Julia POTEL

 

Julia Potel en 1881 [photo Decap]

 

 

Marie Julie PIAU DIT POTEL dite Julia POTEL

 

soprano français

(Paris, 28 décembre 1860 – ap. 1893)

 

Fille naturelle d'Armand POTEL (1830–1879), trial.

Epouse à Marseille [3e section], Bouches-du-Rhône, le 11 mai 1887* Louis Napoléon BERNARD (Avignon, Vaucluse, 24 septembre 1832* – Paris 2e, 28 avril 1888*) (enterré au cimetière parisien de Pantin, 32e division), directeur du Grand Théâtre de Marseille, qui fut également directeur des théâtres de Montpellier, Genève et Lille.

De sa liaison avec Jean Pierre Joseph Stephen ACGOUAU (Bordeaux, 2e section, Gironde, 15 mars 1855* – ap. 1897), artiste lyrique, est née Fernande Jeanne ACGOUAU (Dunkerque, Nord, 01 janvier 1893* –).

 

 

Au Conservatoire de Paris, elle obtint en 1874 une 2e médaille, puis en 1875 une 1re médaille de solfège. Elle débuta à l’Opéra-Comique en 1877. Elle chanta ensuite en province : à Lille en 1879, où elle participa à la première en novembre 1879 du Béarnais de J.-Théodore Radoux ; au Grand Théâtre de Marseille en 1882-1883, où elle créa le 09 janvier 1883 Lauriane d’Augusto Machado ; à Nice en 1887, où elle chanta Mignon (Philine) et Carmen (Micaëla). Elle a également été affichée sous le nom de Potel-Bernard.

En 1888, elle habitait 2 place Louvois à Paris 2e.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Elle y débuta le 23 janvier 1877 dans Cendrillon (Cendrillon) de Niccolo Isouard.

 

 

 

Julia Potel en 1881 [photo Decap]

 

 

Julia Potel (Théâtre du Capitole)

 

Notre journal manquerait le but qu'il se propose, s'il ne s'empressait de donner place dans sa galerie artistique à la gracieuse prima dona qui a su conquérir du premier coup les suffrages du public toulousain tout entier. Voici donc, avec la photographie de la nouvelle chanteuse légère, quelques détails biographiques qu'on ne lira peut-être pas sans intérêt.

Mlle Julia Potel, qui porte un nom célèbre dans le monde théâtral, est née à Paris. Elle est fille du sympathique et spirituel trial qui a fait, depuis 1862 jusqu'en 1878, les délices des habitués de l'Opéra-Comique. A peine âgée de cinq ans, la petite Julia, Bébé, comme on l'appelait au théâtre, suivait son père dans les coulisses et passait des mains de Montaubry ou Capoul à celles de Galli-Marié, Cabel, etc. Ce furent là les premiers professeurs de l'enfant. N'oublions pas, dans cette glorieuse nomenclature, la marraine de Mlle Potel, Mme Miolan-Carvalho, qui occupe dans les souvenirs de l'enfant le même rang que celui que lui a assigné la renommée parmi les artistes de notre époque, c'est-à-dire le premier.

Armand Potel s'empressa de faire apprendre le piano à la fillette, qui fut bientôt en état de lui servir d'accompagnateur dans les nombreuses soirées où le joyeux chanteur était appelé à se faire entendre.

Edmond Lhuillier, Paul Henrion, etc., composèrent pour Julia des œuvres charmantes que Bébé déchiffrait à première vue. Entrée au Conservatoire à douze ans, elle en sortit trois ans après avec le premier prix de solfège.

Nous empruntons au Petit Nancien le récit suivant, qui donne l'idée des dispositions merveilleuses de l'aimable enfant.

« Un jour qu'à l'Opéra-Comique on répétait une ancienne pièce du répertoire, Auber le compositeur et de Leuven le directeur se morfondaient en attendant la chanteuse légère, et comme la répétition suivait son cours cahin-caha, le moment vint de chanter certains couplets ; la petite Julia (elle avait sept ans alors), vint se planter fièrement devant Monsieur le père Auber, comme elle l'appelait, et lui dit : Oh ! moi je les chanterai bien ces couplets », et avec la désinvolture d'une enfant qui a du sang de comédienne dans les veines, voilà la petite effrontée remplaçant la chanteuse absente aux applaudissements de tous. »

Maman ! Maman ! cria-t-elle à sa mère en arrivant à la maison, M. de Leuven m'a engagée. — Bah ! — à beaucoup travailler pour chanter pour tout de bon un jour sur son théâtre. L'enfant ne croyait pas si bien dire ; car, dix ans après, jour pour jour, le 23 janvier 1877, Mlle Julia Potel, qui avait 17 mis alors, faisait ses débuts à l'Opéra-Comique dans le joli rôle de Cendrillon.

L'espace dont nous disposons ici ne nous permet pas de citer les articles élogieux de tous les journaux qui rendirent compte de ce début. Le Courrier de France, le Courrier théâtral, le Journal du Débats, le Siècle, etc. MM. Claretie, Paul de Saint-Victor, Joncières, O. Commettant, saluèrent l'étoile qui se levait à l'horizon. Nous ne pouvons résister au plaisir de transcrire le passage suivant de la chronique musicale de la Patrie :

« Mais comment chanterais-je ? disait en tremblant la pauvre enfant à sa marraine et professeur, Mme Miolan, j'ai une si petite voix !...

Et celle-ci, montrant la dentelle qui ornait son corsage : Crois-tu, dit-elle, qu'il a fallu beaucoup de fil pour cela ? C'est sa ténuité qui fait sa richesse. Ton fil ne suffit pas à tisser, il suffira à broder.. C'est avec ces broderies-là que je me suis fait un manteau de reine, » et l'enfant, encouragée par sa généreuse marraine, débuta, broda et réussit.

Le fragment ci-après de la revue musicale du Gaulois fera comprendre à quel point la première cantatrice de notre temps s'intéressait au succès de sa chère filleule.

« Sur le théâtre, on eût volontiers cru que c'était Mme Carvalho qui débutait ce soir-là, tant l'éminente cantatrice était émue. Pendant toute l'après-midi, elle avait fouillé ses écrins pour trouver des bijoux dignes de la débutante, et c'est le diadème avec lequel elle avait créé la reprise du Pré-aux-Clercs que Mme Carvalho a placé elle-même sur les blonds cheveux de Cendrillon. « Ce diadème m'a porté bonheur, répétait Mme Carvalho, je veux qu'il lui soit un talisman. »

Le Figaro après avoir constaté le succès de la jeune artiste qui a réglé les pures et fragiles inflexions de son sopranino sur le soprano de la grande cantatrice, ajoute :

« Potel, le joyeux trial, a connu bien des émotions dans sa vie ; il n'a jamais tremblé autant que l'autre jour, appuyé contre la porte de la loge de sa fille, les yeux troublés et fixés droit devant lui, regardant sans voir, comme il écoutait sans comprendre et comme il parlait sans penser, etc. »

Hélas ! deux ans après cet heureux début, Armand Potel s'éteignait prématurément au milieu d'une famille désolée.

Mlle Julia Potel était trop jeune à cette époque pour rester à l'Opéra-Comique et y chanter autre chose que des bouts de rôle ; elle contracta donc un engagement pour la saison 1878-79, au Grand‑Théâtre de Montpellier, fut ensuite appelée à Lille et de là à Nancy. Son succès dans cette dernière ville prit les proportions d'un événement. Nous sommes heureux de trouver, dans l'article suivant de notre confrère de Nancy, le développement des appréciations que nous donnions sur Mlle Potel à l'occasion de la dernière représentation du Barbier de Séville :

« Mlle Potel est une chanteuse de la meilleure école : sa méthode est irréprochable, ce qui ne peut surprendre quand on sait qu'elle a reçu les leçons de l'incomparable Mme Miolan-Carvalho, dont elle est une des élèves préférées. On retrouve, en effet, chez Mlle Potel, cette diction parfaite et pleine de distinction, cette grâce de bon ton, ces vocalises perlées qui ont élevé si haut le nom de la grande cantatrice. »

Les dilettanti toulousains ont ratifié ce jugement, ils ont remarqué, en outre, que l'intelligente artiste chantait toujours la partition et qu'elle respectait assez ses maîtres pour ne pas introduire dans leurs œuvres des modifications capables d'en dénaturer le caractère. Elle doit cette qualité à son bon goût naturel et aussi aux précieuses indications de Gounod, de Mme Miolan-Carvalho et de A. Thomas. Notre public s'est déjà rendu compte du mérite de sa nouvelle chanteuse à l'occasion des représentations du Barbier, de Mignon et de la Traviata ; les autres pièces du domaine des chanteuses légères ne pourraient que lui faire admirer davantage cette remarquable artiste ; malheureusement, l'année théâtrale va se terminer et Mlle Potel nous quittera sans avoir chanté à Toulouse le tiers de son répertoire. C'est là, je crois, le seul reproche que les critiques toulousains seront disposés à lui faire. Elle est engagée à Cauterets pour la saison d'été, et à Marseille pour la prochaine campagne théâtrale. Puisse l'accueil aussi sympathique que mérité qui lui a été fait parmi nous, la décider à nous revenir à l'expiration de ces deux engagements, et cette fois pour longtemps !

(Luigi, le Midi artiste, 15 mai 1881)

 

 

 

 

 

 

 

Encylopédie