Ernest VAN DYCK
Ernest Van Dyck dans le Crépuscule des dieux (Siegfried)
Ernst Marie Hubert VAN DIJCK dit Ernest VAN DYCK
ténor belge
(Anvers, Belgique, 02 avril 1861 – Berlaar [en fr. Berlaer-lez-Lierre], province d'Anvers, Belgique, 31 août 1923)
Epouse le 31 juillet 1886 Augusta SERVAIS (Hal, Belgique, 26 novembre 1860 – Berlaar, 15 juillet 1925), sœur de Franz SERVAIS, compositeur.
D'abord étudiant en droit à Louvain et à Bruxelles, il devint journaliste, rédacteur de « l'Escaut » à Anvers, de « la Patrie » à Paris, où il travailla le chant avec Saint-Yves-Bax. Il fut engagé par Lamoureux pour ses concerts et s'y fit applaudir pendant cinq ans dans la musique de Wagner. Le 25 janvier 1886, il y créa avec les Concerts Lamoureux à l'Eden-Théâtre le Chant de la cloche (Wilhelm) de Vincent d'Indy. Lorsque Lamoureux donna le 30 avril 1887 à ce théâtre la mémorable représentation de Lohengrin dans la version française de Charles Nuitter, Van Dyck fut chargé du rôle de Lohengrin. Cette représentation mémorable lui valut d'être engagé à Bayreuth pour y chanter Parsifal (Parsifal). Il fit partie de la troupe de Bayreuth de 1888 à 1911 ; son début y fut retentissant, et le jeune chanteur fut aussitôt engagé à l'Opéra impérial à Vienne, où il joua en allemand : Parsifal, Lohengrin, l'Or du Rhin, les Maîtres chanteurs de Nuremberg, puis Faust, Roméo et Juliette, Manon, et enfin Werther (Werther) de Jules Massenet, qu'il y créa le 16 février 1892 [dans la version allemande de Kalbeck]. Il continua à chanter chaque année à Bayreuth, où il était devenu le ténor wagnérien par excellence, mais ailleurs, il interpréta également la Damnation de Faust, Amy Robsart d'Isidore de Lara [dont il chanta la première à Monte-Carlo], Ernani, Moïna (Patrice) de Lara, qu'il créa à Monte-Carlo le 14 mars 1897. Au Covent-Garden de 1891 à 1907, au Metropolitan Opera de New York de 1898 à 1902, et sur toutes les grandes scènes du monde, il fut continuellement l'interprète de Wagner. Il mettait une parfaite diction au service d'une voix chaude et expressive. S'étant pratiquement retiré de la scène en 1912, il se fixa aux Etats-Unis comme impresario d'artistes allemands. Le 1er avril 1913, il mit en scène le Freischütz au Théâtre des Champs-Elysées. Van Dyck a été l’un des ténors wagnériens les plus accomplis.
Il est décédé en 1923 à soixante-deux ans.
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Il a débuté le 16 septembre 1891 en chantant la première de Lohengrin (Lohengrin) de Wagner [version française de Charles Nuitter].
Il a également chanté les premières suivantes : le 12 mai 1893 la Walkyrie (Siegmund) de Wagner [version française de Victor Wilder] ; le 23 octobre 1908 le Crépuscule des dieux (Siegfried) de Wagner [version française d'Alfred Ernst] ; le 14 novembre 1909 l'Or du Rhin (Loge) de Wagner [version française d'Alfred Ernst].
Il a été affiché dans Tannhäuser (Tannhäuser, 1895, version française de Charles Nuitter) ; Tristan et Isolde (Tristan, 1905, version française d'Alfred Ernst) ; Parsifal (Parsifal, 1914, version française d'Alfred Ernst). |
Sa carrière à l'Opéra-Comique
En représentation, débute dans Werther (Werther) le 14 novembre 1903. |
livrets
le Carillon, légende mimée et dansée en 1 acte, avec Camille de Roddaz, musique de Jules Massenet (Opéra de Vienne, 21 février 1892) => fiche technique |
Ernest Van Dyck, photo Nadar
Il fit ses classes chez les Jésuites de cette ville, puis étudia le droit aux universités de Louvain et de Bruxelles. Destiné par sa famille à la carrière juridique, il devint, en 1883, clerc de notaire. Doué d'une voix fort belle M. Van Dyck s'essayait alors dans les salons et les concerts populaires ; il se fit surtout remarquer en chantant le Preislied des Maîtres Chanteurs de Wagner. Il eut ensuite l'occasion d'interpréter le Polyeucte de Gounod, chez un ami où l'auteur l'entendit, le félicita et l'engagea à se produire à Paris. Y étant venu, en effet, M. Van Dyck fut tout de suite engagé par Lamoureux ; il se produisit avec succès dans les concerts dirigés par ce maitre, chantant la Damnation de Faust, des fragments de Sigurd, de Tristan et Isolde, de la Walkyrie, les Sept péchés capitaux de Goldschmidt, le Chant de la Cloche de Vincent d'Indy et, enfin, Lohengrin, dont la représentation à l'Eden-Théâtre, le 3 mai 1887, fut troublée par des manifestations d'un patriotisme inopportun. Malgré tout, le succès de cette création engagea Mme Cosima Wagner à demander l'artiste pour le théâtre de Bayreuth. Là, M. Van Dyck, engagé pour le rôle de Walter, des Maîtres Chanteurs, fut prié d'incarner celui de Parsifal et obtint un véritable triomphe. Engagé ensuite à l'Opéra de Vienne, l'excellent artiste y resta de 1888 à 1900, interprétant, pendant les saisons théâtrales Lohengrin, Roméo de Roméo et Juliette, Andor du Vassal de Szigeth, Faust, des Grieux de Manon, Werther, Canio de Paillasse, Corneille Schutt, Araquiel de la Navarraise, Mathias de l'Evangelimann, Raoul du Chevalier d’Harmental, Siegmund de la Walkyrie, etc. Entre temps, il se faisait applaudir en Hollande, dans différentes villes d'Autriche, d'Allemagne, en Roumanie, à Monte-Carlo, où il parut dans Leicester d'Amy Robsart et Patrice de Moïna ; à Londres, dans les opéras wagnériens ; à Bruxelles, à Saint-Pétersbourg, à Moscou, dans les principaux centres des Etats-Unis, à Nice et à Paris, où, après s'être imposé par sa maîtrise incontestable, on l'entendit à l'Opéra dans Lohengrin, Siegmund de la Walkyrie et Tannhäuser (1891-1902), au Château-d'Eau dans Tristan et Isolde (1902) et à l'Opéra-Comique dans Werther (1903). M. Van Dyck s'est en outre toujours montré fidèle à l'art spécial des grands concerts, d'où naquit sa réputation. Il n'a jamais dédaigné aucune scène où il lui fut permis d'interpréter une belle œuvre. A Anvers, i1 a fondé, en 1903, une série de concerts auxquels il prête à la fois son talent de chanteur et son mérite très réel de directeur musical. L'ampleur, l'éclat et la grâce de la superbe voix de ténor que possède M. Van Dyck lui ont valu une réputation universelle. « Le style tout personnel avec lequel il sut faire sien ces héros célèbres et les colorer comme d'un jour nouveau, écrit justement un bon critique, M. Henri de Curzon dans le Guide musical, a frappé tous ceux qui ont pu l'y voir. En véritable érudit, il remonte toujours aux sources quand il s'agit d'incarner un personnage, et c'est encore le meilleur moyen de le renouveler ; on ne s'en avise pas assez. » M. Ernest Van Dyck est chevalier de la Légion d'honneur et des ordres de Léopold de Belgique, de François-Joseph d'Autriche, de Saint-Stanislas de Russie, du lion de Zaeringhen, de Baden, de l'Etoile de Roumanie, etc. Il est aussi officier de l'Instruction publique. (C.-E. Curinier, Dictionnaire National des Contemporains)
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Ernest Van Dyck dans Parsifal (Parsifal)
Ernest Van Dyck dans Parsifal (Parsifal) à Bayreuth en 1899
Ernest Van Dyck dans la Walkyrie (Siegmund) vers 1890 (photo Benque)
Ernest Van Dyck dans la Walkyrie (Siegmund)
Ernest Van Dyck dans Tannhäuser (Tannhäuser) [photo Benque]
Ernest Van Dyck dans Tannhäuser (Tannhäuser)
Richard Wagner et l’interprétation par Ernest Van Dyck
Le célèbre ténor Van Dyck était tout désigné pour expliquer à nos lecteurs l’influence de l’Art Wagnérien sur l’Interprétation. Avant de triompher au théâtre, Van Dyck fut journaliste : on le devine aisément en lisant les lignes suivantes.
Il est convenu que l'art d'interprétation est inférieur à l'art créateur et il serait puéril de ne pas admettre cette classification. Ceci posé, rien n'empêchera de constater qu'il y a de grands artistes interprètes et qu'il y a des compositeurs médiocres. On doit admettre que l'interprète est le collaborateur indispensable du dramaturge ; car, sans interprète, les plus beaux poèmes et les plus nobles mélodies ne seraient que des œuvres muettes. L'art créateur n'est en fait supérieur à l'art d'interprétation que par l'influence que celui-ci exerce sur celui-là. Lorsqu'une époque est en pleine décadence dramatique, l’interprète subit les effets de cette misère, et son art, n'ayant à s'exercer que d'après des œuvres fausses et médiocres, s'altère et s'amoindrit. Lorsqu'au contraire apparait un génie comme Richard Wagner, qui pour la première fois a su donner à l'art lyrique sa haute signification, l'interprète se trouvera du coup grandi et ennobli. Dans sa « Lettre sur la musique », Wagner nous a dit les considérations qui l'amenèrent à réformer les poèmes du drame musical. Son génie inspiré et logique ne pouvait en effet se contenter longtemps de la pauvreté et du ridicule de ce triste genre littéraire qu'on avait baptisé livret d'opéra. Un livret d'opéra n'avait vraiment plus rien à faire avec le drame véritable ; il n'était plus qu'un prétexte à musique, prêtant un temps et un lieu à des exhibitions de virtuoses. Wagner nous a raconté comment il s'était déterminé à rendre à l'opéra sa signification idéale. Il nous a dit « comment il avait voulu la remettre en sa conception naturelle, contenant une action dramatique développée avec suite dans une fusion infiniment plus intime du poème et de la musique ». Richard Wagner a mis la musique au service du drame. Le geste illustre la mélodie, la parole commande au geste. Toute attitude conventionnelle est désormais choquante et impossible. Nous n’avons plus devant nous un ténor, une basse, un soprano, une falcon ou une galli-marié — dénominations de genres immuables ! — mais des personnages qui doivent vivre le poème et qui sont obligés d'être au même titre que le décor qui l'encadre, que l'orchestre dont la symphonie l'illustre et l'accompagne, les interprètes d'une action dramatique, et non plus des chanteurs donnant un concert en costume. D'ailleurs, l'influence du maître de Bayreuth ne s'est pas seulement fait sentir dans ses propres œuvres, mais aussi dans l'interprétation des chefs-d’œuvre antérieurs à la réforme du drame musical. J’oserai même dire que les artistes du drame parlé ont subi sa bienfaisante empreinte. La recherche de la vérité dans l'attitude, dans le geste, dans le décor, dans le costume est due en grande partie à Richard Wagner. La « mode » et ses exigences aura désormais moins de prise sur l'art d'interprétation, qui devra être à l'avenir un collaborateur probe, respectueux et intelligent de l'art créateur.
(Ernest Van Dyck, Musica n° 13, octobre 1903)
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Ernest Van Dyck dans Tristan et Isolde (Tristan)
Ernest Van Dyck dans l'Or du Rhin (Loge) |
Ernest Van Dyck dans Lohengrin (Lohengrin) [photo Benque] |
Ernest Van Dyck dans Lohengrin (Lohengrin) |
Avec lui, l'art dramatique et lyrique a perdu l'un des meilleurs interprètes des drames wagnériens. Son père eût voulu faire de lui un notaire ; mais, attiré par l'art, Van Dyck, tout en poursuivant ses études à l'Université de Louvain, se mêla d'abord au mouvement littéraire. Il écrivait des poèmes, traduisait du flamand la Parabole de Nathan, collaborait avec Verhaeren à la « Semaine des Etudiants », et fondait lui-même une petite revue : « le Polichinelle ». En même temps il cultivait sa voix, qu'il avait fort belle, mais dont le timbre était alors celui d'un baryton. Ce fut Gounod qui, l'ayant entendu par hasard à Bruxelles, dans une réunion d'amateurs, éveilla en lui le désir de se faire un nom au théâtre. Van Dyck vient alors à Paris pour pousser ses études de chant, et, sans effort, acquiert ces sonorités pures, fortes et souples tout ensemble, qui ont fait de lui un des plus brillants ténors que le XIXe siècle ait connus. Le hasard voulut que ses débuts fussent placés sous l'égide de Wagner ; il remporta son premier triomphe à Bruxelles, lors d'un concert populaire organisé par Joseph Dupont à l'occasion de la mort de Wagner : il chanta le Preislied de Walther des Maîtres chanteurs. Puis sa carrière se dessine à Paris grâce à Lamoureux qui, l'ayant remarqué dans la cantate de prix de Rome de Paul Vidal (1883), où il remplaça, au pied levé, le principal interprète, le fit chanter à ses concerts (1883-1887). Ce fut une révélation. Tous ceux qui l'entendirent alors ont rappelé, comme hier de Curzon dans l'Œuvre de Richard Wagner à Paris, « quelles impressions nouvelles et attachantes apportait cette exceptionnelle nature d'artiste, dont l'action sur le public, au concert comme au théâtre, a toujours eu quelque chose de particulièrement direct et comme électrisant ». Il possédait déjà non seulement « une voix puissante et colorée de ténor, de force éclatante dans le haut, chaude et timbrée dans le grave », mais un goût musical des plus rares, une compréhension parfaite des œuvres qu'il interprétait, et la plus ardente, la plus enthousiaste des expressions. L'effet qu'il produisit, l'année suivante, dans le récit du Graal et dans le duo qu'il chantait avec Mme Brunet-Lafleur fut extraordinaire. L'émotion des auditeurs était à son comble, et l'on ne se lassait pas de réclamer ce duo, qui fut régulièrement chanté, quatre ans de suite, par les deux artistes. En 1884, il chanta, toujours chez Lamoureux, le premier acte de Tristan (avec Mme Montalba, fort dramatique dans le rôle d'Isolde). Un de ses triomphes était le premier chant de Walther, des Maîtres chanteurs, qui comptait parmi les pages wagnériennes qu'il interprétait le plus volontiers ; nul n'a su mieux que lui traduire la grâce de ce rappel du moyen âge. Il se fit entendre aussi chez Lamoureux (et chez Colonne) dans la chanson du printemps de la Walkyrie et, notamment avec Mme Brunet-Lafleur, dans les scènes de Siegmund et de Sieglinde (du Ier acte) et celle de Wotan et de Brunhilde (du 3e) dont il donna jusqu'à dix auditions en 1886, 1887 et 1888. L'air de la Forge de Siegfried devint pour lui une sorte de spécialité (surtout de 1902 à 1912), tellement il savait lui donner de couleur évocatrice, qu'il le chantât en français ou en allemand. C'est lui qui révéla au public parisien, en 1907, le duo de Parsifal et de Kundry, avec Mme Kachowska. (En 1913, il interpréta magnifiquement et toujours au concert le duo du second acte de Parsifal avec Agnès Borgo, et la scène du Vendredi saint avec Marvini.) Mais, depuis longtemps, Van Dyck avait pris pied au théâtre. Ce fut lui qui chanta le rôle de Lohengrin à la fameuse « première » du 3 mai 1887 que la ténacité de Charles Lamoureux imposa, malgré la cabale, à l'attention des Parisiens. Si Van Dyck n'y fit pas encore preuve de toute sa maîtrise, du moins avait-il cette éclatante flamme de la jeunesse qui rendit inoubliable son début sur la scène. « Ses adieux au cygne, rapporte encore de Curzon, et la façon dont il se présentait au roi pour défendre Elsa donnaient vraiment l'impression d'un être surnaturel ; plus tard, le duo d'amour ne semblait pas moins détaché de la terre et, quant au récit du Graal, sa ferveur fit passer comme un frisson d'aise. » Quand il reprit le rôle de Lohengrin, pour la première représentation de cette œuvre à l'Opéra (16 septembre 1891), il imposa définitivement l'ouvrage au public parisien, dont les ovations furent si chaleureuses que Cosima Wagner, la femme du compositeur, n'hésita pas à lui faire créer le rôle à Bayreuth, en 1894. Depuis longtemps aussi, Van Dyck s'était imposé à l'attention de l'Allemagne, à Bayreuth même. Après avoir travaillé le rôle de Parsifal à Carlsruhe, sous la direction du fameux chef d'orchestre Felix Mottl, il avait conquis les suffrages du public allemand par son interprétation du même rôle au théâtre de Bayreuth ; cette interprétation, malgré tant de gloires du chant qui s'étaient déjà affirmées dans le même drame lyrique, fit époque. C'est alors qu'il fut appelé à l'Opéra de Vienne, auquel il fut attaché onze ans et où il chanta notamment Paillasse, la Navarraise, le Chevalier d'Harmental, Der Evangelimann, Armide, Roméo et Juliette, Faust, et où il créa Manon, et Werther que Massenet avait écrit spécialement pour lui. Il triompha de même en Hollande, à Monte-Carlo, à Londres, à Saint-Pétersbourg. A Paris, après Lohengrin, il interpréta tous les grands rôles wagnériens avec une telle puissance surhumaine que les ennemis de Wagner, ne pouvant nier le succès des œuvres et de l'interprète, firent courir le bruit que celui-ci était le seul soutien de celles-là et que, dès qu'il aurait disparu, elles s'écrouleraient d'elles-mêmes. Le 13 mai 1895 il créait, à l'Opéra, Tannhäuser. De nombreux Parisiens se souviennent encore de l'émotion qu'il provoqua lorsque, après sa scène avec Vénus, il s'écriait, pendant le défilé des pèlerins, d'une voix où passait toute son âme : « Seigneur, soyez béni », ou lorsque, dans le récit de son pèlerinage à Rome, il en faisait ressortir, selon le mot de Reyer, toutes les nuances, tous les contrastes, avec un art magistral et un sentiment dramatique des plus élevés. Le 1er juin 1902, ce fut Tristan, au théâtre du Château-d'Eau, qu'il chanta de nouveau à l'Opéra le 10 avril 1905 ; son jeu passionné, son étonnante puissance de diction, la variété et la vérité de ses inflexions de voix agissaient directement non seulement sur le public, mais sur les chanteurs ses camarades ; au témoignage des auditeurs, jamais cet effet ne fut plus éclatant, surtout au 3e acte. « C'est, écrivait Pierre Lalo, l'unique Tristan qui ne soit pas opprimé, accablé, écrasé par cet acte formidable et sublime. Tous les autres paraissent y soutenir une lutte inégale ; la plupart succombent ; les moins débiles ont une bataille indécise ; aucun ne tient la victoire. Van Dyck seul donne la sensation qu'il mène le combat à son gré, qu'il domine et possède le rôle, tant la composition en est ferme et puissante. Et, en même temps que cette composition et cette autorité, il a l'émotion ; on ne peut exprimer avec plus de force la fièvre, l'angoisse d'amour et la mort de Tristan. » Van Dyck resta le seul Tristan à l'Opéra, jusqu'en 1912 (époque où lui succédèrent Verdier puis Franz). Enfin, dans la Tétralogie, il marqua d'une inoubliable empreinte : dans l'Or du Rhin, en 1909, le rôle de Loge (qu'il avait interprété dès 1890 à Vienne, puis en Angleterre, en Amérique et à Monte-Carlo) ; le rôle de Siegmund dans la Walkyrie dès 1893 ; le rôle de Siegfried dans le Crépuscule des Dieux, en 1908, où il résuma à la fois la fougue et la jeunesse de ses premières créations et la pleine maîtrise de sa longue expérience ; il sut s'incarner en Siegfried avec l'intensité la plus vive, posant vaillamment son personnage, comme disait le wagnérien Louis de Fourcaud, et gardant à son héroïsme cette belle humeur fière et cette bonhomie qui le caractérisent. En juin 1914, il jouait enfin le rôle de Parsifal, où il retrouva l'enthousiaste succès qu'il avait connu en Allemagne et dont il avait consigné le souvenir dans un article de la revue S. I. M. en 1913. S'il ne lui fut pas donné de créer le rôle à Paris (cet honneur échut à Franz), il le joua, d'après Adolphe Jullien, « avec une telle conviction, un tel feu, un tel accent, une si admirable compréhension, qu'on en reste tout ému ». Ce furent ses représentations d'adieu au théâtre ; il fermait le cycle wagnérien aux côtés de son ami Delmas avec qui il l'avait ouvert, sur la même scène, vingt-trois ans auparavant. Il appartint aussi, pendant quatre ans, à la troupe du Metropolitan Opera de New York, fit de nombreuses tournées aux Etats-Unis et dans toute l'Europe, et assura, quelque temps avant la guerre, la direction artistique du théâtre des Champs-Elysées à Paris. Depuis la guerre, retiré dans sa propriété de Berlaer (où il est mort), il était chargé du cours de déclamation lyrique aux Conservatoires de Bruxelles et d'Anvers. Son incontestable supériorité sur les ténors habituels provenait de son intelligence et de sa culture. Il était lui-même compositeur et écrivit Mateo Falcone, le Carillon, le ballet des Cinq sens. Non seulement il possédait à fond le répertoire wagnérien, mais il en comprenait le sens et ajustait son tempérament à chaque détail du texte musical. Son camarade Delmas, doyen des artistes de l'Opéra de Paris, l'a caractérisé ainsi : « Il était arrivé à vivre si absolument ses personnages qu'on n'avait jamais avec lui cette impression si fréquente de l'interprète qui se surveille. Il semblait plutôt créer son rôle, au fur et à mesure... Je revois ce Lohengrin, idéal de jeunesse radieuse. Je retrouve l'impétueux Tannhäuser. Puis c'est Tristan, cet incomparable Tristan. Mais j'aime surtout à arrêter mes souvenirs sur Parsifal. Van Dyck incarnait le rôle avec toute sa foi. Comme je comprends la stupeur enthousiaste avec laquelle les spectateurs de Bayreuth ont accueilli cette évocation à la hauteur de laquelle on n'était guère habitué en Allemagne ! » La mort de Van Dyck laisse un vide qu'il sera bien difficile de combler.
(André Cœuroy, Larousse mensuel illustré, février 1924)
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Ernest Van Dyck dans Manon (Des Grieux), qu'il a créé à Vienne
Ernest Van Dyck dans Werther (Werther), qu'il a créé à Vienne
Lied du printemps "Plus d'hiver" extrait de l'acte I de la Walkyrie de Wagner Ernest Van Dyck (Siegmund) et Piano Pathé 795 mat. 60602, enr. à Londres en 1903
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Lied d'Ossian extrait de l'acte III de Werther de Massenet Ernest Van Dyck (Werther, créateur à Vienne) et Piano Pathé mat. 60604, enr. à Londres en 1903
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Grand air extrait des Maîtres Chanteurs de Nuremberg de Wagner (version française) Ernest Van Dyck (Walther) et Piano Pathé 798, enr. à Londres en 1903
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