Pauline GUEYMARD-LAUTERS

 

Pauline Gueymard-Lauters [BNF]

 

 

Pauline LAUTERS dite Pauline DELIGNE-LAUTERS puis Pauline GUEYMARD-LAUTERS

 

mezzo-soprano belge

(Ixelles, Belgique, 01 décembre 1834 – Paris 16e, 10 mai 1918*)

 

Fille de Paul LAUTERS (Bruxelles, 16 juillet 1806 – Ixelles, 12 novembre 1875), peintre, et d’Elisabeth BAUWENS.

Epouse 1. à Ixelles le 18 septembre 1852 (divorce le 22 janvier 1856) Louis DE LIGNE dit DELIGNE (Bruxelles, 26 décembre 1831 – Bruxelles, avril 1908), ténor belge ; parents de Paul Louis DE LIGNE (Bruxelles, 19 avril 1853 –).

Epouse 2. à Paris ancien 2e le 18 février 1858* (séparation de corps le 14 août 1868) Louis GUEYMARD (1822–1880), ténor.

 

 

Fille d'un peintre de talent dont elle reçut d'abord des leçons de peinture, la beauté de sa voix lui fit bientôt abandonner cet art pour celui du théâtre. Elle chanta à Paris, au Théâtre-Lyrique, sous le nom de Deligne-Lauters. Engagée à l'Opéra (1857), elle y obtint de suite un grand succès. Mariée en 1858 au chanteur Gueymard, elle prit le nom de Gueymard-Lauters et parcourut à l'Opéra une carrière brillante, se montrant successivement dans la plupart des grands rôles du répertoire, créant les rôles principaux de la plupart des œuvres nouvelles importantes pendant plus de vingt ans, elle resta l'une des gloires de l'Opéra. Après avoir quitté ce théâtre en 1876, elle fit une courte et brillante apparition au Théâtre-Italien, puis elle se retira définitivement de la scène, quoique encore en pleine possession de sa voix et de son talent.

En 1855, elle habitait 38 rue de l'Echiquier à Paris. Avec Gueymard, elle avait acquis un hôtel, rue Charles-Laffitte à Neuilly-sur-Seine, Seine [auj. Hauts-de-Seine], revendu lors de leur séparation. En 1880, elle était domiciliée au château des Moyeux à La Chapelle-Rablais, Seine-et-Marne. Elle est décédée en 1918 à quatre-vingt-trois ans, en son domicile, 38 rue Nicolo à Paris 16e.

 

 

 

Sa carrière au Théâtre-Lyrique

 

Elle y débuta le 07 octobre 1854 dans le Billet de Marguerite (Marguerite) d’Auguste Gevaert.

 

Elle y créa le 02 août 1855 Paraguassú d’O'Kelly et de Villeneuve ; le 27 octobre 1855 les Lavandières de Santarem (Margarida) d’Auguste Gevaert.

 

Elle y participa à la première le 24 janvier 1855 de Robin des Bois (Annette) de Weber [version française du Freischütz de Castil-Blaze et Sauvage].

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Elle y débuta le 12 janvier 1857 en participant à la première du Trouvère (Léonore) de Giuseppe Verdi [version française d’Emilien Pacini] (100e le 08 février 1863).

 

Elle y créa le 17 mars 1858 la Magicienne (Blanche) de Fromental Halévy ; le 04 mars 1859 Herculanum (Lilia) de Félicien David ; le 27 juin 1859 la cantate Victoire ! d'Ernest Reyer ; le 09 mars 1860 Pierre de Médicis (Laura Salviati) de Joseph Poniatowski ; le 28 février 1862 la Reine de Saba (Balkis) de Charles Gounod ; le 06 mars 1863 la Mule de Pedro (Gilda) de Victor Massé ; le 03 octobre 1864 Roland à Roncevaux (Alde) d’Auguste Mermet ; le 15 août 1866 la cantate Paix, Charité, Grandeur de Jean-Baptiste Weckerlin ; le 11 mars 1867 Don Carlos (la princesse Eboli) de Giuseppe Verdi ; le 09 mars 1868 Hamlet (la reine Gertrude) d'Ambroise Thomas (100e le 23 mars 1874) ; le 30 avril 1870 l'oratorio la Légende de sainte Cécile de Julius Benedict ; le 10 janvier 1873 la Coupe du roi de Thulé (Myrrha) d’Eugène Diaz.

 

Elle y participa à la première le 07 septembre 1859 de Roméo et Juliette (Juliette) de Vincenzo Bellini [version française de Charles Nuitter].

 

Elle y chanta Herculanum (Olympia) ; la Favorite (Léonore, 1862) ; Alceste (Alceste, 1863) de Gluck ; les Huguenots (Marguerite ; Valentine, 1re à la salle Le Peletier le 08 avril 1861, 500e à l'Opéra le 24 avril 1872) ; le Prophète (Fidès, 1866) ; Don Juan (Donna Elvire, 1875).

 

 

 

 

Pauline Gueymard-Lauters dans Pierre de Médicis (Laura Salviati) lors de la création à l'Opéra

 

 

 

[les chanteuses de l'Opéra]

Née en 1825..... Fille d'un peintre de talent, a elle-même étudié la peinture. Gagne 44.000 francs par an, et exécute avec son mari un duo de cent seize mille francs par an.

(L. Félix Savard, la Causerie, 01 septembre 1861)

 

Au Théâtre-Lyrique on l’appelait madame Barbe‑Bleue, parce qu'elle est veuve de trois ou quatre maris. Ce terrible précédent n'a pas fait peur à Gueymard, qui épousa madame Deligne-Lauters, ainsi qu'elle se nommait alors. C'est sous ce nom qu'elle débuta en 1854, au Théâtre-Lyrique, dans le Billet de Marguerite. Elle arrivait de la Belgique, où elle jouissait d'une grande réputation. Elle chanta ensuite à ravir dans Robin des Bois. Sa voix, un mezzo-soprano, gagnant de jour en jour, elle entra à l'Opéra, où ses débuts dans le Trouvère excitèrent l'enthousiasme. Depuis, elle a repris les rôles du Répertoire et fait quelques belles créations.

Madame Gueymard est une opulente beauté, qui boit de la bière pour se faire la voix. Cela n'est pas le moyen de maigrir.

(Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Opéra, 1866)

 

 

M. Gueymard a épousé, en 1858, Mme Pauline Lauters, née à Ixelles (Belgique) le 20 décembre 1834, fille du paysagiste Lauters. Elève du Conservatoire de Bruxelles, elle fut engagée au Théâtre-Lyrique en 1854, dans le Billet de Marguerite, et débuta, en 1857, à l'Opéra, dans le Trouvère (Léonore). Elle y a créé, entre autres rôles, ceux de Blanche, de la Magicienne, et d'Alde de Roland à Roncevaux. Ses principaux rôles ont été dans Herculanum, Pierre de Médicis, les Huguenots, Don Carlos, la Reine de Saba, le Prophète, Roland à Roncevaux, Hamlet, la Favorite, Don Juan. C'est dans cette dernière œuvre et dans le Trouvère qu'elle a fait sa rentrée à l'Opéra, en septembre 1872. Au mois d'août 1868, une séparation a été judiciairement prononcée entre elle et son mari, sur la demande de ce dernier. Douée d'une charmante voix de mezzo-soprano, Mme Gueymard a voulu chanter parfois les contraltos. Elle perd, à ce caprice, la moitié de ses avantages.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)

 

 

 

 

 

Pauline Gueymard-Lauters

 

 

 

Mme  Gueymard, Pauline Lauters, est née en 1834, à Ixelles (Belgique). En 1853, elle étudia au Conservatoire de Bruxelles et débuta à Paris au Théâtre-Lyrique, sous le nom de Mme Deligne-Lauters (nom de son premier mari).

Le 15 octobre 1854, elle parut dans le Billet de Marguerite.

« C'était, suivant un critique de l'époque, une jeune femme mignonne, de petite taille, au corsage adorablement arrondi, avec de beaux yeux de velours, une physionomie douce et sympathique. Sa voix était d'un timbre d'argent, d'une grande pureté, dont les sons vibraient dans le registre le plus élevé. Il y avait chez la débutante de l'inexpérience peut-être, mais un organe incomparable. »

Le 12 janvier 1857, Mme Lauters débuta à l'Opéra où elle chanta successivement Léonore du Trouvère, la Magicienne, Herculanum, les Huguenots, Pierre de Médicis, etc.

Mais, dès 1861, son talent sembla baisser, la fatigue se faisait sentir. Scudo, en effet, après une représentation de Pierre de Médicis, a donné l'appréciation suivante : « Mme Gueymard, qui a été très applaudie dans le rôle de Laura Salviati, est toujours cette jolie Flamande, bien portante et bien joufflue, qui chante de tout son cœur et de toute sa belle voix, sans que cela paraisse suffisant. Elle manque de distinction comme comédienne, et ne paraît pas se douter que l'art de chanter se compose de nuances. Sa voix qui était d'une si bonne trempe devient courte et s'essouffle promptement. Mme Gueymard, qui se croit, bien à tort, une cantatrice de premier ordre, n'a pas fait un pas depuis qu'elle est à l'Opéra, elle y a seulement contracté un défaut qui tend à devenir bien désagréable : elle remue le menton à chaque mot qu'elle prononce, et ne peut lier deux sons sans déranger la symétrie de sa jolie figure. »

« Mme Gueymard, dit l'auteur de Derrière la toile, 1868, a été la plus belle voix du monde, à l'époque de Robin des Bois au Théâtre-Lyrique, du Trouvère à l'Opéra. Présentement, la femme a gagné un embonpoint respectable qui ne l'empêche pas de rester belle. La cantatrice a encore un timbre profond et riche, d'un velouté extraordinaire. Il y a du cœur dans cette voix, lorsqu'elle ne cherche pas à se faire trop entendre. Une parfaite justesse, une ténuité de son qui dénote une vraie méthode, parfois une certaine tendresse, parfois aussi de la lourdeur dans tout ce qui est bruit. »

« Autrefois, ajoute le même, Mme Gueymard prenait un peu de faro dans les entr'actes. »

En 1875, à une reprise de Don Juan, dans le rôle d'Elvire, on trouve que Mme Gueymard « remplace par des cris la voix de velours qu'elle n'a plus. »

Elle se retira de l'Opéra l'année suivante, parut un instant, mais sans succès, au Théâtre-Italien, à une reprise d'Aida.

 

(Ezvar Du Fayl, Académie Nationale de Musique, 1878)

 

 

 

 

 

Pauline Gueymard-Lauters dans les Huguenots (Valentine) à l'Opéra en 1865

 

 

 

Chanteuse fort distinguée, est fille d'un peintre de talent qui était professeur à l'Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles. Née le 1er décembre 1834, elle commença d'abord par étudier la peinture sous la direction de son père ; puis, comme elle était douée d'une voix remarquable par son timbre, son caractère et son étendue, elle suivit les conseils de quelques amis et se livra à la pratique du chant. Admise au Conservatoire de Bruxelles, elle y fit de très bonnes études, y obtint un premier prix de chant, et après avoir épousé un artiste du nom de Deligne, elle vint à Paris pour y suivre la carrière du théâtre. Engagée au Théâtre-Lyrique après s'être fait entendre dans quelques concerts, elle y débuta le 7 octobre 1855, sous le nom de Mme Deligne-Lauters, en même temps que M. Léon Achard, dans un opéra nouveau de M. Gevaert, le Billet de Marguerite. La beauté ingénue de la débutante, sa jeunesse, sa grâce, le timbre admirable de sa voix lui valurent un succès complet. Elle créa bientôt un autre rôle dans un autre opéra de M. Gevaert, les Lavandières de Santarem, puis se montra dans celui d'Annette de Robin des Bois, où elle ne fut pas moins bien accueillie.

Engagée à l'Opéra vers la fin de 1856, elle y parut le 12 janvier de l'année suivante dans le Trouvère, de M. Verdi, et son succès fut éclatant. Elle avait fait de grands progrès, non seulement sous le rapport du chant proprement dit, mais aussi au point de vue des qualités scéniques, et le public de notre première scène lyrique saluait en elle l'aurore dune grande artiste. Depuis lors, Mme Deligne-Lauters, devenue par un second mariage Mme Gueymard, a parcouru sur ce théâtre une carrière brillante, se montrant successivement dans plusieurs ouvrages du répertoire courant : la Favorite, les Huguenots, le Prophète, Roméo et Juliette, Don Juan, et créant les rôles principaux des grandes œuvres nouvelles : la Reine de Saba, la Magicienne, Herculanum, Pierre de Médicis, Roland à Roncevaux, Don Carlos, Hamlet, la Coupe du roi de Thulé. Chacun de ces rôles était un triomphe pour l’artiste, mais jamais peut-être Mme Gueymard ne s'éleva plus haut que dans ceux de Valentine des Huguenots et de Fidès du Prophète, prêtant au premier les élans d'une passion superbe et émouvante, donnant au second un caractère d'austérité touchante, d'onction vraiment maternelle, avec des accents pathétiques d'une grandeur parfois déchirante. Mme Gueymard quitta l'Opéra en 1876, et fit une courte apparition au Théâtre-Italien dans le rôle d'Amnéris, d'Aida. Elle avait remporté naguère de grands succès dans le répertoire italien, principalement en Espagne, où elle s'était rendue pendant ses congés de l'Opéra.

La voix de mezzo-soprano de Mme Gueymard, d'un velours superbe, d'une justesse incomparable et d'une rare égalité, d'une étendue de plus de deux octaves, se distingue à la fois par la puissance, l'ampleur et la qualité du son. Douée d'un profond sentiment dramatique et d'une réelle intelligence musicale, l'artiste sait guider ce merveilleux instrument avec un goût très sûr et en tirer les effets les plus grandioses. Si l’articulation est parfois un peu molle, le phrasé est plein de grandeur, le style est remarquable par sa solidité, et l'ensemble des qualités déployées par ta cantatrice se résume en un talent dont la fermeté, l'éclat et l'autorité sont les signes distinctifs. Au point de vue purement scénique, ce talent n'est guère moins digne d'éloges, et si Mme Gueymard n'est pas toujours échauffée par cette flamme ardente qui anime les grandes tragédiennes lyriques, elle n'en reste pas moins une artiste de grande valeur et de premier ordre, dont les rares facultés vocales sont fortifiées et complétées par un jeu dramatique d'une puissance et d'une passion parfois très intenses. Il faut remarquer d'ailleurs qu'après vingt années d'une carrière ininterrompue, la voix de Mme Gueymard n'a rien perdu de son charme, de sa fraîcheur et de sa moelleuse solidité.

Mariée en 1858 à M. Gueymard, Mme Gueymard, dix ans après, s'est séparée légalement de son mari. Celui-ci, né à Chapponay (Isère), le 17 août 1822, a fait ses études au Conservatoire, d'où il est sorti en 1848 pour entrer à l'Opéra. Depuis cette époque jusqu'en 1868 il a tenu à ce théâtre l'emploi des forts ténors. Sa voix, qui brillait plus par le volume que par la qualité, lui a permis, pendant ce long espace de temps, de tenir constamment la scène, sans jamais faiblir. Il a joué Guillaume Tell, Robert le Diable, les Huguenots, le Prophète, le Trouvère, les Vêpres siciliennes, Roland à Roncevaux, la Magicienne, Pierre de Médicis, la Reine de Saba, Sapho, Jeanne la Folle, Louise Miller, le Maître chanteur, la Nonne sanglante, Roméo et Juliette.

 

(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Arthur Pougin, 1878-1880)

 

 

 

 

 

Pauline Gueymard-Lauters dans Don Carlos (la princesse Eboli) lors de la création à l'Opéra
 

 

 

Il y a vingt-cinq ou vingt-six ans de cela — l'Opéra avait deux chanteurs, toujours en voix, toujours sur la brèche, que nulle fatigue n'arrêtait et dont les cordes vocales, faites d'un métal inaltérable, semblaient défier le temps, l'usure et la maladie.

Lui, le ténor, avait dans le gosier une trompette retentissante dont les éclats fêlaient les vitres d'une salle. Elle, le mezzo-soprano, la voix d'or, au timbre caressant et velouté, se faisait applaudir aussi bien dans la Reine des Huguenots que dans Valentine.

C'étaient M. et Madame Gueymard.

De ces deux oiseaux chanteurs, toujours regrettés du public de notre Académie de musique, l'un, le mari, est parti pour un monde meilleur où l'on ne se marie probablement pas, puisque les gens autorisés le nomment un séjour de félicité.

Nous serions bien étonné si c'était celui-là qui cherchât à y faire rétablir cette institution.

La célèbre chanteuse, professant une parfaite indifférence pour les coutumes du Malabar, a refusé de l'y suivre, et habite aujourd'hui le château de Moyeu, après avoir occupé un hôtel avenue d'Eylau

 

***

 

Elle n’avait pas, du reste, manifesté un grand enthousiasme pour le mariage, l'ayant expérimenté à deux reprises. Nous n'avons pas besoin de rappeler que Mme Gueymard, née Pauline Lauters, avait débuté à l'Opéra sous son nom de demoiselle, quoiqu'elle eût déjà été mariée à un M. Deligne.

Cette première épreuve matrimoniale ne lui avait pas paru satisfaisante. C'était à refaire. Elle divorça et épousa en 1858 son camarade, le fort ténor de la rue Le Peletier.

Cela alla bien pendant sept ans.

Mais tout-à-coup, elle se prit à trouver qu'elle n'était pas faite pour la vie de ménage. Avec sa vive intelligence, un simple essai de sept années lui avait suffi pour s'en apercevoir. Elle quitta le domicile conjugal et se retira dans un appartement de la rue de Berri.

Le pauvre mari supplia sa femme de revenir au foyer ; elle fut inflexible. Il fallut en venir au procès, et la séparation fut prononcée le 14 août 1868, au profit de Gueymard.

 

***

 

Pauline Lauters est née à Ixelles (Belgique) et a fait son éducation musicale au Conservatoire de Bruxelles.

A la fin de ses cours, elle fut engagée au Théâtre-Lyrique, pour créer le Billet de Marguerite.

L'Opéra la prit, et elle y débuta le 12 juin 1857, dans Léonore du Trouvère.

Mais, son véritable début, celui qui la classa définitivement, fut dans la reine des Huguenots. Ce fut un triomphe.

La presse fut unanime à célébrer son succès. Bien longtemps après, M. Jouvin écrivait encore que personne, depuis, n'avait pu la faire oublier.

Ce qui ne l'empêcha pas de prendre possession, et avec une autorité qui ne fit que grandir, de Valentine, de la Favorite, de Dona Anna, du Prophète, de Don Carlos, de Roland à Roncevaux, de la Reine d'Hamlet, etc.

C'est par les Huguenots aussi qu'elle termina sa carrière à l'Opéra, dans la soirée du 31 mars 1876, après avoir tenu pendant dix-neuf ans, avec un succès constant, une situation absolument prépondérante à l'Académie nationale de musique.

 

(H. Roger de Beauvoir, le Figaro, 28 août 1883)

 

 

 

 

 

Pauline Gueymard-Lauters

 

 

 

La mort de la chanteuse qui avait abandonné le théâtre depuis plus de quarante ans (en 1876) et était restée célèbre sous le nom de Mme Gueymard, me reporte au plus loin de mes souvenirs personnels, à l'époque où, toute jeune et nouvellement arrivée de Belgique, elle éblouissait le public du Théâtre-Lyrique du boulevard du Temple par une splendide voix de mezzo-soprano de plus de deux octaves, qu'elle faisait applaudir dans Robin des Bois, dans le Billet de Marguerite et les Lavandières de Santarem, deux opéras d'un de ses compatriotes, Auguste Gevaert, à la fortune de qui elle semblait s'être attachée. Certes, ces deux opéras n'ont laissé que peu de traces dans ma mémoire de jeune collégien, de même que les qualités plus ou moins brillantes de Mme Deligne-Lauters, comme s'appelait alors la chanteuse ; mais j'entendais tellement vanter dès lors autour de moi la rare puissance, l'égalité parfaite et la sonorité ample et veloutée de la jeune débutante que je ne fus nullement surpris lorsque je pus la revoir peu après à l'Académie de musique et la suivre alors dans tous les rôles qu'elle a créés ou repris, durant près de vingt ans, sur la scène de l'Opéra.

Mme Pauline Lauters était la fille d'un peintre de talent, professeur à l’Académie royale des beaux-arts de Bruxelles ; elle était née le 1er décembre 1834, avait d'abord étudié la peinture sous la direction de son père, puis, se sentant entraînée vers le théâtre par la magnifique voix que la nature lui avait départie, elle était entrée au Conservatoire de Bruxelles, y avait fait de bonnes études couronnées par un premier prix de chant, s'était mariée avec un ténor du nom de Deligne, qui est mort lui-même en 1908, et était venue débuter à Paris dans l'opéra de son jeune et cher compatriote, le Billet de Marguerite. C'était le 7 octobre 1855 : elle ne resta guère plus d'un an au Théâtre-Lyrique et le succès éclatant que lui avaient valu à la fois sa beauté épanouie de Flamande et la richesse éclatante de son organe lui firent engager tout de suite à l'Opéra, lorsque Mlle Cruvelli en sortit brusquement, pour se marier. Mme Gueymard, qui était encore à cette époque Mme Deligne, se trouva remplir ainsi l'intervalle entre les deux chanteuses, Sophie Cruvelli et Marie Sasse, qui sont mortes en 1907 à deux ou trois jours d'intervalle, mais même après que Marie Sasse eut été engagée à l'Opéra, Mme Gueymard ne fut jamais reléguée au second plan et sut conserver le premier rang à côté de sa redoutable rivale. C'est le 12 janvier 1857 qu'elle débuta à l'Opéra de la rue Le Peletier dans l'adaptation française de il Trovatore, de Verdi, à côté de Mme Borghi-Mamo, du baryton Bonnehée et du ténor Gueymard, à qui elle allait bientôt s'unir. Le succès de la première Léonore française fut considérable : sa voix, qui s'était encore développée depuis ses débuts et ses qualités scéniques qui prirent tout à coup un essor inattendu la marquèrent, dès le premier jour, pour fournir la plus brillante carrière à Paris.

Et tout de suite arrivèrent pour elle d'importantes « créations », dans de pauvres opéras sans avenir, il est vrai, mais qui montraient qu'elle était alors sans rivale sur notre première scène lyrique : Blanche, dans la Magicienne, d'Halévy ; Lilia, dans Herculanum, de Félicien David ; Juliette, dans l'adaptation du Roméo et Juliette, de Bellini ; Laura, dans Pierre de Médicis, du prince Poniatowski ; puis, agrès l'arrivée de Marie Sasse, la reine Balkis, dans la Reine de Saba, de Gounod ; Alde, dans le Roland à Roncevaux, de Mermet ; la princesse Eboli, dans le Don Carlos, de Verdi ; la reine, dans l'Hamlet, d'Ambroise Thomas ; enfin, après la fermeture de 1870-1871, Myrrha, dans la Coupe du roi de Thulé, de Diaz. Voilà pour les personnages quelle l'ut appelée à établir ; mais c'est dans les rôles les plus importants du répertoire qu'elle jeta le plus vif éclat, dans Léonor de la Favorite et dans Elvire de Don Juan ; mieux encore dans Valentine et dans Fidès. Car Mme Gueymard, dès qu'elle avait eu Mme Sasse à côté d'elle, avait compris qu'elle devait profiter de l'étendue exceptionnelle de sa voix pour ne pas se cantonner dans les sopranos dramatiques ; pour prendre aussi l'emploi des mezzos — exemples : la princesse Eboli et la mère d'Hamlet — et ses qualités dramatiques ayant acquis alors toute leur portée, elle atteignit au sommet de sa carrière et de sa renommée, en représentant la mère du Prophète, où son organe si solide et ses dons scéniques lui permirent de se placer hors de pair.

C'est en 1876 que Mme Gueymard se retira du théâtre — autant vaut ne pas compter une courte apparition qu'elle fit ensuite au Théâtre-Italien dans la princesse Amnéris, d’Aida, car elle avait abordé le répertoire italien, principalement en Espagne, durant les congés que lui accordait l’Opéra — et en 1876, après avoir chanté vingt-et-un ans sans interruption à Paris, dont dix-neuf passés à Opéra, elle se retirait sagement, avant même qu'elle y fût forcée par l'âge ou le déclin de ses forces vocales, car si sa voix avait un peu perdu de sa merveilleuse puissance et de sa sonorité si moelleuse, elle aurait été encore capable de rendre de réels services. Et cette longue carrière de vingt ans remplie par Mme Gueymard montre assez quelle force de résistance offrait son superbe organe ; car il est extrêmement rare qu'une chanteuse ait pu tenir aussi longtemps la scène dans ce grand cadre de notre Opéra. Voyez les deux cantatrices entre lesquelles arrive Mme Gueymard ; voyez Sophie Cruvelli, dont la carrière interrompue volontairement, il est vrai, ne compte pas plus de neuf années, dont deux tout au plus à l’Opéra de Paris ; voyez Marie Sasse, qui, avec son admirable instrument, ne resta pas plus de neuf ans à notre Opéra, ce qui constitue la seule partie vraiment intéressante de sa vie — après, elle ne fit plus que décliner, et très rapidement, — voyez Gabrielle Krauss entrant à l'Opéra déjà un peu fatiguée, à vrai dire, pour succéder à Mme Gueymard et n'y restant que huit années ; voyez, plus près de nous, Mme Rose Caron qui n'y passa que onze ans, Mme Bosman, qui, dans un emploi moins fatigant, fut déjà très remarquée pour y avoir chanté pendant quinze ans de suite et vous apprécierez ainsi combien fut exceptionnelle la carrière de Mme Gueymard.

Mme Gueymard, si elle avait été très richement douée par la nature, fut moins généreusement traitée par la fortune ou le hasard qui la fit paraître à une époque dépourvue d’intérêt au point de vue musical et sans qu'elle eût l'occasion d'attacher son nom à nul opéra nouveau qui dût compter dans l'avenir, car les deux seuls rôles marquants de cette période de l'histoire de notre Opéra : Elisabeth, de Tannhäuser et Sélika, de l'Africaine, allèrent à Marie Sasse. Mais même avec sa voix magnifique et son instinct dramatique, assurément supérieur à celui de sa rivale, aurait-elle jamais été, si les circonstances s'y fussent prêtées, une de ces artistes absolument hors ligne et dont le nom doit rester indissolublement lié, à l'époque où elles parurent, aux œuvres qu'elles interprètent, comme une Malibran ou une Falcon. une Rose Caron par exemple ? Il est permis d'en douter, car elle paraissait être d'une nature un peu molle et si elle possédait en plus de cette voix si ample el si veloutée, une expérience scénique appréciable qui lui permettait de remplir tous ses rôles d'une façon satisfaisante pour ne pas dire plus, elle n'avait jamais de ces grandes envolées, de ces puissants élans dramatiques qui n'appartiennent qu'aux véritables tragédiennes lyriques. Elle était d'une époque où la plupart des chanteurs de théâtre s'en remettaient trop à la seule beauté de leur organe pour briller, et c'est justement parce qu’elle comprit à un certain moment qu'il y avait plus et mieux à faire sur la scène française — sans pouvoir réaliser entièrement ce qu'elle entrevoyait — que son souvenir mérite de demeurer. Dans une période peu propice et très pauvre en belles œuvres dramatiques, elle fit applaudir un instrument incomparable et fut une artiste, non point très personnelle, mais déjà très intéressante et supérieure, en tout cas, à la plupart des ouvrages qu'il lui fut donné d'interpréter.

 

(Adolphe Jullien, Journal des débats, 15 mai 1918)

 

 

 

 

 

Pauline Gueymard-Lauters, caricature dans le Trombinoscope (1875)

 

 

 

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