Marie MARIMON

 

Marie Marimon [photo Liébert]

 

 

Marie Antoinette Ernestine MARIMON dite Marie MARIMON

 

soprano français

(Paris ancien 2e, 19 décembre 1839* – Paris 17e, 27 juillet 1923*)

 

Fille naturelle de Fanny Elisa MARIMON.

 

 

Elève de Gilbert Duprez, elle commença sa carrière en 1857 au Théâtre-Lyrique, puis, vers 1860, entra à l'Opéra-Comique, où elle resta environ deux années, jouant Giralda, les Diamants de la couronne, etc. Elle alla tenir ensuite l'emploi des chanteuses légères à la Monnaie de Bruxelles (trois ans), à Lyon et à Marseille. Elle retourna à Bruxelles et en rapporta un joli opéra de Federico Ricci, Une Folie à Rome, qu’elle vint créer à Paris le 30 janvier 1869, aux Fantaisies-Parisiennes (rôle de Laurence), et dont le succès se continua à l’Athénée. Elle se faisait remarquer dans plusieurs autres ouvrages, puis, après une tournée de concerts en Belgique et en Hollande, était engagée à Londres où elle chanta pendant plusieurs années l'opéra italien successivement au Drury Lane, au Majesty et au Covent Garden. Elle alla faire ensuite une saison italienne à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Elle revint en France pour une tournée de concerts avec Sivori, Alard, Marie Cabel, Maton, etc., puis partit faire une grande tournée d’opéra italien en Amérique, revint en Angleterre, et enfin, de retour à Paris, était engagée en 1876 au Théâtre-Lyrique de la Gaîté, où elle chantait Giralda, Martha, et créait le 14 septembre 1877 la Clé d'or (Suzanne) d’Eugène Gautier, etc. Elle quitta la scène en 1884 et se consacra à l'enseignement.

En 1895, elle habitait 20 rue de Tilsitt à Paris 17e, où elle est décédée en 1923, célibataire, à quatre-vingt-trois ans. Elle est enterrée au Père-Lachaise (17e division).

 

 

 

Sa carrière au Théâtre-Lyrique

 

Elle y débuta le 30 décembre 1857 en créant la Demoiselle d’honneur (la bouquetière Reinette) de Théophile Semet.

 

Elle y créa le 29 septembre 1858 Broskovano (Hélène) de Louis Deffès.

 

Elle y participa à la première le 11 mai 1859 d’Abou-Hassan (Fatime) de Weber [version française de Nuitter et Beaumont] ; le 19 novembre 1859 d’Orphée et Eurydice (l’Amour) de Gluck.

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Elle y débuta le 30 juillet 1860 dans les Diamants de la couronne (Catarina).

 

Elle y créa le 24 décembre 1860 Barkouf (Maïma) de Jacques Offenbach ; le 18 mars 1861 Maître Claude (Perrine) de Jules Cohen ; le 11 décembre 1861 les Recruteurs d’Alfred Lefébure-Wély.

 

Elle y participa à la première le 29 octobre 1861 d’Au travers du mur de Joseph Poniatowski.

 

Elle y chanta Giralda.

 

 

 

Marie Marimon, photo d'Eugène Pirou

 

 

Mlle Marie Marimon est née à Paris le 19 décembre 1840 [en réalité 1839], elle marche donc vers cette date fortunée de la vie, la dix-neuvième année, qu'elle n'atteindra pas avant cinq mois ; que de succès possibles encore jusque-là. A quatorze ans elle était élève de Mme Damoreau, puis, après sa retraite, de Mlle Damoreau, aujourd'hui Mme Weckerlin, enfin, au bout de quelque temps, elle recevait des leçons de Duprez.

Dans une des soirées que l'illustre professeur donne chaque hiver et où l'on est toujours sûr de rencontrer l'élite des arts et de la littérature, la jeune Marie se fit entendre, c'était en 1856, et obtint sous les yeux de son maître un succès qui était la révélation de tout un avenir. Dès le lendemain l'habile directeur du Théâtre-Lyrique, M. Carvalho, qui avait deviné les immenses ressources que pouvait lui offrir ce talent naissant, signait à Mlle Marimon un engagement de trois années, aux appointements de 400 fr. par mois pour la première année, de 500 pour la deuxième, et de 600 pour la troisième. Les débuts de la jeune artiste eurent lieu au mois de décembre 1857, dans la Demoiselle d'honneur, opéra en trois actes, de M. Semet.

On attendait beaucoup de cet opéra, monté avec un grand luxe de décorations et de costumes. Les répétitions avaient eu un grand retentissement et la répétition s'était terminée aux cris enthousiastes de vive Semet ! poussés par les musiciens de l'orchestre. La première représentation fut on ne peut pas plus brillante, et, dans le rôle de la bouquetière Reinette, Mlle Marimon obtint la plus éclatante réussite, non seulement comme chanteuse, mais encore et à la surprise générale comme actrice. Plus de timidité, plus d'embarras, plus de cette gaucherie qui trahissent la débutante, en face du public elle a su trouver le secret de cette aisance, de ce naturel, de cet entrain qui sont le cachet et font le charme de la vraie comédienne. La subite révélation de ce jeune et déjà complet talent impressionna vivement le monde des arts ; M. Carvalho, cœur loyal avant tout, doublait, dès la troisième représentation, les appointements de la jeune Marie qui se trouvaient portés ainsi de 400 à 800 fr. par mois pour la première année, de 500 à 1000 fr. pour la seconde, et de 1000 à 1200 fr. pour la troisième.

Cependant l'Opéra-Comique, qui avait deviné le merveilleux parti qu'on pouvait tirer d'une pareille artiste, invoquait une clause de son privilège qui lui donne le droit de se recruter sur les scènes non impériales et lui proposait un engagement dans des conditions tout à fait exceptionnelles, mais M. Carvalho n'était pas homme à se laisser ainsi enlever le trésor qui lui était providentiellement échu. Le débat porté devant l'autorité fut vif bien que courtois, M. Nestor Roqueplan invoquait le droit et la lettre d'un contrat, M. Carvalho lui en appelait aux lois de l'équité, antérieures à tout traité, et disait avec infiniment de bon sens au ministre : Si l'on ne m'accorde pas de subvention comme à l'Opéra-Comique qu'on me laisse au moins les artistes qui me tiennent lieu de subvention. L'argument frappait fort et juste, M. Carvalho triompha.

Cette lutte entre les deux théâtres, à propos de la jeune Marie, se serait, nous assure-t-on, renouvelée tout dernièrement. On avait fait courir, nous ne dirons pas dans quel but, le bruit de la retraite de M. Carvalho ; aussitôt de nouvelles propositions plus brillantes encore étaient faites à Mlle Marimon, qui, cette fois encore en ajourna l'acceptation pour rester cette année encore au Théâtre-Lyrique. Quelle scène d’ailleurs pourrait lui être plus chère que celle de ses premiers succès, et où chaque nouveau rôle est l'occasion d'une ovation nouvelle de la part d'un public dont elle est devenue l'idole. Seule elle a pu reprendre les créations si remarquables de Mme Miolan-Carvalho et chanter des rôles qu'on ne croyait abordables que par cette chanteuse d'élite. Elle s'est fait applaudir dans la Perle du Brésil, la Fanchonnette, Broskowano, spirituel opéra-comique trop peu connu, Abou-Hassan, une des premières œuvres de Weber.

Les succès de Mlle Marimon ne se sont point arrêtés à la rampe du Théâtre-Lyrique, cet hiver les premiers salons de Paris, ceux de la finance comme ceux de l'aristocratie, se sont ouverts à la jeune et charmante artiste ; c'est là qu'elle a recueilli les bravos les plus chers à son cœur, ceux des gens de goût et de l'élite de la société.

Nous nous garderons bien de dire, pour échapper à toute discussion sur un pareil sujet, que Mlle Marimon est une beauté dans l'acception ordinaire et prosaïque du mot. Nous croyons aller plus loin, en annonçant qu'elle possède la qualité essentielle de la beauté, celle qui remplace toutes les autres, le charme. Elle a le rare talent de plaire à tous et toujours : elle plaît par son air décent, par la distinction de ses manières, par la modestie de ses prétentions, la douceur de son regard, elle plaît parce qu'on la reconnaît femme de talent, et qu'on la devine en même temps honnête et bonne, rares privilèges des natures d'élite.

Depuis trois ans Mlle Marimon reçoit les leçons de Duprez. En entendant sa voix fraîche et pleine qui parcourt, comme en se jouant, près de trois octaves, qui s'élève pure et cristalline jusqu'au fa dièse suraigu, on se rappelle le mot d'un de nos critiques les plus autorisés, mot d'une franchise passablement romantique, nous en convenons, qui s'écriait, après avoir entendu la charmante élève de Duprez : Ma foi ! il faut avouer que si Duprez casse les voix les morceaux en sont précieux.

Quant à nous, qui savons à quoi nous en tenir sur ce méfait prétendu de l'illustre maître, nous croyons pouvoir affirmer que, loin de casser les voix, Duprez en donne de ravissantes et de très étendues aux jeunes élèves à qui elles font défaut.

(Victor Herbin, l’Illustration de Bade, 14 juillet 1859)

 

 

Mlle Marie Marimon, qui vient de mourir, emportera avec elle de brillants souvenirs d'une époque théâtrale qui est bien près d'être entièrement disparue.

Elève de la fameuse école du ténor Duprez, elle resta fidèle, pendant sa longue carrière, à la méthode si sûre et si belle du premier chanteur et du premier professeur de son temps.

Parisienne de naissance, elle ne fréquenta cependant pas le Conservatoire. Duprez lui suffisait. Engagée très jeune au Théâtre-Lyrique, puis à l'Opéra-Comique, elle se fit applaudir dans les Diamants de la Couronne, le Pré-aux-Clercs, le Songe d'une Nuit d'été, les Noces de Jeannette, le Toréador, etc. ; sa création d'Une folie à Rome de Federico Ricci, la fit sortir du rang. Elle y trouva le rôle brillant, tout de bravoure spirituelle qui convenait à sa voix extraordinairement étendue et dont la souplesse se jouait au milieu de toutes les difficultés.

A la suite de ce succès, les engagements lui vinrent en foule de l'étranger : elle chanta au théâtre et aux concerts classiques aux Etats-Unis, en Belgique, en Hollande, mais surtout en Angleterre, où elle était adorée des dilettantes du Théâtre de Covent Garden.

Elle reparut cependant à Paris, au Théâtre Lyrique de la Gaîté, en 1876.

Sa mémoire était une mine inépuisable de souvenirs du plus haut intérêt : n'avait-elle pas connu tous les artistes, tous les compositeurs de son temps, depuis Meyerbeer jusqu'à Auber ? N'avait-elle pas été l'une des chanteuses attitrées des soirées, si brillantes, des Tuileries, au milieu et à la fin du Second Empire ?

La bibliothèque de l'Opéra conserve un souvenir doublement précieux, c'est le piano de l'Alboni que celle-ci lui avait légué ; elle a voulu en faire don à l'Académie nationale de Musique.

(Comœdia, 29 juillet 1923)

 

 

 

 

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