MÉLESVILLE
Mélesville (photo Nadar) [BNF]
Anne Honoré Joseph, baron DUVEYRIER dit MÉLESVILLE
auteur dramatique français
(paroisse de Saint-Benoît, Paris, 13 novembre 1787* – Marly-le-Roi, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 06 novembre 1865*)
Fils d’Honoré Nicolas Marie, baron DUVEYRIER (Pignans, Var, 06 décembre 1753 – Maffliers, Val-d’Oise, 25 mai 1839*), homme politique et dramaturge et d’Adélaïde Marie Anne LESPARAT (Paris, 08 avril 1767* – Paris ancien 10e, 13 août 1819*), mariés à Paris le 19 octobre 1786* puis divorcés.
Demi-frère de Charles DUVEYRIER (1803–1866), littérateur.
Epouse à Paris ancien 11e le 09 mars 1820* Marie Laurence Françoise Emma GREBAN (Le Havre, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 24 septembre 1800 – Paris ancien 3e, 23 février 1832*), fille de Marie Jacques GREBAN (Brie-sur-Hieres [auj. Brie-Comte-Robert], Seine-et-Marne, 25 mars 1764 – Paris ancien 11e, 03 février 1819*), capitaine de vaisseau du roi.
Parents d’Honoré Marie Joseph, baron DUVEYRIER dit MÉLESVILLE fils (Paris ancien 3e, 18 décembre 1820* – Villa Léonie, Cannes, Alpes-Maritimes, 06 février 1904*), auteur dramatique et compositeur (voir ci-dessous) [épouse à Paris ancien 2e le 12 novembre 1856* Jeanne Pierre Félicité FOURNIER] ; et de Laure Philippine Sébastienne DUVEYRIER (Paris ancien 3e, 24 mars 1822* – Paris 9e, 29 novembre 1883*) [épouse à Paris le 25 mars 1843 Alfred VAN DER VLIET, banquier].
Fils d'un magistrat, il quitta en 1815 la magistrature pour se consacrer au théâtre. Il a fait représenter, sous le pseudonyme de Mélesville, trois cent quarante et une pièces de tout genre, soit seul, soit en collaboration avec Scribe, Bayard, Carmouche, Dumersan, Théaulon, Brazier, etc. Beaucoup de ces pièces, pleines de verve et d'esprit, représentées de 1811 à 1857, ont eu un vif succès. Nous nous bornerons à citer : les Deux précepteurs (1817) ; Frontin mari garçon (1821) ; l'Espionne russe (1829) ; Zoé (1830) ; le Philtre champenois (1831) ; Zampa (1831) ; Une Affaire d'honneur (1832) ; le Chalet (1834) ; la Marquise de Senneterre (1837) ; le Chevalier de Saint‑Georges (1841) ; Une Fièvre brûlante (1847) ; le Fruit défendu (1848) ; les Bijoux indiscrets (1850) ; etc. Il a été nommé chevalier (09 août 1837), puis officier (14 août 1857) de la Légion d’honneur.
En 1820, il habitait 46 rue Coquillière à Paris ancien 3e ; en 1856, 23 rue de Clichy à Paris, où il était encore domicilié lors de son décès. Il est décédé en 1865 à soixante-dix-sept ans, en sa demeure rue des Vaux à Marly-le-Roi. Il est enterré au Père-Lachaise (35e division).
livrets
Edouard ou le Frère supposé, opéra-comique en 1 acte, musique de Camille Barni (Opéra-Comique, 13 février 1812) la Jeune tante, opéra-comique en un acte, musique de Frédéric Kreubé (Opéra-Comique, 18 octobre 1820) les Projets de sagesse, opéra-comique en 1 acte, musique de Louis Maresse et Mélesville (Gymnase-Dramatique, 20 février 1821) la Meunière, opéra-comique en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique de Manuel Garcia (Gymnase-Dramatique, 16 mai 1821) le Paradis de Mahomet ou la Pluralité des femmes, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Scribe, musique de Frédéric Kreubé et Rodolphe Kreutzer (Opéra-Comique, 23 mars 1822) la Bonne mère, opéra-comique en 1 acte, avec Florian, musique de Douai (Gymnase, 06 juillet 1822) la Petite lampe merveilleuse, opéra-comique-féerie en 3 actes, avec Eugène Scribe, musique d'Alexandre Piccinni (Gymnase, 29 juillet 1822) Leicester ou le Château de Kenilworth, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Scribe, musique d'Esprit Auber (Opéra-Comique, 25 janvier 1823) le Valet de chambre, opéra-comique en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique de Michele Carafa (Opéra-Comique, 16 septembre 1823) le Concert à la cour ou la Débutante, opéra-comique en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique d'Esprit Auber (Opéra-Comique, 03 juin 1824) Léocadie, drame lyrique en 3 actes, avec Eugène Scribe, musique d'Esprit Auber (Opéra-Comique, 04 novembre 1824) le Lapin blanc ou Toby, opéra-comique en 1 acte, avec Pierre Carmouche, musique de Louis-Ferdinand Herold (Opéra-Comique, 21 mai 1825) la Lettre posthume, opéra-comique en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique de Frédéric Kreubé (Opéra-Comique, 24 avril 1827) le Mal du pays ou la Batelière de Brientz, vaudeville en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique d'Adolphe Adam (Gymnase, 28 décembre 1827) le Prisonnier d’état, opéra-comique en 1 acte, musique d’Alexandre Batton (Opéra-Comique, 06 février 1828) les Rencontres ou le Même roman, opéra-comique en 3 actes, avec Jean-Baptiste-Charles Vial, musique d’Auguste Lemière de Corvey et Giuseppe Catrufo (Opéra-Comique, 11 juin 1828) l'Amazone, opéra-comique en 2 actes, avec Delestre-Poirson et Eugène Scribe, musique d'Amédée de Beauplan (Opéra-Comique, 15 novembre 1830) Zampa ou la Fiancée de marbre, opéra-comique en 3 actes, musique de Ferdinand Hérold (Opéra-Comique, 03 mai 1831) Ali-Baba ou les Quarante voleurs, opéra en 4 actes et 1 prologue, avec Eugène Scribe, musique de Luigi Cherubini (Opéra, 22 juillet 1833) Une journée de la Fronde ou la Maison du rempart, opéra-comique en 3 actes, musique de Michel Carafa (Opéra-Comique, 07 novembre 1833) le Chalet, opéra-comique en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique d'Adolphe Adam (Opéra-Comique, 25 septembre 1834) la Grande-Duchesse, opéra en 4 actes, avec Merville, musique de Michele Enrico Carafa (Opéra-Comique, 16 novembre 1835) Sarah ou l’Orpheline de Glencoé, opéra-comique en 2 actes, musique d’Albert Grisar (Opéra-Comique, 26 avril 1836) l’An mil, opéra-comique en 1 acte, avec Paul Foucher, musique d’Albert Grisar (Opéra-Comique, 23 juin 1837) Perugina, opéra-comique en 1 acte, musique d’Hippolyte Monpou (Renaissance, décembre 1838) le Lac des fées, opéra en 5 actes, avec Eugène Scribe, musique d'Esprit Auber (Opéra, 01 avril 1839) la Jeunesse de Charles-Quint, opéra-comique en 2 actes, avec Charles Duveyrier, musique d’Alexandre Montfort (Opéra-Comique, 01 décembre 1841) Lambert Simnel, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Scribe, musique d'Hippolyte Monpou achevée par Adolphe Adam (Opéra-Comique, 14 septembre 1843) la Charbonnière, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Scribe, musique d'Alexandre Montfort (Opéra-Comique, 13 octobre 1845) le Trompette de monsieur le Prince, opéra-comique en 1 acte, musique de François Bazin (Opéra-Comique, 15 mai 1846) la Nuit de la Saint-Sylvestre, opéra-comique en 3 actes, avec Michel Masson, musique de François Bazin (Opéra-Comique, 07 juillet 1849) les Dames-Capitaines, opéra-comique en 3 actes, musique de Napoléon Henri Reber (Opéra-Comique, 03 juin 1857) la Chatte métamorphosée en femme, opérette en 1 acte, avec Eugène Scribe, musique de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 19 avril 1858) la Voix humaine, opéra en 2 actes, musique de Giulio Alary (Opéra, 30 décembre 1861) la Permission de dix heures, opéra-comique en 1 acte, avec Charles Nuitter et Pierre Carmouche, musique de Jacques Offenbach (Bad Ems, 20 juillet 1867 ; Théâtre de la Renaissance, 04 septembre 1873) les Soufflets, opérette en 1 acte, musique de Mélesville fils (Fantaisies-Parisiennes, 03 août 1867) la Meunière de Marly, opéra-comique en 1 acte, musique de Maurice Lefèbvre (Monnaie de Bruxelles, 13 décembre 1889) |
oeuvres lyriques de Mélesville fils
les Deux Gilles, saynète lyrique, livret et musique de Mélesville fils (Folies-Nouvelles, août 1855) la Mauresque, tableau lyrique, livret et musique de Mélesville fils (Folies-Nouvelles, 1857) les Soufflets, opérette en 1 acte, livret de Mélesville, musique de Mélesville fils (Fantaisies-Parisiennes, 03 août 1867) |
Nous devons bien quelques lignes de souvenir à l'auteur dramatique qui vient de mourir. On porte à 350 le nombre des productions de Mélesville, qui était, on le voit, l'un des plus féconds entre les fournisseurs patentés du théâtre. C'était donc bien la vocation qui lui faisait jeter, dans sa jeunesse, la toque et la serviette aux orties, et renoncer au nom de Duveyrier, porté par sa famille, pour prendre celui de Mélesville, sous lequel il a été si connu. Il a été le collaborateur de Scribe, Dumanoir, Bayard, Merle, Saintine, Ch. Duveyrier, Brazier, Carmouche. La musique lui doit les livrets de Zampa, du Chalet, du Concert à la cour et du Bourgmestre de Saardam, joué aux Variétés en 1825, avec la musique de Donizetti. Le livret du Lac des Fées est de Scribe et Mélesville. Mélesville est mort à Paris, le 8 novembre, à 78 ans. Ses travaux lui avaient permis d'acquérir une honorable fortune, qu'il laisse à ses enfants, dont l'un suit avec succès la carrière qui a illustré son père. Mélesville était officier de la Légion d'honneur. (Paul de Toyon, la Musique en 1865, 1866)
|
Il était le fils du baron Duveyrier, ancien avocat au parlement de Paris, ancien magistrat sous la République, le Consulat, l'Empire et la Restauration, et premier président honoraire à la cour royale de Montpellier. Destiné au barreau, où s'étaient distingués son père et son aïeul maternel Jean-François Lesparat, auteur du Dictionnaire du Digeste, il étudia le droit, fut reçu avocat à la cour de Montpellier en 1809, plaida avec succès pendant deux années, et fut nommé substitut du procureur impérial, puis du procureur général. Les événements de 1815 avant enlevé à son père sa première présidence, il donna sa démission, vint à Paris, et se voua entièrement à la littérature dramatique. Déjà applaudi au théâtre, où il s'était essayé, en 1811, par la comédie de l'Oncle rival, il changea de nom et, pour ne pas blesser les susceptibilités de sa famille, ne prit désormais sur l'affiche que celui de Mélesville, auquel il ne devait pas tarder à donner l'illustration de la scène. Le nombre des pièces qu'il a fait jouer sur les différents théâtres de Paris ne s'élève pas à moins de trois cent quarante et une ; elles appartiennent à tous les genres, depuis le mélodrame ayant pour titre l'Aigle des Pyrénées, qu'il composa en société avec Pixerécourt, jusqu'à la Voix humaine, opéra en deux actes qui fut son dernier ouvrage, depuis la comédie jusqu'à la féerie, depuis le vaudeville jusqu'à la farce. Ses premiers succès furent obtenus dans le mélodrame, qui, à l'époque de ses débuts, était fort à la mode. On le vit successivement signer en collaboration les pièces suivantes : Abenhamet ou les Héros de Grenade (1815) ; Boleslas et le Bûcheron écossais (1816) ; Onze heures du soir (1817) ; le Château de Paluzzi ; le Proscrit et la fiancée (1818) ; les Frères invisibles (1819), etc. ; mais il ne tarda pas à renoncer à un genre qui n'était pas celui qui convenait le mieux à ses moyens. S'associant avec Scribe, alors débutant comme lui dans la carrière théâtrale, il mit son nom à une foule de productions remplies de verve, de traits heureux et de détails charmants. Nous citerons parmi les œuvres dues à cette collaboration, qui dura jusqu'en 1845 : les Deux précepteurs (1817) ; Frontin mari garçon ; la Petite sœur (1821) ; Mémoires d'un colonel de hussards (1822) ; Valérie (1823), une des plus belles créations de Mlle Mars ; l'Ambassadeur ; la Demoiselle à marier (1826) ; la Chatte métamorphosée en femme (1827) ; Zoé ; la Seconde année (1830) ; le Chalet, opéra-comique (1834) ; le Lac des fées, opéra à grand spectacle (1839) ; Lambert Simnel, opéra-comique (1843), etc. En même temps qu'il travaillait avec Scribe, Mélesville collaborait avec les autres auteurs en vogue, fournisseurs habitués des scènes de genre, tels que Bayard, Carmouche, Dumersan, Merle, Théaulon, Brazier, Rougemont, Vanderburch, de Courcy, de Saint-Georges, Gabriel, Xavier, Michel Masson, de Biéville. etc. C'est ainsi qu'il a donné un grand nombre de vaudevilles dont beaucoup ont joui d'une certaine vogué et sont restés au répertoire. Nous citerons notamment : l'Incognito (1816) ; la Veille des noces (1817) ; le Tournoi (1818) ; l’Ermite (1820) ; la Famille normande (1822) ; le Précepteur dans l'embarras (1823) ; la Neige (1824) ; le Bourgmestre de Saardam (1825) ; les Paysans (1826) ; Jérôme ; le Mariage impossible (1828) ; l'Espionne russe (1829) ; le Philtre champenois ; Jacqueline ; le Bouffon du prince (1831) ; le Dernier chapitre ; Une affaire d'honneur (1832) ; les Vieux péchés (1833) ; Michel Perrin, un des plus beaux rôles de l'acteur Bouffé (1834) ; Elle est folle (1835) ; Suzanne (1837) ; le Marquis en gage (1839) ; les Paveurs ; la Meunière de Marly ; le Chevalier de Saint-Georges (1840) ; la Fille de Figaro (1843) ; la Maîtresse de maison ; le Tuteur de vingt ans (1845) ; Carlo Beati (1846) ; Une fièvre brûlante (1847) ; le Fruit défendu ; le Démon familier ; Vestris Ier ou le Dieu de la danse, une des plus réjouissantes caricatures de Levassor ; le Marchand de jouets d'enfants (1848) ; les Bijoux indiscrets ; l'Odalisque ; le Sofa (1850) ; les Rêves de Mathéus (1852) ; la Bataille de la vie (1853) ; Un cerveau fêlé (1854) ; Monsieur Beauminet (1854) ; le Voyage d'Anacharsis (1856), etc. N'oublions pas : Ourika, la Vieille de seize ans, les Trois maîtresses, Pauline ou Sait-on qui gouverne, la Femme de l'avoué, pièces, écrites pour Jenny Vertpré, cette charmante actrice qui fut pendant longtemps, et si heureusement, l'interprète de Mélesville. Bien souvent la comédienne et l'auteur se rencontrèrent dans les coulisses, bien souvent leurs noms furent réunis sur l'affiche. La tombe s'ouvrit à la même heure pour tous les deux, et presque aussitôt la mort, fauchant dans le bataillon dramatique, enleva Dumanoir, une autre célébrité du Gymnase, de sorte que ces trois noms de Mélesville, de Jenny Vertpré et de Dumanoir parurent bordés de noir et rapprochés dans la tristesse du feuilleton nécrologique, comme ils l'avaient jadis été dans la joie du succès, quand on jouait à la salle Bonne-Nouvelle les Vieux Péchés, la seule pièce, d'ailleurs, que Dumanoir et Mélesville aient écrite ensemble et dans laquelle Jenny Vertpré tenait un rôle de danseuse avec une légèreté, une grâce et une finesse incomparables. C'est à Mélesville que la petite Mars du Vaudeville devait ses premiers triomphes, c'est à Dumanoir qu'elle devait ses dernières créations. Elle leur a ouvert à l'un et à l'autre les portes de l'éternité ; mais le bruit de leurs chansons nous est resté, bruit éphémère, il est vrai, que celui-là, et qui tombe presque en même temps que le décor à l'abri duquel on l'a vu naître. Les gloires du théâtre, si rapidement improvisées s'évanouissent en une semaine : les triomphateurs de la veille sont oubliés le lendemain quand l'acteur a ôté son fard, que l'actrice a vu poindre un cheveu blanc ou que la mode a convolé à de nouvelles noces. Où retrouver maintenant tout ce que Mélesville et ses collaborateurs Brazier, Théaulon, Scribe, Bayard, etc., ont conté de plus spirituel, de plus gai, de plus charmant ? Dans quelle poussière sont ensevelis ces trames ingénieuses, ces couplets tant applaudis, ces traits que le sourire d'une jolie bouche soulignait ? Quels magasins contiennent délaissées, empaquetées et ficelées toutes ces délicieuses créations dont le titre emplissait toutes les mémoires et qui prennent à présent si peu de place dans le souvenir de la foule oublieuse ? Et quand l'on songe après cela que ces noms fêtés, applaudis, célèbres, que nous venons de citer avaient succédé à d'autres non moins fêtés, non moins applaudis, non moins célèbres, Barri, Radet, Desfontaines, Bouilly, Piis et Désaugiers ! Voilà sans doute ce que ne se disent pas assez les improvisateurs brillants et féconds que la fantaisie emporte et que la réussite a grisés. Puis, quand le succès les quitte comme il est venu, on ne sait comment, un peu par hasard, ils s'aperçoivent qu'ils survivent à leur œuvre et que de tout le bruit qu'ils ont fait il ne restera rien ou presque rien. Alors, et voilà justement la compensation accordée au travailleur fervent, à l'artiste épris du beau et du vrai ; alors, pendant qu'ils s'éteignent riches d'argent sans doute, mais légers de gloire, et que nul ne songe plus à relire leurs compositions démodées, les lettrés, les délicats, vont écouter à la Comédie-Française quelque pièce vieille de cent ou de deux, cents ans, mais encore jeune et vivante, où il y a, selon l'expression de M. Auguste Villemot, « un peu de ce baume qui conserve depuis quatre mille ans des momies dans leur sarcophage, un style ! » Et ils se disent qu'en somme le chemin qui conduit à la postérité n'est pas celui qu'encombrent les vaudevilles de M. Clairville. Pourtant, Mélesville avait tenté quelques excursions dans le domaine de la comédie, mais de loin en loin, car le talent littéraire proprement dit lui manquait par de certains côtés. Outre l'Oncle rival, dont nous avons parlé plus haut, il fit jouer à l'Odéon ou au Théâtre-Français : les Deux secrets (1819) ; la Petite maison (1826) ; la Séparation (1830) ; la Marquise de Senneterre, avec son frère, M. Charles Duveyrier (1837) ; le Portrait vivant, avec M. Léon Laya (1837) ; Sullivan, comédie en trois actes, en prose (1852) ; Un vers de Virgile, en deux actes et en vers (1857). Il reparut de nouveau dans le mélodrame, où ses goûts l'entraînaient volontiers, et donna avec Bayard la Chambre ardente, pièce où l'horreur coule à pleins bords et qui dut son succès surtout à Mlle George, chargée du rôle de l'empoisonneuse Brinvilliers. Citons aussi la Berline de l'émigré. Outre son opéra la Voix humaine, en deux actes, à l'Académie de musique (1862), Mélesville a donné : à l'Opéra-Comique, la Jeune tante (1820) ; Zampa (1831) ; Une journée de la Fronde (1833) ; la Grande-duchesse ; Sarah (1836) ; la Jeunesse de Charles-Quint (1841) ; le Trompette de Monsieur le prince (1846) ; les Dames capitaines (1857), etc. Nous pourrions aussi rappeler quelques à-propos, parodies et vaudevilles de circonstance imprimés comme tous les ouvrages précédemment cités dans les collections théâtrales ; mais nous avons hâte, après avoir parlé de l'auteur, de dire un mot de l'homme. Mélesville était, selon M. Emile Augier, une nature riche et généreuse, présentant un ensemble parfait d'urbanité, de grâce affable, d'inépuisable complaisance, de droiture et de fermeté, un modèle accompli de l'homme du monde et de l'homme de lettres. Nous retrouvons le même portrait dans les touchantes paroles prononcées par M. de Leuven, directeur de l'Opéra-Comique, sur la tombe de Mélesville : « Sévère pour lui, indulgent aux autres, travailleur consciencieux, infatigable, citoyen inébranlable dans ses principes comme dans ses sentiments, simple et modeste dans la fortune, patient et résigné dans le malheur, tel fut cet homme de bien, à qui Dieu avait en outre accordé le talent, et qui n'a jamais fait servir ce talent qu'à l'expression des idées les plus fortifiantes. » M. Albéric Second a écrit, de son côté, dans le Grand Journal : « Il était de la race des bons, une race précieuse que nous voyons disparaître chaque jour et qui sera difficilement remplacée par celle qu'on voit lui succéder. Il aimait la jeunesse ; personne ne s'intéressait et n'applaudissait autant que lui au succès des écrivains de la nouvelle génération. Si on voulait lui plaire, il ne fallait pas l'entretenir de ses propres ouvrages, mais de ceux de ses confrères. Voisin de campagne de Victorien Sardou, dans sa jolie villa de Marly-le-Roi, où il a rendu le dernier soupir, il demandait, peu d'instants avant la minute suprême, si les journaux se montraient favorables à l'auteur de la Famille Benoîton. » On sait combien il aimait Alexandre Dumas fils, qui fut assez longtemps son locataire dans le petit hôtel de la rue de Boulogne. Officier de la Légion d'honneur, Mélesville a été longtemps vice-président de la société des auteurs et compositeurs dramatiques. Le collaborateur le plus assidu de Scribe, il avait su, de bonne heure, comme ce dernier, puiser la fortune dans une exploitation bien entendue de ses œuvres. Auteur soigneux de la mise en scène, il savait, par tous les moyens matériels, habilement préparer le succès. Surveillant les répétitions de ses pièces en homme rompu au métier, il passait pour indiquer avec tact, et les acteurs se montraient attentifs à ses conseils éclairés. On lui doit une industrie fort lucrative, celle des marchands de billets, qu'il a protégée à ses débuts. Le fameux Porcher, le chef de claque, ce même Porcher qui devint plus tard le véritable banquier des auteurs dramatiques, était son perruquier. Les jours de première représentation, Porcher prenait les billets que le théâtre abandonnait à son client, et, avec quelques camarades, il allait chauffer la pièce nouvelle. Plus tard, il entreprit de vendre ces mêmes billets. Telle fut l'origine d'un commerce aujourd'hui très considérable, et qui augmente singulièrement les bénéfices des auteurs dramatiques : Porcher, qui ne tarda pas à quitter la veste de Figaro, y gagna une fortune assez ronde, qu'il employa du reste de façon à prouver qu'il n'était pas un ingrat envers la corporation à laquelle il devait tout. — Mélesville a laissé une fille et un fils. Ce dernier, M. Honoré MÉLESVILLE, a abordé, lui aussi, la carrière dramatique, à la fois comme librettiste et comme musicien, par deux ouvrages : les Deux Gilles et la Mauresque. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1872-1876)
|
Fils d'un magistrat, avocat distingué lui-même, devenu substitut du procureur impérial, puis du procureur général à la cour de Montpellier, où son père était premier président, il donna sa démission en 1816 pour se retirer avec son père, que la Restauration venait de destituer. Il se retourna naturellement vers le théâtre, où il s'était déjà essayé avec succès, et c'est alors qu'il adopta le pseudonyme de Mélesville, nom d'une ferme que sa famille possédait en Beauce. S'il prit ce nom de guerre, ce ne fut pas, comme on le dit partout, pour ménager la susceptibilité de son père, car son père n'avait aucune prévention contre le théâtre, ayant lui-même composé et signé du nom de Duveyrier un opéra-comique en deux actes, Léonore ou l'Heureuse épreuve, mis en musique par son ami Champein et représenté à la Comédie-Italienne le 7 juillet 1781. De plus, — je tiens le fait de sa petite-fille, — il avait collaboré à la Mélonanie, le meilleur ouvrage de Champein, joué à la Comédie-Italienne le 29 (et non le 23) janvier 1781 : les écrivains du temps ne connurent pas les auteurs du livret, qui fut d'abord publié anonyme, et qui fut signé du seul nom de Grenier lorsqu'on le republia beaucoup plus tard, en 1825. L'adoption du nom de Mélesville était une simple précaution pour le cas où, ne réussissant pas à la scène, Duveyrier fils aurait voulu rentrer dans la magistrature, à supposer que l'état politique inauguré après les Cent-jours eût bientôt pris fin. Ce régime, en durant, et ses succès dramatiques, en augmentant, décidèrent Mélesville à se consacrer définitivement au théâtre. On connait les heureux résultats de sa collaboration avec Scribe d'abord, ensuite avec Bayard, Carmouche, Merle, Brazier, etc., et les succès qu'il obtint en faisant jouer plus de 300 pièces sur les divers théâtres de Paris, entre autres à l'Académie de musique et surtout à l'Opéra-Comique, où il donna Sarah, le Chalet, Zampa, la Grande‑Duchesse, le Trompette de M. le Prince, les Dames capitaines, le Valet de chambre, Léocadie, le Concert à la cour, etc. Toutefois, ce n'est point pour cela que le nom de Mélesville se trouve mentionné ici, mais bien parce que cet écrivain a fait œuvre de musicien, ce qui jusqu'ici était resté complètement inconnu. Dans Gilette de Narbonne, pièce en 3 actes représentée au théâtre des Nouveautés (1829), Mélesville avait écrit quelques airs nouveaux, ainsi qu'on en peut acquérir la preuve en consultant la pièce. Ce n'est pas tout, et quelques années auparavant, alors que le Gymnase, qui venait d'être fondé, jouait de petits opéras-comiques, Mélesville donna à ce théâtre (14 mars 1821) un opéra-comique en un acte, les Projets de sagesse, dont il ne s'était pas borné à écrire les paroles, mais dont il avait composé la musique en société avec Louis Maresse. Enfin dans la Visite à Bedlam, dans la Chatte métamorphosée en femme, et plusieurs autres de ses vaudevilles les plus applaudis, il y a quelques couplets dont la musique est de lui. Tels sont les diverses preuves qu'un auteur dramatique demeuré célèbre à des titres plus sérieux a pu donner, presque en cachette, de son instinct musical. — Son fils, MÉLESVILLE fils, s'est produit au théâtre avec trois petits ouvrages en un acte : 1° les Deux Gilles (paroles et musique), représenté aux Folies-Nouvelles en 1855 ; 2° la Mauresque (paroles et musique), au même théâtre, en 1857 ; 3° les Soufflets (sur un livret posthume de son père), donné aux Fantaisies-Parisiennes en 1867. La première de ces opérettes se distinguait par une certaine facilité élégante ; les deux autres étaient médiocres. M. Mélesville semble d'ailleurs avoir renoncé à la musique pour écrire à ses moments perdus des nouvelles et des comédies qu'il réunit ensuite en volume sans essayer de les faire jouer (la Fosse aux Ours, in-12, Librairie nouvelle, 1865). Maigre consolation pour un auteur qui a défendu par deux fois, de sa plume, la liberté des théâtres, et auquel les théâtres rendent son entière liberté. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Adolphe Jullien, 1880)
|