Rosine STOLTZ

 

Rosine Stoltz, lithographie de Charles Baugniet (1854)

 

 

Victoire NOËL dite Rosine ou Rosina STOLTZ

 

mezzo-soprano français

(Paris, 13 janvier 1815 – Hôtel Bellevue [auj. Hôtel Édouard VII], 39 avenue de l’Opéra, Paris 2e, 30 juillet 1903*)

 

Fille de Florentin Damarice NOËL (Paris ancien 1er, 25 février 1795 – Villers-Cotterêts, Aisne, 28 mai 1865), maréchal ferrant, et de Clara STOLTZ (Haguenau, Bas-Rhin, v. 1782 – Paris 14e, 13 juin 1865), concierge.

Epouse 1. à Bruxelles le 02 mars 1837 Alphonse Auguste LESCUYER (Rouen, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 01 novembre 1797 [11 brumaire an VI]* – Paris 9e, 07 janvier 1870*), avocat et administrateur provisoire de la Monnaie de Bruxelles ; parents de deux fils élevés par leur père, dont Alphonse LESCUYER (Bruxelles, 21 septembre 1836 – Hurigny, Saône-et-Loire, 05 mai 1890).

Epouse 2. à Pampelune le 15 mars 1878 Emmanuel de GODOY, prince de BASSANO et de LA PAIX (Paris, 31 octobre 1835 – Paris 17e, 13 avril 1896).

Mère naturelle de Charles Raymond STOLTZ (Paris, 21 janvier 1848 – 1901), devenu le 25 septembre 1868 baron STOLZENAU VON KETSCHENDORF.

 

 

D'une famille pauvre, son éducation fut négligée. Elle entra, en 1826, à l'école de Choron où elle commença à apprendre le chant avec Ramiez. Elle chanta en concert en 1829 sous le nom de Rose Niva. En 1831, elle débuta comme choriste à Bruxelles, sous le nom de Mme Ternaux, puis comme seconde chanteuse à Spa, sous le nom de Mlle Héloïse. Enfin à Lille et à Anvers, en 1833-1834, elle parut sous le nom de Stoltz qu'elle a conservé depuis. Après avoir chanté sans grand succès sur d'autres scènes, elle prit à Bruxelles des leçons de Cassel et, à la Monnaie, où elle participa à la première de l'Italiana in Algeri (Elvire) de Rossini le 18 octobre 1835, et commença à faire remarquer dans Robert le Diable (Alice) et la Juive (Rachel), les qualités superbes de sa voix de mezzo-soprano. Remarquée par Nourrit dans Rachel, elle débuta en 1837 à l'Académie Royale de musique, salle Le Peletier à Paris, dans ce rôle et, continuant à travailler avec ardeur, brilla dans le Comte Ory. Elle reprit les rôles de Cornélie Falcon (Valentine, Donna Anna). La Xacarilla, écrite pour elle, lui valut un succès éclatant en 1839. Mais ce ne fut qu'après avoir paru dans la Favorite (1840), la Reine de Chypre (1841) et Charles VI (1843), qu'elle conquit sa place au premier rang. Elle chanta encore le Lazzarone et Marie Stuart avec une grande faveur (1844), mais dans l'Étoile de Séville sa voix était déjà sensiblement altérée. Elle avait chanté également aux Concerts du Conservatoire (sociétaire le 16 janvier 1844). Sa liaison avec le directeur de l’Opéra Léon Pillet et la dictature qu’elle avait imposée, écartant Pauline Viardot, faisant supprimer les airs de ses partenaires, la firent chasser de l’Opéra en 1847. Elle ne donna plus que des représentations isolées en province et à l'étranger : elle chanta avec succès à Lisbonne (Semiramide, 1850), puis Vienne et Rio, Turin en 1853 (Fidès), fit ses adieux à Lyon en 1860, puis paru en concert. Elle possédait un talent dramatique plein de puissance et d’éclat. Son nom a parfois été orthographié Stolz à tort, et elle ne doit pas être confondue avec la cantatrice Teresa Stolz. Elle a publié quelques romances sans valeur.

En 1855, elle habitait 10 rue de Milan à Paris. Elle est décédée en 1903 à quatre-vingt-huit ans.

 

=> Illusion et O Salutaris, d'Alexandre Croisez d'après des mélodies de Rosine Stoltz.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Elle y débuta le 25 août 1837 dans la Juive (Rachel, 100e le 05 juin 1840).

 

Elle y chanta Robert le Diable (Alice, 1837) ; Don Juan (Donna Anna, 1838) ; les Huguenots (Valentine, 100e le 10 juillet 1839) ; la Muette de Portici (Fenella [rôle muet], 1843) ; le Comte Ory (Isolier, 1847) ; le Prophète (Fidès, 1855).

 

Elle y créa le 05 mars 1838 Guido et Ginevra ou la Peste de Florence (Ricciarda) de Fromental Halévy ; le 10 septembre 1838 Benvenuto Cellini (Ascanio) d'Hector Berlioz ; le 01 avril 1839 le Lac des fées (Marguerite) d'Esprit Auber ; le 28 octobre 1839 la Xacarilla (Lazarillo) d'Aurelio Marliani ; le 07 octobre 1840 Loyse de Montfort (Loyse de Montfort) de François Bazin ; le 02 décembre 1840 la Favorite (Léonore) de Gaetano Donizetti ; le 22 décembre 1841 la Reine de Chypre (Catarina Cornaro) de Halévy ; le 15 mars 1843 Charles VI (Odette) d'Halévy ; le 13 novembre 1843 Don Sébastien, roi de Portugal (Zaïda) de Donizetti ; le 29 mars 1844 le Lazzarone ou le Bien vient en dormant (Beppo) d'Halévy ; le 06 décembre 1844 Marie Stuart (Marie Stuart) de Louis Niedermeyer ; le 17 décembre 1845 l'Etoile de Séville (Estrella) de Michael William Balfe ; le 03 juin 1846 David (David) d'Auguste Mermet ; le 30 décembre 1846 Robert Bruce (Marie) de Gioacchino Rossini.

 

Elle y participa aux premières le 07 juin 1841 du Freyschütz (Agathe) de Carl Maria von Weber [version française de Pacini et Berlioz, récitatifs de Berlioz] ; le 02 septembre 1844 d'Othello ou le More de Venise (Desdémone) de Rossini [version française de Royer et Vaez].

 

 

 

 

Rosine Stoltz dans la Reine de Chypre (Catarina), statuette en bronze, vers 1845

 

 

 

Jusqu’à l’âge de onze ans, son éducation fut complètement négligée, et la misère dans laquelle languissait sa mère, seul soutien de quatre enfants, fut cause du peu de soins donnés à sa personne dans son enfance. Douée d’une voix de mezzo-soprano naturellement accentuée et d’une rare intelligence, elle fut admise, en 1820, dans l’école de musique dirigée par Choron, et, dirigée dans ses études par un maître de cette institution nommé Ramier, elle y développa ses qualités instinctives pour le chant d'expression auxquelles il manqua malheureusement toujours un bon mécanisme de vocalisation. La révolution de juillet 1830 ayant amené la suppression de l’institution de musique religieuse de Choron, Rose Niva, ou plutôt Victorine Noël en sortit, après quatre ans et demi d’études, et n’eut d'abord d'autre ressource que de se faire choriste de théâtre. Arrivée à Buxelles, en 1832, sous le nom de madame Ternaux, elle entra dans les chœurs du Théâtre-Royal. Snel, alors chef d'orchestre et directeur de musique de ce théâtre, frappé de l’intelligence dramatique de cette jeune fille, lui fit chanter quelques petits rôles. Dans la même année, elle quitta cette position pour aller à Spa, où elle fut engagée comme seconde chanteuse pour la saison. Elle y débuta sous le nom de mademoiselle Héloïse. Après la clôture du théâtre de Spa, elle fut attachée pendant quelques mois au théâtre d'Anvers, où elle ne fut pas remarquée ; puis elle eut, en 1833, un engagement au théâtre de Lille, où elle prit 1e nom de Stoltz, qu'elle a conservé depuis lors. Elle eut peu de succès dans cette ville, où elle débuta par le rôle de Nicette dans le Pré-aux-Clercs d'Hérold. En 1834, elle chanta à Amsterdam dans l'opéra français ; puis elle retourna à Anvers, et quelques mois après, elle rentra au théâtre de Bruxelles, comme premier rôle du grand opéra. Ce fut alors que, blessée par l'accueil peu bienveillant que lui faisait le public, elle vint me demander mon opinion sur sa voix et sur son talent. Je la fis chanter et je fus immédiatement intéressé par son accentuation dramatique et par la largeur de son style ; mais je ne lui cachai pas les défauts de son éducation vocale ainsi que l'inégalité de quelques notes du médium de sa voix. Cassel, élève de Garat et bon professeur de chant, était alors à Bruxelles ; je conseillai à madame Stoltz de prendre de lui quelques leçons pour améliorer sa mise de voix, ce qu’elle fit. Dans l’année suivante, Nourrit vint à Bruxelles et choisit la Juive, d’Halévy, pour un des ouvrages qu’il voulait chanter ; je lui recommandai la jeune femme qui devait chanter le rôle de Rachel, et lui en parlai comme d’une artiste douée de précieuses qualités. Elle s’y révéla en effet et me donna la certitude de ses succès futurs, lorsqu’on écrirait pour elle des rôles où ses qualités personnelles seraient mises en évidence. Le 2 mars 1837, elle épousa, à Bruxelles, M. Lescuyer, de Rouen, régisseur du Théâtre-Royal de cette ville ; bientôt après, elle partit pour Paris, avec une lettre de recommandation que je lui donnai pour M. Duponchel, directeur de l’Opéra, et, le 25 août de la même année, elle débuta dans la Juive, pendant une absence de mademoiselle Falcon. Elle y réussit par ses qualités, en dépit de ses défauts, qui furent constatés par la critique. Suivant le conseil que je lui avais donné, elle prit un maître de vocalisation et ses progrès furent remarqués dans le rôle du page, du Comte Ory. Le premier ouvrage qu’on écrivit pour elle fut la Xacarilla, de Marliani, en 1839 ; elle y eut un brillant succès dans le rôle du matelot. Ce fut surtout dans la Favorite, de Donizetti, représentée le 29 novembre 1840, que madame Stoltz conquit une position assurée dans l'opinion publique ; son chant y fut pur et large ; son action dramatique, pleine de chaleur et de sensibilité. La Reine de Chypre (décembre 1841), et le rôle d'Odette, dans Charles VI (mars 1843), achevèrent de consolider la réputation de cette cantatrice, et démontrèrent que je ne m’étais pas trompé lorsque j'avais jugé qu'elle ne pouvait réussir que dans des ouvrages écrits pour elle ; car elle ne fut que médiocre dans les rôles de l’ancien répertoire. Le Lazzarone, d'Halévy, et Marie Stuart, de Niedermeyer (1844), lui fournirent aussi des occasions de mettre en relief ses qualités personnelles. Dans les années 1845 et 1846, sa voix subit de notables altérations ; elle ne réussit pas dans l'Etoile de Séville, écrite pour elle par Balfe ; et le changement d'administration dc l'Opéra l'obligea de prendra sa retraite en 1847 ; car elle avait abusé de son influence sur le directeur auquel on venait de donner un successeur, pour faire écarter de ce théâtre les artistes dont le talent lui donnait de l’ombrage, tels que Baroilhet et madame Dorus, voulant que tous les éléments de succès fussent concentrés en elle seule. Après sa retraite, elle voyagea pour donner des représentations dans les départements de la France et à l’étranger, jusqu’à ce que la perte totale de son organe vocal l’eût fait enfin disparaître de la scène. J’ignore quel est le lieu de sa retraite. On a publié : 1° Madame Rosine Stoltz ; souvenirs biographiques et anecdotiques, par M. Julien Lamer ; Paris, 1847, in-16. 2° Les Adieux de madame Stoltz ; sa retraite de l’Opéra, sa vie théâtrale, ses concurrentes, son intérieur, etc., par M. Cantinjou ; Paris, 1847, in-18.

(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866)

 

Rosine Stoltz est remariée depuis plusieurs années et est devenue baronne de Ketschendorf. Complètement retirée du théâtre depuis plus de vingt ans, elle s’est essayée dans la composition, et a publié, en 1870, un recueil de six mélodies pour chant avec accompagnement de piano (Paris, Schœn et Laval, in-8°). Aux publications dont cette artiste a été l’objet, il faut ajouter les deux suivantes : 1° Rosine Stoltz, par Mlle Eugénie Pérignon (Paris, 1847, in-8°) ; 2° A Rosina Stoltz, 1854 (Parigi, stamperia Brière, in-8°). Ce dernier écrit est un petit poème italien, qui porte, à la fin de la brochure, la signature : Eugenio Caimi.

Depuis que cette notice est écrite, Mme Stoltz s’est remariée de nouveau. Voici les détails précis qu’on lisait à ce sujet dans un journal spécial, le Guide musical, de Bruxelles du 4 avril 1878 :

« Mme Stoltz, qui fit les beaux jours de l’Opéra, vient de se remarier à Pampelune avec don Emmanuel de Godoy, prince de la Paix.

C’est pour la quatrième fois que l’ancienne chanteuse « allume le flambeau de l’hyménée ». Ses trois précédents époux furent : 1° M. Auguste Lescuyer, avocat de Rouen ; 2° un baron ou comte Stolzenau de Ketschendorf ; 3° un duc Carlo Raimondi Lesignano di San-Marino. Le premier de ces mariages, nous pouvons le certifier comme authentique, car il est inscrit à l’état civil de la ville de Bruxelles, sous la date du 2 mars 1837. »

(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, supplément d’Arthur Pougin, 1881)

 

 

 

 

 

Rosine Stoltz dans la Reine de Chypre (Catarina)

 

 

 

Elle fut amenée fort jeune à Paris, où sa mère, portière d'une maison du boulevard Mont-Parnasse, fut longtemps connue dans son quartier sous le nom de la mère Noël. La coïncidence de son jour de naissance avec celui de la mort du duc de Berry lui valut la protection de la duchesse. Elevée au couvent des bénédictines de la rue du Regard, elle suivit en même temps, pour se conformer aux désirs de sa protectrice, les cours du Conservatoire. Les leçons de Choron lui permirent de figurer, de 1829 à 1832, aux concerts de la rue de Vaugirard, et ses succès dans le rôle de Rosine lui firent prendre le prénom qu'elle a depuis adopté. En 1834, elle fit un voyage en Belgique et en Hollande, débuta au théâtre du Parc, à Bruxelles, dans la Fille de Dominique et les Trois chapeaux, parut ensuite à Amsterdam, dans Tancredi, Otello, Il Barbiere, puis à Anvers, dans Alice, de Robert le Diable. Engagée au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, elle y obtint, de 1835 à 1837, une série de succès qui la firent appeler à l'Opéra de Paris, sur la recommandation de Nourrit. Ses débuts eurent lieu le 25 août 1837 par le rôle de Rachel, dans la Juive, et se continuèrent dans Valentine, des Huguenots, et la donna Anna, de Don Juan. En 1840, elle créa le rôle de Léonor, de la Favorite, écrit spécialement pour sa voix de contralto et qui est resté son triomphe avec celui d'Odette, dans Charles VI, et la reine de Chypre, dans l'opéra de ce nom. Après avoir, de 1838 à 1847, figuré dans plusieurs reprises importantes et abordé quelques créations assez heureuses ; après avoir joui pendant ces neuf années, auprès du directeur de l'Opéra, M. Pillet, d'une autorité sans partage et peut-être sans exemple, elle éprouva, à la première représentation de Robert Bruce, l'échec le plus imprévu pour elle. Depuis ces neuf ans, elle régnait à l'Opéra presque à la manière des sultanes favorites du sérail, mettant tout son art à éloigner ou à faire tomber ses rivales, ne souffrant pas qu'un seul talent éclipsât le sien, et ses façons d'agir lui avaient attiré bien des haines. Elles éclatèrent ce soir-là. Robert Bruce n'est qu'une traduction de la célèbre Donna del Lago de Rossini ; au second acte, l'héroïne, Marie, oppressée par sa tristesse, se lève et commence le bel O quante lacrime ! « A ce moment, raconte Th. Gautier, soit que l'émotion de chanter un air si célèbre troublât Mme Stoltz, soit qu'elle se ressentît encore de l'indisposition qui avait retardé la représentation de la pièce, sa voix se mit à baisser et descendit d'un quart de ton. Le public de Paris, qui est certes le plus doux et le plus poli de tous les publics, faisant sans doute la réflexion que Mme Stoltz, à peine relevée d'une fluxion de poitrine, ne péchait que par excès de zèle, n'eût donné aucune marque de désapprobation et n'eût protesté que par un froid silence, si les romains ne fussent venus tout gâter par des applaudissements intempestifs. Quelques chut ! adressés plutôt aux optimistes gagés qu'à la cantatrice provoquèrent, de la part de ceux-ci, de nouvelles salves de la plus bruyante impertinence ; les chut ! redoublèrent, des sifflets vinrent s'y mêler. Pendant ce temps, Mme Stoltz, pâle, hors d'elle-même, arpentait le théâtre avec des pas et des gestes convulsifs ; elle paraissait vouloir quitter la scène. Quelques injures de la plus abjecte espèce lui avaient été, dit-on, jetées à bout portant de l'orchestre. Outrée de colère, elle dit, assez haut pour être entendue, de toute la salle, tournée vers la loge directoriale : « Mais vous entendez bien qu'on m'insulte !...  C'est intolérable ! Je suis brisée ! » Puis, en se dirigeant vers la porte du fond, elle déchira son mouchoir dans un accès de rage silencieuse et en jeta violemment les morceaux par terre. La pièce continua néanmoins, mais au milieu d'une émotion facile à comprendre. » Mme Stoltz déclara qu'elle ne chanterait plus à l'Opéra et prit sa retraite après une seule représentation d'adieu, où elle joua la Favorite. La direction Pillet résigna en même temps son privilège en d'autres mains. Depuis lors, Mme Stoltz, qui touchait 60,000 francs par an à l'Opéra, ne s'est attachée à aucun théâtre. Engagée de loin en loin, pour quelques représentations seulement, sur les principales scènes de la province ou de l'étranger, elle y a chanté presque exclusivement ce rôle de Léonor, qui est resté son meilleur, et qu'elle fut même appelée à reprendre encore à l'Opéra en 1856. Elle reparut aussi à cette époque dans le rôle de Fidès, du Prophète ; mais sa voix était entièrement usée. Cette même année, elle devint propriétaire de la petite salle des Délassements-Comiques ; son intimité avec un pierrot qui porte un nom fameux à la scène, puis ses démêlés avec lui retentirent alors dans tous les journaux. Pendant son séjour à Bruxelles, en 1837, elle avait épousé M. A. Lécuyer, de Rouen, mais à la condition de conserver son nom et sa liberté. Malgré cette latitude laissée aux deux époux, ils se séparèrent judiciairement au bout de quelques années.
Mme Stoltz avait un talent d'une nature particulière, très inégal et très incorrect, mais plein d'énergie, de puissance et d'éclat. Sa voix de contralto n'était pas belle ni d'une remarquable étendue, et, bien qu'elle se soit vouée a des travaux incroyables pour arriver à corriger les défauts ou combler les lacunes de sa première éducation musicale, bien qu'elle ait réalisé d'étonnants progrès dans l'art de phraser et de vocaliser, elle n'a jamais été ce que l'on pourrait appeler une cantatrice irréprochable et accomplie. Nerveuse, passionnée et violente, elle a presque toujours dépassé le but. Cependant, ni les détracteurs de son talent ni ses rivales même n 'ont pu lui contester les qualités d'une grande
artiste dramatique, et la place qu'elle a tenue à notre Académie de musique, elle l'avait conquise à force de volonté, de travail et de succès. Des amateurs disent encore aujourd'hui que, dans la Favorite, on n'a pas entendu une deuxième Stoltz. Aux rôles créés ou repris par elle et que nous avons déjà cités, nous ajouterons : Ascanio, dans Benvenuto Cellini ; Marguerite, dans le Lac des fées ; Zaïda, dans Dom Sébastien de Portugal ; Estrella, dans l'Etoile de Séville ; Desdémone, dans Othello ; Marie Stuart, dans l'opéra de ce nom, etc.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1872-1876)

 

 

 

 

 

Rosine Stoltz est encore une élève de Choron mais, ce qui est moins ordinaire,

« C'est au couvent, mesdemoiselles, »

et à celui des Bénédictines de la rue du Regard, qu'a été élevée cette prêtresse de l'Opéra.  Ayant jeté le voile, elle débuta d'abord dans la comédie, à Bruxelles ; puis, découvrant quelque chose de chromatique dans sa voix, elle se mit à voyager en chantant les grandes partitions de Rossini. Elle joua à Anvers, en 1835, le rôle d'Alice, et dès lors un artiste bien regrettable et bien regretté, Nourrit, présageant ses succès futurs, obtint pour elle un engagement à l'Opéra. C'est à Nourrit qu'elle dut sa première couronne, trophée qu'elle déposa trop tôt, hélas ! sur la tombe de son bienfaiteur. — A un organe étendu et puissant, qui passe avec facilité des notes aiguës du soprano aux cordes graves du contralto, madame Stoltz joint un jeu expressif et naturel. Elle succéda à mademoiselle Falcon, qu'elle eut le bon esprit de ne point copier. Elle créa depuis plusieurs rôles avec bonheur, et ses récents succès dans la Reine de Chypre lui assignent un rang élevé sur notre première scène lyrique.

(Acteurs et actrices de Paris, 1842)

 

 

Elle a débuté au Théâtre-Royal de Bruxelles, comme premier sujet des chœurs, en 1832, sous le nom de Mme Ternaux. Elle joua ensuite les seconds rôles d'opéra à Spa, pendant la saison annuelle, sous le pseudonyme de Mlle Héloïse. C'est seulement en 1833, à ses débuts au Grand-Théâtre de Lille, qu'elle prit le nom de Stoltz. Elle y ajouta peu après le prénom de Rosina, en souvenir du succès qu'elle obtint dans le Barbier de Séville de Rossini, aux concerts de la rue de Vaugirard. Le 25 août 1837, elle débutait à l'Opéra dans la Juive. Elle a créé les premiers rôles de presque tous les opéras nouveaux joués de 1837 à 1847, époque où elle a quitté l'Opéra. Elle y a reparu momentanément en 1856, mais sans y retrouver ses premiers succès. Mme Stoltz, qui a joué ensuite sur les grands théâtres de l'étranger, s'est adonnée dans ces dernières années au spiritisme.

(Georges d'Heylli, Dictionnaire des pseudonymes, 1887)

 

 

 

 

 

partition des Troyens dédicacée par Hector Berlioz à Rosine Stoltz

 

 

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