COLLEUILLE

 

Colleuille (Alexis ou Georges) de l'Opéra

 

 

Alexis COLLEUILLE

 

comédien et directeur de théâtre français

(Paris, 09 décembre 1791 – Paris 1er, 28 novembre 1872*)

 

Fils d'Alexis COLLEUILLE (– Tours, Indre-et-Loire, 28 octobre 1819) et de Marie MASSAUT (– Saumur, Maine-et-Loire, 14 novembre 1824).

Frère de Julien Hercule COLLEUILLE (Tours, 09 mars 1795 Saulx-les-Chartreux, Seine-et-Oise [auj. Essonne], 29 octobre 1854*), marchand de papiers, régisseur à l'Opéra-Comique (vers 1829 - avril 1849) [épouse à Paris ancien 5e le 07 mai 1834 d'Evelina Joséphine RÉBY (Versailles, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 18 février 1816 – Paris 9e, 15 juin 1903*)].

Epoux de Jeanne Rose Henriette MUNIER (Lille, Nord, 1800 – Paris 1er, 02 mars 1865*), artiste dramatique, fille de Jean Nicolas MUNIER (Troyes, Aube, 1767 Orléans, Loiret, 30 mars 1841), artiste dramatique, et de Françoise Henriette GRAVERAND (Caen, Calvados, 1779 – Orléans, 18 mars 1851).

Parents de Rosine Marie Jeanne COLLEUILLE (Anvers, Belgique, 1819 Orléans, 09 décembre 1830*) ; d’Alexis COLLEUILLE (La Haye, Hollande, 1822 – Paris 6e, 28 janvier 1904*), acteur comique (voir ci-dessous) ; et de Georges COLLEUILLE, régisseur (voir plus bas).

 

 

Comédien, il fut, d'avril 1846 à septembre 1855, directeur du Théâtre du Luxembourg, à Paris, puis, de 1856 à 1871, régisseur de la scène à l'Opéra de Paris.

En 1839, il habitait 18 rue de l'Evêché à Orléans. Il est décédé en 1872 à quatre-vingts ans, en son domicile, 32 rue Molière à Paris 1er. Il est enterré au cimetière de Montmartre (27e division).

 

Son fils, Alexis Colleuille, débuta au théâtre du Luxembourg sous la direction paternelle (1852), passa à Beaumarchais, au Vaudeville (1861), à la Gaîté (1875), aux Menus-Plaisirs (1884), à la Renaissance (1888), à la Porte-Saint-Martin (1893), à l'Ambigu (1896). Le 26 octobre 1875, il a créé le rôle de Phichipsi dans le Voyage dans la lune de Jacques Offenbach à la Gaîté, qu’il joua lors de la première au Châtelet le 31 mars 1877.

 

 

 

 

Premier rôle en tous genres et chanteur. Nancy 1824, Lille 1825. Directeur privilégié et premier amoureux, La Haye 1828, directeur Orléans 1830, 1833-34. On lit dans l'Almanach Barba de cette année : « Le théâtre d'Orléans, sauf deux mois d'été, est sédentaire, et M. Colleuille est subventionné à cet effet. La ville de Tours, pour conserver M. et Mme Colleuille, et surtout le talent si remarquable de Mme Alexis Colleuille, a accordé à ce directeur une allocation de 3000 fr. que n'ont jamais pu obtenir ses prédécesseurs ». Tous deux jouaient alors les premiers rôles.

Alexis Colleuille devint directeur du théâtre du Luxembourg, à Paris, en mai 1846 et après une gestion prospère repassa cette petite scène à Gaspari. Devenu régisseur à l'Opéra, il mourut en 1872.

(Henry Lyonnet, Dictionnaire des comédiens français, 1912)

 

 

 

 

 

 

 

 

Georges COLLEUILLE

 

régisseur de théâtre français

(18 rue de l'Evêché, Orléans, 24 novembre 1839* – Garches, Seine-et-Oise [auj. Hauts-de-Seine], 03 septembre 1902*)

 

Fils d'Alexis COLLEUILLE, régisseur, et de Jeanne Rose Henriette MUNIER.

Epouse à Paris 5e le 14 août 1880* Bernardine Georgine Oragine CONDAMINET (Paris ancien 2e, 28 juin 1859 – ap. 1904), fille de Théodore CONDAMINET, employé aux Ponts et Chaussées, et de Julie DURAND.

Père de Maurice COLLEUILLE, régisseur (voir plus bas).

 

 

Il fut second régisseur de la scène à l'Opéra de Paris de 1868 à 1871, puis succéda à son père comme régisseur général de 1871 à sa mort. Il a réglé des mises en scène pour les créations à l’Opéra : la Mule de Pedro de Victor Massé (06 mars 1863) ; l’Africaine de Giacomo Meyerbeer (28 avril 1865) ; Hamlet d’Ambroise Thomas (09 mars 1868). Il fut également receveur général de la société des artistes du Grand-Opéra.

En 1880, il habitait 14 rue Molière à Paris 1er. Il est décédé en son domicile, 148 boulevard de Saint-Cloud à Garches.

 

 

 

 

L'Opéra nous communique cette note — dont le ton attristé ne surprendra aucun de ceux qui ont connu et pu apprécier le défunt :

L'Opéra a fait hier une grande perte.

Georges Colleuille, le régisseur général, qui depuis près de cinquante ans avait consacré sa vie au service de l'Académie de musique, est mort à onze heures du matin à Garches, où depuis quelques jours, terrassé par la maladie, il avait dû se retirer.

C'est la première fois qu'il s'absentait.

Colleuille était le modèle des employés, le plus affable, le plus dévoué, le plus honnête des hommes.

Aussi, du plus petit au plus grand, tout le monde l'aimait et l'estimait à l'Opéra.

Son souvenir y restera vivant.

Georges Colleuille était dans sa soixante-quatrième année.

(le Figaro, 04 septembre 1902)

 

 

 

 

 

Trente ans de théâtre

 

Il faut mourir à temps, a dit le sage, si l’on veut faire un dernier bruit dans le monde des vivants. Au théâtre, il y a de bons et de mauvais mois pour mourir : celui-ci, qui a rendu le dernier soupir un soir de grande première, n'a obtenu du critique qu'un court post-scriptum ; celui-là, qui est mort un jour de disette théâtrale, a eu son article... Son article ! Colleuille, le brave Colleuille, qui depuis de longues années était régisseur de l'Opéra, est mort en été : il avait mal calculé sa dernière. Mais son directeur, M. Gailhard, jugeant que son fidèle collaborateur méritait mieux qu'un communiqué officiel, a devancé son retour de vacances pour lui rendre les derniers devoirs.

Colleuille était un survivant du vieux théâtre : il connaissait, comme pas un, le vieux répertoire et c'est avec une mélancolie profonde qu’il assistait, impassible, à l'évolution musicale et constatait l'abandon et l'oubli des œuvres qui avaient charmé sa jeunesse. Il avait les anciennes traditions qui, au fond, n'étaient peut-être pas plus mauvaises que les nouvelles : il les avait reçues de son père, le premier des Colleuille à l'Opéra. Son père — me contait M. Gailhard — était un homme intelligent, actif, mais sec, dur, terrible même ; il avait le don de terroriser son fils, et quand, le regardant sévèrement, il lui criait, d'une voix tonitruante : « GEORRRGES ! » le pauvre enfant se cachait, se blottissait et ne savait où se mettre : aussi le petit Georges, devenu grand, avait-il gardé une allure empruntée, une voix inquiète, une démarche trépidante ; on raillait même la mine invariablement déconfite du régisseur venant, la mort dans l'âme, jeter au public des premières les noms des auteurs ; il avait, semblable au pauvre chien de garde qui n'en peut mais, gardé du « Georrrges » paternel un mauvais souvenir. « Ne faites jamais de peine aux enfants », avait pourtant dit son aimable secrétaire général, notre ami Georges Boyer.

Voilà donc une légende détruite : l'ataxie qu'on prêtait à Colleuille était purement imaginaire : elle ne l'a pas empêché d'exercer, avec une rare conscience, durant plus d'un quart de siècle, ce dur métier de régisseur et nous souhaitons tous que son fils, qui a été à la meilleure des écoles, marche sur les traces de « Georrrges » !...

 

***

 

D'aucuns affirment qu'un régisseur avisé, qui, par ses fonctions, combine les spectacles, prépare les affiches et y inscrit à son gré les vedettes, peut briser la carrière d'un artiste ou faire passer étoile sa protégée : il y a là quelque exagération. Certes, le régisseur est un personnage important ; il met en mouvement la machine, il conduit les fils de l'intrigue, il appartient à la pièce même ; il n'en est pas moins un personnage de second plan. Il y a d'ailleurs régisseur et régisseur. Le régisseur n'est pas le metteur en scène, autrement dit le régisseur général ; il n'en a ni l'autorité, ni la responsabilité. La race des régisseurs généraux se perd, les directeurs ayant pris l'habitude de diriger eux-mêmes les répétitions ; mais il en est encore heureusement — je ne citerai aucun nom — qui, le directeur absent, font la plus utile des besognes et sont d'excellents professeurs de mise en scène. Bref, la mise en scène n'est point la régie ; Perrin, qui fut précisément un des maîtres des Colleuille, du père et du fils, nous a donné sur cet art, qu'il avait fait sien, des préceptes en quelque sorte définitifs : selon lui, un théâtre doit être une grande maison, dont la bonne tenue charme dès l'abord, où tout plaît, où tout sourit, la façon des gens, la proportion des appartements, la couleur des tentures, la disposition et la forme des meubles ; une maison où l’on écoute et où l'on se sent écouté, où l'on cause et où la causerie a une saveur particulière, où l'on est content des autres et de soi parce qu'on a l'esprit à, l'aise et dans un état d'absolue confiance. Et Perrin ajoutait qu'une volonté supérieure doit présider à ce bon accord et régler cette harmonie : c’est celle de la maîtresse de la maison. En un mot, la mise en scène doit remplir l'office de ces aimables hôtesses dont l'hospitalité est si douce qu'on quitte à regret leur demeure et qu'on désire toujours y revenir. Là est l'art du metteur en scène, du régisseur général.

 

***

 

Le simple régisseur n'a pas et ne doit pas avoir de telles visées. C'est chez lui, dans son bureau, qu'on va aux nouvelles ; c'est là que les artistes, guettant un congé ou une soirée à gros cachet, cherchent le répertoire de la semaine ; c'est là qu'on discute le droit de priorité sur l'affiche, l'annonce d'une rentrée ; c'est là que les engagements, grands et petits, se signent et se résilient ; c'est là qu'on apprend l'effet de la représentation de la veille ; c'est là, enfin, qu'on se renseigne sur « l'humeur du patron », autant dire sur la recette !...

Le régisseur, en même temps qu'il reçoit les confidences et les secrets de tout ce petit monde, a un autre client : l'abonné. L'abonné, comme le régisseur, sait toutes les distributions jusqu'aux temps les plus reculés. C'est un homme important, bien élevé, bien côté, bien renseigné ; l'après-midi, furtivement — car il connaît les coins et les recoins du théâtre — il se cache dans la salle obscure et vient écouter une scène, une fin de scène ; le directeur, tout entier à sa répétition, aperçoit une ombre dans une porte, l'ombre de l'abonné ; on entend un bruit : notre homme va être pincé en flagrant délit ; mais le régisseur n'est-il pas là pour sauver son complice ? Le soir, l'abonné est à sa place, derrière la contrebasse, un autre ami ; pendant l'entr'acte, il est sur la scène, en fait les honneurs à un ami de passage à Paris, renseigne sur les débuts, les rentrées, les succès, les fours et aussi sur les caprices et les amours. Il sait tout, il doit tout savoir ; au besoin, il serait régisseur...

Colleuille, lui, avait un faible pour l'artiste : il le préférait à l'abonné. Je l'ai vu, de mes yeux vu, dans des fêtes très officielles, évincer lui-même des abonnés qui tentaient de forcer la fameuse porte de communication. Là, Colleuille était impitoyable, et, bien qu'il apportât dans ses fonctions l'urbanité d'un honnête commis principal, il était l'esclave de la consigne. Les décisions, du moment qu'elles étaient dictées par un chef suprême, étaient toujours parfaites pour lui : il ne se donnait pas le droit de les juger et, comme le préfet de Bataille de dames, il servait, avec le même dévouement, tous les gouvernements... Avec quelle joie, l'an dernier, aux fêtes de Compiègne, il dirigea l'embarquement et le débarquement des troupes de la danse ! Les gentilles artistes le taquinaient bien un peu, mais leurs plaisanteries ne l'atteignaient pas... Une jolie ballerine lui demandait, devant moi :

— Eh bien, Monsieur Colleuille, est-ce aussi bien que sous l'Empire ? Etes-vous content ?

Et le brave homme de répondre d'un ton piqué :

— Demandez-le, mademoiselle, à votre maman qui vous accompagne. Elle a dansé à la Cour. Moi, je la regardais !

 

***

 

Confident des artistes et des abonnés, aimé de tous, Colleuille était avant tout dévoué à son directeur, à son théâtre : il ne vivait que pour l'Opéra ; il en était fier. Dès l'aube, il arrivait anxieux : il faisait sa ronde, ouvrait son courrier, prenait les ordres de l'administrateur, parait aux indispositions imprévues, aux changements de spectacle, assurait le travail de la journée, la marche des leçons et des répétitions. Après le déjeuner, il rendait compte au directeur des moindres faits et s'installait alors dans son bureau. Il allait aux répétitions, mais il y allait discrètement : il considérait que, si la place du régisseur général est à l'avant-scène, celle du régisseur est, pendant le jour, dans son bureau, au milieu des bulletins, des engagements et des affiches ; le soir il était là, à l'ouverture du théâtre, frappant les trois coups traditionnels et minutant les pièces, les actes, les scènes. Pour rien au monde, il n'eût empiété sur le domaine d'un collègue, mais il était jaloux de ses attributions et n'admettait pas qu'on y touchât. Avec le naïf Pitou de la délicieuse Froufrou de Meilhac et Halévy, Colleuille aurait pu dire :

— On ne se doute pas de tous les talents que l'on peut avoir dans notre état !

Pitou reprenait piteusement :

— Sans arriver à rien !

Colleuille, à l'inverse de Pitou, était arrivé à quelque chose. Il était quelqu'un.

 

***

 

Et tandis que le directeur de l'Opéra me contait les frayeurs de « Georrrges », je songeais à un autre enterrement de théâtre. C'était il y a quelques années. A la maison mortuaire, la cérémonie s'annonçait convenable lorsqu'un orage éclata brusquement ; ce fut alors un sauve-qui-peut général ; à chaque tournant de rue — oh ! les tournants de Delobelle ! — c'étaient des défections nouvelles. Nous arrivâmes au cimetière et M. Gailhard, sous une pluie battante, commença ainsi son discours :

— Les admirables obsèques auxquelles nous avons assisté et dont l'éclat est encore rehaussé par la présence du représentant de l'Etat...

Le maître des cérémonies et les croquemorts se regardaient consternés. Nous n'étions plus que trois : l'orateur, un parent du défunt et moi.

Après le discours, nous serrâmes, M. Gailhard et moi, les mains du parent qui, tristement, resta seul sur la tombe. Les obsèques éclatantes étaient terminées...

Le voilà, hélas le véritable enterrement d'été... Celui du bon Colleuille a fait exception à la règle : c'était justice.

 

(Adrien Bernheim, le Figaro, 16 septembre 1902) 

 

 

 

 

 

 

Maurice Anatole Julien COLLEUILLE dit Maurice COLLEUILLE

 

régisseur de théâtre français

(14 rue Molière, Paris 1er, 08 juillet 1881* – Reims, Marne, 02 février 1958)

 

Fils de Georges COLLEUILLE, régisseur, et de Bernardine Georgine Oragine CONDAMINET.

Epouse à Garches le 02 août 1904* Amélie Théodora LEPOROWSKA (Bâle, Suisse, 29 décembre 1883 ), fille de Johan Théodor LEPOROWSKI ( Bâle, 15 décembre 1895) et d’Anna Maria GOBEL.

 

 

Il fut second régisseur de la scène à l'Opéra de Paris de 1898 à 1902, puis succéda à son père comme régisseur général du 10 septembre 1902 à 1914.

 

 

 

 

 

chapelle de la famille Colleuille au cimetière de Montmartre, où sont enterrés Alexis Colleuille, sa femme Jeanne Munier, leurs fils Alexis et Georges Colleuille [photo ALF, 2022]

 

 

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