HENRI

 

 

 

Achille DESHAYES dit HENRI

 

basse française

(240 rue Saint-Martin, Paris ancien 6e, 29 janvier 1799 [10 pluviôse an VII]* – Rochecorbon, Indre-et-Loire, 20 février 1870*)

 

Fils de Charles René DESHAYES (Nogent-le-Rotrou, Eure-et-Loir, 10 février 1754 – av. 1832), employé, et de Marie Louise BOUTHEROÜE-DESMARAIS (Paris ancien 4e, 02 novembre 1765 – Batignolles-Monceau, Seine [auj. dans Paris 17e], 10 décembre 1832*), mariés à Paris le 14 mars 1793.

Frère d'Etienne Guillaume René DESHAYES (Paris, 22 novembre 1800 –).

Epoux à Paris ancien 5e le 10 juin 1824 Françoise Fanny LEVIEZ (– 1870/1884).

Parents de Fanny Aimée Henriette DESHAYES (Paris, 26 juillet 1825* – Tours, Indre-et-Loire, 14 juin 1884*) [épouse à Paris ancien 2e le 21 novembre 1848* Léon Roger LAHOGUE (Paris ancien 10e, 21 avril 1818* – Paris 9e, 16 avril 1866*), artiste peintre].

 

 

Il devint première basse-taille comique de l’Opéra-Comique, où il chanta pendant plus de trente ans, y faisant de nombreuses créations, notamment dans le Postillon de Lonjumeau (Biju) et le Caïd (Aboul-y-far). Il chanta également aux Concerts du Conservatoire (sociétaire du 04 mars 1828 au 16 février 1833). Il fut régisseur général pendant plus de dix ans (en poste en 1846) et directeur de la scène de l'Opéra-Comique. Il quitta ce théâtre le 05 mai 1850. Il se retira à Rochecorbon. Son pseudonyme a souvent été orthographié HENRY.

En 1832, il habitait 11 rue Rameau à Paris. Il est décédé en 1870 à soixante-et-onze ans, en son domicile à Rochecorbon.

 

Il ne doit pas être confondu avec François Louis HENRY (Versailles, Yvelines, 12 mai 1786* Paris ancien 11e, 23 février 1855*), fils de Georges HENRY, inspecteur des bâtiments et jardins de la Reine, et de Louise Joséphine Françoise DEBLANC, qui a épousé à Paris ancien 11e le 21 janvier 1846* Guillemine MOLLET. Celui-ci obtint un second prix d’harmonie en 1810 au Conservatoire de Paris, où il fut professeur de chant du 09 juin 1835 au 15 novembre 1842.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Il y débuta en 1817.

 

Il y créa le 18 octobre 1817 la Clochette (le Chef des Bramines) de Ferdinand Hérold ; le 17 août 1822 le Solitaire (2e soldat) de Michele Enrico Carafa ; le 28 novembre 1822 Valentine de Milan (le Duc de Férare) d’Etienne-Nicolas Méhul ; le 25 janvier 1823 Leicester (lord Hudson) d’Esprit Auber ; le 03 mai 1825 le Maçon (Rica) d’Esprit Auber ; le 10 décembre 1825 la Dame blanche (Gaveston) de François-Adrien Boieldieu ; le 20 mai 1829 les Deux nuits (Falgar) de François-Adrien Boieldieu ; le 28 janvier 1830 Fra Diavolo (Mathéo) d’Esprit Auber ; le 02 décembre 1830 Joséphine ou le Retour de Wagram (le Duc de Vicence) d’Adolphe Adam ; le 14 février 1831 la Veillée (un corsaire) d’Alexandre Paris ; le 17 octobre 1832 la Médecine sans médecin (M. Delaroche) de Ferdinand Hérold ; le 20 juillet 1833 la Prison d’Edimbourg (le duc d’Argyle) de Michele Enrico Carafa ; le 18 septembre 1833 le Proscrit (le comte Lorezzo) d’Adolphe Adam ; le 24 mai 1834 Lestocq (Golofkin) d’Esprit Auber ; le 28 août 1834 le Fils du prince (le Duc de Weimar) d’Alphonse de Feltre ; le 16 juin 1835 le Portefaix (Don Ramiro) de José-Melchior Gomis ; le 13 octobre 1835 Cosimo (Faribolini) d’Eugène Prévost ; le 09 avril 1836 les Chaperons blancs (Gilbert) d’Esprit Auber ; le 13 octobre 1836 le Postillon de Lonjumeau (Biju) d’Adolphe Adam ; le 08 septembre 1837 Guise ou les Etats de Blois (Larchant) de George Onslow ; le 31 octobre 1837 Piquillo (Don Paez) d’Hippolyte Monpou ; le 21 mars 1838 Lequel ? (un négociant) d’Aimé Simon Leborne ; le 30 mars 1838 le Perruquier de la Régence (le czar Pierre le Grand) d’Ambroise Thomas ; le 18 juin 1838 Marguerite (Maître Birminstel) d’Adrien-Louis Boieldieu ; le 04 octobre 1838 la Dame d’honneur (Lajolais) de Guillaume Despréaux ; le 31 octobre 1838 le Brasseur de Preston (sergent Toby) d’Adolphe Adam ; le 17 janvier 1839 Régine ou Deux nuits (Sauvageon) d’Adolphe Adam ; le 14 juin 1839 Polichinelle (le marquis de Bambolini) d’Alexandre Montfort ; le 02 septembre 1839 le Shérif (sir James Turner) de Fromental Halévy ; le 11 février 1840 la Fille du régiment (Sulpice) de Gaetano Donizetti ; le 24 février 1840 Carline (Charlot) d’Ambroise Thomas ; le 16 juillet 1840 l’Opéra à la cour (le Grand-Duc) d’Albert Grisar et Adrien-Louis Boieldieu ; le 06 mars 1841 les Diamants de la couronne (Rebolledo) d’Esprit Auber ; le 17 août 1841 l’Aïeule (Kerkabec) d’Adrien Boieldieu ; le 01 décembre 1841 la Jeunesse de Charles-Quint (Magnus) d’Alexandre Montfort ; le 17 janvier 1842 le Diable à l'école (Babylas) d'Ernest Boulanger ; le 04 février 1842 le Duc d’Olonne (Mugnoz) d’Esprit Auber ; le 20 avril 1843 le Puits d’amour (shérif Bolbury) de Michael William Balfe ; le 14 septembre 1843 Lambert Simnel (John Bred) d’Hippolyte Monpou ; le 10 février 1844 Cagliostro (Tomassi) d’Adolphe Adam ; le 26 mars 1844 la Sirène (Bolbaya) d’Esprit Auber ; le 10 février 1845 les Bergers Trumeaux (un berger) de Louis Clapisson ; le 09 août 1845 le Ménétrier (major Krifkraffen) de Théodore Labarre ; le 15 mai 1846 le Trompette de Monsieur le Prince (Goulard) de François Bazin ; le 19 novembre 1846 Gibby la cornemuse (Castelby) de Louis Clapisson ; le 06 décembre 1846 la Damnation de Faust (Brander) d’Hector Berlioz ; le 11 novembre 1848 le Val d’Andorre (le Grand Syndic) de Fromental Halévy ; le 03 janvier 1849 le Caïd (Aboul-y-far) d’Ambroise Thomas.

 

Il y chanta Richard Cœur de Lion (William, 27 septembre 1841) d’André Grétry réorchestré par Adolphe Adam ; Paul et Virginie (le vieux Noir, 1846) de Rodolphe Kreutzer ; le Petit chaperon rouge (l’Ermite de la forêt) de François-Adrien Boieldieu ; Une folie (1843) d’Etienne-Nicolas Méhul.

 

 

 

 

Reçu au Conservatoire de musique en 1821, et après avoir étudié son art sous MM. Baptiste aîné et Ponchard, Henri est entré au théâtre de l’Opéra-Comique en juin 1822. Son zèle, son assiduité à remplir ses devoirs lui ont concilié la faveur du public et des auteurs. Soixante rôles créés par lui avec bonheur en sont la preuve évidente. Henri est aujourd'hui une des plus solides colonnes du théâtre, et M. Crosnier, l'habile directeur, a su s'attacher cet artiste jusqu'à la fin de son privilège. Henri n'est pas seulement le joyeux acteur de l'Opéra-Comique, il est encore membre du comité de l'Association des artistes dramatiques, membre fondateur de la Société des concerts du Conservatoire, et secrétaire du comité de la caisse de prévoyance de cette société. Enfin, partout où il est besoin de dévouement, on est sûr de rencontrer cet artiste, qui jouit de l'estime et de l'affection de tous ceux qui le connaissent.

(Acteurs et actrices de Paris, 1842)

 

 

Aujourd'hui dimanche, à l'Opéra-Comique, aura lieu la représentation de retraite, après trente ans de service, d'un acteur que le public n'a pas oublié, et qu'il reverra pour la dernière fois, Henri Deshayes. Voici le programme de la fête : deux actes de Virginie, par Mlle Rachel ; le deuxième acte du Diable à quatre, opéra-comique, par Henri et Mme Casimir ; un intermède musical des plus originaux ; le premier acte de l’Ambassadrice et les Rendez-vous bourgeois travestis.

(Revue et Gazette musicale de Paris, 05 mai 1850)

La représentation pour la retraite et au bénéfice d'Henri Deshayes a été fort brillante. Le bénéficiaire y a reparu dans le rôle du directeur Fortunatus, de l'Ambassadrice, et dans celui du savetier du Diable à quatre. Mme Casimir, qui reparaissait aussi et seulement pour une fois, a chanté plusieurs morceaux d'une voix toujours belle et puissante.

(Revue et Gazette musicale de Paris, 12 mai 1850)

 

 

Cet artiste, connu du public sous le seul nom de Henri, a créé à l’Opéra-Comique un grand nombre de rôles de basse : parmi lesquels celui de Biju, du Postillon de Lonjumeau, d’A. Adam, et celui du Caïd, de M. Ambroise Thomas, lui méritèrent d’unanimes applaudissements, etc. Après avoir été régisseur à l’Opéra-Comique pendant plus de dix ans, il a pris sa retraite vers 1850.

(Antoine Elwart, Histoire de la Société des Concerts du Conservatoire, 1860)

 

 

Un digne artiste qui a laissé les meilleurs souvenirs à notre Opéra-Comique, la basse Henry (Deshayes), si recherché des auteurs et compositeurs pour son naturel scénique et la conscience qu'il apportait aux moindres créations de son répertoire, vient de s'éteindre doucement et honorablement en sa propriété de Rochecorbon (Indre-et-Loire), laissant une veuve et des amis inconsolables. Il vivait là, retiré depuis bien des années, aimé et honoré de tous les braves campagnards qui l'entouraient, sans cependant cesser, par le souvenir, de se trouver au milieu des arts et de ses anciens camarades. Les journaux et feuilletons consacrés au théâtre étaient sa grande distraction ; chaque soir, il en faisait sa lecture de prédilection, ayant ainsi trouvé le secret de vivre à Paris au milieu des champs.

(le Ménestrel, 27 février 1870)

 

 

 

 

 

[à propos de Henri jeune, son frère]

Plusieurs journaux de la province parlent avec éloge de Henri Deshayes, frère de notre joyeuse basse de l'Opéra-Comique. Ce jeune homme qui fait partie de la troupe de Calais, vient de jouer avec un égal succès, Bertram de Robert, Don Pasquale, Gaveston, Biju du Postillon et Bazile du Barbier. Cela prouve une flexibilité de talent chez cet artiste aussi consciencieux pour les intérêts de son directeur, que dévoué aux plaisirs du public calaisien.

(l'Avant-scène, 22 juin 1846)

 

 

 

 

 

Le ciel l'avait créé artiste, et en dépit du sort qui voulait en faire un bijoutier, il fut artiste ; c'est peut-être un Benvenuto que nous avons perdu, mais assurément nous y avons gagné un excellent chanteur.

M. Deshayes, employé à l'administration des postes, avait trois enfants ; à force d'économies, il avait amassé une somme suffisante pour payer la pension de l'aîné au lycée Napoléon, mais sa santé était ruinée, et une courte maladie l'emporta. Sa veuve, réduite à un bien modeste revenu, malgré les trente-cinq ans de service de son mari dans l'administration, pensa sagement que son fils, en admettant qu'elle put le maintenir au lycée jusqu'à la fin de ses études, ne pourrait point profiter des connaissances qu'il aurait acquises, dans l'impossibilité où il se trouverait d'arriver à une carrière libérale dont l'accès est toujours si coûteux ; elle le retira donc immédiatement et le plaça chez M. Pâris, le bijoutier.

Le jeune Henri, tout en approuvant la décision de sa mère, songea qu’un peu d'instruction ne lui nuirait pas, et, profitant des notions élémentaires qu'il avait puisées au lycée, il continua d'étudier quand sa journée d'apprenti était finie, et au bout de la semaine, s’il était satisfait de ses progrès, il allait à l'Opéra-Comique. Une vocation irrésistible l'entraînait vers la musique ; tout petit, il était élève de la maîtrise de Saint-Eustache, et avait parfois l'honneur d'être choisi pour soliste. Ce goût précoce s'était développé avec l'âge, et Henri eut donné toutes les félicités du paradis de Mahomet pour une représentation à Feydeau. Aucune privation ne lui coûtait ; dès midi, il s’installait à la tête de la queue, que le temps, fut mauvais ou beau, et se contentait pour dîner d'un morceau de pain sec apporté dans sa poche. Qu'importaient au jeune homme ces désagréments minimes ? n'allait-il pas avoir une soirée de délices et d'enchantements !

Souvent il arrivait que la nuit prolongeait par le rêve le plaisir du mélophile, nous ne dirons pas mélomane, car Henri aimant la musique avec passion, l'aimait aussi avec intelligence ; il retenait facilement les principaux motifs et les fredonnait le lendemain à son atelier, où ses camarades, en riant, l'appelaient le Ponchard de la bijouterie. Un soir, M. Pâris revisait ses livres dans son cabinet lorsque son attention fut attirée par une voix éclatante et fraîche qui chantait la romance du Petit Chaperon rouge : Le noble éclat du diadème ! La voix partait de l'atelier, M. Pâris s'approcha sans bruit, et, par une porte vitrée, aperçut son apprenti bien aimé qui charmait ses camarades d'établi. L'honnête bijoutier applaudit le premier, et quittant son embuscade, vint féliciter le jeune homme sur ses heureuses dispositions.

Quinze jours après, — honneur insigne ! — Henri recevait de son patron une invitation à dîner, et au dessert on lui fit chanter plusieurs morceaux qui furent applaudis à toutes mains par l'auditoire. Michelot, l'excellent comédien du Théâtre-Français, l'habile professeur du Conservatoire, était parmi les assistants ; M. Pâris lui recommanda son protégé, et, peu de temps après, Henri fut admis comme pensionnaire au Conservatoire, avec cinquante francs d'appointements par mois.

Bon fils, le jeune homme portait religieusement à sa mère tout l'argent qu'il recevait, en lui demandant de l'utiliser pour elle et son frère. Henri, qui était entré comme ténor, se trouva presque subitement basso cantanto par un de ces caprices du larynx, si fréquent chez les chanteurs, et, à l'examen semestriel, les juges se prononcèrent contre l'artiste commençant et le déclarèrent impropre à toute autre profession qu'à celle de choriste ; en conséquence, on lui retira sa pension et on parlait même de le renvoyer définitivement, lorsque Adolphe Adam, élève du Conservatoire en même temps qu'Henri et son camarade, fit jouer un petit opéra, de sa composition, dans le salon de son père ; Henri remplissait un des personnages importants ; il s'acquitta de son rôle avec tant de bonheur que MM. les juges présents à son triomphe furent obligés de convenir qu'ils s'étaient trompés ; mais comme la justice ne peut pas avoir tout à fait tort, on le maintint dans les classes, sans lui rendre sa pension. Ses études terminées, et elles le furent promptement, car il était persévérant et résolu dans tout ce qu'il entreprenait, Henri songea à se présenter à l'Opéra ; une seule chose l'empêcha d'effectuer ce projet, c'était le long et stérile noviciat par lequel il lui fallait passer ; à défaut du premier théâtre lyrique, il adopta le second, et, au mois de mai 1822, le directeur de Feydeau l’admit comme pensionnaire, aux appointements de huit cents francs, — un peu moins que ne gagne maintenant un choriste à Pézenas ou Quimper-Corentin.

D'abord, réduit à doubler les basses-tailles de l'époque, Henri eut le bonheur de recevoir un petit rôle dans le Maçon ; il n'avait qu'une phrase à dire dans le final du second acte, mais la phrase était charmante et il la chanta délicieusement. De ce jour, les auteurs eurent l'œil sur le jeune artiste que Talma lui-même était venu complimenter. La même année Boieldieu choisit Henri pour lui confier le rôle capital de Gaveston dans la Dame blanche ; le succès fut complet, et, lorsque cinq années plus tard Boieldieu nous fut ravi, Henri reçut la douloureuse et honorable mission de prononcer l'éloge funèbre du grand compositeur. Depuis ce temps, les créations et les victoires de l'artiste ne se comptent plus ; leur nombre dépasse deux cents.

Lorsque Adolphe Adam donna à l'Opéra-Comique le Postillon de Lonjumeau, le rôle de Biju fut confié à Henri qui le créa avec tant de bonheur et de talent qu'on peut l'y dire inimitable. Nous avons mémoire d'une représentation donné à Orléans au bénéfice de Henri jeune frère de l'artiste de l'Opéra-Comique ; ce dernier chanta Biju et fut couvert de bravos et de couronnes par les Orléanais ; jamais triomphe n'avait été plus complet, jamais ovation mieux méritée.

Depuis deux ans, Henri ne fait plus que de rares apparitions sur la scène ; une affection du larynx dont il a gravement souffert ayant compromis l'étendue de sa voix et la superbe sonorité de son timbre, l'intelligent artiste s'est rangé pour laisser passer les jeunes gens qui aspirent à le remplacer. Ce sera une tâche bien difficile ; outre son mérite comme chanteur, Henri avait l'immense avantage d'être un bon comédien ; appartenant à cette bonne école d'autrefois qui ne se bornait pas, à l'imitation des Italiens, à chanter un rôle et qui le jouait en même temps, il avait su conquérir un renom bien acquis dans le genre bouffe, et, tout en souhaitant que notre pessimisme ait tort, nous ne croyons pas qu'un artiste atteigne de longtemps le succès dont jouissait Henri Deshayes dans le Postillon, le Diable à l’Ecole et vingt autres rôles que nous pourrions citer entre tous ceux qu’il a créés.

Du reste, s'il prend sa retraite comme acteur, Henri ne quitte pas pour cela l'Opéra-Comique. M. Basset qui a été à même d'ap­précier ses heureuses qualités d'administrateur, l'a choisi pour régisseur-général de son théâtre, emploi d'une fatigante responsabilité qu'il avait déjà exercée pendant près d'une année lorsque son ami Génot était malade. C'est là une noble action sur laquelle il convient d’insister. M. Génot avait huit cents francs d'appointement par mois ; étant incapable de continuer les fonctions, il fallait lui chercher un successeur qui nécessairement eut reçu la pension pendant l'intérim, lorsque Henri s'offrit pour remplacer gratuitement son camarade.

C'est à ce digne artiste qu'on doit la mise en scène splendide des Mousquetaires de la Reine. Ajoutons que pendant vingt-quatre ans d’exercice, Henri n'a jamais encouru une seule amende et que tous les directeurs ont eu à se louer de sa complaisance et de son zèle.

Maintenant, parlons des services qu'Henri a rendus à la Société des artistes dramatiques ; c'est par ses soins qu'ont été organisés les bals magnifiques donnés chaque année au bénéfice de la caisse de secours de cette association ; aussi à la dernière assemblée, a-t-il obtenu 288 voix sur 291 votants pour être réélu membre du comité. Nous ne saurions mieux faire d'ailleurs, en terminant cette courte notice, que de répéter le passage du rapport de M. Samson qui a trait à M. Henri Deshayes :

« Il est une personne qui ne connaît ni tiédeur, ni caprices, et qui, lorsqu'il s'agit du bal de l'Opéra-Comique, est toujours à son poste, et se plait à y déployer une intrépidité de zèle que rien n'effraye ni ne décourage ; son nom est dans toutes vos bouches, c'est notre collègue M. Henri à qui nous devons une diminution de près de 800 fr. sur la dépense du bal. Le prochain rapport vous parlera encore de lui dans les mêmes termes ; car, avec M. Henri, c'est toujours à recommencer, et il aimerait mieux fatiguer votre reconnaissance que de ne la point mériter. »

 

(Eugène Woestyn, la France théâtrale, 13 au 20 août 1846)

 

 

 

 

 

Encylopédie