Gabriel TOURNIÉ

 

Gabriel Tournié en 1887 [photo Delon, Toulouse]

 

 

Gabriel TOURNIÉ

 

ténor français

(20 rue Bonaparte, Toulouse, Haute-Garonne, 04 novembre 1849* – chemin de la Gloire, Toulouse, 15 mai 1909*)

 

Fils de Pierre TOURNIÉ (Toulouse, 21 juin 1814* – ap. 1883), limonadier [fils de Jean TOURNIÉ, aubergiste], et de Marie Guilhaumette BEDEL (Toulouse, 01 novembre 1818* –), mariés à Toulouse le 20 juin 1845*.

Epouse 1. à Toulouse le 05 août 1880* Catherine CLÉMENT (Bruxelles, Belgique, 02 novembre 1837 – Toulouse, 10 juillet 1892*), artiste.

Epouse 2. à Toulouse le 04 juin 1898* Eugénie Marie RIBES dite Marie TOURNIÉ (1868-1953), soprano.

 

 

Il débuta à l’Opéra de Paris en 1874. Il a chanté au Théâtre royal d’Anvers (Un bal masqué, 05 novembre 1874). A la Monnaie de Bruxelles, il participa aux premières d’Aïda (Radamès) de Verdi le 15 janvier 1877, et de Cinq-Mars (Henri de Cinq-Mars) de Gounod le 11 janvier 1878. Il a chanté au Grand-Théâtre de Bordeaux : le Prophète (Jean, 21 mai 1879) ; les Huguenots (Raoul, 24 mai 1879) ; Samson et Dalila (Samson, 16 octobre 1893) ; la Juive (Eléazar, 20 octobre 1893) ; Robert le Diable (Robert, 26 octobre 1893). Il fut directeur du Grand Théâtre de Lyon, du Capitole de Toulouse (de 1895 à 1898 et de 1904 à 1905), et du Théâtre Graslin de Nantes (1907-1908).

En 1880, il habitait 17 rue Varsovie à Toulouse. Il est décédé en 1909 à cinquante-neuf ans.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta le 14 mai 1874 dans les Huguenots (Boisrosé).

 

Il y chanta l’Africaine (Don Alvar, 15 septembre 1874).

 

 

 

Gabriel Tournié en 1885 [photo Provost, Toulouse]

 

 

 

Si une biographie n'avait d'autre but que de faire connaître une personnalité, celle de M. Tournié n'aurait aucune raison d'être ; car, enfant du faubourg Saint-Cyprien, il est connu de tout le monde ; mais une notice biographique est un hommage rendu au talent, et dès lors offrir au public celle de notre fort ténor est un devoir que le Midi Artiste s'empresse d'accomplir.

M. Gabriel Tournié est né à Toulouse en 1849 ; dès son enfance, il entra au Conservatoire de notre ville, parcourut avec succès tous les degrés des classes de solfège, puis suivit le cours de violoncelle, alors confié à M. Garrau, artiste de talent. Le jeune Tournié devint bientôt son meilleur élève et ne tarda pas à remporter le premier prix de sa classe pour la facilité de son mécanisme, la suavité du son et l'élégance de sa phrase, qualités tellement dominantes chez lui qu'après bien des années nous percevons encore en souvenir les accents pénétrants de son violoncelle interprétant les douces mélodies de la sonate de Mendelssohn.

Sur ces entrefaites, la voix de M. Tournié s'étant développée avec l'âge, le jeune violoncelliste entra dans la classe de chant de M. Boulo, excellent professeur qui a beaucoup fait pour notre Ecole, car, en quelques années, il a formé MM. Idrac, Taillefer, Peytou, Jalama, Delrat, Gaillard, Tournié, etc. Malheureusement, un rhumatisme aigu vint interrompre le cours de ses leçons, en le forçant de prendre sa retraite au préjudice de l'école et de ses élèves.

Ayant remporté le premier prix dans cette nouvelle classe, M. Tournié quitta le Conservatoire et apprit son répertoire avec M. Auguste Laget. On ne pouvait choisir un maître plus habile, dont les sages conseils tirèrent bon parti du sentiment dramatique que l'élève comptait au premier rang de ses nombreuses qualités. Mais, avec une prudence que tous devraient imiter, notre jeune chanteur crut devoir essayer ses forces dans l'emploi de second ténor, emploi qu'il fut tenir d'abord à Béziers, puis à Lille, l’année suivante. M. Halazier, alors directeur de l'Opéra, ayant eu l'occasion d'entendre notre jeune compatriote, se hâta de l'engager.

On sait qu'à l'Opéra il faut faire un long stage avant d'arriver au premier rang. M. Tournié, au contraire, désirait aborder d'emblée les premiers rôles du grand répertoire. Aussi profita-t-il de l'incendie de la salle Le Peletier pour rompre à l'amiable le traité qui le liait à notre première scène lyrique.

Depuis ce temps (1873), M. Tournié s'est fait successivement applaudir, comme fort premier ténor, sur les théâtres d'Amiens, Anvers, Nantes, Bruxelles (théâtre de la Monnaie, durant trois années successives), La Nouvelle-Orléans, Marseille et est le premier ténor français qui ait chanté Aïda et le Lohengrin. Cette année théâtrale enfin, M. Roudil, après l'insuccès de plusieurs ténors, a été très heureux de profiter du séjour de M. Tournié parmi nous pour lui faire des propositions qui ont été acceptées.

L'apparition de M. Tournié sur notre scène a fait succéder le calme à la tempête, le succès aux revers et ramené la foule à notre grand théâtre qui, chaque jour, était de plus en plus délaissé.

C'est qu'en effet M. Tournié possède les qualités attractives qui émeuvent les masses et provoquent le succès ; il est chaleureux, entraînant, intelligent et puise dans son savoir musical une certitude d'exécution qui, rejaillissant sur ses partenaires, communique à tous l'assurance qui pourrait leur manquer ; aussi chacune de ses représentations est-elle l'occasion d'un triomphe pour lui et de recette pour le directeur.

Mais cette riche organisation renferme d'autres aptitudes qui, pour être moins brillantes, n'en sont pas moins estimables, et, si l'on veut connaître notre fort ténor tout entier, que l'on se rende à Saint-Cyprien. Vers le tiers de la rue de Varsovie, s'ouvre, à droite, une allée longue et fort étroite ; elle conduit à un beau parc au centre duquel s'élève un château d'un excellent style avec tourelles élégantes. Quelle est cette demeure princière ?... Celle d'un banquier ?... d'un commerçant ? d'un haut fonctionnaire ? Non, c'est la retraite de M. Tournié qui, sachant allier la prévoyance à ses autres qualités, n'a pas imité la folie des artistes d'autrefois et « s'est fait construire un château sur ses économies. »

Jadis, les musiciens, les comédiens, les peintres gaspillaient l'argent et mouraient à l'hôpital ; aujourd'hui, ils amassent et deviennent propriétaires. C'est un progrès matériel et moral, et nous félicitons tous ceux qui savent l’accomplir.

Ainsi, avant d'être parvenu à la moitié de sa carrière, M. Tournié possède fortune et réputation. Bien des années de succès lui restent encore à parcourir ; mais quand le besoin du repos se fera sentir, il viendra le goûter près de ses amis, au faubourg Saint-Cyprien. Semblable à l'oiseau voyageur qui retourne toujours au lieu dont il est sorti, le Toulousain n'est-il pas sans cesse attiré vers sa ville natale ? C'est là que le retentissement de bravos si bien mérités viendra charmer les échos de sa douce retraite.

(Paul Mériel, Directeur honoraire du Conservatoire de Toulouse, le Midi Artiste n° 38, 12 avril 1885)

 

 

 

 

Gabriel Tournié en 1885 [photo Provost, Toulouse]

 

 

C’est à Toulouse que naquit M. Gabriel Tournié. Dès ses premières années, il montra les plus grandes dispositions pour la musique, et il mena de front l'étude de l'alphabet et celle du solfège. Aussi des amis ne tardèrent-ils pas à conseiller à la famille du futur ténor de le présenter au Conservatoire de notre ville.

Après avoir obtenu des récompenses dans toutes les divisions de solfège, le jeune Tournié fut admis dans la classe de violoncelle, dont le titulaire était alors M. Garrau. Par ses heureuses dispositions et son application soutenue, l'élève fit des progrès si sensibles que le 1er prix lui fut bientôt décerné à l'unanimité.

M. Tournié allait quitter les bancs de l'école et se disposait à faire applaudir sa virtuosité dans les principales villes du midi, lorsque sa voix se développa subitement. Il revint au Conservatoire et entra sans difficulté dans la classe de chant de M. Boulo, où il emporta rapidement le 1er prix.

M. Tournié apprit alors le répertoire avec M. Auguste Laget, l'ancien excellent artiste de l'Opéra-Comique. Après avoir assidûment travaillé sous la direction de cet habile maître, notre compatriote tint l'emploi des seconds ténors à Béziers, puis à Lille. C'est dans cette dernière ville que M. Halanzier, à qui étaient alors confiées les destinées de l'Académie nationale de musique, c'est dans cette dernière ville, disons-nous, que M. Halanzier entendit et apprécia le jeune ténor qu'il se hâta d'engager.

Mais M. Tournié s'accommodait mal du long stage imposé à tous les pensionnaires de l'Opéra. Aussi, lorsque la salle de la rue Le Peletier fut détruite par l'incendie de 1873, notre compatriote s'empressa-t-il de résilier son traité.

M. Tournié, libre désormais, tint avec le plus grand succès l'emploi des premiers ténors à Amiens, Anvers, Nantes, Bruxelles (où il passa trois ans au théâtre de la Monnaie), La Nouvelle-Orléans (avec son camarade et ami M. Delrat) et Marseille. Les succès obtenus sur toutes ces grandes scènes par notre compatriote attirèrent l'attention de M. Roudil, alors directeur de notre Grand-Théâtre, et M. Tournié, libre en ce moment, fut engagé comme premier ténor au Capitole.

Depuis cette époque, M. Tournié n'a cessé un seul instant d'obtenir les applaudissements les plus mérités sur notre première scène. Malheureusement pour lui, il a dû subir, l'année dernière, une douloureuse opération au larynx. Eloigné quelque temps du théâtre, notre compatriote a été l'objet de flatteuses ovations lorsque, engagé par M. Delrat, il a fait sa rentrée sur la scène du Capitole, au mois d'octobre dernier. Depuis lors, notre fort ténor continue à faire florès et son succès grandit chaque soir.

La voix de M. Tournié est des plus chaudes et des plus sympathiques. Maniée avec un talent hors de pair et une sûreté irréprochable, elle force l'émotion et communique sa chaleur d'un bout à l'autre de la salle. Excellent musicien et possédant un organe des plus souples, M. Tournié se joue des difficultés et récolte, à chaque représentation, les marques les plus sympathiques de la part du public.

Enfant du faubourg Saint-Cyprien, où il possède un magnifique château, M. Tournié est heureux de se retrouver parmi ses compatriotes. Nous aussi, nous sommes heureux de le posséder, et nous espérons l'applaudir longtemps encore.

(l’Artiste Toulousain n° 3, 02 janvier 1887)

 

 

 

 

 

De Toulouse, on nous annonce la mort de M. Tournié qui fut, il y a quelques années, l’un des forts ténors les plus réputés en province. Il avait abandonné le chant pour se consacrer à la direction théâtrale, et c’est en cette qualité qu’il présida aux destinées des grands théâtres de Lyon, Toulouse et Nantes, où il était encore la saison dernière.

(le Ménestrel, 22 mai 1909)

 

 

 

 

 

 

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