut, à côté des premiers sujets, réunir des artistes doués de moyens naturels moins brillants, mais rompus aux difficultés de l'art, comprenant toute la valeur de l'enseignement contenu dans ce vers : "Tel brille au second rang qui s'éclipse au premier." Ces artistes arrivent d'ailleurs aussi bien et quelquefois mieux que les chefs d'emplois, à s'imposer au public par la façon relativement supérieure dont ils remplissent des rôles trop souvent dédaignés.

 

C'est ainsi qu'autrefois les Lafont, les Alexis Dupont, les Massol, les Marié, les Poultier ont su conquérir une haute réputation, tout en n'ayant jamais essayé de se mesurer avec les Nourrit, les Duprez, les Levasseur ou les Barroilhet.

 

Aujourd'hui, l'Opéra compte encore deux talents de ce genre : MM. Caron et Bosquin. Ces excellents artistes sont toujours disposés à se contenter des rôles de demi-caractère, comme aussi ils sont tout prêts à remplacer au pied levé et dignement les premiers sujets indisposés, enroués ou refusant le service.

 

(le Nouvel Opéra, 1875)

 

 

 

 

 

le Manoir, à Hénouville, propriété de Jules Bosquin

 

 

 

 

 

 

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