Jacques BOUHY

 

Jacques Bouhy en 1876 [photo Liébert]

 

 

Jacques Joseph André BOUHY dit Jacques BOUHY

 

baryton belge

(Pepinster [alors dépendant de Theux], province de Liège, Belgique, 18 juin 1848* – Paris 8e, 29 janvier 1929*)

 

Fils de Pierre Joseph BOUHY (Cornesse, province de Liège, Belgique, 02 janvier 1816 – Pepinster, 02 mars 1900), menuisier, et de Marie Catherine Joséphine LEMAIRE (Stavelot, province de Liège, Belgique, 18 mars 1822 – Theux, 31 juillet 1849), ménagère, mariés à Stavelot le 11 octobre 1845.

 

 

Il fit ses premières études : piano, orgue et chant, au Conservatoire de Liège, puis au Conservatoire de Paris, où il fut l’élève de Charles Duvernoy, Mocker et Masset ; il y obtint en 1869 le premier prix de chant, le premier prix d'opéra et le deuxième prix d'opéra-comique. Engagé à l'Opéra de Paris, alors rue Le Peletier, il y fit de brillants débuts dans Faust (Méphistophélès) en 1871 ; il y chanta le répertoire et créa Erostrate (16 octobre 1871) ; il passa l’année suivante à l'Opéra-Comique, où il créa le rôle du toréador Escamillo dans Carmen le 03 mars 1875. Il quitta la Salle Favart pour débuter au Théâtre-Lyrique de la Gaîté dans Giralda (12 octobre 1876) ; il y créa le 15 novembre 1876 Paul et Virginie (Domingue) de Victor Massé ; le 18 avril 1877 le Bravo (Jacopo) de Gaston Salvayre ; le 14 septembre 1877 la Clef d'Or (Georges Vernon) d’Eugène Gautier ; il y chanta le 07 novembre 1877 la reprise de Si j’étais roi ! (Moussoul) d’Adolphe Adam. Rentré à l'Opéra en 1878 après la fermeture du Théâtre-Lyrique, il y chanta Hamlet, Don Juan, la Favorite, etc. Il fit ensuite des saisons en Russie (Saint-Pétersbourg), à Londres (1882), à Monte-Carlo (1884) ; il y chanta les répertoires italiens et français et créa Mefistofele de Boito et la Reine de Saba de Goldmark. Appelé en 1885 à New York pour y fonder le Conservatoire National, il dirigea cet établissement d’instruction musicale jusqu’en 1889. Rentré à Paris, il chanta encore la première à Paris le 31 octobre 1890 de Samson et Dalila (le Grand-Prêtre) à l'Eden-Théâtre, et fit une apparition à l'Opéra de Paris en mai 1892. En 1895, il quitta la scène pour être professeur de chant. A partir de 1914, il cessa ses leçons pour employer son temps à la composition musicale. On peut citer, parmi ses mélodies, Ave Printemps, Mater Superba, avec violon, violoncelle et orgue ; le Manoir bleu de Rosemonde, A vingt ans, Ce que j’aime en toi, les Papillons, et quantité d’autres, publiées en Russie, en Italie et à Paris. Il est également l’auteur de quelques chœurs pour voix d’hommes et s’est exercé dans le style religieux. Le 23 juillet 1925, il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur.

En 1911, il habitait 34 rue de Ponthieu à Paris 8e, où il est décédé en 1929, célibataire, à quatre-vingts ans. Il est enterré au cimetière de Pepinster.

 

Barbe dite Barbelte ou Babette ACH (Wintzenheim, Alsace, 04 juin 1859* – Paris 16e, 26 juin 1938*), artiste lyrique, a épousé à Paris 17e le 18 mars 1895* Jules Nicolas Joseph Alfred BOUHY (Liège, 20 novembre 1824 – Paris 17e, 09 septembre 1901*), industriel [fils de Philippe Léonard Joseph BOUHY], qui est peut-être un cousin éloigné de Jacques Bouhy.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il débuta à la Salle Le Peletier le 02 août 1871 dans Faust (Méphistophélès).

 

Il y chanta la première le 16 octobre 1871 Erostrate (Erostrate) d’Ernest Reyer.

 

Il chanta au Palais Garnier la Favorite (Alphonse, 19 juillet 1878) ; Hamlet (Hamlet, 12 août 1878) ; Don Juan (Don Juan, 30 avril 1879).

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Il y débuta le 24 février 1872 en chantant la première des Noces de Figaro (Figaro) de Wolfgang Amadeus Mozart [version française de Jules Barbier et Michel Carré].

 

Il y créa le 30 novembre 1872 Don César de Bazan (Don César de Bazan) de Jules Massenet ; le 03 mars 1875 Carmen (Escamillo) de Georges Bizet.

 

Il y chanta la première le 05 décembre 1873 de Maître Wolfram (Wolfram) d’Ernest Reyer ; le 24 mars 1874 de la version oratorio de Marie-Magdeleine (Judas) de Jules Massenet ; le 16 mai 1876 de Philémon et Baucis (Jupiter) de Charles Gounod.

 

Il y chanta Roméo et Juliette (Frère Laurent, 1873) ; le Pardon de Ploërmel (Hoël, 1874) ; Galathée ; Joconde.

 

 

 

 

 

M. Bouhy est, comme talent, ce que je connais de meilleur, en fait de basse chantante, après Faure.

(Lettre de Charles Gounod à Mme Weldon à propos des débuts de Bouhy)

 

 

Premier prix de notre Conservatoire, en 1869, il est belge et il avait déjà remporté, au Conservatoire de Liège, des premiers prix d'harmonie, de piano, etc... C'est donc, chose rare parmi les chanteurs, un excellent musicien, avantage qui lui est commun avec Faure, dont il semble s'être fait le disciple et l'imitateur. Mais il est encore bien loin de ce modèle, d'une désespérante perfection.

Il a débuté à l'Opéra et l'a quitté quand M. Halanzier en devint officiellement directeur.

M. Bouhy n'a, m'assure-t-on, que vingt-cinq ans. Sa famille s'est enrichie dans le négoce. On le destinait au commerce et ce fut malgré le désaveu paternel qu'il vint à Paris se préparer au théâtre.

Pendant la guerre, il fit en Belgique, avec son frère, le commerce des draps et y gagna de l'argent.

C'est un artiste rentier.

(le Théâtre de l’Opéra-Comique, Jules Prével, le Figaro, 17 janvier 1875)

 

 

 

 

 

Jacques Bouhy dans Carmen (Escamillo) lors de la création, lithographie d'Antonin Chatinière (1875)

 

 

 

 

Après Faure dont un ensemble de qualités de premier ordre ont fait, depuis longtemps, le premier artiste lyrique de l'Europe, s'il est un autre maître-chanteur, vraiment digne de porter ce nom, c'est assurément Bouhy.

S'il n'a pas encore acquis les moyens dramatiques du célèbre baryton, si, pris dans son ensemble, son talent n'a point, pour l'instant, la même envergure, cela peut bien n'être qu'une question de temps, car, comme chanteur proprement dit, Bouhy est aujourd'hui bien près de la perfection.

Sa voix de basse chantante est large, vibrante, d'un timbre caressant, d'une souplesse sans égale. Il la dirige avec un art admirable ; il a le style, le goût et le sentiment de la couleur.

Né à Verviers [en réalité à Pepinster] (Belgique), Bouhy a fait ses premières études musicales au Conservatoire de musique de Liège, sous la direction d'un excellent professeur, M. Léonard Terry.

Après avoir remporté à cette école le premier prix de chant, il vint au Conservatoire de Paris, où il entra dans la classe de M. Masset, un de ses compatriotes.

Ses succès furent immédiats. Dès la première année, il arrivait premier dans toutes ses classes et obtenait aux concours généraux des 22, 24 et 26 juillet 1869 : 1° le premier prix de chant à l'unanimité (classe de Masset) ; 2° le second prix d'opéra-comique (classe de Mocker), il n'y eut pas cette année-là de premier prix ; 3° le premier prix d'opéra (classe de Duvernoy).

M. Perrin l'engagea sans hésitation, mais ses débuts à l'Académie de musique furent retardés par les plus tristes événements : la guerre et la Commune les reculèrent pendant près de deux années.

La première fois que Bouhy se fit entendre en public, ce fut aux obsèques d'Auber, le 15 juillet 1871. Le jeune artiste chanta, à l'église de la Trinité, un Benedictus de ce grand compositeur. Tout le Paris musical assistant à cette cérémonie, ce fut pour le nouveau pensionnaire de l'Opéra comme un véritable début, et la façon magistrale dont il chanta, préparèrent admirablement en sa faveur la critique et le public qui étaient appelés à l'entendre à l'Opéra quelques jours après.

Le 26 juillet 1871, en effet, Bouhy succédait à Faure, dans le rôle de Méphistophélès de Faust. Colin et Mlle Julia Hisson, tous deux jeunes comme lui, et morts, hélas ! avant le temps, tenaient les rôles de Faust et de Marguerite.

Malgré les souvenirs récents laissés par son prédécesseur, il obtint un succès complet, qui se répéta pendant quinze représentations, jusqu'à la fin d'octobre, où il cessa de faire partie de la troupe de l'Opéra, n'ayant pu s'entendre avec son directeur pour des questions d'appointements.

Le voilà donc encore en dehors de la scène pour un certain temps. M. Du Locle, directeur de l'Opéra-Comique, l'engagea bientôt, mais ne put le faire débuter à son théâtre qu'à la reprise des Noces de Figaro, chef-d'œuvre transporté du Théâtre-Lyrique à l'Opéra-Comique, pour les représentations de Mme Carvalho. Bouhy joua donc le premier à la salle Favart le rôle de Figaro créé par Meillet au boulevard du Temple. Il y révéla des qualités de style de premier ordre.

Sa première création eut lieu le 30 novembre 1872, dans le rôle de Don César, du Don César de Bazan, de M. Massenet. Puis il joua successivement : en février 1873, frère Laurent, de Roméo et Juliette, et la même année, Pygmalion, de Galathée et Wolfram dans Maître Wolfram, de Reyer.

Ces trois derniers personnages d’une teinte triste et sévère furent rendus par lui avec beaucoup d'onction, un style élevé, son organe assoupli y fit merveille ; mais ils n'étaient point du nombre de ces rôles brillants qui popularisent ceux qui les interprètent.

Judas, de Marie-Magdeleine, de M. Massenet, dont la première audition à l'Opéra-Comique eut lieu le 24 mars 1874, ne le servit pas dans d'autres conditions que les précédents ouvrages. Mais la reprise de Joconde, peu de temps après, lui fut on ne peut plus favorable. La délicatesse de son chant, son goût et son style dans l'art de phraser, la pureté de sa voix chaude et colorée qui caresse l'oreille, charmèrent les plus difficiles comme les moins érudits ; son nom fut dès lors de ceux que la foule recherche pour les applaudir.

Après une reprise d'Hoël, dans le Pardon de Ploërmel, qui permettait, encore d'établir un rapprochement entre lui et Faure, l'admirable créateur du rôle, Bouhy fit une nouvelle et dernière création à l'Opéra-Comique dans la Carmen de ce pauvre Bizet, le 3 mars 1875. Il enleva le rôle d'Escamillo, le toréador, avec beaucoup de verve et d'entrain et éclaira la partition dans plus d'un endroit ; au deuxième acte, particulièrement, il aida à populariser un air de baryton dont son interprétation doublait certainement la valeur.

Mais les qualités principales qui forment le talent de Bouhy n'ont pas toujours été employées à l'Opéra-Comique comme elles pouvaient l'être. Aussi, si on le vit partir avec regret de ce théâtre, dont il était l'artiste le plus sérieux et le chanteur le plus complet, apprit-on avec plaisir son engagement à l'Opéra-National-Lyrique, où le répertoire semblait devoir être de nature à le mettre davantage en évidence.

Ses débuts tout récents dans Giralda et la création si remarquable de Domingue, dans le Paul et Virginie de Victor Massé, permettent d'aller l'entendre tous les soirs, et viennent de lui assurer une popularité incontestable. On ne saurait mieux faire, en effet. L'art du chanteur ne va pas plus loin. On écoute et l'on est charmé par cette voix pénétrante, qui sort sans efforts, assouplie par la méthode la plus sûre.

Bouhy est un maître-chanteur parce qu'il ne sacrifie point à l'effet. Il obtient la couleur sans faire des oppositions forcées ; jamais il ne tourmente le son ; aussi le timbre de sa voix reste toujours flatteur et enveloppant, même dans les passages de force où il acquiert alors un volume considérable. C'est à lui que reviendrait de droit la succession de Faure comme premier virtuose du jour, si le grand artiste devait nous priver de son merveilleux talent, ce qui, heureusement, ne semble pas prêt d'arriver.

Les succès du théâtre ne sont pas les seuls auxquels Bouhy a le droit de prétendre ; comme chanteur de musique sacrée, il n'a point non plus d'autre rival que Faure.

Il possède toutes les qualités du grand style indispensables pour l'oratorio. Le velouté de son organe, le sentiment profond de son chant acquièrent dans une église une grandeur imposante. Dans les cérémonies funèbres en l'honneur des artistes décédés, où l'on est toujours assuré d'avoir son concours désintéressé, il nous a souvent ému par la simplicité et l'émotion de son beau talent ; et s'il est quelque chose capable d'élever l'âme, ce sont bien ces chants divins des grands maîtres de la musique sacrée, interprétés avec une telle ampleur et une aussi rare perfection.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 29 novembre 1876)

 

 

 

Jacques Bouhy en 1872 (photo Nadar) [BNF]

 

 

 

Il commença ses études musicales au Conservatoire de Liège, où il remporta le premier prix de chant. Il entra immédiatement après au Conservatoire de Paris, sous la direction de son compatriote, M. Masset. Aux concours généraux du mois de juillet 1869, il obtenait le premier prix de chant, le second prix d'opéra-comique et le premier prix d'opéra. Ce triple succès le fit engager aussitôt à notre Académie nationale de musique ; mais les événements de 1870 et 1871 reculèrent ses débuts de deux années. Ce fut aux obsèques d'Auber, le 15 juillet 1871, que le jeune chanteur se fit entendre au public pour la première fois. Il chanta, à l'église de la Trinité, un Benedictus d'Auber, qui fut très remarqué. La critique s'accorda à louer le velouté de son organe, le sentiment profond de son chant.

Quelques jours plus tard, Bouhy succédait à Faure dans le rôle de Méphistophélès. Il remplit ce rôle avec succès pendant quinze représentations, jusqu'à la fin d'octobre, où il quitta l'Opéra, les offres d'appointements qui lui étaient faites ne lui paraissant pas assez avantageuses.

Quelques mois après, il débutait à l'Opéra-Comique, dans la reprise des Noces de Figaro, avec Mme Miolan-Carvalho. Le 30 novembre 1872, il fit sa première création dans Don César de Bazan de Massenet. Il joua ensuite successivement dans Roméo et Juliette, dans Galatée et dans Maître Wolfram.

Le 24 mars 1874, eut lieu à l'Opéra-Comique la première audition de Marie-Magdeleine, de Massenet, où Bouhy se fit beaucoup remarquer ; mais il obtint surtout la faveur du public dans la reprise de Joconde, où la délicatesse de son chant, son goût et son style dans l'art de phraser lui conquirent tous les suffrages.

La dernière création de Bouhy à l'Opéra-Comique fut dans la Carmen de Georges Bizet (3 mars 1875), où il joua avec beaucoup de verve et d'entrain le rôle du toréador Escamillo. Il entra ensuite à l'Opéra-National-Lyrique et remporta un véritable triomphe en créant le rôle du nègre Domingue, dans Paul et Virginie. C'est là qu'il a déployé toutes les qualités qui font de lui un chanteur de premier ordre, à la voix large, vibrante, souple, pleine de style et de goût.

M. Bouhy a épousé en 1876 Mlle Reichemberg [sic], de la Comédie-Française. [Cette information est erronée : Jacques Bouhy ne s'est jamais marié ; Suzanne Reichenberg a épousé à Paris 17e le 12 octobre 1900 le baron de Bourgoing.]

 

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1er supplément, 1878)

 

 

 

 

 

 

 

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