Édouard PAULIN

 

Edouard Paulin en 1886 [photo Provost, Toulouse]

 

 

Édouard Guillaume PISSABŒUF dit Édouard PAULIN

 

ténor français

(Pessac, Gironde, 21 avril 1860* – La Valette-du-Var, Var, 30 avril 1896*)

 

Fils naturel de Suzanne Marie PISSABŒUF (Bordeaux, 2e section, Gironde, 14 août 1839* –) [fille de Paul PISSABŒUF (1811 – Bordeaux, 3e section, 21 août 1888*), boucher, et de Madelaine BARTHÉLEMY].

 

 

D’abord ouvrier terrassier dans une entreprise de Bordeaux, il fit carrière et se produisit au Théâtre Royal de La Haye (1884), où il chanta Guillaume Tell (Arnold) ; au Capitole de Toulouse (1885), où il créa les Pâques de la Reine de Mornier Mériel ; à Genève (1886-1887), où il créa Jacques Clément de Grisy ; à Anvers (1887-1888), où il chanta le 06 mars 1888 la première de Patrie ! ; à Montpellier (1888-1889), où il chanta la première d’Hérodiade ; au Grand-Théâtre de Lyon (1889-1890), où il chanta Sigurd, le Prophète, Robert le Diable, la Juive (Eléazar) et la première de Samson et Dalila (Samson). Il chanta également à Marseille, Bordeaux, La Nouvelle-Orléans et à l’Opéra de Paris (1892). Il a succombé, en quelques jours, aux atteintes des fièvres typhoïdes, dans la propriété qu’il avait achetée entre Toulon et Hyères et à laquelle il avait donné le nom de « Domaine Sigurd » en souvenir de l’un de ses plus grands succès lyriques.

Il est décédé à trente-six ans en 1896, célibataire, domicilié à La Valette-du-Var. Il a été enterré le 10 juin 1897 au cimetière de Bordeaux.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta le 22 juin 1892 dans la Juive (Eléazar).

 

 

 

Edouard Paulin en 1886 [photo Provost, Toulouse]

 

 

 

Camées artistiques. M. Edouard Paulin. Théâtre du Capitole.

L’emploi de fort premier ténor impose une telle fatigue à son titulaire qu'un directeur commettrait une grave imprudence en ne lui donnant pas un collègue. Mais l'un des deux passe nécessairement avant l'autre, et cet autre est toujours dans une position ingrate et difficile ; seul, parmi tous les sujets, il doit subir une comparaison qui, parfois, peut devenir écrasante, et l'artiste auquel incombe une tâche aussi ingrate mérite bien de figurer dans notre galerie artistique. C'est une sorte de compensation que le Midi Artiste, ami de tous et de chacun, voulait depuis longtemps donner à notre fort ténor en partage.

M. Edouard Paulin est né à Bordeaux [en réalité à Pessac près de Bordeaux] le 21 avril 1860. Dès ses jeunes années, la musique occupa une place dans ses travaux de chaque jour et sa jolie voix d'enfant éveillait l'attention de tous ses professeurs ; aussi arriva-t-il qu'à une distribution des prix, le collège où il faisait ses classes faisant représenter par ses élèves un opéra de Clapisson, le Coffret de Saint-Dominique, le rôle principal lui fut confié ; le chanteur adolescent y obtint un véritable succès.

M. Paulin touchait à sa quinzième année, lorsqu'il quitta le collège pour entrer dans une maison de commerce où il resta quelque temps. Ses nouvelles occupations et surtout les effets de la mue qu'il commençait à ressentir, lui firent interrompre toute étude vocale ; mais il les reprit dès que sa voix fut formée. A cet effet, il suivit les cours de la société Sainte-Cécile de sa ville natale.

Malgré son importance, Bordeaux n'a pas de Conservatoire ; mais cette société y supplée, car presque toutes les spécialités de l'art musical y sont enseignées par d'habiles professeurs et sa direction est confiée à des artistes d'une haute valeur. A cette époque, elle avait pour chef M. Varney, dont le Chant des Girondins a popularisé le nom, qui fut remplacé par M. Porthéaut.

Devenu élève de cette société ou plutôt de cette école, M. Paulin suivit le cours de M. Sarraud. Après une année d'étude, il voulait se présenter au Conservatoire de Paris, mais le service militaire lui en ferma le chemin et il dut endosser l'uniforme. Il ne quitta pas Bordeaux toutefois ; incorporé dans le 144e de ligne, en garnison dans cette ville, il fut classé comme soldat musicien.

Dans cette nouvelle position, les moyens d'étude ne lui manquèrent pas et la parfaite bienveillance de ses chefs le mit à même d'en profiter largement ; aussi prit-il les leçons de M. Jaulain, aujourd'hui professeur de chant à la société Sainte-Cécile.

Plus tard (au mois de mars 1884), il obtint une audition de M. Pothier, alors directeur du Grand-Théâtre de Bordeaux, Celui-ci, charmé des ressources vocales que lui offrait le jeune ténor, le lia, par engagement, pour une campagne prochaine ; mais, peu après, ce directeur fut mis en faillite et le contrat fut nécessairement rompu.

à Cependant, quelques artistes venus de Bordeaux à Paris pour trouver une place, parlèrent du jeune ténor, et comme ce mot éveille toujours l'attention des directeurs, celui du Théâtre-Royal de La Haye, M. Van Hamme, le fit préventivement venir à Paris, l'entendit et n'hésita pas à se l'attacher en qualité de fort ténor.

Essayer ses forces sur un théâtre Royal.... tenter son premier début dans le rôle d'Arnold, de Guillaume Tell.... et le chanter à un diapason plus haut que celui de France.... c'était là surmonter bien des obstacles et, pour un commençant, les probabilités étaient franchement négatives... L'évènement leur donna complètement tort, et M. Paulin fut vivement applaudi. Toute l'année s'écoula pour lui dans ces conditions de succès, et notre jeune artiste eut la satisfaction de chanter en compagnie d'artistes célèbres venus en représentation à La Haye, notamment l'Albani, Mme Fidès­Devriès, etc.

La position était bonne et M. Paulin l'aurait probablement conservée, si la Hollande, fort avantageuse sur bien des points, n'offrait aussi de graves inconvénients. Les compagnies allemandes n'y venant que de loin en loin, la seule compagnie française de La Haye doit desservir tous les principaux théâtres du pays ; or, pour se rendre d'Amsterdam, à Rotterdam et autres localités, les artistes doivent, plusieurs fois par semaine, partir le matin, passer parfois sept ou huit heures en chemin de fer, jouer le soir et repartir de bonne heure le lendemain, ce qui, par un froid de quinze ou vingt degrés, n'est ni fort agréable ni fort hygiénique ; M. Paulin aima mieux retourner en France.

Pour utiliser son temps, il fit une saison d'été à Angoulême et, de cette ville, passa avec M. Roudil le contrat qui le lie à notre théâtre. Ses débuts, on le sait, ont été très heureux, car sa voix est puissante, étendue. Son meilleur rôle, Arnold, de Guillaume Tell, est un des plus fatigants de l'emploi, ce qui prouve qu'il en possède les qualités ; dans les autres opéras, comme la Favorite, Rigoletto, Hamlet, etc., il a su se faire applaudir. Tout nous fait présager que dans le cours de sa carrière M. Paulin continuera à jouir des faveurs de la fortune qui a si heureusement présidé à ses débuts.

 

(Paul Mériel, le Midi Artiste, 25 février 1886)

 

 

 

Edouard Paulin en 1886 [photo Provost, Toulouse]

 

 

Les directeurs de l’Opéra, MM. Bertrand et Colonne, viennent de traiter avec un ténor bordelais, M. Edouard Paulin, qui va, d’abord, passer quatre mois à La Nouvelle-Orléans, au traitement de 8.000 dollars pour cette période.

A son retour, M. Paulin créera probablement à l’Opéra le rôle de Matho dans le Salammbô de Reyer. Il est engagé aux appointements successifs de 40 et 50.000 fr.

(le Petit Caporal, 10 octobre 1891)

 

 

Académie Nationale de Musique, 22 juin 1892. – Un accident survenu à Mme Rose Caron interrompt la série des représentations de Salammbô et rend la scène de l'Opéra au répertoire. M. Bertrand en profite pour faire débuter ses nouvelles recrues. Un ténor de province, M. Paulin, se présente pour la première fois, devant le public parisien, sous les traits d'Eléazar, de la Juive. Le débutant a une voix éclatante, mais d'une sonorité monotone. Le timbre manque de variété. M. Paulin prononce bien, il sait chanter, il possède des qualités de style, mais les moyens ne sont peut-être pas suffisants pour les grands rôles du répertoire. Il paraît s'observer beaucoup et ne se tire pas trop mal de cette dernière épreuve. C'est un artiste consciencieux, mais un peu uniforme dans son jeu. Il dit très correctement, et avec un sentiment parfait, toute la scène de la Pâque, au second acte. Il manque d'énergie dans celle de la malédiction. Dans le grand duo avec le cardinal au quatrième acte, il n'est pas assez tragique. Le point culminant du rôle d'Eléazar est la grande scène qui suit. M. Paulin détaille l'andante de l'air avec beaucoup de style ; il lance à pleine voix l'allegro et enlève les applaudissements d'un public qui se montrait satisfait du débutant et de la représentation. Mme Fierens est une très dramatique Rachel, et M. Gresse a de très beaux moments et de très belles notes dans le rôle du cardinal Brogni. Mlle Lowentz chante celui d'Eudoxie.

(Edouard Noël et Edmond Stoullig, les Annales du théâtre et de la musique - 1892, 1893)

 

 

De Toulon :

Le ténor Paulin qui a chanté en ces dix dernières années sur les premières scènes – Marseille, Bordeaux, Lyon, La Nouvelle-Orléans et à l’Opéra de Paris – est mort ces jours derniers dans sa villa Sigurd, à Leyguière, près Hyères, où il s’était retiré depuis un an, se livrant à la viticulture.

Paulin avait 46 ans [en réalité 36] et s’appelait de son vrai nom Pissabœuf.

(le Figaro, 04 mai 1896)

 

 

 

 

Encylopédie