Paola MARIÉ

 

Paola Marié (photo atelier Nadar) [BNF]

 

 

Maria Paola MARIÉ DE L'ISLE dite Paola MARIÉ

 

soprano français

(Paris ancien 2e, 28 mars 1848* – Paris 17e, 02 décembre 1920*)

 

Fille de Mécène MARIÉ (1811–1879), ténor, et de Francesca Maria HARTFUS.

Sœur de GALLI-MARIÉ et Irma MARIÉ, cantatrices.

 

 

Elle fut élevée jusqu'à l'âge de seize ans au couvent du Sacré-Cœur de Nancy. Après un passage au Vaudeville, Paola Marié alla créer aux Bouffes-Parisiens une opérette, Madeleine (1868). Remarquée par Hervé, celui-ci la fit engager pour trois ans au théâtre des Galeries Saint-Hubert, à Bruxelles. L'été, elle allait jouer à Londres. Enfin une création à Bruxelles la mit assez en dehors pour venir débuter aux Folies-Dramatiques dans une reprise du Petit Faust (Méphisto). C'est à ce théâtre, après avoir joué le rôle de Bertrade dans Héloïse et Abailard (1872), qu'elle s'acquit une véritable réputation par son interprétation de Clairette, lors de la première à Paris le 21 février 1873 de la Fille de Madame Angot de Charles Lecocq. Vers la 120e Paola Marié tomba malade, puis quitta Paris sans seulement prévenir son directeur, M. Cantin. Celui-ci apprenant l’arrivée au Caire de la fugitive, commença un procès en bonne forme, et demanda, en outre des 15.000 francs de dédit stipulés, des dommages et intérêts. Paola passa l’hiver en Egypte, sans engagement, et de retour à Paris refusa de rentrer aux Folies-Dramatiques avant la fin de son procès. Après bien des démarches faites par Busnach et Clairville, la capricieuse divette accepta de venir au Châtelet pour y créer le rôle de Nérida dans la Belle au bois dormant (04 avril 1874) aux appointements de 100 francs par soirée, tandis qu’Hostein, directeur du Châtelet, déposait dix mille francs chez un homme d’affaires pour payer le dédit à Cantin. Hélas ! la Belle au bois dormant ne dormit que vingt soirs ! Le 15 juin, Paola entre aux Variétés pour une reprise des Brigands (Fiorella). En juillet elle remporte des succès à Bordeaux dans la Fille de Madame Angot, son triomphe, et les opérettes en vogue. En 1875, nous la retrouvons aux Variétés, dans la Boulangère a des écus (Toinon). En 1876, aux Bouffes, le Mariage d’une étoile, le Moulin du Vert-Galant, la Boîte au lait, sans parler des reprises telles que Madame l’Archiduc, la Princesse de Trébizonde, la Rose de Saint-Flour, Paola et Pietro ; en 1877, création de la Sorrentine, de l’Etoile ; en 1878, son nom figure en premier sur le tableau des artistes aux Bouffes ; créations : Babiole, Maître Peronilla ; reprise : la Grande-Duchesse de Gérolstein ; en 1879, elle crée la Marocaine. En 1880, elle accepte de faire partie, avec Victor Capoul, d’une tournée de 14 mois en Amérique. En 1884, elle reparaît aux Bouffes dans le Chevalier Mignon, puis elle quitte le théâtre.

Elle est décédée en 1920, célibataire, à soixante-douze ans, en son domicile, 6 place Pereire à Paris 17e.

 

 

 

 

opérettes créées

 

Aux Galeries Saint-Hubert à Bruxelles : le 11 mars 1871 A la mer de Lionel Vercken.

Aux Folies-Dramatiques : le 17 octobre 1872 Héloïse et Abailard (Bertrade) d'Henry Litolff.

Au Théâtre du Châtelet : le 04 avril 1874 la Belle au bois dormant (Nérida) d'Henry Litolff.

Au Théâtre des Variétés : le 14 novembre 1874 les Prés Saint-Gervais (Friquette) de Charles Lecocq ; le 19 octobre 1875 la Boulangère a des écus (Toinon) de Jacques Offenbach.

Aux Bouffes-Parisiens : le 01 avril 1876 le Mariage d'une étoile (Jeannette) d'Isidore-Edouard Legouix ; le 12 avril 1876 le Moulin du Vert-Galant (Jeanne) de Gaston Serpette ; le 03 novembre 1876 la Boîte au lait (Mistigris) d'Offenbach ; le 24 mars 1877 la Sorrentine (Thérésine) de Léon Vasseur ; le 28 novembre 1877 l'Etoile (Lazuli) d'Emmanuel Chabrier ; le 16 janvier 1878 Babiole (Babiole) de Laurent de Rillé ; le 13 mars 1878 Maître Peronilla (Frimouskino) d'Offenbach ; le 13 janvier 1879 la Marocaine d'Offenbach ; le 23 octobre 1884 le Chevalier Mignon (Régine) de Léopold de Wenzel.

 

 

 

 

 

Paola Marié [photo Block]

 

 

 

Mademoiselle Paola Marié est la quatrième fille (et non pas la troisième, comme on le croit généralement), de Marié, l'excellent artiste de l'Opéra.

Elle est trop jeune et trop charmante pour m'en vouloir de révéler la date de sa naissance qui est : le 28 mars 1851 [en réalité 1848].

Élevée au couvent des Oiseaux et au Sacré-Cœur, elle sortit de cette dernière institution à l'âge de 16 ans.

Si elle reçut, comme femme, une éducation très soignée, son éducation musicale fut un peu négligée. Aussi quand, toute enfant, à 17 ans, elle se décida à aborder le théâtre, n'apporta-t-elle qu'une voix excellente. Non seulement le savoir lui faisait défaut, mais elle chantait et chante encore aujourd'hui sans méthode et sans correction.

Mais Paola Marié n'a pas dit son dernier mot, il s'en faut de beaucoup. Elle commence à peine une carrière qui peut devenir très brillante si elle le veut, car des trois sœurs Marié, artistes lyriques, elle est peut-être celle chez qui le souffle artistique est le plus puissant et dont le tempérament dramatique est le plus nerveux, ce qui, n'est pas peu dire, car on connaît la saisissante originalité de Mme Galli-Marié, son aînée.

Paola Marié, avec son humeur légère, ses goûts de changement, ses idées de voyage, a le bonheur d'être studieuse, d'aimer le travail et de chercher sans cesse à faire de mieux en mieux. Là, est la garantie la plus sérieuse de son avenir.

Elle débuta aux Bouffes-Parisiens, en octobre 1868, sous la direction de MM. Charles Comte et Jules Noriac, dans Madeleine, petite opérette en un acte, de façon à se faire immédiatement remarquer. Hervé la fît aussitôt engager par M. Delvil, Directeur des Galeries Saint‑Hubert à Bruxelles, qui la lia à son théâtre par un traité de trois années.

Là, elle se produisit successivement dans la Périchole, les Brigands, le Petit Faust (rôle de Méphisto), et généralement dans tout le répertoire d'Offenbach et d'Hervé.

Très appréciée du public bruxellois, elle eût peut-être renouvelé son engagement, si M. Cantin, qui avait pressenti son avenir, ne l'eût amenée aux Folies‑Dramatiques.

Elle débuta, à ce théâtre, dans le rôle de Méphisto du Petit Faust, en attendant que Litolff eût terminé la pièce dans laquelle elle devait sérieusement se produire devant le public Parisien.

Cette pièce : Héloïse et Abailard fut jouée le 17 octobre 1872. Paola Marié y fit sa première création dans le rôle de Gertrude, à côté de ce pauvre Luce dont ce dernier succès devait être le chant du cygne, car il mourut quelques mois après.

Son succès fut énorme, on salua en elle une véritable chanteuse. Aussi, dès ce moment, de nombreux impresarii voulurent-ils se l'attacher. Mais elle refusa les avantages sérieux des directeurs de Londres, Vienne, Saint-Pétersbourg, New York, pour accepter ceux de M. Cantin. Celui-ci prit alors le soin d'enchaîner sa nouvelle pensionnaire par une clause de leur traité qui la condamnait à payer la somme de 15000 francs au cas où elle romperait son engagement

La précaution, on le verra, était bonne à prendre. Paola Marié fit aussitôt sa seconde création dans Clairette, de la Fille de madame Angot. Trois des auteurs avaient l'intention de faire jouer ce rôle par Mlle Ludgini qui l'avait créé à Bruxelles à côte de Mlle Desclauzas, mais le quatrième, Clairville, enthousiasmé du brio avec lequel elle avait enlevé le personnage de Gertrude dans Héloïse et Abailard, fit tant qu'il imposa sa manière de voir à ses collaborateurs.

On sait le succès de Paola Marié dans ce rôle que tant d'artistes ont repris après elle sans pouvoir la faire oublier.

Vers la 120e représentation, Clairette Angot tomba malade. Les rôles ayant été appris en double, elle fût remplacée, mais M. Cantin, désireux de voir la créatrice du personnage revenir le plus vite possible en prendre possession, avait tendu autour d'elle un cercle d'agents pour mieux s'assurer du moment où la maladie aurait disparu, et suivre les faits et gestes de sa pensionnaire.

Paola Marié, préoccupée seulement de sa santé et suivant l'avis de ceux qui s'y intéressaient, partit un beau matin de Paris, sans même songer à prévenir son directeur. M. Cantin apprend, quelques jours après le départ, puis l'arrivée au Caire de la fugitive. Il lance alors papiers timbrés sur papiers timbrés et commence un procès en bonne forme. Il demande en outre des 15.000 francs de dédit, des dommages et intérêts pour l'embarras où l'eût pu plonger la fuite précipitée de sa Clairette.

L'affaire, on le sait, est encore pendante. Mais directeur et pensionnaire, en attendent actuellement le dénouement avec la plus complète tranquillité, étant l'un et l'autre très satisfaits du présent.

Paola Marié, passa tout l'hiver en Egypte où elle ne prit d'ailleurs, aucun engagement, et, revenue à Paris, ne voulut point rentrer aux Folies-Dramatiques avant l'issue de son procès.

Après bien des démarches faites par MM. Busnach et Clairville, elle accepta de venir au théâtre du Châtelet pour y créer le rôle de Nerida, à côté de Mlle Reboux, ex-artiste de l'Opéra, dans la Belle au bois dormant, de Litolff, le 4 avril 1874, aux appointements de cent francs par soirée.

Il est bon de mentionner que pour traiter régulièrement avec sa pensionnaire, M. Hostein dut donner une somme de 10,000 fr. pour payer le dédit à M. Cantin ; seulement cette somme a été déposée chez un homme d'affaires en attendant la fin du procès intenté par ce directeur.

Quand on apprit cet engagement à Litolff, il s'en ému. Il s'écria avec l'accent de la plus parfaite conviction : « Mais elle ne pourra jamais interpréter de la HAUTE musique, elle va me chanter tout le temps la Fille de Madame Angot ! »

Quoiqu'en ait pu penser Litolff, la musique de Lecocq est encore bien vivace après 500 représentations, et la Belle au bois dormant a vécu VINGT soirées, malgré l'excellente exécution de Paola Marié, dans ce rôle très ingrat pour elle, et avec lequel elle abordait pour la première fois, si non la grande musique, au moins une grande scène peu en rapport avec l'exiguïté de sa taille. Malgré tout, elle réussit à effacer complètement sa partner, la puissante Mlle Reboux.

M. Hostein le reconnut si bien, que les représentations de la Belle au bois dormant ayant dû cesser au Châtelet, le 25 avril, et l'engagement de Paola Marié n'expirant que le 1er juin, il songea à utiliser sa pensionnaire au Théâtre de la Renaissance, qu'il dirigeait également. Il voulait même la faire jouer dans cette pièce de Litolff, remaniée d'opéra en opérette, et qu'il se proposait de donner sous un nouveau titre : les Deux diablesses.

La pièce fut répétée quelques jours, mais Litolff apporta dans les retouches qu'il avait à faire des retards, peut-être calculés, et la Belle au bois dormant métamorphosée ne sortit point des cartons de la direction.

C'est alors que Paola Marié fut demandée aux Variétés par M. Bertrand, pour y jouer les Brigands à raison de 100 fr. par représentation. La pièce fut reprise le 15 juin ; on la trouva vieillie ; elle n'eut aucun succès, et beaucoup s'étonnèrent que M. Bertrand produisit une étoile dans une telle pièce usée jusqu'à la corde.

En voici la cause :

M. Offenbach ayant menacé de retirer son œuvre des Variétés parce qu’elle n'avait pas été jouée depuis un an, le directeur eût peur, remit les Brigands sur l'affiche, et voulant profiter de son traité avec Paola Marié, il lui fit remplir le rôle de Fiorella, créé par la jeune Mlle Aimée.

Le 30 juin le théâtre des Variétés ferma ses portes pour la saison d'été.

Paola Marié y fera sa rentrée incessamment dans les Prés Saint-Gervais, de Sardou, complètement remaniés en collaboration avec Philippe Gille, et mis en musique par Charles Lecocq.

En attendant cette nouvelle création, elle devait reprendre les Mémoires de Mimi Bamboche au théâtre du Palais‑Royal, mais M. Bertrand s'y opposa.

Préférant travailler plutôt que de se reposer pendant son congé, Paola Marié partit pour Bordeaux. Le 10 juillet elle commença au Grand-Théâtre une série de représentations dans la Fille de Madame Angot qu'elle n'avait pas jouée depuis son départ des Folies-Dramatiques. Elle succédait sur ce théâtre à Mlle Vanghell, et donna un regain de succès à la pièce. Apportant dans son costume de Clairette quelques changements heureux, en raison de sa petite taille et donnant au personnage un accent plus jeune et plus poétique, elle réussit si bien auprès du public bordelais que du Grand-Théâtre, elle passa immédiatement au Théâtre‑Français, après le départ des époux Lafontaine, pour y donner d'autres représentations dans les Brigands et le Petit Faust.

Après avoir joué Méphisto dans cette dernière pièce, elle joue depuis quelques jours Marguerite. Et dans ces deux rôles, elle est acclamée. Cette circonstance suffirait à prouver l'exubérance du tempérament artistique de Paola Marié.

Je le répète en terminant : aujourd'hui, c'est grâce à sa jeunesse, à une voix excellente et à un brio entraînant, que Paola Marié est passée à l'état d'étoile. Si elle veut, et elle le peut, ne point, comme tant d'autres, devenir prochainement étoile filante mais s'immobiliser au firmament de l'art, qu'elle étudie sérieusement, avec méthode. Il y a, en elle, je crois, l'étoffe d'une véritable chanteuse, qui ne rencontrerait point plus tard à l'Opéra-Comique les déboires que j'avais prédit et que je prédis encore à plusieurs de ses camarades.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 27 août 1874)

 

 

 

 

 

Paola Marié en 1874 [photo Gaston et Mathieu]

 

 

 

Elevée au couvent des Oiseaux, puis au Sacré-Cœur, elle en sortit pour débuter, à l'âge de dix-sept ans, aux Bouffes-Parisiens dans Madeleine, de Henri Potier. Elle réussit si bien dans ce petit opéra-comique, qu'elle fut immédiatement engagée à Bruxelles, aux Galeries-Saint-Hubert. Elle y obtint le plus vif succès en interprétant la Périchole, Fiorella des Brigands et Méphisto du Petit Faust. Devenue la pensionnaire des Folies-Dramatiques, elle créa Bertrade d'Héloïse et Abailard (1872) et Clairette de la Fille de Madame Angot (1873), qui la plaça au premier rang de nos divas. Elle joua le rôle avec beaucoup de distinction et de charme pendant 120 représentations ; elle tomba malade et partit pour le Caire, où elle resta un an. En 1874 elle entra au Châtelet pour y créer Nérida de la Belle au bois dormant, de Littolff. Elle se rendit ensuite à Bordeaux, où elle reprit, au Théâtre-Français, les principaux rôles de son répertoire. Dès son retour à Paris, elle se fit applaudir, aux Variétés, dans Toinon de la Boulangère a des écus (1875), puis créa aux Bouffes-Parisiens, Jeannette du Mariage d'une étoile (1876) ; Mistigris de la Boîte au lait ; Thérésina de la Sorrentine ; et chanta Muller de la Timbale d'argent (1877) ; Babiole (1878) ; Frimouskino de Maître Péronilla. Elle ne craignit point de reprendre, après Schneider, la Grande-duchesse de Gérolstein. Engagée avec Capoul par un imprésario, elle fit en Amérique une tournée artistique qui dura quatorze mois (1880). Revenue en France, elle entra aux Bouffes-Parisiens, où elle joua un rôle effacé dans le Chevalier Mignon (1884).

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 2e supplément, 1888)

 

 

 

 

 

Mlle Paola Marié de l'Isle qui eut son heure de célébrité dans les théâtres d'opérette, vient de mourir.

Sa carrière fut des plus brillantes. Ayant débuté à 17 ans, elle créa de nombreuses opérettes avec succès et fut quelque temps populaire, après avoir créée la fameuse Fille de Madame Angot. En 1878, c’est elle qu'Offenbach alla chercher pour reprendre la Grande-Duchesse de Gérolstein, où elle fit presque oublier la créatrice Hortense Schneider et qui lui valut le surnom, car elle était toute petite, de « la Petite Duchesse ». Puis elle joua la Périchole, les Brigands, le Petit Faust. Héloïse et Abailard, Maître Peronilla, la Belle au bois dormant furent aussi au nombre des créations où elle fit ample moisson de bravos. Elle fit à l'époque où l'opérette perdit de sa faveur en France, plusieurs tournées dans les deux Amériques et prit prématurément sa retraite. On ne parla plus d'elle et elle paraissait s'accommoder de cette obscurité volontaire. La mort vient de l'enlever à l'âge de 72 ans, et bien peu de Parisiens se souviennent de cette artiste dont le nom fut celui de la créatrice de Carmen et est encore celui de Mlle Jeanne Marié de l'Isle qui créa Marie-Madeleine, et chanta longtemps à l'Opéra-Comique.

(la Rampe, 12 décembre 1920)

 

 

 

 

 

Paola Marié (le Trombinoscope, 1874)

 

 

 

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