Fortunata TEDESCO

 

Fortunata Tedesco [BNF]

 

 

Fortunata TEDESCO

 

contralto italien

(Mantoue, Lombardie, Italie, 14 décembre 1826 Charenton-le-Pont, Seine [auj. Val-de-Marne], 14 avril 1904*)

 

Fille de Marco Angelo TEDESCO (Trebitsch, Moravie, 1776 – Paris 9e, 18 novembre 1861*), et de Caroline MAYER (– av. 1861).

Sœur de Major TEDESCO, compositeur qui a fait exécuter en 1860 à Naples, deux ouvertures et une messe à grand orchestre.

Epouse de Joseph Thomas DE FRANCO (Carthagène des Indes, Colombie, 1822 – Paris 7e, 16 mai 1892*), consul général au Nicaragua ; parents de Marc Angèle Alexandre Hilaire DE FRANCO (Paris 9e, 14 janvier 1868* – Sfax, Tunisie, 17 mars 1913), officier de cavalerie.

 

 

Elève du compositeur Vaccai au conservatoire de Milan, elle débuta avec succès, à peine âgée de dix-huit ans, au théâtre de la Scala de Milan le 26 novembre 1844 I Luna ed i Perollo. Elle y chanta notamment Guillaume Tell et Robert le Diable. Engagée ensuite à Vienne, où elle obtint de brillants succès, elle partit peu de temps après pour l'Amérique, remporta de véritables triomphes aux Etats-Unis et la Havane. C'est de là qu'elle vint à Paris pour débuter, en 1851, à l'Opéra, dans la Reine de Chypre. Sa superbe voix de contralto, sa beauté resplendissante, son sentiment pathétique et son jeu scénique passionné firent sur le public une impression profonde. Elle joua successivement le Prophète et la Favorite, puis fit deux créations importantes dans le Juif errant d'Halévy et la Fronde de Niedermeyer. Elle quitta l'Opéra de Paris en 1857 pour aller à Venise, passa ensuite trois années au théâtre San Carlos de Lisbonne, et revint à l'Opéra de Paris de 1860 à 1862, où, entre autres rôles, elle joua celui de Vénus dans Tannhäuser lors des trois représentations mouvementées de cet ouvrage. Elle retourna en 1862 à Lisbonne, fit une saison brillante à Madrid, et au bout de peu de temps cessa de faire parler d'elle. Elle s’est retirée de la scène en 1866.

Elle est décédée en 1904 à soixante-dix-sept ans en son domicile, 5bis quai de Bercy à Charenton-le-Pont.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Elle a débuté le 05 novembre 1851 dans la Reine de Chypre (Catarina).

 

Elle y a interprété le Prophète (Fidès, 17 décembre 1851) ; la Favorite (Léonor, 1852) ; le Trouvère (Azucena) ; Herculanum (Olympia).

 

Elle y a créé le 23 avril 1852 le Juif errant (Théodora) de Fromental Halévy ; le 02 mai 1853 la Fronde de Louis Niedermeyer.

 

Elle participa à la première, le 13 mars 1861, de Tannhäuser (Vénus) de Richard Wagner [version française de Charles Nuitter].

 

 

 

 

Cette artiste, qui vient d'être engagée en Russie, possède une voix chaude dans un corps de glace. Belle, imposante, un peu grasse, aristocratique dans l'ampleur d'une santé opulente, Mme Tedesco, au théâtre, reste beaucoup trop une femme du monde, lorsqu'il faudrait être une comédienne, et un organe, lorsqu'il faudrait être une chanteuse. Elle gagnait 5.000 fr. par mois à l'Opéra.

(H. de Villemessant et B. Jouvin, Figaro, 09 juillet 1854)

 

 

Mme Tedesco sa rentrée à l'Opéra.

C'est mercredi dernier que Mme Tedesco a fuit sa rentrée triomphale à l'Opéra dans le Prophète. La célèbre artiste a été accueillie à son entrée en scène par des applaudissements qui ont duré prés de cinq minutes. La voix de Mme Tedesco a profondément ému le public. A chacun de ses morceaux tout l'auditoire battait des mains avec enthousiasme. C'est au quatrième acte surtout que l'admiration s'est traduite par les manifestations les plus chaleureuses, les plus bruyantes. Mme Tedesco a été rappelée après le quatrième acte. Elle a été encore rappelée à la fin de l'opéra. Aux stalles, su parterre, aux loges, les bravos et les applaudissements ne finissaient pas.

Mme Tedesco est vraiment l'artiste qui convient à l'Académie Impériale de Musique : sa voix d'une grande étendue est aussi belle et plus entraînante que celle de Mme Alboni ; l'éminente cantatrice a de plus que Mme Alboni un parfait sentiment dramatique. Sa méthode n'est pas surannée ; elle a suivi la marche du progrès qui s'est accompli en Italie depuis quelques années. On trouverait aujourd'hui difficilement une plus admirable organisation musicale au service d'une voix plus fraîche, plus puissante.

Mme Tedesco n'aurait jamais dû quitter l'Opéra. Si, pour une cause ou pour une autre, elle était forcée maintenant d'accepter de nouveaux engagements à l'étranger, elle léguerait à l'artiste qui lui succéderait une tâche bien rude. Ah ! on n'aborde pas facilement une scène comme celle de l'Opéra. Là il faut tout pour réussir complètement : le physique, la voix, le goût, l'intelligence dramatique, ou bien on est vite reléguée au second rang, et à l'Opéra une cantatrice qui est au second rang devient, pour ainsi dire, une inutilité. Cette semaine Mme Tedesco chantera la Favorite : ce sera une nouvelle fête pour le public, un autre triomphe pour la cantatrice, et un nouveau sujet de joie pour M. Crosnier, qui doit être fier d'avoir rattaché à son théâtre une artiste de cette valeur.

La deuxième représentation du Prophète a été plus brillante encore que la première. Electrisée par les applaudissements du public, Mme Tedesco s'est surpassée elle-même. Plusieurs fois rappelée dans le cours de la soirée, elle a reçu une véritable ovation.

(la France musicale, 06 janvier 1856)

 

 

[les chanteuses de l'Opéra]

Puissante nature, corpulence splendide, toilette étoffée, appointements idem (40.000 francs par an).

(L. Félix Savard, la Causerie, 01 septembre 1861)

 

 

 

 

 

Le retour de Madame Fortunata Tedesco

Prima donna de l’Académie impériale de Paris

 

Ode

 

Le temps volage a fui sur son aile aussi vite

Qu’on passe du matin au soir,

Depuis ce jour lointain où, pleurant votre fuite,

Ma lyre vous dit : Au revoir !

 

Ce départ nous avait laissés dans la tristesse

Et le théâtre était en deuil ;

Il semblait qu'avec vous avait fui l'allégresse,

Laissant le vide du cercueil.

 

Les Muses, qu'on adore en la sphère bénie,

Ineffable idéalité

Qu'ici-bas on nomme Art, Poésie, Harmonie,

De Paris avaient déserté.

 

Ainsi qu'au rude aspect de la brumeuse automne

Et de l'approche des hivers,

Fleur s'effeuille, fruit tombe et feuillage frissonne,

Et tendre oiseau clôt ses concerts ;

 

Ainsi votre départ, pour notre scène veuve,

Fut le signal des mauvais jours,

Et l'art divin n'a vu finir son temps d'épreuve

Qu'en vous revoyant pour toujours...

 

Car, en cela pareille à la tendre hirondelle !

Qui nous revient avec ses chants,

Vous revenez vers nous, artiste grande et belle,

Avec les beaux jours du printemps.

 

François Campadelli.

Paris, ce 11 janvier 1856.

 

 

Adieux à Madame Tedesco

 

Opéra, vaste scène aux œuvres sans pareilles !

Sous ta riche coupole, étale à tous les yeux

Tes lumières, ton or, tes pompeuses merveilles,

Et qu’en apothéose on change nos adieux !

 

C’est triomphalement, ô sublime Prophète !

Que, marqué par la gloire aux éternels rayons,

Dans le monde de l’art, accouru pour la fête,

Tu laisses, en partant, de lumineux sillons.

 

Œuvre hardie, immense, à jamais infinie,

Que l'art qui t'inspira peut seul exécuter !

Si pour te concevoir il fallait du génie,

Le talent seul aussi pouvait t'interpréter.

 

A grand roi, grande cour ; à grand culte, grand prêtre !

Les artistes, sacrés par l'admiration,

Sous nos bravos de feu s'élèvent jusqu'au Maître,

Et le Maître est grandi par sa création.

 

Écoutez ! aux accents des larges symphonies,

Quelle apparition excite nos transports ?

Une idée échappée au ciel des harmonies,

C'est Fidès, ange et femme aux ravissants accords !

 

Divine Tedesco ! sous vos charmes de femme,

Quel ange des concerts, quel souffle harmonieux,

Plus doux que les accents échappés de votre âme,

Eût jamais pu remplir ce rôle merveilleux ?

 

Dans son ravissement, la foule est insensée.

Illustre Meyerbeer, applaudis à ton tour ;

Car c'est bien là Fidès, la céleste pensée

Eclose en ton cerveau comme un parfum d'amour !

 

O séduisants regrets ! ô ravissant mensonge !

Le triomphe aujourd'hui... mais c'est le deuil demain !

Notre scène déserte, hélas ? comme un beau songe,

Va pleurer, au départ, le retour incertain.

 

Mais le temple de l'art ressemble au lit d'un fleuve,

Attirant tous les flots dans son vaste miroir ;

Notre scène à jamais ne doit pas rester veuve,

Et le seul mot d'adieu, c'est un doux au revoir !

 

Paris, ce 26 juin 1857.

François Campadelli.

 

 

 

 

 

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