Faust

 

lithographie de T. Laval pour Faust (1859)

 

 

Opéra en cinq actes, livret de Jules BARBIER et Michel CARRÉ, d'après le premier Faust de Johann Wolfgang von GOETHE, traduit en français par Gérard de NERVAL (1828), musique de Charles GOUNOD. L'œuvre fut créée sous la forme d'un opéra-comique avec des dialogues, que Gounod remplaça par des récitatifs chantés à l'occasion de la première en province (Strasbourg, 04 avril 1860) utilisés au Théâtre-Lyrique à partir de 1866. Pour la première à l'Opéra de Paris (03 mars 1869), Gounod ajouta un ballet. L'Invocation de Valentin, écrite par Chorley sur la mélodie de l'Introduction, a été créée par Charles Santley à Londres en 1864, puis traduite en français par Onésime Pradère.

Il semble bien que la vie d'un FAUST, né à Knittlingen vers 1480, mort à Staufen-en-Brisgau vers 1540, soit à l'origine de la légende qui paraît pour la première fois en 1587.

 

=> Documents inédits sur le Faust de Gounod par Albert Soubies et Henri de Curzon (1912)

 

 

   partition (orchestre)

 

   partition (version originale)

 

   partition (version avec récitatifs)

 

   partition (Invocation de Valentin)

 

 

 

 

   partition manuscrite (actes I et II)

   partition manuscrite (actes III et IV)

   partition (ballet, orchestre)    partition (ballet, piano)

 

 

 

 

 

 

=> Critiques     => Livret et enregistrements

 

 

 

Créé au Théâtre-Lyrique (boulevard du Temple) le 19 mars 1859 (57e représentation le 31 décembre 1859).

 

Repris à Paris, au Théâtre-Lyrique de la place du Châtelet, le 16 décembre 1862, dans une version remaniée (249 représentations : 7 en 1862, 53 en 1863, 68 en 1864, 7 en 1865, 51 en 1866, 56 en 1867, 7 en 1868).

Le 08 septembre 1866, suppression du dialogue parlé, remplacé par les récitatifs faits par Gounod pour la partition italienne.   

 

Première fois au Théâtre de la Renaissance de la salle Ventadour à Paris, le 16 mars 1868 (8 représentations). Il y eut donc 314 représentations de Faust à Paris, avant l'entrée de l'ouvrage à l'Opéra.

 

 

 

personnages

emplois

Théâtre-Lyrique

19 mars 1859

(création)

 

Monnaie de Bruxelles

25 février 1861

(première)

 

Théâtre-Lyrique

[place du Châtelet]

18 décembre 1862

(première)

Renaissance

[salle Ventadour]

16 mars 1868

(première)

Théâtre de la Renaissance

[salle Ventadour]

30 mars 1868

Théâtre de la Renaissance

[salle Ventadour]

26 avril 1868

Opéra-Comique

28 juin 1921

[5e acte seul]

(première)

Marguerite

soprano

Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO

Mmes Sophie BOULART

Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO

Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO

Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO

Mmes SCHRŒDER

Mme Yvonne GALL

Siebel

soprano

Amélie FAIVRE

DUPUY

Amélie FAIVRE

Alice DUCASSE

GUILLEMIN

GUILLEMIN

 

Marthe

mezzo-soprano

Barbe Eléonore DUCLOS

MEURIOT

Barbe Eléonore DUCLOS

Barbe Eléonore DUCLOS

 

 

 

le Docteur Faust

ténor

MM. Jules BARBOT

MM. Ph. JOURDAN

MM. Jules BARBOT

MM. MASSY

MM. MASSY

MM. MASSY

MM. René LAPELLETRIE

Méphistophélès

baryton-basse

Mathieu Emile BALANQUÉ

Eugène BATAILLE

Mathieu Emile BALANQUÉ

Eugène TROY

Alfred GIRAUDET

Alfred GIRAUDET

Félix VIEUILLE

Valentin

baryton

Osmond RAYNAL

CARMAN

Osmond RAYNAL

Auguste Armand BARRÉ

Auguste Armand BARRÉ

Auguste Armand BARRÉ

 

Wagner

baryton

Emile CIBOT

BORSARY

Emile CIBOT

Prosper GUYOT

     

Etudiants, soldats, bourgeois, sorcières, etc.

 

             

Chef d'orchestre

 

Adolphe DELOFFRE

Charles-Louis HANSSENS

Adolphe DELOFFRE

Adolphe DELOFFRE

    Albert WOLFF

 

L'action se déroule en Allemagne au XVIe siècle.

 

 

Caroline Miolan-Carvalho (Marguerite) lors de la création [photo coll. Sirot]

 

 

la Nuit de Walpurgis, lors de la création au Théâtre-Lyrique, dessin de Cambon et Thiery

 

 

 

la Nuit de Walpurgis, lors de la création au Théâtre-Lyrique, gravure de l'époque

 

 

 

Première en Allemagne, sous le titre de Margarethe (afin d'éviter une confusion avec la tragédie de Goethe), dans une version de Ferdinand Grumbert, à Darmstadt le 10 février 1861.

 

Première à Bruxelles, au Théâtre Royal de la Monnaie, le 25 février 1861, dans la version originale. Repris le 07 septembre 1862 en grand opéra.

 

Première à Londres, au Théâtre de Leurs Majestés, le 11 juin 1863, en italien, avec Mmes Thérèse TIETJENS (Marguerite), Zélie TREBELLI (Siebel), MM. Antonio GIUGLINI (Faust), Edouard GASSIER (Méphistophélès), Charles SANTLEY (Valentin), puis, au Covent Garden, le 02 juillet 1863, en italien, avec Mme Caroline MIOLAN-CARVALHO (Marguerite), MM. Enrico TAMBERLICK (Faust), Jean-Baptiste FAURE (Méphistophélès).

 

Première à New York, à l'Académie de Musique, le 25 novembre 1863, en italien, avec Mme Clara Louise KELLOGG (Marguerite), MM. Francesco MAZZOLENI (Faust), Hanibal BIACHI (Méphistophélès).

 

 

Première à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 28 juin 1921, le 5e acte seulement, à l'occasion du Gala annuel au bénéfice de la Caisse de retraite.

 

Le Théâtre National de l'Opéra dont la salle était alors fermée par ordre de la défense passive, donna intégralement Faust à la salle Favart le 01 novembre 1939, ainsi que le 11 novembre en matinée lors d'une représentation gratuite uniquement réservée aux militaires.

 

1 représentation à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.

 

 

 

 

affiche de Pierre-Auguste Lamy pour la première de Faust à l'Opéra de Paris (1869)

 

 

 

Première fois au Théâtre de l'Opéra [Académie Impériale de Musique] (salle Le Peletier) le 03 mars 1869, avec, pour la première fois, le ballet « la Nuit de Walpurgis ». Divertissements réglés par Henri Justamant. Décors de Jean-Baptiste Lavastre et Edouard Despléchin (1er tableau de l'acte I, actes II et V), Charles Cambon (2e tableau de l'acte I, acte III, 3e tableau de l'acte IV), Auguste Rubé et Philippe Chaperon (acte IV). Costumes de Paul Lormier.

Tableaux : Acte I, 1er tableau : le cabinet de l'alchimiste ; 2e tableau : la kermesse ; Acte II : le jardin de Marguerite ; Acte III, 1er tableau : la chambre de Marguerite ; 2e tableau : l'église ; 3e tableau : la place publique ; Acte IV, 1er tableau : la nuit de Walpurgis ; 2e tableau : Grotte ; Acte V, 1er tableau : la prison ; 2e tableau : apothéose.

 

 

Edouard Adolphe Colin (Faust) lors de la première à l'Opéra de Paris

 

 

Jean-Baptiste Faure (Méphistophélès) lors de la première à l'Opéra de Paris

 

 

 

décor de l'acte I, 1er tableau : le cabinet de l'alchimiste, pour la première à l'Opéra de Paris

 

 

 

personnages

Opéra de Paris

03 mars 1869*

(première) et 05 mars 1869 (2e)

Opéra de Paris

06 septembre 1869

(50e)

Opéra de Paris

06 septembre 1869

(100e)

Opéra de Paris

06 septembre 1875

(167e) (1re au Palais Garnier)

Opéra de Paris

04 novembre 1887

(500e fêtée)

Opéra de Paris

23 novembre 1887

(500e)

Opéra de Paris

04 décembre 1893

 

Opéra de Paris

14 décembre 1894

(680e) (1.000e à Paris)

Marguerite

Mmes Christine NILSSON

Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO

Mmes Fidès DEVRIÈS

Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO

Mmes Maria LUREAU-ESCALAÏS Mmes Maria LUREAU-ESCALAÏS Mmes Rose CARON Mmes Rose CARON

Siebel

Emma Félicie MAUDUIT

Emma Félicie MAUDUIT

Antoinette ARNAUD

Joséphine DARAM

SAROLTA SAROLTA Pauline AGUSSOL Pauline AGUSSOL

Marthe

Louise Alexandrine DESBORDES

Louise Alexandrine DESBORDE

Louise Alexandrine DESBORDE

Eugénie GEISMAR

Edith PLOUX CANTI Blanche DESCHAMPS-JEHIN Blanche DESCHAMPS-JEHIN

le Docteur Faust

MM. Edouard Adolphe COLIN

MM. Edouard Adolphe COLIN

MM. Jules BOSQUIN

MM. Edmond VERGNET

MM. Jean de RESZKÉ MM. Jean de RESZKÉ MM. Albert ALVAREZ MM. Albert ALVAREZ

Méphistophélès

Jean-Baptiste FAURE

Jean-Baptiste FAURE

Pedro GAILHARD

Pedro GAILHARD

Edouard de RESZKÉ Edouard de RESZKÉ Francisque DELMAS Francisque DELMAS

Valentin

Jules Célestin DEVOYOD

Jules Célestin DEVOYOD

Eugène CARON

Adolphe Théophile MANOURY

Pierre Léon MELCHISSÉDEC Pierre Léon MELCHISSÉDEC Maurice RENAUD Maurice RENAUD

Wagner

GASPARD

GASPARD

GASPARD

GASPARD

Napoléon LAMBERT DES CILLEULS Napoléon LAMBERT DES CILLEULS Charles DOUAILLIER Charles DOUAILLIER

Ballet

Mmes Angelina FIORETTI

Laure FONTA

Eugénie FIOCRE

   

Mmes Laure FONTA

Zina MÉRENTE

MONTAUBRY

Mmes BERNAY

ROUMIER

HIRSCH

Mmes BERNAY

ROUMIER

HIRSCH

 

Mmes HIRSCH

ZAMBELLI

PIODI

Chef d'orchestre

M. Georges HAINL

Georges HAINL

Ernest DELDEVEZ

M. Ernest DELDEVEZ

M. Auguste VIANESI M. Auguste VIANESI Raoul MADIER DE MONTJAU M. Paul TAFFANEL

 

* Danses. 2e tableau : la Kermesse : Valse : Mlles A. Parent, Fatou, Moris, Laurent, Moris 1re, Vitcoq, Simon, Gaugain, Guillemot, Travaillé, Feuillette, Balson, Subra, Desvignes, Josset 1re, Lavigne, Bussy, Lapy, Fléchelle 1re, Moïse, Parent, Moïse 2e, Bellardel, Larrieux, Gabot, Valin, Travaillé 2e, François ; MM. Bertrand, Jules, Roland, Leroy, Galland, Perrot, Garforin, Baptiste, Porcheron, Michaud, Rust, Meunier. Acte IV. Divertissement : Mlles Angelina FIORETTI (Hélène), Laure FONTA (Cléopâtre), Eugénie FIOCRE (Phryné). Les Courtisanes, pas de 1 : Mlles Villiers, Baratte, Mérante, Parent, Morand, Rust, Nini, Salaba, Blanche, Lamy. Les Courtisanes, pas de 19 : Mlles Carabin, Stoïkoff, Montaubry, Parent 2e, Lapy, Allias, Pallier, Bussy, Moïse 1re, Valin, Feuillette, Moïse 2e, Fléchelle, Guénia, Lavigne, Bellardel, Larrieux, Gabot. Esclaves : Mlles Fléchelle 2e, Lasselin, Lévy, Josset, Jousset, Dieudonné, Gilet, Elluin, Travers. Les Troyennes : Mlles Marquet, Hairiveau, Bossi, Fatou, Laurent, Vitcoq, Moris 2e, Simon, Gaugain, Moris 1re, Guillemot, Parent, Balson, Josset, Desvignes, Travaillé 1re, Travaillé 2e, Trabold, Subra.

 

 

Après l'incendie de la salle Le Peletier, Faust fut donné salle Ventadour. C'est là qu’il fut chanté par Adelina PATTI (Marguerite) les 18 et 21 octobre 1874.

 

Au cours d'un Gala, le 30 mai 1875, au profit des œuvres des Pupilles de la Guerre, le 3e acte, la scène de la prison et le trio du 5e acte furent représentés au Palais Garnier dans un décor de Guillaume Tell, ceux de l'Opéra n'étant pas encore prêts, avec Mme Caroline MIOLAN-CARVALHO (Marguerite), MM. Edmond VERGNET (Faust), Pedro GAILHARD (Méphisto) et Adolphe Théophile MANOURY (Valentin), sous la direction de Charles GOUNOD.

 

Au cours d'un Gala, le 03 juillet 1875, au bénéfice des inondés des départements du Midi, le 2e et le 3e actes furent représentés au Palais Garnier avec Mmes Caroline MIOLAN-CARVALHO (Marguerite), Eugénie GEISMAR (Marthe), MM. Edmond VERGNET (Faust), Pedro GAILHARD (Méphisto), Adolphe Théophile MANOURY (Valentin) et GASPARD (Wagner).

 

Faust fit son entrée au Palais Garnier, le 06 septembre 1875, dans une mise en scène de Léon Carvalho, une chorégraphie d'Henri Justamant et des décors de Charles Cambon et Emile Daran (1er et 3e actes), Jean-Baptiste Lavastre et Edouard Despléchin (2e et 5e actes), Auguste Rubé et Philippe Chaperon (4e acte) [1re production au Palais Garnier]. L'œuvre avait été donnée 166 fois à l'Opéra de Paris dans les salles Le Peletier et Ventadour.

 

Elle fut remontée au Palais Garnier, le 04 décembre 1893, dans une mise en scène nouvelle de Lapissida, une chorégraphie de Joseph Hansen et des décors d'Eugène Carpezat (1er acte), Auguste Rubé et Philippe Chaperon (2e et 4e actes), Cornil (3e acte), Eugène Frémont (5e acte) [2e production au Palais Garnier].

 

 

personnages

Opéra de Paris

01 septembre 1900

 

Opéra de Paris

29 septembre 1900*

[2e acte seul]

Opéra de Paris

04 mars 1904**

(1.289e à Paris)

Opéra de Paris

04 avril 1904***

(1.292e à Paris)

Opéra de Paris

27 juillet 1904****

(1.300e à Paris)

Opéra de Paris

28 juillet 1905

(1.000e)

Marguerite

Mmes Aïno ACKTÉ Mmes Aïno ACKTÉ Mmes Marcelle DEMOUGEOT Mmes Andréa DEREIMS Mmes Jeanne LINDSAY Mmes Jeanne LINDSAY

Siebel

NIMIDOFF Pauline AGUSSOL NIMIDOFF NIMIDOFF Jeanne ARALD Marguerite D’ELTY

Marthe

Laure BEAUVAIS Laure BEAUVAIS Laure BEAUVAIS Laure BEAUVAIS Jeanne GOULANCOURT Laure BEAUVAIS

le Docteur Faust

MM. Albert VAGUET MM. Albert VAGUET MM. Albert ALVAREZ MM. Charles ROUSSELIÈRE MM. Agustarello AFFRE MM. Emile SCARAMBERG

Méphistophélès

René Antoine FOURNETS Francisque DELMAS Francisque DELMAS André GRESSE André GRESSE André GRESSE

Valentin

Jean BARTET   Jean BARTET Pierre Etienne TRIADOU Jean BARTET Pierre Etienne TRIADOU

Wagner

CANCELIER   CANCELIER CANCELIER CANCELIER CANCELIER

Ballet

Mmes DESIRE

REGNIER

VIOLLAT

 

Mmes HIRSCH

LOBSTEIN

VIOLLAT

Mmes PIODI

H. RÉGNIER

VIOLLAT

Mmes HIRSCH

LOBSTEIN

H. RÉGNIER

Mmes VIOLLAT

BARBIER

ROUMIER

Chef d'orchestre

          M. Paul VIDAL

 

* 2e acte donné lors de la soirée de gala du Congrès international des Chemins de fer.

** Divertissement : Mlles HIRSCH, LOBSTEIN, VIOLLAT, SALLE, L. MANTE, Vangoethen, H. Régnier, Beauvais, G. Couat, Barbier, Meunier, Billon, Mouret, Parent, L. Couat, Mestais, Boos, S. Mante, Dockes, Bouissavin, Souplet, Rouvier, V. Hugon, Moormans, Sirède.

*** Divertissement : Mlle PIODI. Mlles H. REGNIER, VIOLLAT, SALLE, L. MANTE. Mlles Beauvais, G. Couat, Barbier, Meunier, Billon, Mouret, Parent, Mestais, L. Couat, Boos, S. Mante, Dockes, Bouissavin, Souplet, Klein, Guillemin, Rouvier, V. Hugon, Moormans, Sirède.

**** Divertissement : Mlles HIRSCH, LOBSTEIN, H. RÉGNIER, SALLE, L. MANTE, Vangoethen, Beauvais, G. Couat, Barbier, Meunier, Billon, Mouret, Parent, Mestais, L. Couat, Boos, S. Mante, Dockes, Bouissavin, Souplet, Klein, Rouvier, V. Hugon, Moormans, Sirède.

 

 

personnages

Opéra de Paris

09 août 1905

*

Opéra de Paris

08 décembre 1905

**

Opéra de Paris

25 janvier 1908

 

Opéra de Paris

17 février 1908

***

Opéra de Paris

06 mars 1908

 

Opéra de Paris

24 février 1909

 

Opéra de Paris

19 mars 1909

(1.114e)

Opéra de Paris

16 juin 1909

****

Opéra de Paris

11 décembre 1909

*****

Marguerite

Mmes Marcelle DEMOUGEOT Mmes Jeanne LINDSAY Mmes Jeanne HATTO Mmes Maria KOUSNETZOFF Mmes Yvonne GALL Mmes Yvonne GALL Mmes Zina BROZIA Mmes Marcelle DEMOUGEOT Mmes Jeanne HENRIQUEZ

Siebel

Antoinette LAUTE-BRUN Marguerite D’ELTY Nelly MARTYL Nelly MARTYL Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES

Marthe

Laure BEAUVAIS Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT

le Docteur Faust

MM. Emile SCARAMBERG MM. Agustarello AFFRE MM. Lucien MURATORE MM. Lucien MURATORE MM. Lucien MURATORE MM. Ivan ALTCHEVSKY MM. Lucien MURATORE MM. Lucien MURATORE MM. Lucien MURATORE

Méphistophélès

André GRESSE Francisque DELMAS Francisque DELMAS Francisque DELMAS André GRESSE Marcel JOURNET Marcel JOURNET André GRESSE VANNI-MARCOUX

Valentin

Pierre Etienne TRIADOU Jean BARTET Henri DANGÈS Henri DANGÈS Henri DANGÈS Marcellin DUCLOS Marcellin DUCLOS Henri DANGÈS Léonce TEISSIÉ

Wagner

CANCELIER CANCELIER Henri LEQUIEN Henri LEQUIEN Henri LEQUIEN Louis Hippolyte CHAPPELON Louis Hippolyte CHAPPELON Louis Hippolyte CHAPPELON Joachim CERDAN

Ballet

Mmes BEAUVAIS

Georgette COUAT

MEUNIER

Mmes BEAUVAIS

BARBIER

KLEIN

Mmes ZAMBELLI

BARBIER

URBAN

Mmes ZAMBELLI

BONI

JOHNSSON

Mmes Aïda BONI

BARBIER

URBAN

 

Mmes Aïda BONI

BARBIER

Léa PIRON

Mmes Aïda BONI

BARBIER

URBAN

Mmes Aïda BONI

BARBIER

LAUGIER

Chef d'orchestre

M. Edouard MANGIN M. Edouard MANGIN M. Paul VIDAL M. Henri BÜSSER M. Henri BÜSSER   M. Alfred BACHELET M. Paul VIDAL M. Paul VIDAL

 

* Divertissement : Mlles BEAUVAIS, G. COUAT, MEUNIER, SALLE, NICLOUX, Barbier, Billon, L. Couat, Urban, Dockes, Mouret, Parent, Demaulde, Coudaire, Boos, Mestais, B. Mante, V. Hugon, Vinchelin, Johnsson, Louppe, Perroni, Sirède, P. Régnier.

** Divertissement : Mlles BEAUVAIS, BARBIER, KLEIN, SALLE, L. MANTE, G. Couat, Meunier, Billon, L. Couat, Rouvier, Urban, Dockes, Bouissavin, Guillemin, Demaulde, Mouret, Parent, Coudaire, Boos, Didier, Mestais, S. Mante, B. Mante, V. Hugon.

*** Divertissement : Mlles ZAMBELLI, Aïda BONI, JOHNSSON, SALLE, L. MANTE, G. Couat, Barbier, Meunier, Billon, L. Couat, Dockès, Guillemin, Demaulde, Mouret, S. Mante, L. Piron, Sirède, B. Mante, Lozeron, Keller, De Moreira. MM. Cléret, Albert Aveline.

**** Costumes exécutés par la maison Muelle. Divertissement : Mlles Aïda BONI, BARBIER, URBAN, L. MANTE, L. PIRON, Meunier, Billon, Johnsson, L. Couat, De Moreira, H. Laugier, Cochin, Sirède, B. Marie, Dockès, Guillemin, Didier, Mouret, B. Mante, S. Mante, S. Kubler, Y. André. MM. Cléret, Milhet.

***** Costumes exécutés par la maison Muelle. Fleurs de la maison Javey. Divertissement : Mlles Aïda BONI, BARBIER, H. LAUGIER, L. PIRON, SIRÈDE, Billon, Johnsson, Urban, De Moreira, Cochin, Lozeron, Schwarz, Dockès, Guillemin, Brémont, Mouret, M. Lequien, B. Mante, S. Mante, S. Kubler, J. Laugier, B. Kerval. MM. Milhet, Thomas.

 

 

 

décor de l'acte II (le Jardin) par Eugène Simas pour la reprise du 25 janvier 1908 [photo Paul Boyer et Bert]

 

 

Pour l'inauguration de leur direction, MM. Broussan et Messager présentèrent Faust, le 25 janvier 1908, dans de nouveaux décors d'Eugène Carpezat (1er tableau de l'acte I, 2e tableau de l'acte III), Amable et Henri Cioccari (2e tableau de l'acte I, 1er tableau de l'acte III), Eugène Simas (acte II), Marcel Jambon et Alexandre Bailly (3e tableau de l'acte III), Ronsin (1er et 2e tableaux de l'acte IV, 1er et 2e tableaux de l'acte V). Costumes de Joseph Pinchon. Mise en scène de Paul Stuart. Chorégraphie de Léo Staats [3e production au Palais Garnier].

 

Le 19 mars 1909, on donnait Faust en Gala pour fêter le cinquantenaire de sa création au Théâtre-Lyrique.

 

Le 19 juin 1910, au cours d'un gala, le tableau de la Prison fut donné avec Mme Geraldine FARRAR (Marguerite), MM. Enrico CARUSO (Faust), Andrès de SEGUROLA (Méphistophélès), sous la direction de Vittorio PODESTI.

 

 

personnages

Opéra de Paris

04 février 1911

(1.159e)

Opéra de Paris

04 mars 1912

 

Opéra de Paris

06 janvier 1913

(1.206e)

Opéra de Paris

01 juin 1914

(1.240e)

Opéra de Paris

31 juillet 1914*

(1.245e)

Opéra de Paris

29 avril 1915

[Trocadéro] (1.247e)

Opéra de Paris

16 janvier 1916

[3e acte seul]

Opéra de Paris

06 février 1916

[3e acte seul]

Opéra de Paris

24 avril 1916

(1.252e)

Marguerite

Mmes Marie de ALEXANDROWICZ Mmes Yvonne GALL Mmes Jeanne CAMPREDON Mmes Madeleine BUGG Mmes Madeleine BUGG Mmes Madeleine BUGG Mmes Yvonne GALL Mmes Madeleine BUGG Mmes Marie-Louise EDVINA

Siebel

Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES

Marthe

Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Jeanne GOULANCOURT Henriette DOYEN Marie BONNET-BARON Marie BONNET-BARON Marie BONNET-BARON

le Docteur Faust

MM. Armenag SHAH-MOURADIAN MM. Robert LASSALLE MM. Ivan ALTCHEVSKY MM. Lucien MURATORE MM. Robert LASSALLE MM. Léon LAFFITTE MM. Léon LAFFITTE MM. Léon LAFFITTE MM. Franz GAUTIER

Méphistophélès

Francisque DELMAS Robert MARVINI André GRESSE Marcel JOURNET Joachim CERDAN André GRESSE André GRESSE André GRESSE André GRESSE

Valentin

Marcellin DUCLOS Henri DANGÈS ROSELLY Robert COUZINOU Yves NOËL Louis LESTELLY     Robert COUZINOU

Wagner

    Louis Hippolyte CHAPPELON Louis Hippolyte CHAPPELON Louis Hippolyte CHAPPELON Louis Hippolyte CHAPPELON     Léon ERNST

Ballet

Mme MEUNIER

 

 

Mme MEUNIER

 

 

Mmes URBAN

SCHWARZ

LEQUIEN

Mmes SCHWARZ

LEQUIEN

BOS

Mmes SCHWARZ

G. FRANCK

EVEN

Mmes JOHNSSON

BARBIER

SCHWARZ

   

Mmes JOHNSSON

SCHWARZ

VALSI

Chef d'orchestre

          M. Henri BÜSSER     M. Henri BÜSSER

 

* D'après le Journal de l'Opéra, la représentation n'a pas eu lieu.

 

 

Le Palais Garnier ayant été fermé au moment des hostilités en 1914, Faust fut représenté par l'Opéra dans la salle du Trocadéro, le 11 mars 1915 (2e acte seul), puis le 29 avril 1915. La reprise intégrale au Palais Garnier eut lieu le 24 avril 1916. Par la suite, Faust fut donné de façon constante et régulière.

 

 

personnages

Opéra de Paris

08 mars 1919

(1.300e)

Opéra de Paris

21 juin 1919*

(1.522e à Paris)

Opéra de Paris

05 septembre 1919**

(1.528e à Paris)

Opéra de Paris

12 décembre 1920

(1.346e)

Opéra de Paris

26 mars 1922

(1.400e)

Opéra de Paris

25 novembre 1923

(1.442e)

Opéra de Paris

18 mai 1924

(1.456e)

Opéra de Paris

29 mars 1925

(1.500e fêtée)

Opéra de Paris

30 mai 1925

(1.495e)

Opéra de Paris

13 février 1926

 

Marguerite

Mmes Madeleine BUGG Mmes Germaine LUBIN Mmes Madeleine BUGG Mmes Raymonde VISCONTI Mmes Jane CROS Mmes Jane CROS Mmes Yvonne GALL Mmes Jeanne LAVAL Mmes Marguerite MONSY-FRANZ Mmes Maryse BEAUJON

Siebel

Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Antoinette LAUTE-BRUN Léonie COURBIÈRES Léonie COURBIÈRES Madeleine LALANDE Madeleine LALANDE Madeleine LALANDE Madeleine LALANDE Madeleine LALANDE

Marthe

Marie BONNET-BARON Marie BONNET-BARON BARDOT Ketty LAPEYRETTE Jeanne MONTFORT Germaine COSSINI Jeanne MONTFORT Germaine COSSINI Georgette FROZIER-MARROT Jeanne MONTFORT

le Docteur Faust

MM. Paul FRANZ MM. Léon LAFFITTE MM. John O'SULLIVAN MM. Paul GOFFIN MM. SORIA MM. Antonin TRANTOUL MM. Antonin TRANTOUL MM. Antonin TRANTOUL MM. Antonin TRANTOUL MM. Edmond RAMBAUD

Méphistophélès

VANNI-MARCOUX Marcel JOURNET Marcel JOURNET Joachim CERDAN André GRESSE Jean AQUISTAPACE VANNI-MARCOUX André GRESSE André GRESSE Fred BORDON

Valentin

Yves NOËL Yves NOËL Yves NOËL   Léonce TEISSIÉ Léonce TEISSIÉ Robert COUZINOU Jean MAURAN Jean MAURAN Jean MAURAN

Wagner

Léon ERNST DRUINE Michel EZANNO   Michel EZANNO Léon ERNST Léon ERNST Léon ERNST Léon ERNST Léon ERNST

Ballet

Mmes Jeanne SCHWARZ

Camille BOS

G. FRANCK

Mmes Jeanne SCHWARZ

Jeanne LAUGIER

G. FRANCK

Mmes Jeanne SCHWARZ

VALSI

DUPRÉ

Mmes Jeanne DUMAS

SCHWARZ

Camille BOS

Mmes Camille BOS

ROUSSEAU

CRAPONNE

Mmes SCHWARZ

DAMAZIO

CRAPONNE

Mmes SCHWARZ

ROSELLY

LORCIA

Mmes CRAPONNE

DAMAZIO

DELSAUX

Mmes Camille BOS

DAMAZIO

DELSAUX

Mmes de CRAPONNE

LORCIA

DELSAUX

ROUSSEAU

Chef d'orchestre

M. Henri BÜSSER M. Henri BÜSSER M. Alfred BACHELET M. Philippe GAUBERT M. Henri BÜSSER M. Gabriel GROVLEZ M. Henri BÜSSER M. Henri BÜSSER M. Gabriel GROVLEZ M. Henri BÜSSER

 

* Divertissement : Mlles Schwarz, J. Laugier, G. Franck, Y. Franck, S. Kubler ; Mlles Guillemin, Valsi, Dupré, H. Dauwe, Milhet, Brana, Sauvageau, Garnier, Marcelle, De Craponne, S. Dauwe, Léonce, Cébron, Delord, Tersen, Tervoort, J.-J. Moncey ; MM. Férouelle, Even, J. Javon.

** Divertissement : Mlles Schwarz, Valsi, Dupré, Y. Daunt, S. Kubler ; Mlles Guillemin, Dupré, H. Dauwe, Soutzo, Brana, Maupoix, Garnier, S. Mante, De Craponne, S. Dauwe, Léonce, Cébron, Delord, Tersen, Tervoort, Emonnet, E. Kubler ; MM. Férouelle, Marionno, J. Javon.

 

 

personnages

Opéra de Paris

13 décembre 1926

(1.768e)

Opéra de Paris

27 août 1927

(1.794e)

Opéra de Paris

05 novembre 1927

(1.600e)

Opéra de Paris

27 septembre 1928

(1.834e)

Opéra de Paris

13 septembre 1930

(1.700e)

Opéra de Paris

22 janvier 1932

(version originale)

Opéra de Paris

08 octobre 1932

(1.954e)

Opéra de Paris

18 février 1933*

(1.960e)

Opéra de Paris

19 mai 1934**

(1.987e)

Opéra de Paris

23 juillet 1934

(1.800e)

Marguerite

Mmes Maryse BEAUJON Mmes Marthe NESPOULOUS Mmes Marthe NESPOULOUS Mmes Lucienne DE MÉO Mmes Mireille BERTHON Mmes Mignon NEVADA Mmes Yvonne GALL Mmes Suzanne BALGUERIE Mmes Germaine HOERNER Mmes Milly MORÈRE

Siebel

Madeleine LALANDE Yvonne GERVAIS Yvonne GERVAIS Yvonne GERVAIS Madeleine LALANDE Yvonne GERVAIS Yvonne GERVAIS Renée MAHÉ Renée MAHÉ Yvonne GERVAIS

Marthe

Georgette FROZIER-MARROT Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT Claudine CASTELAIN Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT

le Docteur Faust

MM. Georges THILL MM. Georges THILL MM. Georges THILL MM. Franz KAISIN MM. Paul-Henry VERGNES MM. Miguel VILLABELLA MM. Miguel VILLABELLA MM. Paul-Henry VERGNES MM. Miguel VILLABELLA MM. Miguel VILLABELLA

Méphistophélès

Marcel JOURNET Henry PEYRE Marcel JOURNET Jean CLAVERIE Fred BORDON André PERNET André PERNET Fred BORDON André PERNET Fred BORDON

Valentin

Marcellin DUCLOS Robert COUZINOU Jean MAURAN Paul LANTÉRI Charles CAMBON Martial SINGHER Charles CAMBON Charles CAMBON Charles CAMBON Charles CAMBON

Wagner

Robert LUBIN Charles GUYARD Robert LUBIN Léon ERNST Louis NÈGRE Armand NARÇON Jules FOREST Léon ERNST Léon ERNST Léon ERNST

3 Etudiants

 

       

Edouard MADLEN

BOINEAU

Jules FOREST

   

 

 

Ballet

Mmes SCHWARZ

LORCIA

DELSAUX

BARBAN

Mmes Mady PIEROZZI

DAMAZIO

Yvonne FRANCK

ELLANSKAIA

Mmes Camille BOS

LORCIA

ELLANSKAIA

Mmes de CRAPONNE

SIMONI

LAMBALLE

Mmes LAMBALLE

BARBAN

SIMONI

 

Mmes LAMBALLE

CÉRÈS

SIMONI

Mmes LORCIA

LAMBALLE

SIMONI

Mmes LAMBALLE

DIDION

BINOIS

Mmes Camille BOS

LAMBALLE

DIDION

Chef d'orchestre

M. Gabriel GROVLEZ M. Gabriel GROVLEZ M. Henri BÜSSER M. Gabriel GROVLEZ M. Gabriel GROVLEZ Henri BÜSSER M. Gabriel GROVLEZ M. Gabriel GROVLEZ M. Philippe GAUBERT M. Henri BÜSSER

 

* Divertissement : Mlles LORCIA, LAMBALLE, SIMONI, BINOIS, VALSI, Hughetti, Didion, Damazio, Sarabelle, Grellier, Bonnet, Parme, Legrand, Subra, Thuillant, Binder, Lopez, Colliard.

** Divertissement : Mlles LAMBALLE, SIMONI, DIDION, BINOIS, GRELLIER, Hughetti, Damazio, Lopez, Dynalix, Kergrist, Subra, Binder, Colliard, Thuillant, Sertelon, Decarli, Grimberg, Guillot, Janine, Chauviré. M. Pelletier.

 

 

Le 22 janvier 1932, l'œuvre était présentée dans sa version originale avec les dialogues parlés, celle de la création au Théâtre-Lyrique, en 1859, dans une mise en scène de Jacques Rouché, et sans ballet. Cette version ne fut donnée que 4 fois ; dès le 27 février, Faust réapparaissait tel qu'il fut créé à l'Opéra.

 

 

personnages

Opéra de Paris

31 décembre 1934*

(1.809e) (2.000e à Paris fêtée) et 02 janvier 1935 (2.000e B)

Opéra de Paris

16 mars 1935**

(2.006e)

Opéra de Paris

08 février 1936***

(2.025e à Paris)

Opéra de Paris

02 octobre 1936

[Théâtre Sarah-Bernhardt]

(2.033e à Paris)

Opéra de Paris

21 septembre 1938

(2.079e à Paris)

Opéra de Paris

25 mars 1939

(1.900e)

Opéra de Paris

01 novembre 1939

[salle Favart] (1.913e)

Opéra de Paris

11 novembre 1939

[salle Favart] (1.914e)

Opéra de Paris

16 juin 1941

(2.136e à Paris)

Opéra de Paris

11 février 1944

(2.000e)

Marguerite

Mmes Yvonne GALL Mmes Yvonne GALL Mmes Fanny HELDY Mmes Milly MORÈRE Mmes Solange BONNI-PELLIEUX Mmes Germaine HOERNER Mmes Germaine HOERNER Mmes Eliane CARRIER Mmes Germaine HOERNER

Mmes BOUÉ

SEGALA

HOERNER

Siebel

Marisa FERRER Odette RENAUDIN Renée MAHÉ Renée MAHÉ Renée MAHÉ Renée MAHÉ Huguette SAINT-ARNAUD Huguette SAINT-ARNAUD Huguette SAINT-ARNAUD

SAINT-ARNAUD

Raymonde MONDA-MILLION

Marthe

Ketty LAPEYRETTE Ketty LAPEYRETTE Jeanne MONTFORT Jeanne MONTFORT Antoinette DUVAL Antoinette COUVIDOUX Ketty LAPEYRETTE Antoinette COUVIDOUX Jeanne MONTFORT

Hélène BOUVIER

le Docteur Faust

MM. Georges THILL MM. Miguel VILLABELLA MM. Georges JOUATTE MM. Georges JOUATTE MM. Georges JOUATTE MM. Camille ROUQUETTY MM. Georges JOUATTE MM. Raoul GOURGUES MM. Camille ROUQUETTY

MM. JOUATTE

NORÉ

RAMBAUD

ROUQUETTY

Méphistophélès

André PERNET André PERNET André PERNET André PERNET Henry-Bertrand ETCHEVERRY Roger RICO José BECKMANS José BECKMANS Paul CABANEL

CABANEL

ETCHEVERRY

BECKMANS

CLAVERIE

Pierre FROUMENTY

Valentin

Edouard ROUARD Charles CAMBON Arthur ENDRÈZE Charles CAMBON Marcel CLAVÈRE Martial SINGHER Arthur ENDRÈZE Charles CAMBON CHARLES-PAUL

Pierre NOUGARO

CAMBON

Wagner

Armand NARÇON Armand NARÇON Louis NOGUERA Louis NOGUERA Louis NOGUERA Jules FOREST   Léon ERNST Louis NOGUERA

André PHILIPPE

Ballet

Mmes Camille BOS

LORCIA

LAMBALLE

Mmes Camille BOS

LORCIA

SIMONI

Mmes LAMBALLE

SIMONI

HUGHETTI

Mmes LAMBALLE

SIMONI

BARBAN

BINOIS

GRELLIER

Mmes CHAUVIRÉ

DYNALIX

GRELLIER

BINOIS

Mmes Solange SCHWARZ

LAMBALLE

SIMONI

 

Mmes LAMBALLE

BARBAN

DYNALIX

 

Mmes CHAUVIRÉ

DYNALIX

BINOIS

Chef d'orchestre

M. Philippe GAUBERT M. François RÜHLMANN M. François RÜHLMANN M. Paul PARAY M. Louis FOURESTIER M. Louis FOURESTIER Louis FOURESTIER M. Louis FOURESTIER François RÜHLMANN

MM. RÜHLMANN

FOURESTIER

 

* Divertissement : Mlles Camille BOS, LORCIA, LAMBALLE, BINOIS, GRELLIER, Simoni, Hughetti, Barban, Didion, Damazio, Lopez, Kergrist, Subra, Binder, Colliard, Thuillant, Sertelon. MM. Sauvageau, Domansky, Ponti, Pelletier.

Au 2e tableau, les Vieillards : MM. CHASTENET, FABERT, GILLES, LE CLEZIO, LUCCIONI, MADLEN, RAMBAUD, DE TREVI, VILLABELLA, WARNERY et Messieurs les Ténors du cadre des Chœurs.

Au 6e tableau, les Soldats : Ténors : MM. CHASTENET, FABERT, GILLES, LE CLEZIO, LUCCIONI, MADLEN, RAMBAUD, DE TREVI, VILLABELLA, WARNERY ; Barytons et Basses : MM. CABANEL, CAMBON, CLAVERIE, DUCLOS, ERNST, ERCHEVERRY, FOREST, FROUMENTY, MEDUS, MOROT, PACTAT, PONZIO, Martial SINGHER et Messieurs les Artistes des Chœurs, Ténors et Basses.

Au 8e tableau, les Courtisanes (Chanteuses) : Mmes ALMONA, BACHILLAT, BRANCA, Georgette CARO, COURTIN, Solange DELMAS, DONIAU-BLANC, Y. GERVAIS, HAMY, HOLLEY, HOLNAY, LALANDE, LAVAL, MAHE, MAHIEU, MARILLIET, MONTFORT, MORERE, NATHAN, RENAUDIN, RICQUIER, SCHENNEBERG, Arvez VERNET, VIAL et Mesdames les Artistes des Chœurs.

Après Faust fut donné un Hommage à Charles Gounod par tous les Artistes de l'Opéra, puis l'exécution du Judex de Mors et Vita de Gounod.

** Divertissement : Mlles BOS, LORCIA, SIMONI, BINOIS, GRELLIER, Hughetti, Barban, Didion, Damazio, Lopez, Kergrist, Subra, Binder, Colliard, Thuillant, Sertelon. MM. Sauvageau, Domansky, Ponti, Pelletier.

*** Divertissement : Mlles LAMBALLE, SIMONI, HUGHETTI, BINOIS, GRELLIER, Barban, Didion, Damazio, Lopez, Dynalix, Kergrist, Chauviré, Janine, Guillot, Decarli, Colliard, Sertelon, Thuillant, Darsonval, Dalloz. MM. Sauvageau, Domansky, Ponti, Pelletier.

 

 

 

 

La 2.000e à Paris fut fêtée le 31 décembre 1934 (c'était la 1.809e à l'Opéra), au cours d'un Gala particulièrement somptueux donné en présence d'Albert Lebrun, président de la République, et retransmis sur les antennes de Radio-Paris. De nombreux artistes de premier plan se mêlaient aux choristes. Le tableau de la chambre de Marguerite du 4e acte était rétabli pour quelques représentations. Mise en scène de Pierre Chereau ; décors de 1908 reconstitués par Pierre Moulène ; projections d'Ernest Klausz pour la Nuit de Walpurgis et l'Apothéose de Marguerite ; chorégraphie de Léo Staats [4e production au Palais Garnier].

 

Faust est donné par l'Opéra de Paris au Théâtre des Champs-Elysées en 1936 et 1937.

 

En 1939, le Palais Garnier fut à nouveau fermé au début des hostilités, mais l'Opéra donna le 1er et le 11 novembre deux représentations de Faust à la salle Favart, la seconde gratuite en matinée, uniquement réservée aux militaires.

 

La 2.000e à l'Opéra, le 11 février 1944, donna lieu à une distribution multiple, modifiée à chaque tableau.

 

 

personnages

Opéra de Paris

17 mars 1947*

(2.233e à Paris)

Opéra de Paris

25 avril 1947

(2.236e à Paris)

Opéra de Paris

28 mai 1949

(2.100e)

Opéra de Paris

14 décembre 1950**

(2.313e à Paris)

Opéra de Paris

28 janvier 1951

 

Opéra de Paris

17 février 1952

 

Opéra de Paris

16 juin 1952

(2.136e)

Opéra de Paris

05 avril 1954

(2.200e)

Opéra de Paris

13 septembre 1954

 

Opéra de Paris

01 janvier 1955

(2.221e)

Marguerite

Mmes Solange BONNI-PELLIEUX Mmes Geori BOUÉ Mmes Geori BOUÉ Mmes Jacqueline BRUMAIRE Mmes Jeanne SEGALA Mmes Geori BOUÉ Mmes Germaine HOERNER Mmes Jeanne SEGALA Mmes Jacqueline BRUMAIRE Mmes Jacqueline BRUMAIRE

Siebel

Huguette SAINT-ARNAUD Huguette SAINT-ARNAUD Huguette SAINT-ARNAUD Ginette GAUDINEAU Ginette GAUDINEAU Marie-Louise LE CLERE Huguette SAINT-ARNAUD Marie-Louise LE CLERE Marie-Louise LE CLERE Liliane BERTON

Marthe

Odette RICQUIER Odette RICQUIER Odette RICQUIER Madeleine MATHIEU Odette RICQUIER Odette RICQUIER Jeanne MONTFORT Geneviève SERRES Geneviève SERRES Geneviève SERRES

le Docteur Faust

MM. Raphaël ROMAGNONI MM. Raphaël ROMAGNONI MM. Raphaël ROMAGNONI MM. Georges NORÉ MM. Raphaël ROMAGNONI MM. Georges NORÉ MM. Camille ROUQUETTY MM. Georges NORÉ MM. Giuseppe DI STEFANO MM. Georges NORÉ

Méphistophélès

Roger RICO Roger RICO Henry-Bertrand ETCHEVERRY Roger RICO André HUC-SANTANA André HUC-SANTANA Paul CABANEL Georges VAILLANT Pierre SAVIGNOL Raphaël ARIÉ

Valentin

CHARLES-PAUL Marcel CLAVÈRE René BIANCO Charles CAMBON Marcel CLAVÈRE Marcel CLAVÈRE CHARLES-PAUL Robert MASSARD Robert MASSARD Robert MASSARD

Wagner

Jean PETITPAS André PHILIPPE Jean PETITPAS André PHILIPPE Michel FOREL Jean PETITPAS Louis NOGUERA Charles SOIX   Charles SOIX

Ballet

Mmes BARDIN

DYNALIX

LAFON

 

Mmes BARDIN

MOREAU

BOURGEOIS

Mmes BARDIN

MOREAU

BOURGEOIS

Mmes BARDIN

MOREAU

DYNALIX

   

Mmes LAFON

DYNALIX

CLAVIER

 

Mmes BARDIN

DYNALIX

AMIEL

Chef d'orchestre

M. Robert BLOT   M. Robert BLOT M. Robert BLOT M. Robert BLOT   François RÜHLMANN M. Robert BLOT Pierre DERVAUX M. Louis FOURESTIER

 

* Divertissement : Mlles Bardin, Dynalix, Lafon, Gerodez, Rigel - Mlles Moreau, Bourgeois, Guillot, Sianina, Deleplanque, Thalia - Mlles Claude, Sylva, Devanel, Naud, Carlsen, Amyl, Quenolle, Depalle, Bertheas, Perrot, Darlanne, Montbazon, Clerambault, Bertagnol, Le Roy, Even, Leblanc, Amigues, Delini, David, Bessy, Foret, Baydarova, Grimoin, Chambray ; MM. Loinard, Romand, Jamet, Lefevre, Xavier Andréani, Lacotte, Haemmerer, Parres.

 

** Au profit des Mutuelles du Théâtre National de l'Opéra.

 

 

personnages

Opéra de Paris

13 avril 1956

(2.241e)

Opéra de Paris

19 mai 1956

 

Opéra de Paris

10 novembre 1956

 

Opéra de Paris

28 avril 1957*

(2.261e)

Opéra de Paris

29 septembre 1957

 

Opéra de Paris

28 octobre 1957

 

Opéra de Paris

07 décembre 1957

 

Opéra de Paris

27 janvier 1958

(2.300e)

Opéra de Paris

01 novembre 1958

(2.301e)

Marguerite

Mmes Geori BOUÉ Mmes Lyne CUMIA Mmes Lyne CUMIA Mmes Lyne CUMIA Mmes Lyne CUMIA Mmes Lyne CUMIA Mmes Christiane CASTELLI Mmes Jeanne SEGALA Mmes Jacqueline BRUMAIRE

Siebel

Andrée GABRIEL Christiane HARBELL Georgette SPANELLYS Georgette SPANELLYS Léna PASTOR Georgette SPANELLYS Léna PASTOR Léna PASTOR Georgette SPANELLYS

Marthe

Solange MICHEL Solange MICHEL Geneviève SERRES Suzanne DARBANS       Geneviève SERRES Solange MICHEL

le Docteur Faust

MM. Georges NORÉ MM. Georges NORÉ MM. Raphaël ROMAGNONI MM. Albert LANCE MM. Georges NORÉ MM. Georges NORÉ MM. Albert LANCE MM. Albert LANCE MM. Paul FINEL

Méphistophélès

Xavier DEPRAZ Xavier DEPRAZ Georges VAILLANT André HUC-SANTANA Pierre SAVIGNOL Pierre SAVIGNOL Pierre SAVIGNOL Pierre SAVIGNOL Georges VAILLANT

Valentin

Ernest BLANC Ernest BLANC Ernest BLANC Ernest BLANC Ernest BLANC Robert MASSARD Jean BORTHAYRE Jean-Pierre LAFFAGE Jean BORTHAYRE

Wagner

Georges ALVÈS André PHILIPPE André PHILIPPE André PHILIPPE       Michel FOREL Michel FOREL

Ballet

Mmes VAUSSARD

BESSY

GRIMOIN

Mmes VAUSSARD

BESSY

GRIMOIN

 

Mmes BESSY

RAYET

AMIEL

     

Mmes AMIEL

RAYET

MOTTE

Mmes GRIMOIN

RAYET

MOTTE

Chef d'orchestre

M. Louis FOURESTIER M. Louis FOURESTIER   M. Pierre DERVAUX Pierre DERVAUX Pierre DERVAUX Pierre DERVAUX M. Pierre DERVAUX M. Louis FOURESTIER

 

* Divertissement : Mlles Claude BESSY, Jacqueline RAYET, Josette AMIEL, EVEN, LE ROY, VAUCHELLE, AUDOYNOD, SERVAL, BERTAGNOL, BERTHEAS, MILLION, BIANCHI, Garry, Davry, Naud, Manal, Bassi, Souard, Delaubier, Javillard, Montbazon, Delini, Foret, Mons, Jouachim, Mallarte, Oudart, Guillee, Brenot, Palkina, Pernel, Minnazoli. MM. Labis, Sarelli, Reschal, Mallarte, Rousselle, Romand, Loinard.

 

 

L'ouvrage fut remonté le 13 avril 1956, présenté en 4 actes (la Kermesse devant le 2e tableau de l'acte I), mise en scène de Max de Rieux, décors et costumes d'après les maquettes de Georges Wakhevitch, décors exécutés par Maurice Moulène, chorégraphie d’Albert Aveline [5e production au Palais Garnier].

 

=> Nouvelle présentation de Faust à l'Opéra de Paris

 

 

personnages

Opéra de Paris

10 février 1958

 

Opéra de Paris

11 mai 1958

 

Opéra de Paris

13 septembre 1958

 

Opéra de Paris

28 septembre 1958

 

Opéra de Paris

23 mars 1959

(2.336e)

Opéra de Paris

27 février 1960

 

Opéra de Paris

27 octobre 1961

[3e acte seul]

Opéra de Paris

25 mars 1962

(2.400e)

Opéra de Paris

07 mars 1965

 

Opéra de Paris

03 avril 1965

 

Marguerite

Mmes Berthe MONMART Mmes Jeanne SEGALA Mmes Denise MONTEIL Mmes Jacqueline BRUMAIRE

Mmes Jacqueline BRUMAIRE

Lyne CUMIA

Jeanne SEGALA

Mmes Lyne CUMIA Mmes Denise MONTEIL Mmes Michèle LE BRIS Mmes Christiane CASTELLI Mmes Andréa GUIOT

Siebel

Georgette SPANELLYS Edmée SABRAN    

Georgette SPANELLYS

Léna PASTOR

Léna PASTOR Christiane HARBELL Georgette SPANELLYS Jane BERBIÉ Jane BERBIÉ

Marthe

  Geneviève SERRES Geneviève SERRES Geneviève SERRES

Solange MICHEL

Inès CHABAL   Jeannine FOURRIER Geneviève SERRES Geneviève SERRES

le Docteur Faust

MM. Albert LANCE MM. Albert LANCE MM. Paul FINEL MM. Albert LANCE

MM. Paul FINEL

Albert LANCE

Georges NORÉ

MM. Paul FINEL   MM. Robert GOUTTEBROZE MM. Alain VANZO MM. Alain VANZO

Méphistophélès

Pierre SAVIGNOL Pierre SAVIGNOL Pierre SAVIGNOL Pierre SAVIGNOL

Georges VAILLANT

Pierre SAVIGNOL

Pierre SAVIGNOL MM. Guy CHAUVET Gérard SERKOYAN Xavier DEPRAZ Robert GEAY

Valentin

Ernest BLANC Robert MASSARD Jean BORTHAYRE Jean BORTHAYRE

Gabriel BACQUIER

Antoine GRIFFONI Gérard SERKOYAN José FAGIANELLI Julien HAAS Robert MASSARD

Wagner

  Jean-Pierre HURTEAU Jean-Pierre HURTEAU Jean-Pierre HURTEAU

Jean-Pierre HURTEAU

  Gabriel BACQUIER José VAN DAM José VAN DAM Pierre THAU

Ballet

       

Mmes VAUSSARD, LAFON, AMIEL, LEROY, BERTHEAS

 

 

Mmes COLLEMENT

VLASSI

EVEN

 

 

Chef d'orchestre

Pierre DERVAUX Pierre DERVAUX Louis FOURESTIER Louis FOURESTIER

M. Louis FOURESTIER

Pierre DERVAUX Robert BLOT M. Louis FORESTIER    

 

 

Le Centenaire de la création a été fêté le 23 mars 1959 (2.336e) à l'Opéra avec une distribution multiple variant à chaque tableau : tableaux du Laboratoire et de la Kermesse : Mmes Brumaire, Spanellys, MM. Finel, Vaillant, Bacquier, Hurteau ; tableau du Jardin : Mmes Brumaire, Spanellys, Michel, MM. Lance, Savignol ; tableau de l'Eglise : Mme Cumia, M. Savignol ; tableau du Retour des soldats : Mmes Cumia, Pastor, MM. Noré, Vaillant, Bacquier ; tableaux de Walpurgis et de la Prison : Mme Ségala, MM. Finel, Vaillant.

 

Faust est donné par l'Opéra de Paris au Théâtre antique d'Orange en 1956 et 1959.

 

2.397 représentations à l’Opéra (dont 2.233 au Palais Garnier) au 31.12.1961.

 

 

quatre interprètes du rôle de Méphistophélès à l'Opéra : Jean-Baptiste Faure (1869), Pedro Gailhard (1869), Edouard de Reszké (1887), Francisque Delmas (1893)

 

 

Autres interprètes à l'Opéra :

 

Marguerite : Mmes Julia HISSON (1869), Marie ROZE (1869), Berthe Clélie THIBAULT (1871), Maria DERIVIS (1873), Jeanne FOUQUET (1874), Emma FURSCH-MADIER (1874), Joséphine de RESZKÉ (1875), Joséphine DARAM (1877), Marie HEILBRONN (1879), Marie VACHOT (1880), Bertha BALDI (1880), Gertrude GRISWOLD (1881), Gabrielle KRAUSS (1882), Lillian NORDICA (1882), Adèle ISAAC (1883), Rose CARON (1886), Rosa BOSMAN (1886), Elisabeth LEISINGER (1887), Hariclea DARCLÉE (1888), Emma EAMES (1889), Nellie MELBA (1890), Jane MARCY (1892), Marguerite CARRÈRE-XANROF (1892), Lucy BERTHET (1894), Suzanne ADAMS (1896), Amélie LOVENTZ (1896), Marie CHARLES-ROTHIER (1900), Andréa DEREIMS (1901), Geraldine FARRAR (1905), Geneviève VIX (1906), Yvonne DUBEL (1906), Alice VERLET (1907), Marthe CHENAL (1907), Antoinette LAUTE-BRUN (1907), Maria KUZNETSOVA (1908), Mary GARDEN (1908), KAISER (1910), Jeanne CAMPREDON (1910), Berthe MENDÈS DE LÉON (1910), DELISLE (1911), Juliette HEMMLER (1911), Atys LORRAINE (1913), Germaine LUBIN (1916), Mireille BERTHON (1917), Victoria FER (1917), Agnès BORGO (1917), Jeanne BOURDON (1918), Louise BLOT (1918), Raymonde VECART (1918), Alice ALLIX (1919), Edith MASON (1920), Ninon VALLIN (1920), DE LUZA (1920), Fanny HELDY (1921), Gabrielle RITTER-CIAMPI (1921), Marguerite HERLEROY (1921), Suzanne CESBRON-VISEUR (1924), Jeanne LÉCUYER (1924), Jeanne BONAVIA (1925), Mary Mc-CORMIC (1927), Marcelle DENYA (1927), Charlotte TIRARD (1928), Andrée MARILLIET (1929), Eidé NORENA (1929), Lise d'ALIGNAN (1929), Yvonne GERVAIS (1933), Suzanne BALGUERIE (1933), Marcelle BRANCA (1935), Bernadette DELPRAT (1937), Solange DELMAS (1938), Anita VOLFER (1939), Vina BOVY (1939), Solange RENAUX (1940), Andrée LEQUENNE (1944), Elen DOSIA (1944), Jacqueline LUCAZEAU (1945), Lillie GRANDVAL (1946), Marthe LUCCIONI (1947), Suzanne JUYOL (1947), Geneviève MOIZAN (1949), Victoria de LOS ANGELÈS (1949), Georgette CAMART (1949), Régine CRESPIN (1952), Irène JAUMILLOT (1959), Katia POPOVA (1959), Suzanne SARROCA (1961).

 

Faust : MM. Raphaël Auguste GRISY (1871), PRUNET (1872), Léon ACHARD (1874), Emile BERTIN (1879), Etienne DEREIMS (1879), Charles Gustave LAURENT (1880), M. JOURDAIN (1881), Paul Antoine LAMARCHE (1882), Henri SELLIER (1884), CAYLUS (1885), Antoine MURATET (1886), Henri JÉRÔME (1888), Emile COSSIRA (1889), Pierre Emile ENGEL (1892), Hector DUPEYRON (1894), ANSALDY (1896), DUFFAUT (1897), Albert SALÉZA (1898), Charles ROUSSELIÈRE (1901), Gaston DUBOIS (1902), Jean RIDDEZ (1908), Jules GODART (1909), Léon CAMPAGNOLA (1910), Charles FONTAINE (1911), Maurice DUTREIX (1913), Eric AUDOIN (1923), Georges GRANAL (1923), William MARTIN (1927), Mario CHAMLEE (1929), René MAISON (1929), Joseph ROGATCHEWSKY (1931), Georges GÉNIN (1931), Raoul JOBIN (1935), Giacomo LAURI-VOLPI (1935), Mario ALTÉRY (1941), Albert GIRIAT (1943), André LEROY (1945), José LUCCIONI (1946), Jean TALEYRAC (1948), Libero de LUCA (1949), Claude HECTOR (1954), Marcel HUYLBROCK (1955), André LAROZE (1955), Maurice BLONDEL (1959), Gustave BOTIAUX (1960), Henri LEGAY (1961), Nicolaï GEDDA (1961), Guy CHAUVET (1963), Eugenio FERNANDI (1964).

 

Méphistophélès : MM. CASTELMARY (1869), Jacques BOUHY (1871), Eugène BATAILLE (1876), Charles BÉRARDI (1878), Eugène LORRAIN (1879), Victor MAUREL (1880), Pol PLANÇON (1883), Auguste DUBULLE (1884), Jacques ISNARDON (1892), René Antoine FOURNETS (1892), Marius CHAMBON (1896), Fernand BAËR (1903), Albert HUBERTY (1916), Louis ARNAL (1923), Charles MAHIEUX (1923), Claude GOT (1929), Alexander KIPNIS (1930), Louis MOROT (1931), André PACTAT (1938), Henri MÉDUS (1947), Mario FRANZINI (1948), Michel ROUX (1950), Ivan PETROV (1954), Nicolaï GHIAUROV (1958), Jean-Pierre HURTEAU (1961), George LONDON (1962), Jacques MARS (1966), Royer SOYER (1969).

 

Valentin : MM. Jacques ROUDIL (1872), Félix COUTURIER (1878), Numa AUGUEZ (1879), Charles BÉRARDI (1886), Jean MARTAPOURA (1886), CLAYES (1889), Charles DOUAILLIER (1891), Maurice RENAUD (1892), Henri Etienne GRIMAUD (1892), Gaston BEYLE (1892), Guillaume CASTEL (1892), Jean NOTÉ (1894), Eugène SIZES (1897), Jean RIDDEZ (1900), Dinh GILLY (1903), Louis NUCELLY (1908), Lucien RIGAUX (1909), Vilmos BECK (1911), CARRIÉ (1911), Léopold ROOSEN (1913), Lucien BESSERVE (1922), Romain CARBELLY (1922), DALERANT (1924), Lucien BROUET (1928), Jules FOREST (1933), Roger BUSSONNET (1937), Charles COTTA (1938), Louis NOGUERA (1942), Fernand LAGARDE (1943), Jean GICQUEL (1945), Michel DENS (1947), Roger BOURDIN (1949), Alfred ORDA (1949), Henry PEYROTTES (1956), Yves BISSON (1967), Matteo MANUGUERRA (1968).

 

Wagner : Charles CAMBON (1925), Gérard SERKOYAN (1955), Roger SOYER (1964).

 

 

 

 

le ballet de Faust à l'Opéra en 1904 : un groupe d'Egyptiennes

 

 

 

Le ballet de l'opéra Faust fut représenté plusieurs fois isolément au Théâtre de l'Opéra (Palais Garnier) sous le titre de la Nuit de Walpurgis. Première le 03 juin 1905. Chorégraphie de Joseph HANSEN.

La reprise du 08 juillet 1958 eut lieu avec les Artistes du Ballet du Bolchoï de Moscou, dans une chorégraphie de LAVROSKY.

8 représentations à l’Opéra au 31.12.1961.

 

 

 

03.06.1905

(1re)

04.04.1911

(2e)

08.08.1927

(3e)

22.06.1935

(4e)

08.06.1958

(6e)

 Mlles

BEAUVAIS

BARBIER

MEUNIER

SALLE

Louise MANTE

Aïda BONI

MEUNIER

URBAN

Léa PIRON

LOZERON

Jeanne SCHWARZ

DAMAZIO

Yvonne FRANCK

Suzanne LORCIA

ELLANSKAIA

Camille BOS

Suzanne LORCIA

LAMBALLE

BINOIS

GRELLIER

LEPECHINSKAIA

KARELSKAIA

TCHADARAIN

PREOBRAJENSKY

KACHANY

Chef

Edouard MANGIN

Henri BÜSSER

Henri BÜSSER

François RÜHLMANN

Youri FAIER

 

 

le Ballet de Faust à l'Opéra de Paris

 

 

 

 

Composition de l’orchestre

 

2 flûtes (la seconde joue aussi le piccolo), 2 hautbois (le second joue aussi le cor anglais), 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors naturels, 2 cornets à pistons (en alternance avec 2 trompettes naturelles), 3 trombones, 2 timbales, cymbales, grosse caisse, triangle, caisse claire, tam-tam, 4 harpes, orgue, cordes.

Musique de scène : 1 saxhorn soprano en mi bémol, 2 cornets à pistons, 2 trompettes chromatiques, 2 trombones altos à pistons en mi bémol, 1 trombone ténor à pistons en ut, 1 saxhorn basse en si bémol, 1 saxhorn contrebasse en si bémol.

 

 

 

 

Résumé.

L'opéra de Gounod n'embrasse que la première partie du Faust de Goethe, en s'attachant spécialement à l'épisode de Marguerite.

Au premier acte, le vieux Docteur Faust fait un pacte avec le Diable (apparaissant sous la forme de Méphistophélès), qui lui a montré la pure figure de Marguerite pour le tenter.

Au deuxième acte, Faust rencontre Marguerite, cependant que Valentin, frère de Marguerite, part pour la guerre.

Au troisième acte (le jardin de Marguerite) grande scène d'amour. La première partie du quatrième acte se passe à l'église, où Marguerite est tourmentée par Méphistophélès et les démons ; ensuite, dans une rue, Valentin revient avec les soldats et meurt en se battant en duel avec Faust.

Le cinquième acte comprend le grand tableau de la Nuit de Walpurgis (Ballet) et celui de la prison. Faust essaie en vain d'en arracher Marguerite, qui meurt sauvée, ainsi que le proclament les voix d'en haut.

 

ACTE I. — Le laboratoire du Docteur Faust.

Le Docteur Faust, seul dans son cabinet de travail, est poursuivi par le doute ; il songe au suicide [Air de Faust : Salut, ô mon dernier matin !]. Un chœur de jeunes villageois, chantant la nature et le Créateur, le fait hésiter un instant ; mais, bientôt, il se laisse aller à de nouveaux blasphèmes et invoque Satan qui lui apparaît sous l'aspect de Méphistophélès. Faust demande au Diable de lui rendre la jeunesse et de le faire jouir des plaisirs terrestres. Méphistophélès y consent, à condition que Faust s'engage à le servir dans l'autre monde. Pour le décider, il lui fait entrevoir une charmante jeune fille, Marguerite. Faust signe le pacte et renaît sous l'apparence d'un fringant gentilhomme.

 

ACTE II. — La Kermesse.

Cet acte, qui combine plusieurs des scènes du Faust de Goethe, se passe aux portes de la ville, au milieu d'une foule en liesse. Etudiants, soldats. jeunes filles, vieillards, matrones, chantent tour à tour. Valentin, frère de Marguerite, part pour la guerre, le cœur lourd (1), mais Siebel lui promet de veiller sur la jeune fille.

 

(1) Ici se place la fameuse Invocation de Valentin : « Avant de quitter ces lieux... », sur des paroles de O. Pradère et un des thèmes musicaux de l'Ouverture. Le morceau, qui a été rajouté après coup, n'était pas chanté à l'Opéra de Paris.

 

Wagner entonne un joyeux refrain, tout de suite interrompu par Méphistophélès [Ronde de Méphistophélès : Le Veau d'or est toujours debout...]. Méphistophélès agace les buveurs. Provoqué par Valentin, il riposte par des prodiges diaboliques qui dessillent les yeux des étudiants. Méphistophélès recule [Choral « des Épées »] et se retire. Une valse retentit. Faust, qui est survenu, se place sur le passage de Marguerite. La jeune fille repousse avec modestie ses avances [Duo : Ne permettrez-vous pas...], puis s'éloigne.

 

ACTE III. — Le jardin de Marguerite.

Siebel est venu apporter des fleurs à Marguerite [Romance de Siebel : Faites-lui mes aveux...]. Le jeune homme se retire après avoir déposé son bouquet. Faust, arrivant avec Méphistophélès, est impressionné par l'atmosphère du lieu [Cavatine de Faust : Salut ! demeure chaste et pure...]. Méphistophélès apporte un coffret de bijoux qu'il place à côté du bouquet de Siebel, et les deux compagnons se dissimulent derrière les buissons.

Marguerite chante à son rouet [Ballade de Marguerite : Il était un roi de Thulé...] et, découvrant les bijoux, en est enthousiasmée [Air dit « des Bijoux » : Ah ! je ris de me voir si belle...].

Une vieille voisine, Dame Marthe, s'extasie sur la richesse de cette parure. Méphistophélès la prend à part, sous prétexte d'une communication à lui faire, tandis que Faust s'approche de Marguerite. Duo passionné, serments d'amour [Duo Faust-Marguerite : Laisse-moi contempler ton visage...]. Marguerite rentre, et chante à sa fenêtre ; Faust s'élance vers elle, et Méphistophélès s'éloigne en ricanant.

 

ACTE IV.

1er TABLEAU : La chambre de Marguerite.

Un an s'est écoulé. Marguerite, abandonnée par Faust, est devenue mère ; en vain Siebel cherche-t-il à la consoler. C'est auprès de Dieu seul qu'elle espère trouver le repos de son âme. (Ce tableau est très fréquemment supprimé.)

2e TABLEAU : A l'église.

Marguerite prie. Méphistophélès, invisible, murmure à son oreille d'amers reproches et des menaces qui la terrifient. Elle s'évanouit.

3e TABLEAU : Devant la maison de Marguerite.

Valentin revient avec les soldats [Chœur des Soldats : Gloire immortelle de nos aïeux...]. Siebel le reçoit, assez embarrassé. Valentin s'élance vers la maison de sa sœur.

Faust, plein de remords d'avoir délaissé Marguerite, veut la revoir, mais n'ose frapper à sa porte. Pour la faire paraître, Méphistophélès fredonne des couplets railleurs qui agacent son compagnon [Sérénade de Méphistophélès : Vous qui faites l'endormie...].

Au lieu de Marguerite, c'est Valentin qui sort. Alerte, altercation, duel. Faust et Méphistophélès s'éclipsent tandis que la foule accourt.

Valentin est mortellement blessé. Sa sœur implore son pardon. Mais, impitoyable, Valentin meurt en la maudissant.

 

ACTE V.

1er, 2e et 3e TABLEAUX : La nuit de Walpurgis dans les montagnes du Harz.

Méphistophélès entraîne Faust dans son empire, dont il veut lui montrer les merveilles. A son signe apparaissent les reines et les grandes courtisanes de l'antiquité [Ballet].

4e TABLEAU : La prison.

Marguerite qui, dans un accès de folie, a tué son enfant, est condamnée à mourir par la main du bourreau. Arrivent Faust et Méphistophélès. En se hâtant, Faust peut faire sortir la malheureuse et l'emmener.

Réveillée par la voix de Faust, Marguerite s'exalte au souvenir de leur amour. Méphistophélès paraît et insiste pour un départ immédiat. A la vue du démon, la pauvre condamnée frissonne et rien ne pourra dès lors la décider à partir [Trio final : Anges purs, anges radieux !]. Marguerite s'effondre : « Jugée ! » triomphe Méphistophélès. « Sauvée ! » clament les voix d'en haut, cependant que l'âme de Marguerite monte au ciel dans une apothéose...

 

 

 

 

    

Création de Faust au Théâtre-Lyrique.

 

Cette fois je n’aurai pas à raconter la pièce ; tout le monde est censé avoir lu le poème de Goethe. — « Oui, oui, oui ! direz-vous, nous savons par cœur notre Marguerite, notre Faust, notre Méphistophélès, et notre sabbat, et nos sorcières. » — Et moi je vous répondrai : « Non, non, non ! vous ne savez rien par cœur, d’abord parce qu’il se peut que vous n’avez point de cœur, et ensuite parce qu’en réalité vous n’ayez jamais lu Faust, et que, l’eussiez-vous lu un soir pour vous endormir, comme on lit un roman de Paul de Kock (qui ne vous endort pas, au contraire), vous ne le connaissez pas mieux pour cela. Mais c’est égal, je vais faire semblant de croire que chacun a médité, senti et compris le merveilleux poème, et divaguer sur ce sujet comme si nous avions tous été élevés dans le giron de Jupiter. »

    Ces rêveries, ces aspirations à l’infini, cette soif de jouissances, ces passions naïves, ces ardeurs d’amour et de haine, ces lueurs du ciel et de l’enfer, ont dû tenter et tentèrent en effet bien des musiciens, bien des dramaturges, sans parler des dessinateurs et des peintres. Combien de fois n’a-t-on pas dérangé Goethe, qui lui-même avait dérangé Marlow, pour mettre son œuvre en opéra, en légende, en ballet ! oui, en ballet. L’idée de faire danser Faust est bien la plus prodigieuse qui soit jamais entrée dans la tête sans cervelle d’un de ces hommes qui touchent à tout, profanent tout sans méchante intention, comme font les merles et les moineaux des grands jardins publics prenant pour perchoir les chefs-d’œuvre de la statuaire. L’auteur du ballet de Faust me paraît cent fois plus étonnant que le marquis de Molière occupé à mettre en madrigaux l’histoire romaine. Quant aux musiciens qui ont voulu faire chanter les personnages du célèbre poème, il faut leur pardonner beaucoup parce qu’ils ont beaucoup aimé et aussi parce que ces personnages appartiennent de droit à l’art de la rêverie, de la passion, à l’art du vague, de l’infini, à l’art immense des sons.

En outre du ballet de Faust, il y a sur le même sujet un opéra allemand de Spohr, un opéra italien de Mlle Bertin, des ouvertures de Richard Wagner, de Lindpaintner, une symphonie de Liszt, des illustrations et une foule de légendes, ballades, cantates, sonates, variations pour la clarinette et pour le flageolet. De combien de dédicaces Goethe l’olympien n’a été affligé ! Combien de musiciens lui ont écrit : « O toi ! » ou simplement : « O ! » auxquels il a répondu ou dû répondre : « Je suis bien reconnaissant, Monsieur, que vous ayez daigné illustrer un poème qui, sans vous, fut demeuré dans l’obscurité, etc. » Il était railleur, le dieu de Weimar, si mal nommé pourtant par je ne sais qui le Voltaire de l’Allemagne. Une seule fois il trouva son maître dans un musicien. Car, cela paraît prouvé maintenant, l’art musical n’est pas aussi abrutissant que les gens de lettres ont longtemps voulu le faire croire et depuis un siècle il y a eu, dit-on, presque autant de musiciens spirituels que de sots lettrés.

    Or donc Goethe était venu passer quelques semaines à Vienne. Il aimait la société de Beethoven, qui venait d’illustrer réellement sa tragédie d’Egmont. Errant un jour au Prater avec le Titan mélancolique, les passants s’inclinaient avec respect devant les deux promeneurs, et Goethe seul répondait à leurs salutations. Impatienté à la fin d’être obligé de porter si souvent la main à son chapeau : « Que ces braves gens, dit Goethe, sont fatigants avec leurs courbettes ! — Ne vous fâchez pas, Excellence, répliqua doucement Beethoven, c’est peut-être moi qu’ils saluent. »

Il n’y a donc pas lieu de s’étonner que le drame fantastique de Goethe ait eu à subir un si grand nombre d’attentats prémédités non suivis d’effet. Je suis surpris, au contraire, qu’on n’ait pas, vingt ans plus tôt, fait pour le plus grand de nos théâtres lyriques le plus grand des opéras sur ce grand sujet de Faust.

Mais non, c’est un petit théâtre sans subvention qui s’est dévoué à cette noble tâche, il a fait des efforts, il s’est imposé des sacrifices, des dépenses de talent, de temps et d’argent qui lui donnent des droits incontestables aux plus vives sympathies, aux plus chaleureux encouragements. Entourés, comme nous le sommes dans le monde des arts, de gens dont l’unique souci est de rapetisser ce qui est grand, il faut louer ceux qui tentent.

Beaucoup de personnes, néanmoins, trouvent le sujet de Faust incompatible avec les exigences musicales ; pour d’autres il est peu dramatique, ennuyeux, triste. Il fallait entendre dans les corridors du Théâtre-Lyrique ce cliquetis d’opinions étranges et contradictoires :

« Eh bien ! voilà un succès…

— Oui, pour moi c’est peu amusant. — Amusant ! Vous conviendrez que l’expression est mal choisie. On ne va pas voir un Faust pour s’amuser. — Vous êtes singulier ; faudra-t-il aller au théâtre suivre un cours de philosophie ? Je prétends…

— ….. quatuor du jardin. Est-ce frais ? Est-ce touchant ? plein de chaste passion, d’angélique tendresse ? — Allons, bon ; voilà encore ce mot chaste, un des termes les plus indécents que l’on puisse employer. Votre chaste Marguerite est une jeune drôlesse ; elle mérite, et au-delà, toutes les épithètes dont son frère Valentin en mourant va la stigmatiser. Elle se rend aux premiers mots d’amour que lui adresse un inconnu. A leur deuxième entrevue, la chaste jouvencelle le reçoit dans sa chambre. Fausse niaise ! — Voulez-vous vous taire !… — Petite pécore, qui a fait… — Taisez-vous. — … et qui le noie ensuite. — Vous dépoétisez tout ce que… — une infanticide. Chaste ! Tudieu ! quelle chasteté !….

— Ils présentent leurs épées par la poignée, ce simulacre de croix fait trembler et fuir Méphistophélès. Idée ingénieuse, dont Goethe ne s’est pas avisé. — Seulement, cette ingénieuse idée fait paraître absurde la belle scène de l’église, dont Goethe s’est avisé, puisque Méphistophélès, entré dans le sanctuaire, n’y a plus peur d’aucun objet sacré. Lui qui frissonnait à l’aspect des gardes d’épée figurant la croix, ne craint maintenant ni vraies croix, ni bannières, ni châsses de saints, ni pieux cantiques. — Vous poussez la logique… — Jusqu’au sens commun.

— … Je le veux bien, ce n’est pas coupé comme les autres opéras, tant mieux ! cela change des habitudes dont nous sommes cruellement fatigués.

— ….. La scène du jardin est manquée…

— Quel délicieux morceau que ce duo du jardin ! — Ce n’est pas un duo, mais un quatuor. — Il y a de beaux passages dans le quatuor du jardin ? — Euh ! harmonieux oui, mais voilà tout. D’ailleurs, ce n’est pas un quatuor ; on pourrait y voir plutôt deux duos alternatifs. — Comme il vous plaira ; le nom m’est égal ; pourvu que l’auteur m’émeuve, je suis content. Et il m’a ému. Et ce monologue de Marguerite à sa fenêtre ? Ce n’est pas beau, peut-être ? ce n’est pas une idéale peinture de la passion croissante?….

— Pourquoi cette grosse caisse et ces cymbales pendant le monologue de Marguerite ? à quel propos ? dans quelle intention ? — Vous venez bien tard pour faire cette question. Elle a déjà été faite pendant les répétitions, et personne n’a pu y donner une réponse satisfaisante. — Je m’adresserai à l’auteur, cela m’intrigue.

— Ce chœur du peuple après la mort de Valentin est un chef-d’œuvre ! — Je suis de votre avis, et j’ajoute que le récitatif de Valentin mourant est plus remarquable encore. Cette scène est d’une force….

— Avec tout cela, il n’y a pas à se le dissimuler, c’est un succès. — Certainement. Et un grand succès. — Oui. Aviez-vous espéré une chute ? — Je l’avoue, la chute me souriait. — Pourquoi ? vous détestez donc M. Gounod ? — Je le déteste. — Parce que ? — Parce qu’il porte une longue barbe. A-t-on jamais vu musicien si barbu ? Rossini porte-t-il la barbe, Meyerbeer, Halévy, Auber portent-ils la barbe ? Qu’est-ce que ces habitudes de Mougik ? Sommes-nous en Russie ?… — C’est vrai, c’est vrai. Oh ! dès que vous me donnez des raisons… En effet, un musicien barbu ne peut avoir aucun talent, et vous êtes plus qu’autorisé à détester M. Gounod. Pourtant un poète l’a dit :

 

     Du côté de la barbe est la toute puissance.

 

Félicien David, d’ailleurs, et Verdi, portent la barbe ; vous n’avez jamais paru les haïr… — Ce n’est pas la même race d’artistes, et leur barbe est moins longue. — Très juste. Vous êtes très juste. Rentrons, voilà le quatrième acte qui commence. »

.   .   .   .   .   .   .   .   .   .

Voilà pourtant ce qui se dit, avec bien d’autres choses encore, dans les foyers, dans les corridors des théâtres lyriques, à toutes les premières représentations des œuvres de quelque valeur.

    A la première des Huguenots, un poète d’esprit fit ce mot qu’on a longtemps répété : « Voilà un bel opéra ! C’est dommage qu’on ne l’ait pas mis en musique ! » Ainsi il faut méditer, inventer, travailler, perdre sommeil et la santé, à cette tâche ardue de la composition d’une grande partition dramatique, pour se voir tout d’abord tiré à quarante-huit chevaux, loué ou déchiré à tort et à travers, bafoué par les uns, ridiculement exalté par les autres, mal compris de tous….

 

     Famæ sacra fames !

 

.   .   .   .   .   .   .   .   .   .

Voici les nombreuses beautés que je puis signaler dans la partition de Faust après l’avoir entendue deux fois et en commençant par constater le grand et légitime succès qu’elle a obtenu. Dans l’introduction instrumentale qui remplace l’ouverture se décèle le savant harmoniste. Le caractère de ce morceau est celui d’une triste rêverie ; il fait vivement saillir la fraîche et joviale villanelle qu’on entend bientôt après. Le solo de Faust, accompagné des instruments de cuivre, succède à cette jolie chanson rustique, placée là par les arrangeurs de la pièce, à la place du chant de la Fête de Pâques de Goethe, pour éveiller en Faust le souvenir des pures émotions de sa jeunesse et lui faire tomber des mains la coupe empoisonnée. J’ignore la raison de cette substitution. Le bruit solennel des cloches et les pieuses harmonies retentissant dans l’église voisine du cabinet de Faust ont, ce me semble, quelque chose de bien plus émouvant qu’une chanson de paysans, si jolie qu’elle soit. Après l’apparition de Méphistophélès, ce prologue se termine par un duo dont le style ne paraît pas assez relevé ; il est instrumenté d’ailleurs avec trop de violence, les violons crient trop constamment dans le haut.

Le premier acte s’ouvre par un chœur populaire plein d’entrain, dont le thème, proposé par les ténors, passe ensuite aux soprani et circule dans les diverses parties vocales avec une aisance et un brio remarquables. Dans le tutti, les femmes du chœur ont chanté beaucoup trop haut. On avait eu à souffrir déjà de cet horrible défaut dans l’exécution de la villanelle du prologue.

A la scène de la fontaine de vin, on entend un beau chœur d’hommes, d’une rare énergie, et dont le thème revêt avec bonheur et à propos la forme des chorals. La couleur religieuse de ce chant se trouve parfaitement justifiée par l’intention des chanteurs de conjurer le mauvais esprit.

Rien de plus naturel et de plus gracieux que la phrase de Marguerite, si délicieusement dite par Mme Carvalho à son entrée :

 

     Je ne suis demoiselle

     Ni belle

     Et je n’ai pas besoin

     Qu’on me donne la main.

 

Je ne puis me rappeler la forme ni l’accent du petit morceau chanté par Siebel, cueillant des fleurs dans le jardin de Marguerite.

L’air suivant de Faust, « Salut demeure chaste et pure », m’a au contraire beaucoup touché. C’est d’un beau sentiment, très vrai et très profond. Le violon solo qui accompagne le chant du ténor nuit peut-être plus qu’il ne sert à l’effet de l’ensemble, et je crois que Duprez avait raison quand il dit un jour, à propos d’une romance où un instrument solo l’accompagnait ou plutôt l’importunait dans l’orchestre : « Ce diable d’instrument, avec ses traits et ses variations, me tourmente comme une mouche qui bourdonnerait autour de ma tête et voudrait toujours se poser sur mon nez. »

Ici pourtant l’instrument solo n’exécute pas précisément des traits ni des variations ; il est même employé avec réserve. Quoi qu’il en soit, l’air, je le répète, est délicieux. On l’a applaudi, mais pas assez ; il mérite de l’être vingt fois davantage. Je ne connais rien de plus décourageant pour les compositeurs que cette tiédeur du public français pour les beautés musicales de cette nature. Il les écoute à peine. La mélodie en est insaisissable pour lui, le mouvement est trop lent, le coloris trop doux, l’accent trop intime. Il dit : « Oui, ce n’est pas mal », approuve vaguement du geste, et n’y pense plus, autre application du mot de Shakespeare :

 

     Caviar to the general.

 

J’insiste donc : le morceau est excellent et Barbot l’a très bien chanté. Tant pis pour les gens qui ne sentent pas cela.

La chanson du roi de Thulé est écrite dans un des tons du plain-chant, ce qui lui donne une tournure gothique bien motivée ; mais elle est interrompue par un court récitatif, et cette interruption ne me semble pas suffisamment motivée : je voudrais entendre la jeune fille chanter tout droit sa vieille chanson.

L’observation que je relevais tout à l’heure au milieu des conversations du foyer ne me paraît pas dénuée de justesse. Marguerite chante un morceau doux et gracieux, après avoir essayé la parure qu’elle a trouvée dans un coffret, et l’on entend en même temps des coups sourds de cymbales et de grosse caisse. L’auteur a certainement eu ici une intention, mais je ne la devine pas.

Tout est bien frais, bien vrai, bien senti, dans le quatuor entre Méphisto, la vieille Marthe, Marguerite et Faust. Cette belle scène eût pu être mieux disposée pour la musique par les auteurs du libretto ; telle qu’elle est, le compositeur l’a supérieurement rendue. Rien de plus doux que l’harmonie vocale, si ce n’est l’orchestration voilée qui l’accompagne. Cette charmante demi-teinte, ce clair de lune musical caressent l’auditeur, le fascinent, le charment peu à peu, et le remplissent d’une émotion qui va grandissant jusqu’à la fin. Et cette admirable page est couronnée par un monologue de Marguerite à sa fenêtre, où la passion de la jeune fille éclate à la péroraison en élans de cœur d’une grande éloquence. C’est là, je crois, le chef-d’œuvre de la partition.

Pourquoi, par un mécanisme placé sous les pieds de Marguerite dans l’intérieur de sa chambre, soulever peu à peu l’actrice au fur et à mesure que son chant et ses intonations s’élèvent ? Le spectateur ne subit pas l’illusion ; il sait bien que Marguerite n’est pas un pur esprit et qu’il ne lui est pas possible de monter ainsi graduellement dans l’espace. On a voulu faire mieux que bien ; le but est dépassé, c’est absurde. Il serait sage de renoncer à cet effet d’ascension.

Dans ce morceau où d’ingénieux enlacements enharmoniques amènent de si belles modulations, le timbre du cor et des flûtes est employé avec le plus grand bonheur. Dans un passage du morceau précédent, au contraire, à ces mots :

 

     Félicité du ciel,

 

l’intervention des trombones me paraît moins heureuse.

Le troisième acte s’ouvre par la romance de Marguerite abandonnée. Elle est assise à son rouet et file. De quoi s’agit-il? De la douleur profonde de la pauvre enfant, de son amour dédaigné, des angoisses de son cœur. Le musicien ne doit là songer à exprimer rien autre chose. Pourquoi donc avoir encore introduit dans l’accompagnement cette espèce de ronron qui veut imiter le bruit du rouet ? Schubert fut peut-être excusable, dans un morceau de chant non destiné au théâtre, de vouloir faire penser au rouet qu’on ne pouvait voir. (Si tant est que l’idée du rouet ait la moindre importance.) Mais dans l’opéra on le voit, Marguerite file en réalité ; l’imitation n’est donc nullement nécessaire.

Le chœur des compagnons de Valentin :

 

     Déposons les armes,

 

est joli. Le thème de la marche, richement instrumenté d’ailleurs, manque de distinction. La phrase épisodique du milieu est ingénieusement accompagnée d’un dessein d’ophicléide au grave. Le crescendo de rentrée qui ramène le thème devrait être, à mon sens, un peu plus long, et faire attendre et désirer davantage l’explosion finale.

Cette marche a été redemandée à grands cris, et l’on a peu applaudi l’air exquis de Faust au deuxième acte !!!!

 

     Pudding to the general !

 

La sérénade de Méphistophélès est peu saillante. On a remarqué plusieurs passages d’une excellente intention dramatique dans l’ensemble de la scène de la mort de Valentin. Celui :

 

     Ce qui doit arriver,

     Arrive à l’heure dite,

 

est accompagné de sinistres harmonies, puis les trombones jettent de beaux cris d’horreur, et l’ensemble des voix du peuple termine supérieurement ce beau morceau. C’est grandiose. La scène de l’église avec l’orgue et les chants religieux mêlés aux imprécations de Méphisto et aux lamentables accents de la fille repentie est supérieurement traitée.

Le sabbat du Blocksberg paraît écourté ; mais je ne sais trop s’il eût été possible de le mettre en scène plus complètement sur un si petit théâtre. Nous avons ensuite une apparition antique, où l’on voit Cléopâtre entourée de sa cour voluptueuse ; la reine d’Egypte et Iras et Charmian boivent nonchalamment couchées sur des lits de pourpre et d’or. On entend un chant bachique d’une certaine langueur, que la nature de la scène justifie.

Le cinquième acte est précédé d’un entr’acte instrumental trop long. Ce n’est pas à minuit moins un quart, quand il a encore de si terribles choses à nous dire, que le compositeur doit s’amuser à faire jouer des solos de clarinette.

Cet acte toutefois est fort court. La fameuse scène de la prison l’occupe presque seule. La tâche du musicien était ici bien difficile à remplir. Ce désespoir affreux, cette fille folle, couchée sur la paille, ses cris désespérés, les supplications inutiles de Faust, tout cela est trop tendu, trop violemment, trop physiquement douloureux pour la musique. Puis, quand Méphistophélès survient et crie : « Hâtez-vous ! mes chevaux s’impatientent ! » il faut une rapidité d’interjections, une accentuation brève, impérieuse, sifflante, si je puis ainsi parler, qu’on ne sait comment obtenir des chanteurs, surtout en France, où ils filent des sons dans les récitatifs pour dire : « Oui ! non ! tu mens ! viens donc ! » Après quatre heures de musique, on éprouve toujours une grande fatigue. En conséquence, de cet acte, à dire vrai, je n’ai qu’une idée confuse, et j’ai besoin de l’entendre de nouveau avant d’en parler. Le chœur final pendant l’apothéose de Marguerite est évidemment chanté beaucoup trop fort. Quelle horreur nos théâtres lyriques professent pour les chœurs doux, et quelle ignorance inexplicable chez nos directeurs de chœurs de l’effet que la nuance douce dans l’exécution vocale produit infailliblement sur tout le monde !

Mme Carvalho, qui a chanté comme elle chante toujours, a savamment composé le rôle de Marguerite ; ses attitudes, ses gestes sont d’une séduisante suavité ; son costume est charmant. Dans la scène du jardin, sous ces pâles rayons lunaires, on eût dit d’une poétique apparition.

Barbot s’est acquitté avec bonheur, souvent avec un vrai talent du rôle difficile et exigeant de Faust, et Ballanqué [Balanqué] fait un excellent Méphistophélès. Il en a la tournure, le profil anguleux, le regard sanglant, la voix stridente et railleuse. Enfin un jeune débutant, Reynal, dont la voix est bonne et ne chevrote pas, a fort convenablement représenté l’honnête soldat Valentin.

L’orchestre, habilement dirigé par M. Deloffre, a droit à tous nos éloges et à la reconnaissance du compositeur.

Il n’est pas nécessaire, je suppose, d’ajouter que les décors et la mise en scène sont fort soignés. On sait que M. Carvalho, quand il s’agit des grandes œuvres en l’avenir desquelles il a foi, fait largement les dépenses indiquées et prodigue l’argent avec une intelligente hardiesse.

J’ai dit en parlant de la Fée Carabosse : Ce pourrait bien être le succès de la veille. Faust est à coup sûr le succès du lendemain. 

 

(Hector Berlioz, Journal des débats politiques et littéraires, 26 mars 1859)

 

 

 

 

    

Création de Faust au Théâtre-Lyrique.

 

Le Théâtre-Lyrique est le lieu du monde où il s'accomplit le plus de merveilles. Vous verrez qu'un de ces jours, je veux dire un de ces soirs, il prendra pour devise et écrira sur son fronton, en langues de feu (ce qui signifie en becs de gaz), ces mots de l'Empereur Napoléon : Si de n'est qu'impossible, cela se fera. — Cela ne se fera pas, parce que le Théâtre-Lyrique, ou du moins, — celui, — ou ceux, — ou celui et celle qui le dirigent, sont trop modestes ; mais cela devrait se faire, en bonne justice, et la preuve, c’est que le Ménestrel le fait aujourd'hui, du moins autant qu'il peut le faire, en inscrivant en tête de ses colonnes ce que le Théâtre-Lyrique serait en droit d'inscrire sur son harmonieux portique. Et puisque c'est moi qui tiens la plume, je dirai que j'éprouve à le faire ce plaisir délicat qui consiste à produire un contraste des plus saillants ; par exemple, en opposant à cette réponse éternelle et peu consolante : A l'impossible nul n'est tenu, que tous les théâtres du monde, depuis que théâtres il y a, n'ont cessé, ne cessent et ne cesseront de jeter au nez de tout premier venu qui vient frapper à leur porte, cette autre réponse bien autrement encourageante : Si ce n'est qu'impossible, cela se fera.

Oui, mes amis, cela se fera. Désormais, lorsque vous aurez fait un bel et bon ouvrage où vous aurez mis tout votre savoir, toute votre application, tout votre génie, toute votre âme ; lorsque, à défaut d'ouvrage, votre cerveau aura enfanté une idée, une vraie idée d'art ; eh bien ! ce qui était impossible, c'est-à-dire la production de cet ouvrage ou la réalisation de cette idée, non seulement deviendra possible, mais encore se fera.

Que dis-je, c'est déjà fait. Nous parlons des merveilles du Théâtre-Lyrique, énumérons-les rapidement : et d'abord Oberon. Comment ! un opéra fantastique ! une musique allemande ! Là bas, à ce théâtre ? Eh mon Dieu, oui, cela s'est fait. Plein succès ; première merveille. Puis le Freischütz. Cela s'est fait. Même succès ; deuxième merveille. — Puis encore Preciosa, troisième merveille. — Puis le Médecin malgré lui, une comédie de Molière, une musique sobre, fine, charmante, sentant son Lulli et son Mozart ; quatrième merveille. — Puis la cinquième, la merveille des merveilles, les Noces de Figaro, libretto usé, musique âgée de soixante ans, qu'on n'osait risquer sur aucun théâtre, pas même aux Italiens ; tout ce qui vous plaira ; cela s'est encore fait à ce même théâtre du boulevard, au sein de la population ouvrière, avec un succès tel que non seulement tout Paris, mais que des villes entières ont quotidiennement et pieusement accompli un pèlerinage musical en l'honneur du divin Mozart, durant cent quinze représentations ! Je passe sur deux autres merveilles auxquels mes lecteurs ne seront pas embarrassés de mettre les noms... qu'ils voudront. Faust, huitième merveille, dont nous allons nous entretenir, et enfin, pour neuvième merveille (le monde n'en a que sept), un directeur actif, intelligent, vraiment artiste ; une directrice, virtuose admirable, qui a trouvé le moyen, comme cette fée dont parle un conte oriental, d'insinuer dans son gosier trois gosiers des plus habiles chanteurs ailés, la voix suave de la fauvette, la voix éclatante du rossignol, la voix infatigable de l'alouette.

Mais voilà bien du papier perdu avant de parler de Faust. Rassurez-vous, l'espace ne me manquera pas. Quand un ouvrage me paraît beau, quand il me plaît, j’ai bientôt dit ce que j'en pense. J'ai toujours remarqué, moi qui ai quelque habitude du journalisme, que lorsqu'on parle si longuement d'une œuvre de théâtre, c'est qu'on n'a pas grand chose à en dire.

 

Les longs ouvrages me font peur,

 

a dit La Fontaine. Je dirai : les longs feuilletons me font peur, moi qui fais des feuilletons, trop longs parfois. N'est pas court qui veut : le temps manque souvent, et souvent aussi le talent. Pour revenir, lorsqu'on s'appesantit tant sur l'analyse de la pièce, c'est qu'on est bien aise de glisser sur la musique. Quant à l'analyse de Faust, je la résume ainsi :

 

            Prologue : Faust dans son cabinet ; pacte avec le Diable. — 1er acte : La Kermesse ; rencontre de Faust et de Marguerite. — 2e acte : Scène du jardin ; la séduction. — 3e acte : Le temple. — 4e acte : La mort le Marguerite ; l'apothéose.

 

L'introduction instrumentale du prologue est une des belles choses qu'a écrites M. Gounod : ces lentes successions d'accords, ces harmonies graves, ces grandes périodes qui s'élèvent et retombent avec majesté, tout cela annonce bien les préoccupations de ce vieux philosophe dont la tête a blanchi dans les méditations des problèmes de la science et de la vie, et qui n'est arrivé qu'au doute. Au lever du rideau, le docteur est assis auprès de la table où sont ses livres et cette coupe empoisonnée qui doit le délivrer du fardeau de l'existence et l'initier au secret du tombeau. Son récit, tantôt animé, tantôt grave, toujours parfaitement accentué, est coupé par une délicieuse sérénade champêtre, puis par un charmant chœur de jeunes filles, puis, à quelque intervalle, par un chœur de jeunes gens, moins heureux, assez original néanmoins, qui rappellent le penseur au sentiment de la vie actuelle. Il invoque Satan qui se hâte d'apparaître sous la forme de Méphistophélès. Le docteur lui demande, non les richesses, mais ce qui donne du prix à tous les biens de ce monde, la jeunesse et ses plaisirs..... A cette condition il est prêt à signer le pacte fatal. Méphistophélès sera le serviteur de Faust dans ce monde, mais, dans l'autre, Faust sera aux ordres de Méphistophélès. L'écrit est dressé ; au moment d'apposer son nom, Faust hésite. Aussitôt, par un coup de la baguette diabolique, la jeune, la chaste Marguerite, occupée à son rouet, apparaît à ses yeux charmés. Il signe, et par un second coup de magie le voilà redevenu beau, jeune, ardent et passionné, et le prologue se termine par un duo, moins distingué peut-être que les morceaux qui le précèdent, mais chaleureux et entraînant.

Le premier acte s'ouvre par un chœur, un sextuple chœur de soldats, de jeunes filles, de vieilles femmes, de vieillards, chœur plein de relief, de contraste, de pittoresque, de mélodie. Ce morceau, admirablement traité, est d'un effet indescriptible. Il sera répété chaque soir ; si l'ouvrage a deux cents représentations, ce chœur sextuple aura été entendu quatre cents fois. Après la ronde du Veau d'or, où Méphistophélès dialogue avec le chœur, ainsi que dans le choral des épées, vient une valse tout allemande, une de ces valses pleine de langueur et d'élan à la fois, pendant laquelle on se sent comme balancé, de vague en vague, aux souples mouvements d'une rapide nacelle ; — une vague par mesure. C'est aux sons de cette valse que Faust accoste Marguerite et lui déclare la passion qui vient de naître en son cœur. Marguerite lui répond qu'un seigneur comme lui se trompe sans doute, qu'elle n'est qu'une simple jeune fille et non une demoiselle... En attendant le coup a porté. La pauvre gazelle emporte le trait empoisonné. Il n'y a guère qu'à admirer dans tout cet acte plein de mouvement, d'accidents, de surprises.

Nous sommes au second acte, dans le jardin qui entoure la gracieuse et modeste demeure de Marguerite. Arrive Siebel, un tout petit jeune homme qui aime Marguerite comme un amoureux, et qui a juré à Valentin de veiller sur elle comme un frère. Quel est donc Valentin ? C'est le propre frère de Marguerite qui vient de partir pour l'armée, et à qui Méphistophélès a prédit qu'il mourrait de la main de quelqu'un qui n'est pas loin.

Tout en effeuillant ses fleurs, qui se fanent entre ses mains, selon une autre prédiction de Méphistophélès, Siebel chante une ariette on ne peut plus tendre, vive et gracieuse. Survient Faust, suivi de son terrible Bertram, son compagnon désormais inséparable. Cavatine de Faust, en la bémol, rêveuse et passionnée, avec violon solo. Cet accompagnement de violon solo est d'une rare élégance. On entend les pas de Marguerite. Siebel a fui, Faust et Méphisto se cachent pour les surveiller. Marguerite paraît, elle s'arrête pensive au milieu d'un sentier :

 

Je voudrais bien savoir quel était ce jeune homme ;

Si c'est un grand seigneur, et comment il se nomme.

 

Voilà ce qu'elle se dit à elle-même, lentement, sur une seule note, mi. Ceci est tout simplement un trait du génie. Cette tenue exprime l'idée fixe qui absorbe ce cerveau et cette âme de jeune fille. Pendant cette tenue, quatre ou cinq accords d'un effet exquis glissent dans l'orchestre ; remarquez ici cet accord de septième la, ut dièse, mi, sol, qui se résout, non sur la tonique , mais sur l'accord de mi. Et cette modulation semble toute naturelle. C'est qu'à vrai dire cette septième la, ut dièse, mi, sol, n'est qu'une extension de l'accord de quinte et sixte la, ut dièse, mi, fa dièse. Le fa dièse devient double dièse et non sol naturel ; il est appellatif de la tierce majeure sol dièse. Ces quatre ou cinq mesures précèdent la ballade du roi de Thulé, dont le motif est tout à fait dans la tonalité grégorienne, sans note sensible. Je regrette que ce motif, d'un si heureux caractère, soit coupé par une phrase incidente d'un style tout différent. Il y a là une finesse d'intention qui échappe à tout un auditoire. Mais d'où vient qu'à propos de cette ballade et de la tenue qui y amène, je m'avise de songer au vers des Femmes savantes sur la ballade de Vadius :

 

Elle a, pour les pédants, de merveilleux appas ?

 

Il suffit ; je passe au quatuor suivant, morceau parfaitement dessiné et développé, disposé tantôt pour l'ensemble, tantôt se divisant en deux a parte, l'un entre Méphistophélès et dame Marthe, l'autre entre Faust et Marguerite, mais qui, néanmoins, fait languir l'action. Observez bien ici cette gradation, gradation en sens inverse, procédant du grand au petit, du quatuor au duo, du duo à la cantilène de la fenêtre. Quelle pudeur, quelle chasteté n'y a-t-il pas dans cette phrase de Marguerite, lorsque celle-ci, vaincue par son amour, et se sentant prête à défaillir, s'écrie d'une voix suppliante :

 

Partez, partez.....

Ne brisez pas le cœur de Marguerite.

 

Faust veut fuir aussi, mais le tentateur est là qui lui dit à l'oreille : « Écolier que vous êtes ! mais écoutez donc ce qu'elle va vous dire à sa fenêtre ! »

Marguerite entre dans son appartement, paraît à la fenêtre sur laquelle se projettent les rayons de la lune, et là, aspirant à longs traits les parfums des fleurs, elle dit, dans une suave cantilène, les premiers transports de ce sentiment inconnu qui fait tressaillir son être. Et toutes ces séductions, tous ces enivrements, tous ces battements et ces palpitations d'un cœur virginal sont dans les accents voilés, dans les notes timides, dans les nuances délicates, dans les moelleux contours de cette orchestration enchantée. Celui qui a écrit une pareille scène n'est pas seulement un grand musicien, c'est encore un grand poète.

Le troisième acte n'est pas moins remarquable dans un autre genre. Après la poésie, le drame. D'abord un chœur de soldats qui succède à la chanson du rouet. Ce chœur, dans le style à la Verdi, est d'un effet saisissant ; on y remarque vers la fin un grupetto de l'ophicléide d'une grande originalité. Après la sérénade de Méphistophélès et le trio du duel, plein d'énergie, viennent deux des plus beaux et des plus dramatiques morceaux de la partition, la mort de Valentin, avec chœur, suivie d'une espèce d'Amen dit par le chœur au moment où le frère de Marguerite a rendu le dernier soupir, et la grande scène de la cathédrale. Marguerite, repoussée de toutes parts, maudite par son frère expirant, n'a plus d'autre refuge que la maison de Dieu ; elle se traîne aux pieds des autels pour essayer de calmer son désespoir par la prière, mais Méphistophélès l'a suivie. D'un coté, Méphistophélès, invisible, fait tomber sur la tête de Marguerite ses infernales imprécations ; de l'autre, la psalmodie de l'office divin qui, dans le fond du sanctuaire, élève par instant son murmure solennel, tandis que l'orgue soupire imperturbablement les longues périodes d'un prélude tout empreint d'un calme scientifique. Mais ces pieux accents n'ont plus de prise sur l'âme de la pauvre délaissée ; elle succombe sous cette voix qui lui crie que le trésor des miséricordes célestes est à jamais fermé pour elle.

Je passe rapidement sur le quatrième acte, où nous applaudissons le chœur des feux follets, d'un fantastique très coloré, le chœur des courtisanes, les strophes de Faust à la coupe, l'apparition de Marguerite, un chœur des sorcières (contre lequel je proteste non comme musique, mais comme mascarade indigne du sujet), le duo de la prison entre Faust et Marguerite, où reviennent avec tant de charme les souvenirs de l'entrevue pendant la valse et de la scène du jardin. L'ouvrage se termine avec éclat par le trio final et l'apothéose : Christ est ressuscité !

 

***

 

Il va sans dire que les décors sont superbes, la mise en scène des plus riches, et que l'exécution des chœurs et de l'orchestre est pleine de précision et d'entrain. Mme Miolan-Carvalho a réalisé, dans le rôle de Marguerite, le type poétique et charmant d'Ary Scheffer. Quand elle apparaît, dans le prologue, assise auprès de son rouet, les yeux baissés sur son ouvrage, on dirait une sainte Geneviève. Sa voix, c'est la vibration de son âme, de l'âme de Marguerite heureuse de son innocence d'abord, puis heureuse d'allier, comme elle le croit un instant, l'innocence à la passion, puis brisée, épuisée par le repentir.

Barbot, — qui est bien celui de l'Opéra-Comique, — a dépassé, de l'aveu de tous, l'idée qu'on s'était faite de lui dans le rôle de Faust. Il est tour à tour rêveur, profond, passionné ; je lui voudrais un peu plus de chaleur. Balanqué est un excellent Méphistophélès à la voix mordante, au rire strident, à l'aspect sinistre et comique en même temps. Mlle Faivre est très gracieuse dans le rôle de Siebel qu'elle joue et chante avec esprit et grâce.

Je conclus : l'opéra de Faust est une œuvre de maître. Chaque morceau repose sur un sujet musical largement dessiné et habilement développé. L'instrumentation est à la fois sobre, riche, nourrie, pittoresque, variée et délicate. M. Gounod a été également heureux dans les scènes qui prêtent au drame et dans celles qui prêtent à la poésie. Je reviens toujours à cette scène du jardin ; c'est une page exquise ; n'eût-il écrit qu'un morceau semblable, un maître aurait fait ses preuves. De plus, et c'est ici un mérite très rare, M. Gounod écrit en homme qui possède également la langue de l'intelligence et la langue de l'oreille, la langue des mots et la langue des sons. Il phrase parfaitement ses récitatifs, il sait couper un dialogue, il connaît la puissance de l'accent et les ressorts de la versification. La phrase poétique s'incruste d'elle-même dans sa phrase musicale, ce qui veut dire qu'à toute la science, à toute l'inspiration qui font le grand musicien, M. Gounod joint les qualités qui font l'homme cultivé, et l'on comprend, aux beautés de sa musique, qu'il possède, au degré le plus élevé, le sentiment de toutes les beautés des autres arts.

 

(Joseph d'Ortigue, le Ménestrel, 27 mars 1859)

 

 

 

 

 

autographe de Charles Gounod

 

 

    

Le Faust de Gounod à l'Opéra.

 

Notre monde musical, à qui parfois il arrive de chômer d'événements durant des semestres entiers, vient d'en avoir coup sur coup deux de première importance.

La première audition publique de la Messe de Rossini est une fête majeure dans l'art. Quant à la migration de Faust à l'Opéra, c'est une des épreuves les plus intéressantes auxquelles il nous ait été donné d'assister.

Voilà un ouvrage consacré par dix ans de succès, non seulement en France, mais dans le reste de l'Europe, dans les deux mondes. Il a triomphé de la répugnance séculaire de l'Italie pour tout ce qui n'est pas musique italienne, et Milan, Florence en raffolent. Il s'est fait accepter comme le vrai, comme le seul Faust musical dans la patrie de Goethe ; et certes, il y est plus joué que tous les ouvrages de M. Wagner additionnés ensemble. Et c'est sur les plus grandes scènes, à côté des œuvres de Meyerbeer, qu'il est ainsi fêté.

Si la France, après cela, marchandait l'admiration au Faust de M. Gounod, il faudrait désespérer de la logique humaine. Aussi n'était-ce pas le succès de Faust à l'Académie impériale de musique qui faisait question : il n'y a pas un abonné de l'Opéra qui ne l'ait applaudi plusieurs fois au Théâtre-Lyrique.

Mais pour le dilettantisme parisien, il s'agissait de savoir quelle physionomie nouvelle prendrait l'œuvre avec d'autres interprètes, avec d'autres ressources chorales et instrumentales, dans un cadre plus grand, au milieu d'un répertoire plus fier et plus solennel, moins composite que celui des grandes scènes de l'étranger.

Notez bien, en effet, qu'à l'Opéra de Berlin on est apprivoisé à voir alterner Robert-le-Diable avec Marta, le Postillon de Lonjumeau avec Armide... A Covent-Garden, il est de principe également que les répertoires de grand-opéra français ou allemand, d'opéra italien et d'opéra-comique soient constamment entremêlés.

A tort ou à raison, il n'en est pas de même à l'Opéra de Paris ; aussi le voisinage des Huguenots et de Guillaume Tell projetait-il une ombre plus menaçante ici qu'ailleurs sur l'œuvre favorite de M. Gounod. Ajoutez enfin cette circonstance terrible, que ce maitre éminent avait, par trois fois, frappé à cette porte et l'avait vu lourdement et cruellement retomber sur lui. Il y avait comme un malentendu fatal entre cet homme et cette maison, Faust a conjuré la fatalité, — c'est du moins mon avis.

S'il y a quelques mécomptes, quelques restrictions de détail, — en raison du nouveau cadre et par suite de certains mouvements pris trop lents, — on est unanime à convenir que la partition, en somme, a grandement gagné à cette épreuve ; je dirai même que les déchets constatés sont sans nul inconvénient pour la partition et l'auteur, en ce sens qu'ils ont presque tous porté sur les parties de l'œuvre dont la beauté est incontestée, tandis que d'autres parties jusqu'ici sacrifiées, ou du moins laissées dans la pénombre, ont tout à coup sorti leur plein effet.

J'ai tout d'abord plaisir à le constater pour la scène de l'église, que j'avais toujours défendue, et qu'on s'accordait à trouver médiocre. — Il n'y a pas à faire de scènes d'église en musique après le cinquième acte de Robert, disait-on. Eh bien ! le voici, ce tableau musical de M. Gounod, transporté dans le cadre où règne celui de Meyerbeer. Je ne dis pas qu'il l'égale, mais comment donc se fait-il qu'au lieu de pâlir, il s'est transfiguré en puissance ? Comment se fait-il que ces chants religieux, cette prière navrée et ces remords effarés de Marguerite, et les objurgations implacables de Méphistophélès, et les répliques du plain-chant et de l'orgue, troublées de quelques grondements d'orchestre, comment se fait-il que tout cela ait vu son effet décuplé ?

La scène finale a aussi beaucoup gagné de toutes façons, et Mlle Nilsson y fait sonner triomphalement les belles assomptions vocales de Marguerite ravie au ciel.

Toutes les parties de drame proprement dites sont mieux venues : ainsi la scène du duel et de la mort de Valentin. Il n'est pas jusqu'à ce premier acte, vestibule un peu terne de la partition, qui n'ait beaucoup gagné. Je n'insisterai pas particulièrement sur le bis du chœur des soldats, non plus que sur le bel effet du chœur du deuxième acte : « De l'enfer qui vient émousser nos armes... » puisqu'ils avaient toujours bien réussi au Théâtre-Lyrique. Mais je ne puis m'empêcher de sourire, quand on me fait observer d'un air contrit que le motif guilleret des vieillards, dans la kermesse, n'a pas en son bis ! Il était peut-être mieux nasillé là-bas, j'y consens, mais il n'aurait jamais obtenu ce succès d'extra si toutes les autres parties si originales et si pittoresques de cet ensemble choral avaient eu le relief d'exécution qu'il leur fallait. Elles sont venues en toute vigueur, cette fois, et l'équilibre est rétabli. Jamais je n'avais si pleinement goûté cette page magistrale de la kermesse.

Je n'ai pas encore parlé de l'élément poétique, c'est-à-dire de ce qu'il y a de plus précieux, de plus incontesté dans l'opéra de M. Gounod. Il n'y a rien à réformer de ce jugement, mais c'est ici que les beaux souvenirs du Théâtre-Lyrique sont demeurés invincibles ; non pas que l'exécution de l'Opéra ne soit excellente, et que Mlle Nilsson n'y ait fait des merveilles ; mais Mme Carvalho était la perfection même et l'idéal incarné de ce personnage. Tout ce que pouvait faire sa jeune rivale, c'était de s'en rapprocher, par instants, dans l'acte du jardin, et partout où prédominent la mélancolie et le sentiment poétique. Mais Mlle Nilsson a eu sa victoire dans la scène de l'église et dans la scène de la prison, et je tiens qu'elle a le droit d'en être bien fière.

Les principaux honneurs de l'interprétation ont été pour Faure ; on a tout applaudi, et il n'a tenu qu'à lui de recommencer la chanson du Veau d'or ; toute la salle la demandait. Comme on est las d'admirer en lui le maître-chanteur, c'est surtout le maître comédien qu'on admire maintenant. Créer ainsi Méphistophélès, après avoir ainsi créé Hamlet et don Juan !... Si ce n'est pas l'art le plus consommé, où donc en trouver aujourd'hui ?

Colin avait failli ne pas chanter le rôle de Faust. Il l'a fait, quoique indisposé, et s'en est tiré convenablement ; mais il est juste de lui faire crédit. Mlle Mauduit fait un gentil Siebel à la voix sympathique.

Le rôle de Valentin n'avait jamais été mieux tenu, à Paris, que par le baryton Devoyod.

Enfin, nous devons nos compliments à l'orchestre et aux chœurs.

Quant à la mise en scène, elle a toute la richesse et le bon goût pittoresque qu'on devait attendre d'un directeur artiste, obligé cette fois de lutter contre le souvenir d'un directeur très artiste lui-même.

S’il est honorable d'établir aussi brillamment le Faust de Gounod au milieu du plus fier et du plus grand de nos répertoires, il l'était pour le moins autant d'en assurer la première fortune, de l'imposer au public hésitant et à la critique, alors plus revêche qu'elle n'est aujourd'hui pour l’œuvre consacrée. Que notre dernier mot, en cette circonstance, soit donc pour M. Carvalho, comme aussi pour cette première et incomparable Marguerite, que ni la Lucca, ni la Patti, ni la Nilsson, malgré de beaux effets dramatiques, n'ont pas encore réussi à découronner.

 

P.S. A la deuxième représentation, Mlle Nilsson, MM. Faure et Colin, ont été rappelés après l'acte du jardin. C'est dire que l'exécution en a été plus vivante que le premier soir. Des bravos enthousiastes ont accueilli ces mêmes artistes, également rappelés après les 3e et 5e actes.

 

(Gustave Bertrand, le Ménestrel, 07 mars 1869)

 

 

 

 

 

     Depuis plus de soixante ans, le chef-d'œuvre du grand écrivain allemand a été traduit de bien des manières et il a fait vivre bien des gens. Il a été joue, chanté, mimé, dansé. Théaulon en a fait une pièce jouée aux Nouveautés ; Spohr, un opéra allemand ; Mlle Bertin, un opéra français ; Frédérick Lemaître, un succès d'acteur à la Porte-Saint-Martin ; M. Berlioz, une symphonie fantastique pleine d'impétuosité, de passion et de paradoxes musicaux. Enfin, MM. Michel Carré et Jules Barbier donnèrent à cette œuvre psychologique une forme dramatique fort convenable et de bonnes proportions. Eliminant tout ce qui leur paraissait extra-lyrique, ils ont conservé les principaux personnages et les épisodes caractéristiques de l'action. Dans le premier acte, le docteur Faust est rajeuni par Méphistophélès, qui lui montre dans un transparent magique Marguerite à son rouet et qui chante en filant. Dans le second, on voit la kermesse, la sortie de l'église, Faust abordant Marguerite. C'est dans le troisième acte qu'on assiste à la scène de la promenade, à la déclaration d'amour de Siebel, à la séduction de Marguerite. Le quatrième acte débute par le chœur des soldats revenant de la guerre ; il est rempli par la sérénade de Méphistophélès, le duel et la mort de Valentin, la scène de l'église et les remords de Marguerite. Quant à la nuit de Walpurgis et aux dernières scènes de l'ouvrage, qu'on a d'ailleurs retouchées et abrégées, l'effet en a paru manqué. L'arrangement de la pièce est, à cette exception près, très habilement fait.

 

Nous ne voudrions pas trop restreindre la part du musicien dans le succès presque universel de l'opéra de Faust. Il est incontestable qu'il a déployé dans cette œuvre des facultés remarquables ; d'abord une science harmonique de premier ordre ; ensuite une grande intelligence scénique et l'appropriation la plus ingénieuse des couleurs de l'orchestre aux différents caractères des personnages et aux situations si variées de ce drame émouvant. Mais il faut reconnaître qu'il y a des conceptions littéraires qui parlent si fort au cœur des spectateurs, dont l'intérêt est si constant et les applications si directes, malgré les apparences fantastiques qu'il a plu à l'auteur de donner à son poème, que le compositeur est soutenu, fortifié, protégé par son collaborateur. C'est évidemment un sort heureux que de se laisser porter sur les ailes du génie. Il faut cependant rester à la hauteur de cette situation périlleuse et ne pas être pris de vertige. M. Gounod a toujours su profiter du choix habile qu'il a fait d'œuvres dramatiques ou simplement poétiques très autorisées. Soit qu'il traite le Médecin malgré lui, le Conte du Faucon sous le titre de la Colombe, Philémon et Baucis, le Mireio de Mistral ou le Faust de Goethe, M. Gounod est un interprète fidèle, et montre autant de goût que de savoir dans cette tâche difficile. Son succès est plus contesté lorsqu'il est aux prises avec des livrets d'une provenance plus modeste et d'un mérite plus contestable, tels que ceux de Sapho, de la Nonne sanglante ou de la Reine de Saba. Il semble qu'un compositeur n'a gagné ses éperons que lorsqu'il a triomphé d'un mauvais poème. M. Gounod agit vis-à-vis des auteurs dramatiques comme certains directeurs de théâtre à l'égard des jeunes compositeurs. Il s'en défie un peu et se rejette sur le domaine public. L'ensemble de l'œuvre musicale est intéressant, surtout à cause de sa remarquable appropriation aux diverses situations du drame. Chaque morceau offre une phrase ordinairement courte, mais d'une vérité d'expression forte ou ingénieuse ; au point de vue de l'art proprement dit, on désirerait que ces phrases fussent plus développées, au lieu d'être souvent répétées à satiété, comme le fait jusqu'à seize fois Siebel dans ses couplets : Faites-lui mes aveux. Dans des opéras plus récents, le compositeur a su écrire des morceaux mieux coupés, plus complets ; le souffle, l'haleine, l'inspiration enfin augmentent d'intensité et de puissance à chaque production, et nous croyons fermement que M. Gounod nous donnera quelque jour un chef-d'œuvre digne d'être classé parmi les ouvrages de premier ordre qui s'imposent pendant un demi-siècle à l'admiration publique. En attendant, nous mentionnerons ici les fragments les plus saillants de son Faust. D'abord la ronde bizarre du Veau d'or, la phrase des vieillards pendant la kermesse : Aux jours de dimanche ; la valse, la cavatine de Faust : Salut, demeure chaste et pure, phrase délicieuse accompagnée par un violon solo, mais dont les développements manquent d'intérêt ; la ballade : Il était un roi de Thulé, dans laquelle le compositeur a introduit un emprunt caractéristique fait à la tonalité grégorienne ; l'air brillant des bijoux, la scène de la fenêtre : Laisse-moi contempler ton visage ; le duo passionné : O nuit d'amour, ciel radieux, et enfin le chœur des soldats, devenu populaire : Gloire immortelle de nos aïeux. Le rôle de Marguerite, rêveuse, passionnée et mystique, a été pour son habile interprète, Mme Carvalho, l'occasion d'une suite de succès et d'ovations qui dure encore. Celui de Faust a été chanté d'abord par Barbot, puis par Monjauze et Michot. Le personnage de Méphistophélès a été bien rendu par Balanqué et Jules Petit. Mlle Faivre chantait fort agréablement le rôle du jeune Siebel. Ismaël a joué Valentin avec l'énergie et l'intelligence dramatique qui en ont fait un de nos premiers sujets lyriques. L'opéra de Faust a eu autant de succès à l'étranger qu'en France. Il a élevé M. Gounod au rang de nos premiers compositeurs dans l'opinion populaire. Il ne s'offensera pas si nous lui disons qu'il lui reste encore un pas à faire pour que cette place ne lui soit contestée par personne.

 

(Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869)

 

 

 

 

 

Le premier Faust de Goethe avait déjà été mis plusieurs fois sur la scène lyrique ; mais l'œuvre du compositeur français a effacé toutes ses devancières, et est restée l'expression musicale la plus complète de la pensée de Goethe.

MM. Michel Carré et J. Barbier, éliminant du sujet tout ce qui leur paraissait extra-lyrique, ont conservé au drame ses principaux personnages et les épisodes caractéristiques de l'action. Dans le premier acte, le docteur Faust est rajeuni par Méphistophélès, qui lui montre, dans un transparent magique, Marguerite à son rouet et qui chante en filant. Dans le second, on voit la kermesse, la sortie de l'église, Faust abordant Marguerite. C'est dans le troisième qu'on assiste à la scène de la promenade, à la déclaration d'amour de Siebel, à la séduction de Marguerite. Le quatrième acte débute par le chœur des soldats revenant de la guerre, et est rempli par la sérénade de Méphistophélès, le duel et la mort de Valentin, la scène de l'église et les remords de Marguerite. Quant à la nuit de Walpurgis et aux dernières scènes de l'ouvrage, qu'on a d'ailleurs retouchées et abrégées, l'effet en a paru manqué. L'arrangement de la pièce est, à cette exception près, très habilement fait.

Il est incontestable que M. Gounod a déployé dans cette œuvre des facultés remarquables : d'abord une science harmonique de premier ordre ; ensuite une grande intelligence scénique et l'appropriation la plus ingénieuse des couleurs de l'orchestre aux différents caractères des personnages et aux situations si variées de ce drame émouvant. Mais il faut reconnaître qu'il y a des conceptions littéraires qui parlent si fort au cœur des spectateurs, dont l’intérêt est si constant et les applications directes, malgré les apparences fantastiques qu'il a plu à l'auteur de donner à son poème, que le compositeur est soutenu, protégé, fortifié par son collaborateur. C'est évidemment un sort heureux que de se laisser porter sur les ailes du génie ; M. Gounod a su rester à la hauteur de cette situation merveilleuse. L'ensemble de l'œuvre est intéressant ; chaque morceau offre une phrase ordinairement courte, mais d'une vérité d'expression forte et ingénieuse. Au point de vue de l'art proprement dit, on désirerait que ces phrases fussent plus développées, au lieu d'être parfois répétées jusqu'à satiété ; néanmoins, presque tous les morceaux sont restés dans la mémoire. « Cette partition, dit un critique musical, est populaire à des degrés différents, selon les différents publics auxquels elle parle la langue qu'ils comprennent le mieux. Ceux qui se piquent de sensations en musique, s'abreuvent aux vifs courants mélodiques qui traversent le tableau de la kermesse, et retiennent captif, dans leur oreille charmée, le rythme franc du chœur des soldats. Les délicats, transportant au piano des souvenirs du théâtre, donnent la préférence à ce troisième acte où flottent, dans le rêve de l'harmonie et de la mélodie, toutes les poésies de l'amour : l'émotion de Faust au seuil de la pauvre maison de Marguerite, ce : Salut, demeure et chaste et pure ! si admirablement traduit de Goethe par Gounod ; toute la scène de Marguerite filant et chantant à son rouet : Je voudrais bien savoir quel était ce jeune homme ; le quatuor du jardin, et surtout le duo de la séduction à la douce clarté des étoiles, spectatrices de la chute d'un ange et complices du complot d'un démon. »

Parmi les autres fragments les plus saillants, citons la ronde bizarre du Veau d'or ; la ballade : Il était un roi de Thulé, dans laquelle le compositeur a introduit un emprunt caractéristique fait à la tonalité grégorienne ; l'air brillant des Bijoux ; la scène de la fenêtre : Laisse-moi contempler ton visage.

Au Théâtre-Lyrique, le rôle de Marguerite, rêveuse, passionnée et mystique, eut pour habile interprète Mme Miolan-Carvalho ; ce fut un de ses triomphes. Faust fut chanté par Barbot, puis par Monjauze et Michot ; Méphistophélès par Balanqué et Petit. Au Grand Opéra, les rôles furent ainsi distribués : Marguerite, Christine Nilsson ; Méphistophélès, Faure, et Faust, Colin. Mlle Nilsson, malgré tout son talent, le charme de sa voix, la poésie de son visage et de ses attitudes, ne parvint pas à faire oublier Mme Carvalho ; on remarqua que le rôle était écrit trop bas pour sa voix, qui manque de sonorité dans le médium. Mais Faure créa un Méphistophélès d'une puissance et d'une originalité rares. La ronde, la sérénade, le trio du duel, et surtout les apartés du diable dans la scène de l'église, ont rencontré dans la voix, l'accent et le grand style du virtuose un interprète à la hauteur de ce rôle difficile chanté par lui, on peut le dire, pour la première fois.

La mise en scène était du plus grand éclat ; cependant on remarqua que ce luxe inouï des décors et la grandeur du cadre nuisaient plus à l'œuvre qu'ils ne la soutenaient. M. Paul de Saint-Victor a poétiquement traduit cette impression : « C'est surtout à l'effet du premier tableau que nuit la grande dimension du cadre. Qui reconnaîtrait la cellule mystérieuse de Faust dans ce vaste magasin encombré de cornues, d'alambics et de récipients qui rappellent la salle des instruments de physique à l'Exposition ? On se la figure petite et voûtée, presque remplie par une table chargée de grimoires sur lesquels pose une tête de mort, telle que Rembrandt l'a gravée dans sa célèbre eau-forte du Docteur Faustus ou qu'il l'a peinte dans son Philosophe en méditation du musée du Louvre. Je revois d'ici cette merveilleuse petite toile. Le vieillard est assis dans son fauteuil à large dossier ; il vient de le reculer d'un pupitre où une mappemonde se déploie près d'une Bible ouverte. La nuit tombe ; il a cessé de lire ; il rentre en lui-même et se laisse gagner par la rêverie et par l'ombre. Un rayon de crépuscule enfile la croisée et entretient un jour mourant dans la chambre. Sa faible clarté colore l'in-folio

et caresse la barbe du solitaire : une dernière lueur redescend l'escalier tournant, à moitié plongé dans l'obscurité. Au centre de cette nuit dont il est le point lumineux, le vieillard se recueille et songe, les mains passées dans ses larges manches. Il rêve sans doute à la fuite des ans, à sa vie atteinte, elle aussi, par les premières ombres du soir... Ainsi nous apparaît le Faust de M. Gounod, dans son récitatif lent et morne, qui exprime jusqu'à la lie l'amertume du désenchantement. La villanelle lointaine des jeunes filles, traversant l'hymne funèbre qu'il entonne ensuite, semble un essaim d'oiseaux qui passerait à tire d'aile sur un cimetière. »

 

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1872-1876)

 

 

 

 

    

L'opéra à succès de M. Gounod fut d'abord reçu froidement. Il n'était pas coupé, ni disposé tel que nous le voyons depuis 1869 à l'Opéra ; un dialogue parlé y tenait la place des récitatifs ; puis le ballet du cinquième acte, qui a été composé pour le théâtre de la Monnaie de Bruxelles, n'existait pas encore. Autre détail, mais qui peut avoir son importance au point de vue de l'effet général de l'œuvre, la scène de l'église se passait dehors, sur le parvis du temple. — Le drame fantastique de Goethe a inspiré plus ou moins heureusement un certain nombre de compositeurs : Lickl (1815) ; Spohr (Francfort, 1818) ; Seyfried (Vienne, 1820) ; Bishop (Londres, 1825) ; Béancourt (Paris, théâtre des Nouveautés de la place de la Bourse, 1827) ; Lindpaintner (Stuttgard, 1831) ; Mlle Louise Bertin (Paris, Théâtre-Italien, 1831) ; Gordigiani (Florence, 1837), etc.

 

(Albert de Lasalle, Mémorial du Théâtre-Lyrique, 1877)

 

 

 

 

     

 

Acte IV. le retour des Soldats, dans les décors de Jambon et Bailly de 1908, reconstitués par Maurice Moulène en 1934, et tels qu'on les voyait encore à l'Opéra en 1954

 

 

 

    

Autour d’une première

(documents inédits)

 

Le Faust de Gounod, créé au Théâtre-Lyrique en 1859, avait eu une brillante carrière, lorsque M. Carvalho fit faillite en 1868. Les auteurs du livret pressentirent M. Perrin, le directeur de l'Opéra, et le trouvèrent disposé à mettre le brillant ouvrage sur la scène de la rue Le Peletier. Mais Gounod, scrupuleux jusqu'à l'excès, souleva des objections et ne crut pas devoir retirer son œuvre à celui qui en avait commencé la fortune. Il fallut que ses collaborateurs lui fissent violence pour l'amener à une entente définitive. Le 1er juillet 1868, Jules Barbier lui écrivait : « En droit, il est bien évident que la double faillite de notre ami Carvalho nous dégage absolument envers lui. En fait, j'aurais regret de lui porter un préjudice quelconque, mais ce n'est pas, je crois, lui porter un préjudice que de reprendre un ouvrage dont les dernières représentations se sont misérablement traînées à la salle Ventadour et qui ne peut retrouver un regain de jeunesse et de succès que dans le cadre de l'Opéra qui lui rendra tout l'attrait de la nouveauté. Carvalho doit trop à Faust pour ne pas lui témoigner sa reconnaissance en lui rendant sa liberté alors que Faust cesse de lui être réellement utile... Pour lui, Faust ne représente plus qu'un passé sans lendemain, pour nous c'est tout un avenir. Reste la question de savoir si tu n'es pas lié par un engagement avec lui. On m'assure que non. C'est à toi de trancher cette question, et c'est pourquoi ma décision se trouve nécessairement subordonnée à la tienne. Notre intérêt commun exige la résurrection de Faust à l'Opéra. Il serait déplorable que par suite d'une abnégation qui, dans l'état des choses, ne servirait même pas utilement les intérêts à venir de Carvalho, notre ouvrage fut condamné à languir jusqu'à extinction de chaleur naturelle dans le répertoire de la Renaissance ou mieux dans celui de M. Bagier. » Michel Carré s'associait à cette requête et déclarait s'opposer de toutes ses forces à un nouveau massacre de Faust à la Renaissance.

Gounod ayant cédé, il fut convenu qu'il enrichirait son ouvrage d'un ballet et de couplets nouveaux destinés à Méphisto, au 4e acte.

Dans le courant de l'hiver 1868, on commença les répétitions, dés que la distribution fut arrêtée, et les peintres Desplechin, Cambon, Rubé et Chaperon, travaillèrent aux neufs décors pour lesquels on avait prévu une dépense de 30.000 francs environ.

C'est au cours de ces travaux que M. Perrin reçut d'un certain Rohart, manufacturier-chimiste, une offre curieuse, libellée en ces termes :

« Au moment où l'on annonce l'apparition de Faust à l'Opéra, je vous demande la permission de prendre l'initiative en faveur d'une idée qui ne peut que vous intéresser, et dont la réalisation vous mériterait certainement l'approbation de tout le monde.

La traditionnelle fusée du second acte ne peut plus être qu'une vieille et mauvaise plaisanterie ; le Méphistophélès de l'Opéra doit pouvoir offrir aujourd'hui quelque chose de mieux que la ridicule fulguration d'un artifice de deux sous.

L'admirable expérience de la veine fluide n'est guère connue que des privilégiés de la science, mais elle trouverait là une belle et heureuse occasion de se produire, et elle est facile à réaliser. La voici en quelques mots : Un tonneau rempli d'eau, librement ouvert au sommet, et posé sur l'un de ses fonds, et percé à sa base de deux ouvertures circulaires ayant à peu près le diamètre d'un bouchon ordinaire, et opposées l'une à l'autre. L'une d'elles est fermée par un verre rouge pourpre sur lequel on dirige le foyer d'une lumière électrique ; l'autre ouverture permet l'écoulement du liquide à l'aide d'un simple bouchon. En enlevant ce dernier, l'eau s'écoule en décrivant une parabole, comme quand elle sort du tonneau d'un porteur d'eau ; seulement celle qui s'échappe dans l'expérience si curieuse de la veine fluide est lumineuse dans toute sa longueur, et d'un rouge pourpre dont l'effet est d'autant plus saisissant que la lumière projetée ne suit pas la ligne horizontale des deux ouvertures, mais celle de la courbe décrite par la parabole. En un mot, la lumière est entraînée mécaniquement par chaque molécule d'eau passant par l'orifice, absolument comme si elle était en dissolution dans cette eau.

J'espère, Monsieur, que vous m'aurez suffisamment compris et que vous aurez pu vous convaincre qu'en effet il y a là, pour le public, une grande, belle et sérieuse nouveauté de laquelle vous pouvez tirer un très bon parti. »

Le brave chimiste en fut pour ses frais d'éloquence ; M. Perrin n'éprouva pas le besoin d’étudier de visu la « veine fluide » et l'on n'innova rien de particulier au tableau de la Kermesse.

La répétition générale eu lieu le 25 février et dura 5 heures un quart, de 7 h. 41 à minuit 55. Il fallut donc, les jours suivants, ramener le spectacle à de plus justes proportions. L'annonce de la mise à la scène de Faust, à l'Opéra, créa un tel mouvement de curiosité que M. Perrin se vit assaillir par des milliers de demandes venues de toutes les classes de la société parisienne et même de la province. Les unes étaient formulées en manière de suppliques douceâtres, d'autres prenaient un tour de camaraderie exigeante, presque toutes réclamaient une réponse. Philippe Gille, connu pour sa tenue débraillée, promettait, contre la remise d'un fauteuil, de faire une « toilette étonnante » ; Edmond Stoullig, tout jeune alors et très féru de théâtre, sollicitait « une place quelconque, aussi mauvaise que possible » ; Rodrigues, le Domino du Gaulois, estimait qu'il y avait un certain intérêt pour l'Opéra et pour les lecteurs de son journal, à ce qu'il put assister aux solennités parisiennes ; Barbey d'Aurevilly terminait ainsi sa lettre : « Vous serez assez aimable pour me répondre, et assez sûr de vous pour croire aux sentiments de grande sympathie que vous m'inspirez » ; enfin Ernest Legouvé écrivait : « J'aime mieux m'adresser au bon Dieu qu'à ses saints, et vous avez toujours été un si bon bon Dieu pour moi, que je remets tous nos intérêts entre vos mains ».

C'était à qui prétendait payer une place qu'il espérait se voir offrir ; aussi dans cette ruée peu commune, la direction eut-t-elle grand' peine à satisfaire une élite.

Le soir de la première on voyait, à l'orchestre : Emile de Girardin, de Castelbajac, écuyer de Napoléon III, le comte de Juigné, Osiris, Niedermayer, Duprato, Cohen, Constant Coquelin, Jules Klein, Gevaert, Jules Garnier, A. Berger, Massé, Ritter, le prince Bibesco, E. Bertin, C. Doucet, le baron Lambert, de Pène, de Solms, G. Hainl, Cormon, Sardou, Cham ; à l'amphithéâtre : Joncières, Barbey d'Aurevilly, Meilhac, la Taglioni, le baron Gustave de Rothschild, de Germiny, de Ségur, le baron de Begens, de Las Cases, Plumkett, Ch. Laffitte ; au parterre : de Neuville, Delibes, Letourneux, Villaret ; aux deuxièmes loges : le général Fleury, Marguerite Bellanger, Marie de Lassert, Rouher, Oppenheim, de Praslin, le prince Demidoff ; enfin aux troisièmes loges : Boulanger, Henriette Strauss, Clairin, de Traz, Heugel, etc., etc.

Et les opinions les plus diverses se firent jour. Alors qu'un abonné, M. Albert Cocteau, avait déclaré, dés le 21 février : « Je grille depuis longtemps de voir Faust au répertoire de l'Opéra » ; un autre abonné, le marquis de la Roche, au lendemain de la première, informait le directeur, « comme musicien et comme connaisseur », que l'opéra de Gounod n'aurait pas le succès espéré. Mlle Nilsson, selon lui, ne s'était pas montrée à la hauteur de sa réputation et il assurait que Villaret s'acquitterait mieux que Colin du rôle du ténor.

Ce jugement d'un « connaisseur » est amusant à cataloguer. L'œuvre de Gounod, entrée au répertoire de l’Opéra, répondit d'elle-même au prophète de malheur par un éclatant triomphe et répond encore à sa mémoire, après quarante ans, par un succès toujours égal et tel que jamais on n'en vit semblable sur aucune scène du monde.

(Martial Ténéo)

 

Argument de Faust.

PREMIER ACTE. — Assis devant une table chargée de parchemins, Faust souffre, dans sa solitude, de tout son savoir inutile et songe à mourir. A la minute de boire un poison libérateur, il entend au dehors des chœurs de jeunes filles et de laboureurs qui célèbrent le printemps, le labeur fécond, la joie de vivre. Désenchanté de tout, le vieux Faust maudit cette allégresse, et l'amour, et la foi. Il appelle à lui Satan. Méphistophélès se rend à son appel. Il lui montre Marguerite dans un transparent magique, il change le poison en un philtre de jeunesse et voici que Faust est métamorphosé en élégant seigneur, au prix de son âme.

DEUXIÈME ACTE. — Aux portes de la ville, étudiants et bourgeois, soldats et jeunes filles sont en liesse. Tout a coup, Méphistophélès parait au milieu de la kermesse. Il chante, lit l'avenir dans la main de chacun, fait jaillir le vin d'un tonneau, porte un toast à Marguerite. Le frère de celle-ci, Valentin, provoque le singulier personnage. Mais voilà que son épée se brise. Les étudiants s'éloignent, Faust survient et Méphistophélès lui promet de lui montrer sur l'heure la belle dont son cœur est épris. Marguerite entre en scène, Faust l’aborde et se voit refuser le plaisir de l'accompagner. Alors Satan entraîne Faust sur les pas de la jeune fille tandis que les danses continuent.

TROISIÈME ACTE. — Siebel, amoureux de Marguerite, rêve dans le jardin de la jeune fille, lorsque Méphistophélès et Faust y pénètrent aussi. Le galant page laisse un bouquet à la porte de celle aime, Méphistophélès dépose sur le seuil un coffret rempli de bijoux. Négligeant les fleurs, mais séduite à la vue des trésors, Marguerite se pare des colliers et des bracelets et lorsque Méphistophélès a disparu avec la suivante Marthe, Faust déclare son amour à Marguerite qui bientôt, à son tour, avoue l'aimer et le vouloir chérir.

QUATRIÈME ACTE. — Marguerite est entrée dans l'église pour prier. Mais des voix démoniaques l'apeurent. Prise de remords, anéantie par les paroles de Méphistophélès qui lui prédit une angoisse éternelle et vaincue par les chants religieux qui la poignent, elle s'évanouit.

Au tableau suivant, Valentin revenu de la guerre est chez sa sœur lorsque Méphistophélès suivi de Faust vient chanter une sérénade sous les fenêtres de Marguerite. Valentin sort pour demander des explications. Bientôt il croise le fer avec Faust, tombe mortellement blessé et maudit sa sœur en agonisant.

CINQUIÈME ACTE. — Méphistophélès conduit Faust aux enfers pour lui montrer les richesses de son empire. Mais, au milieu d'une fête infernale, alors que, subjugué par la beauté des courtisanes, le docteur tend sa coupe aux échansons, apparaît à ses regards le fantôme de Marguerite. Suivi de Faust, Méphistophélès traverse la foule des démons pour se rendre à la prison où la jeune fille séduite et qui a tué son enfant attend l'heure du châtiment. D'abord délirante d'amour, puis échappant aux joies du monde pour se tourner vers Dieu dans une imploration mystique. Marguerite meurt et son âme rachetée s’élève vers les cieux. Faust demeure désespéré et Méphistophélès recule sous la menace de l'épée lumineuse d'un Archange.

 

(programme de l’Opéra de Paris, 16 juin 1909)

 

 

 

 

    

La scène se passe en Allemagne, dans un lointain moyen âge, époque indéterminée.

Pour apprécier le livret de MM. Carré et Barbier, il n'y faut pas rechercher la fidélité à la pensée de Goethe. Dans le Faust de ce dernier, les librettistes n'ont pris que l'épisode de Marguerite et l'ont accommodé à l'esthétique de l'opéra. Ils n'ont pu éviter une fin obscure et forcément incompréhensible pour qui ne connaît pas le drame original. La musique a fait passer par dessus ces déficits. La fantasmagorie à peine ébauchée de la nuit de Valpurgis serait grotesque, si elle n'était heureusement sauvée par un très beau ballet. Quant à la scène finale, elle a l'air d'appartenir à une autre pièce, tant il y a de choses supprimées entre elle et ce qui précède. Mais, prise a part, elle est fort belle.

Le premier acte nous montre le docteur Faust, vieux et usé, sur le point de s'empoisonner après avoir éprouvé le vide et le néant de tout. Mais il a invoqué le démon et celui-ci paraît sous les traits de Méphistophélès. En échange du pacte qui lui livre l'âme du docteur, Méphisto accorde à celui-ci la jeunesse et s'engage à le servir fidèlement ici-bas, quitte pour Faust à le servir dans l'au-delà. Pour décider Faust au pacte fatal, le démon a fait paraître à ses veux éblouis la vision de Marguerite.

Le second acte combine plusieurs scènes du Faust de Goethe, entre autres la scène fameuse de la cave d'Auerbach. Les librettistes l'ont située en plein air, aux portes de la ville. Valentin et les soldats vont partir pour la guerre. Le frère de Marguerite confie celle-ci à la garde du fidèle Siebel. Méphisto, qui a voulu montrer tout d'abord à son élève l'orgie, le met maintenant sur le chemin de Marguerite, alors que la jeune fille se rend à l'église. L'acte, qui avait commencé au milieu des refrains bachiques et des chansons, s'achève aux sons d'une valse entraînante.

Le troisième acte se passe dans le jardin de Marguerite. L'amoureux Siebel apporte à son amie des fleurs. Après lui viennent Faust et Méphisto. Ce dernier dépose auprès des fleurs de Siebel un coffret garni de superbes bijoux. Faust est impressionné par l'atmosphère de pureté qui règne en cet asile. Il s'éloignerait, n'était Méphisto qui le pousse à voir la fin de l'aventure.

Marguerite rentre. Faust et Méphisto se cachent.

La jeune fille voit les bijoux qui ont vite fait de détourner son attention des fleurs. Le mal entre en elle par la porte de la coquetterie. Une vieille voisine qui survient, dame Marthe, s'extasie sur la richesse de cette parure et déclare qu'à son avis ce doit être le don de quelque seigneur amoureux.

Faust et Méphisto sortent de leur cachette et, tandis que Méphisto se charge de la vieille, Faust a le loisir de parler à Marguerite. La nuit tombant, la jeune fille, quoique vivement émue, prie Faust de se retirer. Il s'attarde, désormais seul, car Méphisto a jugé le moment venu de s'éloigner. La jeune fille consulte la marguerite : « Il m'aime, il ne m'aime pas... » La fleur répond : « Il m'aime ! »

Mais la nuit est tout à fait tombée. Marguerite effrayée regagne sa demeure en disant à Faust : « A demain ! »

Faust, ému, veut partir. Méphisto revenu le décide à rester. Bientôt Marguerite paraît à sa fenêtre. Dans l'exaltation de son cœur, elle parle à la nuit, elle appelle de ses vœux le bien-aimé. Soudain celui-ci est dans ses bras, et Méphisto s'éloigne en éclatant de rire.

Le premier tableau de l'acte suivant est fréquemment supprimé en province. Il représente la chambre de Marguerite. La pauvre fille est désespérée : le bien-aimé ne revient pas ! En vain Siebel s'évertue à la consoler. Elle espère encore trouver le repos auprès de Dieu et sort pour se rendre à l'église...

Au tableau suivant, elle entre au saint lieu. Mais à tous ses efforts pour prier, des voix hostiles s'opposent. Méphisto lui apparaît et la torture de remords. Le chant des fidèles contribue encore à l'accabler. A bout de force, elle tombe évanouie sur les dalles de l'église.

Le tableau suivant représente la rue devant la maison de Marguerite. Valentin revient de la guerre : il ignore tout et se réjouit de voir sa sœur. Il est vrai que s'il ne sait rien, nous n'en savons guère davantage. Tout ce que la pièce nous a appris, c'est que Marguerite a eu un amant, et que depuis quelque temps cet amant la délaisse.

Siebel s'efforce d'empêcher Valentin de rentrer chez lui. Il ne réussit qu'à l'alarmer et à le faire rentrer plus vite. Ici se place l'arrivée des soldats, musique en tête, intermède qui produit toujours grand effet.

Faust, cependant, a voulu revenir chez Marguerite. Nous ignorons pourquoi il avait cessé de la voir ; on ne nous dit pas davantage pourquoi il se ravise aujourd'hui. Méphisto annonce leur présence à tous deux par une sérénade qui fait paraître non Marguerite, mais Valentin. Celui-ci, désespéré, provoque Faust et se bat avec lui. Le duel est inégal, car Méphisto est derrière Faust. Le pauvre Valentin se bat donc contre deux, et l'un des deux n'est autre que le Diable ! Aussi le soldat tombe-t-il bientôt mortellement blessé. Faust et Méphisto détalent.

Au bruit de la lutte la foule est accourue. Avec la foule, est venue aussi Marguerite qui implore le pardon de son frère. Mais celui-ci est impitoyable et meurt en la maudissant.

Ici l'action, si l'on peut encore parler d'action, devient de plus en plus inintelligible. Nous sommes sensés suivre Faust et Méphisto au sabbat. Pourquoi ? Mystère !

Méphisto offre à Faust le spectacle d'un grand ballet, auquel prennent part les reines et les grandes courtisanes de l'antiquité. L'ombre de Marguerite fait évanouir cette vision.

Un court tableau doit nous faire comprendre que Faust, instruit de la fin imminente de Marguerite. désire la revoir et si possible la sauver. Jusqu'ici rien ne nous a permis de deviner le sort de Marguerite. Un mot en passant au dernier acte nous apprend qu'elle a eu un enfant et qu'elle l'a tué dans un accès de démence. C'est pour ce crime qu'elle est emprisonnée et va subir la peine capitale.

Nous voici au dernier tableau. Marguerite, folle, dort dans sa prison. Arrivent Faust et Méphisto. En se hâtant, Faust peut faire sortir la malheureuse et l'emmener. Des chevaux attendent à la porte.

Marguerite s'éveille. Elle reconnaît Faust, qui la presse de fuir. Mais elle s'attarde à ses souvenirs. Toute l'aventure d'amour repasse devant ses yeux ; elle s'abandonne au bien-aimé retrouvé.

Soudain Méphisto, qui montait la garde au dehors, paraît et insiste pour le départ immédiat. A sa vue, la pauvre folle frissonne. Elle a reconnu l'homme fatal, l'esprit pernicieux qui consomma sa ruine. Désormais rien ne pourra la décider à partir.

« Maudite ! » triomphe Méphisto.

« Sauvée ! » répondent des voix d'en-haut. On entend un chant de Pâques — on remarquera la curieuse transposition de ce chant imaginée par les librettistes.

Le fond de la prison disparaît et l'âme de Marguerite s'élève au ciel sur des nuées, en une apothéose.

 

(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)

 

 

 

 

    

Le plus grand succès d'opéra. Le plus vraiment populaire et accessible à toutes les intelligences musicales. C'est le chef-d'œuvre de Gounod, qui a trouvé dans l'adaptation de la vieille légende allemande — telle que l'ont conçue Jules Barbier et Michel Carré — un thème davantage adéquat à son talent essentiellement religieux que le sujet romantique et sanglant de Roméo et Juliette. On reconnaît l'auteur de « Le ciel a visité la terre » et de l’ « Ave Maria » dans cet essaim de notes d'orgue qui pénètrent de leur sonore tristesse la scène mystérieuse de l'église, et dans l'ardente envolée du célèbre trio final.

Quant au livret, on se peut étonner à sa lecture qu'il paraisse à la scène aussi intelligible. Sans doute, l'histoire du vieux magister qui vendit son âme au Démon pour récupérer la jeunesse, est, depuis tous les temps, dans toutes les mémoires. Mais le travail auquel se sont, après bien d'autres, livrés les librettistes sur la tragédie de Goethe — où ils ont fait appel à la partie connue (?) sous la désignation du « Premier Faust », dont ils ont surtout retenu l'épisode de Marguerite — est une véritable arlequinade, une succession de tableaux sans grande cohésion ni cohérence — et l'on comprend facilement qu'un trio d'humoristes nés malins en ait extirpé cette bouffonne parodie jouée aux Folies-Dramatiques sous le titre du Petit Faust, l'année même où l'œuvre de Charles Gounod passait du Théâtre-Lyrique à la scène de l'Opéra.

C'est en 1859 que Faust fut créé, salle Ventadour, par Mme Miolan-Carvalho, le 19 mars — date fatidique (puisque c'est celle de la première représentation de Mireille au même théâtre et de sa grande reprise à l'Opéra-Comique) pour les heureux auteurs qui durent se placer évidemment sous le patronage du bon saint Joseph. La version primitive avait été donnée « avec parlé » pour employer le langage de ce pays-là. Elle n'obtint d'abord aucun succès : « Faust » fut sifflé ! Le seul « Chœur des soldats » et la « Valse » trouvèrent grâce devant l'incompréhensible public ; la critique était féroce — et Gounod n'avait pas même d'éditeur pour la partition qu'il offrait, amputée, à 6.000 francs. Grâce au talent de Mme Carvalho, la pièce finit par s'imposer. La reprise eut lieu sous sa forme définitive le 3 mars 1869, à l'Académie « Impériale » de musique avec Mme Nilsson dans le rôle de Marguerite. Méphistophélès était incarné par l'illustre chanteur Faure, pour lequel on avait ajouté des couplets. Enfin, c'est à cette occasion que fut composé par Gounod l'indispensable « Ballet ».

Lors d'une récente reprise, la direction de l'Opéra crut devoir renouveler l'équipement des personnages. Le sens de cette initiative nous échappe : il est permis d'en contester l'utilité décorative, et elle offre l'inconvénient de rompre, sans considérations d'esthétique valables, avec une respectable tradition.

La Damnation de Faust de Berlioz a été portée au théâtre en 1893. Au point de vue « réalisation dramatique » de la légende de Goethe, cette mise à la scène n'a rien donné de meilleur que l'essai de mise en scène plus haut déploré.

 

***

 

Le savant docteur Faust travaille au petit jour dans son laboratoire. Il a épuisé la sapience humaine, et, blasé sur tout, tombe peu à peu dans « ce recueillement morne qui exprime jusqu'à la lie toute l'amertume du désenchantement ». Tandis qu'il conclut au néant, l'écho d'une villanelle paysanne arrive par la fenêtre « traversant son hymne funèbre comme un vol d'oiseaux dans un cimetière »... Faust écoute : ces chants joyeux lui semblent insulter à sa vieillesse — et, pris d'une rage de vivre au moment de s'empoisonner, il invoque le diable et lui propose le troc traditionnel de son âme — dont il doutait, dans la crise de neurasthénie — contre la jeunesse, « ce trésor qui les contient tous » pour employer ses expressions. Satan (Méphisto, dans l'intimité) lui a donné au préalable un échantillon de son savoir-faire en évoquant à ses yeux la vision télépathique de « Marguerite au rouet ».

Kermesse aux portes de la ville un jour de mobilisation : les soldats vont partir en guerre et l'un d'eux, Valentin, frère de Marguerite, confie la jeune fille à Siebel, damoiseau qui l'aime. Dans la foule, Méphisto se divertit à provoquer l'étonnement par quelques tours de physique amusante, et dit la mauvaise aventure à qui veut l'entendre. L'armée murmure ; on exorcise le maudit par l'imposition, en signe de croix, de gardes d'épées. Il se replie tortueusement et s'occupe de mettre Faust, tout flambant neuf, ragaillardi, en présence de Marguerite. Celle-ci passe, les yeux baissés ; elle décline modestement l'invite de cet inconnu qui lui offre bêtement le bras pour faire un petit tour — et disparaît — tandis que le naïf docteur demeure stupide, frappé comme un collégien du « coup de foudre »... et que la vraie jeunesse de l'endroit s'enlace aux tranquilles accords d'une de ces bonnes vieilles valses de l'époque.

C'est une attachante figure que celle de Marguerite, une fillette encore sage, et dont la gentillesse de Siebel n'a même pas atteint le cœur. L'amoureux étudiant lui apporte un bouquet arrosé d'eau bénite, qu'il a économiquement cueilli dans le jardin de la belle. Méphistophélès et son client, le docteur Faust, toujours jeune, entrent comme chez eux ; le démon, qui connaît par quoi l'on prend les femmes, dépose auprès des humbles fleurs quelques joyaux de sa façon. Lorsque Marguerite revient, elle n'hésite pas entre les brillants et les roses ; et une robuste commère voisine — mûrie par l'expérience et la disgrâce conjugale, fascinée par les diamants — lui prodigue d'honnêtes avis qui sentent un peu le fagot. Aussi, Marguerite se montre tout de suite moins farouche lorsque le beau cavalier de la Kermesse surgit à ses yeux favorablement prévenus... la nuit tombe, propice, et complice. Méphisto se charge d'éloigner l'inflammable duègne... si bien qu'après avoir échangé des adieux qui ressemblent à des aveux, lorsque Marguerite reparaît à sa croisée, rêvant d'amour au clair de lune, Faust, poussé par le diable, escalade le balcon, et la reçoit défaillante dans ses bras — aux ricanements de l'esprit du Mal.

Hélas, Marguerite n'a pu résister à l'envie de rendre sa situation de plus en plus intéressante. Il faut des flots de mélodie pour masquer au public ce banal « fait divers » qu'elle ne réussira pas à dissimuler à son frère, retour de la guerre. Et elle s'abîme dans son repentir, implorant le Dieu de clémence, écroulée sur les dalles de la chapelle — où l'ange déchu se détache d'un pilier dans le rayonnement écarlate projeté par quelque vitrail gothique, et l'accable impitoyablement d'hallucinations menaçantes. Cependant, l'armée rentre dans ses foyers, victorieuse et retentissante, au pas de parade, chantant le triomphe. Et Valentin ne tarde pas à apprendre par les bonnes langues le déshonneur et l'abandon de Marguerite. Juste à ce moment, Faust survient, flanqué de son inséparable mauvais génie ; Méphisto, qui tient à poursuivre jusqu'au bout son œuvre infernale, attire le soldat dans un guet-apens au moyen d'une sérénade galamment donnée à sa sœur. Valentin provoque le séducteur et se fait assassiner, dès les premiers engagements de fer, par la traîtresse lame du démon. Marguerite s'élance trop tard au secours de l'infortuné, dont le trépas bavard achève de l'anéantir : Valentin succombe en la maudissant — la foule malveillante qui s'écarte répète l'anathème, sous lequel la pauvre enfant va demeurer fatalement écrasée.

Faust et Satan ont pris la fuite. Ici, nous planons dans le domaine de la fantasmagorie... Elle se déroule au Sabbat. L'incantation magique du Brokën, la voluptueuse « Nuit de Walpurgis » — scènes empruntées au drame original — n'ont pas tué le souvenir radieux de Marguerite dans le cœur troublé du damné. Une vision la lui a montrée, emprisonnée, sous le coup d'une condamnation capitale pour infanticide. Il exige la délivrance de la femme qui l'a aimé. Bon diable, Méphisto s'emploie prosaïquement à corrompre les geôliers. Mais la malheureuse Marguerite est à demi folle de douleur. Elle reconnaît à peine son amant — perd un temps précieux à évoquer dans le délire son bonheur, si vite détruit — refuse de suivre ses persécuteurs et, purifiée par la souffrance expiatoire, exhale enfin son âme libérée dans un splendide cri d'espoir en la céleste Pitié.

 

(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)

 

 

 

 

    

« le « Faust » de Gounod

A vingt ans, Gounod avait lu le Faust de Goethe et déjà il songeait à le mettre en musique.

Le Faust de Goethe est un immense poème, où l'on trouve du drame, des parties purement lyriques, de la satire politique et littéraire, du roman philosophique, de la féerie, du ballet, et presque de l'opéra, — un monde de pensées et de rêves tel que seul un génie prodigieux pouvait en créer une telle diversité.

Le sujet en est emprunté à une légende qui fut très populaire au XVIe siècle. Faust est un personnage réel qui a vécu entre 1480 et 1540 environ, sorte d'aventurier et de charlatan illuminé, à moitié sincère, dont l'imagination populaire a fait le type du magicien. Son histoire, plus ou moins véridique, enrichie de mille inventions fantastiques, est contée dans le Livre populaire du docteur Faust dont la plus ancienne édition date de 1587.

A cette vieille légende Goethe trouva un attrait dont son romantisme s'émut. Elle lui fournit un cadre pour exprimer toute une conception du monde, de l'homme et de la vie. Il ajouta, du reste, une foule d'éléments nouveaux, quand ce ne serait que l'épisode essentiel de Marguerite, totalement absent de toutes les versions de l'ancien Faust.

Le Faust de Goethe offre une telle abondance de développements qu'il était impossible à aucun compositeur d'en commenter intégralement le texte. Il fallait d'abord exclure toutes les scènes d'un intérêt purement philosophique, politique, social ou littéraire. Il fallait ensuite faire un choix entre les autres scènes et les grouper suivant une idée directrice.

Ainsi procédèrent Liszt, Schumann, Berlioz, Boito, chacun à sa façon.

Très modestement, les librettistes Jules Barbier et Michel Carré, travaillant pour Gounod, se bornèrent à traiter le seul épisode de Marguerite, si poétique et si touchant. C'était leur droit.

Berlioz sentit profondément la beauté du Faust de Gounod et en fit, dans les Débats, un magnifique éloge. Mais, à côté de lui, que de critiques ne découvrirent rien de la réelle valeur de l'incontestable chef-d'œuvre ! Gounod fut considéré par beaucoup de ses contemporains comme un auteur sévère, plus « savant » qu' « inspiré ». On lui reprochait de « porter au théâtre ce qu'il fallait laisser au concert », de ne pas mettre l'effet « dans les voix » mais « dans les instruments ». Gounod manquait de « mélodie ! »

Néanmoins l'œuvre s'imposait assez rapidement. Le 4 novembre 1887 avait lieu la 500e représentation parisienne avec Jean et Edouard de Reszké, Melchissédec, et Mme Lureau-Escalaïs. En 1912, Faust atteignait sa 1.500e représentation et, depuis lors, ni à Paris, ni à l'étranger, le succès de cette œuvre si populaire n'a un seul instant fléchi.

 

PREMIER ACTE

La première page de Faust est une des plus remarquables de la partition, une des moins écoutées du reste, et l'on peut dire une des moins connues. Elle ne sert, pour l'ordinaire, que de discret accompagnement aux dernières conversations des spectateurs avant le lever du rideau. C'est du Gounod sévère, du Gounod qui sait son Bach et qui le prouve. Le style fugué, les procédé, scolastiques sont ici tout à fait à leur place : il s'agit de dépeindre l'âpre lutte d'un vieux philosophe avec la vérité rebelle.

L'introduction se termine par une phrase bien chantante qui sera celle de l'Invocation de Valentin au début du deuxième acte.

La toile se lève. Seul, assis près de sa table de travail, dans son cabinet encombré d'instruments bizarres, le docteur Faust, chargé d'années et de soucis. médite. Il se plaint, il gémit : ses recherches sont vaines, ses efforts inutiles, la science est pur néant. Cependant, dans l'éloignement, on entend une joyeuse musique pastorale. Le jour vient peu à peu, un jour que Faust maudit ! A quoi bon vivre davantage ? Pourquoi ne pas aller courageusement à la mort ?

A ce moment éclate au dehors, avec force, le chant qui s'annonçait il y a quelques instants par un bruissement lointain. C'est un chœur de paysans qui salue avec amour le réveil de la Nature dans l'aube d'une belle journée de Pâques. La coupe que Faust tient encore sans avoir osé y tremper ses lèvres tremble dans sa main.

Les voix se taisent.

Ce Dieu qu'il vient d'entendre invoquer par des âmes simples, ce Dieu qui ne lui a donné en ce monde aucun des bonheurs souhaités, Faust le maudit maintenant et, dans un grand mouvement de passion, il fait appel à l'Enfer, à Satan.

Méphistophélès paraît, élégamment vêtu en gentilhomme : « l'épée au côté, la plume au chapeau, l'escarcelle pleine, un riche manteau sur l'épaule ».

Faust, décontenancé, veut d'abord chasser l'Esprit infernal. Pour le tenter, Méphistophélès lui offre la richesse, la gloire, la puissance. Faust ne veut qu'un bien « qui les contient tous », la jeunesse !

La jeunesse ! Pour la posséder à nouveau, Faust devra signer le pacte redoutable, vendre son âme à Satan pour l'éternité. Il hésite. Pour le décider, Méphistophélès fait apparaître l'image de Marguerite : sur le ronron du rouet qu'imite le dessin trillé des violons, le cor solo pose, dans la douceur, le thème d'amour qui sera chanté dans le grand duo du troisième acte, d'une qualité mélodique si rare et si pure. Faust, émerveillé, profondément troublé, laisse conduire sa main et signe.

 

DEUXIEME ACTE

Fête populaire. Bruyante confusion. Allégresse générale. Des étudiants chantent le plaisir de boire, des soldats leurs conquêtes amoureuses, de vieux bourgeois disent leur joie pacifique à flâner au bord de la rivière.

Des jeunes filles font les coquettes avec de jeunes garçons. De vieilles matrones qui singent la jeunesse interviennent pour disputer les galants à leurs triomphantes rivales. Tumulte. Chœur général. Musique vivante aux rythmes francs, aux accents à dessein un peu lourds, qui exprime bien le grouillement confus d'une foule en joie. On remarquera la grâce souriante et vieillotte du motif des bourgeois, l'allure goguenarde bien en situation du thème des jeunes filles et des commères. Notons aussi un court essai de polyphonie qui, lors des premières représentations, parut hardi : il s'agit du passage où les seconds ténors font entendre un fragment du thème des bourgeois sur la seconde moitié de la phrase des étudiants chantée par les premières basses.

Valentin, frère de Marguerite, entre en scène. Avant de partir pour la guerre, il a reçu de sa sœur une médaille bénie qui le protégera contre les dangers. Il dit son chagrin de laisser Marguerite seule, sans appui. Pour veiller sur elle, sa mère n'est plus là. Un ami de Valentin, le jeune Siebel, s'offre pour remplacer auprès de la jeune fille le frère absent. Valentin chante son Invocation au Dieu juste et bon.

Les compagnons de Valentin l'invitent à se montrer moins soucieux et à prendre part gaîment à leur dernière réunion avant de quitter la ville. Ils s'attablent pour boire. L'un d'eux, Wagner, commence la chanson comique du Rat ; il est interrompu par Méphistophélès qui, avec une grâce insinuante, demande à être admis dans la joyeuse assemblée et paie sa bienvenue en disant la Ronde du Veau d'or, — morceau visiblement composé pour l'effet, très habile du reste, d'un rythme entraînant, admirablement écrit pour la voix et d'une instrumentation très brillante. Les traits des premiers violons dans la ritournelle et dans le milieu du couplet ont un caractère strident et ironiquement incisif qui souligne parfaitement les intentions du texte.

Sa chanson terminée, Méphistophélès conte la bonne aventure, — ou la mauvaise, — à quelques-uns des assistants. A Wagner il prédit qu'il périra en montant à l'assaut ; à Siebel qu'il ne pourra toucher une fleur sans qu'elle se fane ; à Valentin qu'il se fera tuer en duel.

Puis il boit à la santé de tous, et jugeant détestable le vin qu'on lui offre, il frappe sur le tonneau vide surmonté d'un Bacchus qui sert d'enseigne au Cabaret et il en fait jaillir un vin généreux.

Alors, d'un geste large, conviant ceux qui l'entourent à l'imiter, il lève ironiquement son verre en l'honneur de Marguerite.

Valentin, déjà troublé par les manières étranges, les sortilèges et le regard sarcastique de Méphistophélès, sent confusément le caractère provocateur de ces dernières paroles. Il tire l'épée. Ses compagnons en font autant. Il s'avance pour frapper Méphisto. Mais son épée se brise dans les airs.

Chacun comprend maintenant que Méphistophélès dispose d'une puissance surnaturelle, d'une puissance infernale. Il faut vaincre l'Enfer. Les épées se retournent : au Diable elles opposent les croix de leurs gardes.

Devant le signe de la divine Passion, Méphistophélès recule épouvanté, prêt à rentrer sous terre.

Après l'avoir tenu un instant terrassé sous leur invocation au Rédempteur. Valentin et ses compagnons se retirent. Méphisto reste seul.

Faust rejoint Méphisto. Il exige que le pacte soit accompli. Il veut être mis en présence de Marguerite.

Voici des couples qui passent en dansant. Au milieu d'eux, Marguerite paraît. Siebel s'avance pour lui parler, mais Méphisto le met en fuite. Faust, alors, allant au-devant de la jeune fille :

 

          Ne permettrez-vous pas, ma belle demoiselle,

         Qu'on vous offre le bras pour faire le chemin ?

          — Non, monsieur, je ne suis demoiselle, ni belle,

          Et je n'ai pas besoin qu'on me donne la main.

 

C'est un moment exquis. La phrase musicale est d'une suavité incomparable. C'est presque du récit, presque du parlé, mais du parlé expressif, du parlé mélodieux qui s'enferme dans une forme impeccable.

Marguerite s'échappe. Faust reste ébloui de tant de charme et de simplicité. De nouveau les danseurs envahissent la scène et le deuxième acte s'achève par une valse générale.

 

TROISIEME ACTE

La scène représente un jardin devant la maison de Marguerite. Siebel s'y introduit furtivement. Dans une naïve chanson, il avoue son amour secret pour Marguerite. Il veut cueillir un bouquet pour sa bien-aimée. Hélas ! sous ses doigts, chaque fleur se fane. C'est un « sort » que lui a jeté Méphisto : pour le conjurer il a l'idée de tremper ses doigts dans l'eau bénite. Il cueille de nouveau des fleurs. O joie ! Elles ne se fanent plus. Siebel reprend sa chanson interrompue. Et, la dernière note jetée, il se sauve, laissant là son bouquet, dont il espère que Marguerite comprendra l'intention candide.

Faust et Méphisto, qui sont entrés derrière lui, sourient de l'ingénuité de cette passion d'adolescent. Bien peu redoutable rival ! Méphisto se charge de quérir pour Marguerite des présents d'une autre valeur que ce pauvre bouquet. Il s'éloigne un instant. Resté seul, Faust éprouve un trouble profond en présence de cette humble et chaste demeure où il va porter la honte et le malheur.

La célèbre Cavatine est tout à fait caractéristique du style de Gounod. Elle débute par une de ces brèves ritournelles dont l'auteur de Faust a le secret, élégante en sa forme mélodique, riche en son fond harmonique et qui nous met immédiatement dans l'atmosphère requise pour goûter le chant qui va suivre. Puis c'est la phrase du ténor, toute de recueillement, de chaleur intime et contenue. d'une rare souplesse dans sa ferme carrure. Elle s'accompagne d'un délicieux contre-chant du violon solo qui s'enlace bientôt avec elle dans une courbe toute de grâce et de naturel. Le libre jeu des deux mélodies est soutenu par une harmonie à quatre parties dont l'allure aisée et les ingénieuses rencontres font inévitablement penser à la transparente limpidité du Mozart des quatuors et des quintettes à cordes.

Méphisto reparaît. Il apporte un splendide écrin de bijoux destiné à Marguerite. Faust hésite. Il songe à fuir, à « ne jamais la revoir ». Méphisto s'amuse de ce scrupule intempestif. Et déjà il a placé sur le seuil de la porte l'écrin ensorceleur... Brusquement, il emmène Faust.

Marguerite sort de la maison ; elle s'assied au jardin devant son rouet, songeuse. L'image de Faust occupe sa pensée. Une vieille chanson lui revient en mémoire, la Chanson du Roi de Thulé ; elle la fredonne distraitement et l'interrompt de ses réflexions sur la rencontre qu'elle a faite, le jour même, du galant cavalier :

 

          Il était un roi de Thulé

          Qui, jusqu'à la tombe, fidèle,

          Eut, en souvenir de sa belle,

          Une coupe en or ciselé...

 

La chanson se développe sur un thème très uni, sans valeurs pointées, d'une tessiture restreinte et dont la tonalité. dans les six premières mesures, est empruntée à un ancien mode, qui ne contribue pas peu à lui donner sa couleur archaïque, le premier mode grégorien.

Marguerite aperçoit le bouquet déposé par Siebel. Elle est touchée de sa délicate intention. Mais, hélas ! elle n'éprouve pour lui que de l'amitié.

Voici maintenant le coffret à bijoux. Quel étonnement ! Quelle surprise ! Si seulement elle osait se parer de ces pendants d'oreille ... Un miroir !... « Comment n'être pas coquette ? »

Alors commence le fameux Air des Bijoux, qui est une valse, une valse légère, riante, pleine de jeunesse et de vie, une valse très diverse d'expression, qui débute par un éclat de rire, continue par ces questions passionnées : « Est-ce toi, est-ce toi ? », se fait orgueilleuse pour la réponse : « C'est la fille d'un Roi » et mélancolique pour le regret d'être seule à s'admirer : « Ah ! s'il était ici... ». Art infiniment souple qui modèle à tout le moment la phrase musicale sur le texte à traduire et le sentiment à exprimer.

Dans le Faust de Goethe, le mouvement de coquetterie de Marguerite est tout de suite suivi de cette amère réflexion : « A quoi nous sert la beauté, à nous, pauvres jeunes filles ? Si l'on nous en fait compliment, c'est presque par pitié. L'or, voilà ce dont il s'agit. L'or, voilà ce dont tout dépend. Ah ! malheureuses que nous sommes ! » Et cet or, elle le méprise, elle le hait ; son amour est bien au-dessus de sa coquetterie.

Nous aimerions que les librettistes et Gounod eussent indiqué d'une touche au moins rapide cet aspect du caractère de leur héroïne.

Une voisine de Marguerite, qui vient lui rendre visite par hasard, la vieille Marthe, s'émerveille devant les bijoux qui, — elle l'assure, — doivent être le cadeau de quelque riche seigneur.

« Dame Marthe Schwerlein, s'il vous plaît ? », clame une voix railleuse. C'est Méphisto qui entre, suivi de Faust. Il vient apprendre à la vieille amie de Marguerite que son mari est mort. Court moment d'émotion. Dame Marthe se remet vite, et tout de suite elle se montre prête d'accepter les avances de Méphisto qui la berne en faisant mine de songer à remplacer l'époux disparu.

Faust s'est rapproché de Marguerite qui lui confie les tristesses de sa vie depuis la mort de sa mère, depuis la perte, plus cruelle encore, d'une petite sœur qu'elle aimait et soignait comme son propre enfant.

Le soir vient. Marthe se retire. Marguerite veut échapper à Faust qui la poursuit dans les bosquets.

Toutes ces pages sont traitées, musicalement, de la façon la plus exquise. Ce sont, tour à tour, traits de fine ironie, comique de bonne tenue, douces phrases de tendresse et de charme. Les voix s'unissent dans des ensembles d'une suavité d'harmonie insurpassable. C'est l'esprit, la grâce, la légèreté, la poésie rêveuse de Mozart. Il faut bien que ce nom revienne sans cesse sous notre plume à propos du musicien qui a le mieux compris l'auteur de Don Juan et qui s'est le plus approché, par endroits, de sa divine perfection.

Méphistophélès, resté seul, suit du regard Marguerite et Faust qui se sont rejoints. Il va leur laisser la place libre. Mais d'abord, dans une phrase largement déclamée, il invoque la Nuit propice aux douces confidences de l'amour.

Marguerite et Faust reparaissent. Marguerite craint de prolonger un entretien dont elle sent le péril. Faust la presse de rester, et c'est alors, sous le charme amical de la nuit tombée, sous la pâle clarté de la lune silencieuse, le double aveu d'un amour qui se veut éternel.

Gounod n'a jamais rien écrit qui dépasse ce duo final du troisième acte. l'oint de comparaisons écrasantes. Ne songeons pas à Wagner et à Tristan. Admirons sans réserve cette simplicité, cette retenue, cette grâce, cette modestie. Il y a là une perfection d'un certain ordre, qu'après tout Wagner eût sans doute été incapable d'atteindre. Et nous ne voyons pas qui aurait mieux rendu que Gounod le caractère virginal, souverainement pur, de l'amour naissant dans une âme exceptionnellement chaste et la nuance de respect pour cette candeur sans ombre qui donne à la passion de Faust son aspect particulier.

Quelle caresse déjà que la ritournelle où les sonorités délicates du premier et du deuxième violon solo mariées à celles du violoncelle dans l'aigu et soutenues par l'alto forment un ensemble d'un charme si enveloppant !

La divine ingénuité de Marguerite se trouve adorablement exprimée dans la phrase si simple : « Laisse-moi contempler ton visage... » Puis c'est le jeu des questions posées à la fleur effeuillée, spirituellement commenté par Gounod. Alors Faust, dans un élan passionné. veut convaincre la jeune fille de croire en lui, de se laisser aimer... « Aimer ! » Sur ce mot intervient une rapide modulation du ton de naturel à celui de bémol qui est une inspiration de génie. Brusquement c'est la nuit complète, la nuit mystérieuse et douce d'un amour qui se dérobe au grand jour, d'un amour comme celui de Faust, plus trouble que celui de l'innocente vierge dont il sent qu'il est alors tout près de devenir le maitre, amour dont il lui souffle tout bas le désir à l'oreille... Mais nous revenons bien vite au ton plus clair de fa dans lequel Faust proclame l'éternité de son amour. Et le dernier mot, le mot de l'illusion suprême : « Eternelle... éternelle... » est repris par les deux voix dans le lointain du rêve et dans une sorte de frôlement d'âmes. Encore un trait de génie justement réputé.

Vient maintenant cette page admirable : « O nuit d'amour, ciel radieux... » qui est le point culminant du duo. Jamais Gounod n'a exprimé un sentiment plus profond par des moyens plus simples et plus vrais. La belle écriture à quatre parties rappelle le style du quatuor à cordes. Ce sont d'ailleurs les violons, les altos et les violoncelles (avec quelques tenus de cors) qui accompagnent Faust. La réponse de Marguerite est d'une émotion encore plus pénétrante : on sent un cœur qui s'abandonne à tous les hasards les plus douloureux, les plus cruels et toute sa destinée se trouve déjà inscrite dans cet acte de foi si tragiquement innocent.

Tout d'un coup Marguerite frissonne, elle veut partir. En vain Faust la supplie de rester ; elle s'échappe.

Méphisto reparaît et raille la réserve du docteur : il le renverrait volontiers à l'école.

Mais voici la jeune fille qui se penche à sa fenêtre et va conter aux étoiles le rêve passionné de son cœur. La clarinette répète avec insistance le même son comme le cri monotone d'un oiseau plaintif. Puis le hautbois élève son chant chromatique sur les tenues de violoncelles divisés dans l'aigu. Alors commence la grande phrase rêveuse qui va se développer à l'orchestre pendant tout le monologue de Marguerite ; les instruments et la voix humaine se répondent, s'interrompent, se reprennent, se confondent avec une aisance, une liberté, une souplesse et une abondance de lyrisme dont nulle part ailleurs Gounod n'a fait preuve plus que là.

Faust écoute, le cœur enivré ; il ne peut enfin retenir un cri qui mettrait en fuite la tremblante Marguerite, mais déjà, escaladant le balcon, il tient la bien-aimée dans ses bras auxquels elle n'a plus la force de s'arracher. Dans l'ombre on entend Méphisto sinistrement ricaner.

 

QUATRIEME ACTE

Premier Tableau

Les fidèles se pressent en foule à l'Eglise pour assister à l'office divin. Marguerite arrive la dernière : « Seigneur, dit-elle, daignez permettre à votre humble servante de s'agenouiller devant vous ». Elle vient demander le pardon de ses fautes.

Méphisto est là. Il l'empêchera de prier. Il déchaînera contre elle tous les démons pour la frapper d'épouvante. Il lui rappellera son passé, tout de pureté, d'innocence, puis sa chute, son crime : elle est vouée, dans l'enfer, à l'éternelle angoisse, à l'éternel remords.

La grande voix de l'orgue se fait entendre ici avec une singulière éloquence. Il peut sembler au premier abord qu'il y ait une sorte d'inconvenance à employer l'instrument sacré pour accompagner les menaces du diable. Mais c'est qu'il s'agit de rappeler à Marguerite le temps qui précéda sa faute, le temps où les chants de l'église retentissaient, sans la troubler d'aucun remords, jusqu'au fond de son cœur. Ce sont les souvenirs les plus cruels que Méphisto puisse à présent évoquer et que la sonorité de l'orgue aide puissamment à faire revivre.

Marguerite dit son effroi dans un rapide récit, d'une rare justesse d'accent, sans éclat inutile.

Des chants pieux se font entendre dans l'église.

Méphisto, de nouveau, menace Marguerite de la colère d'un Dieu impitoyable. Sa parole prend un caractère solennel d'oracle. La dureté de ses prédictions implacables est soulignée par le rythme saccadé de l'accompagnement et par l'insistance de ce fa, donné à pleine force par deux cors à l'unisson qui appuient l'un contre l'autre les orifices de leurs pavillons, de façon à produire une sonorité à la fois cuivrée et caverneuse.

Marguerite essaye de s'arracher à la terrible emprise des puissances infernales et dans un sursaut d'énergie elle arrive à élever jusqu'à Dieu la supplication passionnée de son ardent repentir.

Nouvelle interruption de Méphisto.

Marguerite tombe évanouie.

L'orgue clôt majestueusement cette scène tragique.

Deuxième Tableau

C'est, après la guerre, le joyeux retour des soldats. Ils chantent leur plaisir de rentrer dans leurs foyers, après s'être couverts de gloire. Siebel s'avance au-devant d'eux et Valentin, l'apercevant, se précipite vers lui pour avoir des nouvelles de sa sœur. Mais il est interrompu par les voix de ses compagnons qui reprennent leur chant.

N'oublions pas que le chœur des soldats fut le grand succès, la page chaleureusement applaudie à la « première » de Faust.

Valentin interroge de nouveau Siebel et les hésitations du jeune homme ont vite fait de mettre le frère de Marguerite sur la voie de la triste vérité. Précipitamment il entre en la maison de sa coupable sœur.

Mais voici Faust, suivi de Méphisto. Il n'a pu résister au désir de revoir Marguerite. Sous prétexte de se faire ouvrir la porte, Méphisto chante à la belle une ironique sérénade, — chef-d’œuvre de grâce et d'esprit, où la bouffonnerie même n'exclut pas le charme. Ecoutez cette mélodie caressante et railleuse qui se base sur une descente chromatique de ses points d'appui principaux, sol, fa dièse, fa naturel, mi, mi bémol, . Discernez, dans l'accompagnement, le triolet narquois des altos. Pour terminer le premier couplet, un éclat de rire gouailleur très habilement souligné d'harmonies qui forment succession louche et détournée. Maintenant Méphisto se fait moraliste : « N'ouvre ta porte, ma belle, que la bague au doigt ». Pour cela, il passe au majeur. Mais il l'assaisonne de quelque chromatique, car sa maxime n'est pas seulement d'honnêteté, mais de bonne politique, d'adroite rouerie féminine.

Au deuxième couplet, la flûte et le hautbois se divertissent en un trait capricieux sur une descente chromatique goguenarde des violons pizzicati. Plus loin c'est un amusant contrepoint des violons, pendant que le cor sautille dm octaves grimaçantes d'une sonorité grotesque.

Cette sérénade est un chef-d’œuvre d'esprit, de couleur et de fantaisie.

A l'appel sarcastique de Méphisto, c'est Valentin qui répond : il exige du mauvais plaisant réparation de ses paroles injurieuses. Faust se déclare prêt à croiser le fer. Valentin invoque l'aide de Dieu, mais il rejette avec colère la médaille protectrice qu'il a reçue autrefois des mains de Marguerite. Le duel commence. L'épée de Faust, guidée par Méphisto, blesse mortellement Valentin. Les deux compagnons se sauvent.

La foule s'assemble. Marguerite accourt pour porter secours à son frère. Il la repousse durement, et, dans une terrible imprécation, avant de rendre le dernier souffle, il la maudit.

Quatre mesures de chœur d'une parfaite simplicité terminent la scène dans une note doucement émue : « Que le Seigneur ait son âme et pardonne au pécheur ! » Et le rideau tombe sur une phrase d'orchestre tendrement mélancolique.

 

CINQUIEME ACTE

Premier Tableau

La scène représente des lieux sauvages et désolés à peine éclairés d'une faible lueur. Dans les bruyères et les roseaux, parmi les pierres, sous les cyprès, errent les âmes des trépassés. C'est la nuit de Walpurgis.

Un allegro d'orchestre annonce l'arrivée des cavaliers, la galopade de Faust et de Méphisto a travers l'affreux Brocken. Méphistophélès conduit son compagnon dans ce séjour plein d'horreur où il règne en maître. Pour lui faire oublier Marguerite, il va faire apparaître à ses yeux un tableau enchanteur.

Sur un signe du démon, le Brocken change d'aspect. Les rochers s'effondrent et découvrent les ruines d'un palais gigantesque, éclairées d'une lumière fantastique. Au milieu de ces ruines, se dresse une table immense qu'entourent, étendues sur de riches coussins, Cléopâtre avec ses esclaves Nubiennes, Hélène avec les filles de Troie, Aspasie et Laïs dans un groupe de courtisanes.

Aspasie et Laïs, à la tête des courtisanes, se lèvent et viennent inviter Faust et Méphistophélès à prendre part au festin.

BALLET

Cléopâtre et les Nubiennes, Hélène et ses suivantes viennent entourer Faust de leurs séductions.

Les esclaves Nubiennes boivent dans des coupes d'or les poisons de Cléopâtre, qui trempe elle-même ses lèvres dans la coupe où elle a fait dissoudre la plus précieuse de ses perles.

A Cléopâtre succèdent les Troyennes et Hélène, rivale de Vénus.

Puis c'est la toilette d'Astarté.

Cette lutte de séduction est interrompue par l'apparition de Phryné entièrement voilée. Mouvement général de curiosité. D'un signe, Phryné ordonne à ses rivales de reprendre les danses un instant suspendues. Elle y prend part elle-même, laissant peu à peu tomber ses voiles et se montrant enfin dans tout l'éclat d'une radieuse beauté.

Son triomphe éveille autour d'elle des jalousies et des colères.

La fête dégénère bientôt en une bacchanale effrénée.

Les courtisanes vont retomber sur leurs coussins, épuisées, haletantes.

Faust, subjugué, tend sa coupe à Phryné.

Méphisto prétend que la volupté verse au cœur de Faust l'oubli de tout remords. Il se trompe. Soudain une teinte livide se répand sur le théâtre. Le fantôme de Marguerite apparaît au sommet d'un rocher, dans un rayon lumineux. Elle a le cou cerclé d'un ruban rouge « étroit comme un tranchant de hache ». Devant cette affreuse vision, Faust est terrifié. Il ne veut pas rester un seul instant en ces lieux. Il faut qu'il retrouve la pauvre abandonnée. Il doit la secourir, la sauver peut-être. Que Méphisto le conduise aussitôt auprès d'elle.

Deuxième Tableau

Une courte page symphonique précède le tableau de la prison. Violent roulement de tambour. L'accord parfait de fa dièse mineur, surmonté de la brutale dissonance d'un mi dièse qui ne se résoudra qu'au milieu de la mesure sur la tonique, dans un rude entrechoquement de doubles croches, fait allusion à la hache du bourreau et à ses coups précis. Une plaintive mélodie vite interrompue. Des accords heurtés. Puis des modulations catégoriques pour exprimer le caractère impitoyable du jugement. La clarinette fait entendre de faibles gémissements. Tout s'éteint dans l'immobilité d'un morne abattement. Page de tous points remarquable.

Maintenant retentit le motif de la chevauchée. Méphisto, qui a dérobé les clefs au geôlier, introduit Faust dans la prison. Egarée par le désespoir, la malheureuse Marguerite a tué son enfant et bientôt, si Faust ne la délivre, elle doit expier son crime sur l'échafaud.

La voix du bien-aimé réveille Marguerite. Elle se jette, éperdue, dans ses bras.

Tout le passé renaît soudain dans son imagination : elle revoit la rue où pour la première fois ils se sont rencontrés. Ici, Gounod use avec un réel bonheur du procédé qui consiste à rappeler les principaux motifs de la partition en de courtes citations. C'est d'abord l'un des thèmes de la valse du deuxième acte, le plus délicatement caressant, puis la délicieuse phrase : « Ne permettrez-vous pas ?... ».

Marguerite se voit maintenant dans le jardin où elle se promène tendrement avec Faust. Le retour de la mélodie des aveux produit ici un effet pénétrant. C'est à l'orchestre que le motif est confié. Le chant de Marguerite s'y mêle en un exquis contrepoint d'une grâce fragile et charmante. Contrepoint très libre et qui mérite à peine ce nom, car tantôt il se confond avec le thème et tantôt l'en détache pour suivre sa propre fantaisie.

Faust veut interrompre cette rêverie passionnée. Il supplie Marguerite de fuir avec lui. Mais elle ne l'entend plus.

Méphistophélès donne l'alerte. Le jour est levé. Il n'y a plus un instant à perdre. Il faut se hâter. Les chevaux sont prêts et frappent le pavé.

Par son intervention, l'Esprit du Mal accroît l'exaltation de Marguerite qui, repoussant toute compromission avec les puissances infernales, adresse aux saints anges une fervente prière. Elle ne se soucie plus que de son salut éternel. Faust veut l'entraîner. Elle le repousse durement.

Cette dernière phrase du Trio : « Anges purs, anges radieux... », on a pu la critiquer, comme d'un effet un peu gros. Il faut reconnaître son dynamisme puissant, qui s'impose avec une force singulière, dont peu de compositeurs auraient été capables, et qui, après tout, ne manque pas de sincérité. Gounod ne jouait pas les accents de la foi : il les sentait profondément, il en était intensément ému.

Gounod a considérablement augmenté l'impression produite par cette mélodie si frappante, par ce thème enflammé en le reprenant par trois fois à des degrés toujours plus élevés de l'échelle musicale.

Et voici maintenant l'apothéose finale. Sous le poids de ses angoisses et dans l'élan éperdu de son invocation, Marguerite finit par succomber. « Jugée », s'écrie Méphistophélès, qui se croit vainqueur ; « Sauvée ! » répondent les voix du ciel qui proclament : « Christ est ressuscité, paix et félicité aux disciples du Maître ! ».

Méphisto a du moins conquis Faust avec lequel il s'abîme dans l'Enfer, tandis que le ciel s'entr'ouvre et que l'on y aperçoit Marguerite pardonnée au milieu des bienheureux.

Notons la fin différente du poème de Goethe. Dans la longue vie de Faust, l'amour de Marguerite n'est qu'un épisode, qu'il faut juger d'après son rapport avec le tout dont il fait partie. En fin de compte, par son effort gigantesque, Faust a réussi à déjouer la malice du démon. Sa vie est un chef-d’œuvre d'humanité. L'épilogue nous montre Méphisto luttant pour disputer à Dieu celui qu'il croit avoir gagné à l'Enfer. Mais rien ne peut désormais s'opposer à la lente ascension de l'âme de Faust, qui, à travers les sphères célestes, et avec le secours de Marguerite repentie, s'avance jusque dans les plus hautes régions de la sereine béatitude.

 

(Paul Landormy, programme pour l’enregistrement intégral chez Gramophone, 1930)

 

 

 

 

    

Cet opéra apporta à Gounod la gloire, et avec la gloire la popularité la plus universelle qu'ait jamais conquise aucun compositeur dramatique.

La composition, dont la première idée remonte peut-être au séjour de Gounod à Rome, où il déclare lui même qu'en y partant comme grand prix de composition musicale, il avait « emporté le Faust de Goethe qui ne le quittait pas », commença vraiment vers 1830, après les représentations au Gymnase du Faust et Marguerite et que Michel Carré avait écrit pour Bressant et Rose Chéri et dont Couder avait écrit la musique pour un certain nombre de scènes. Nul doute qu'en voyant la pièce du Gymnase, Gounod n'ait senti se réveiller l'enthousiasme qui s'était emparé de lui à Rome à la lecture du chef-d'œuvre de Goethe. Peut-être aussi, l'audition de la Damnation de Faust de Berlioz, en décembre 1846, ne fut-elle pas sans influence sur l'esprit de Gounod. L'heureuse rencontre qu'il fit vers 1855 de Jules Barbier, l'inséparable collaborateur de Michel Carré, ne put que hâter son projet. Mais l'opéra célèbre ne vit le jour que quatre ans plus tard, lorsqu'il fut représenté au Théâtre-Lyrique que dirigeait Carvalho, le mari de Mlle Miolan qui créa le rôle de Marguerite primitivement destiné à Mme Ugalde.

Les librettistes donnèrent à cette œuvre psychologique une forme dramatique fort convenable et de bonnes proportions. Eliminant tout ce qui leur paraissait extra lyrique, ils ont conservé les principaux personnages et les épisodes caractéristiques de l'action.

L'inspiration de Goethe reste extrêmement visible dans le livret qui fut cependant modifié selon les règles de l'opéra.

Le succès de cet opéra est aujourd'hui universel. Il est incontestable que Gounod a déployé dans cette œuvre des facultés remarquables : d'abord une science harmonique de premier ordre, ensuite une grande intelligence scénique et l'appropriation la plus ingénieuse des couleurs de l'orchestre aux différents caractères des personnages et aux situations si variées de ce drame émouvant.

Chaque morceau offre une phrase ordinairement courte, mais d'une vérité d'expression forte ou ingénieuse. Nous mentionnerons ici les fragments les plus saillants de Faust : d'abord la ronde bizarre du « Veau d'Or », la phrase des vieillards pendant la kermesse, la valse, la cavatine de Faust : « Salut demeure chaste et pure », la ballade du « Roi de Thulé » dans laquelle le compositeur a introduit un emprunt caractéristique fait à la tonalité grégorienne, l'air si brillant des bijoux, le duo passionné « O nuit d'amour », le chœur des soldats devenu populaire.

Le rôle de Marguerite, rêveuse, passionnée, mystique, a été créé par Mme Miolan-Carvalho qui y remporta l'un de ses plus grands succès. Celui de Faust a été rendu d'abord par Barbot, puis par Monjauze et Michot. Le personnage de Méphistophélès trouva en Balanqué et Petit de beaux interprètes et Ismaël fut un énigmatique et intelligent Valentin.

Du Théâtre-Lyrique, Faust passa à l'Opéra où il continue sa magnifique carrière.

 

(programme pour l’Opéra de Paris, 19 mai 1934)

 

 

 

 

    

Faust fut « créé » à Paris, au Théâtre-Lyrique du boulevard du Temple que Carvalho dirigeait depuis trois ans, le 15 mars 1859. Barbier avait le premier proposé à Gounod, au début de 1856, de tirer un livret d'opéra du Faust de Goethe. L'année suivante, Carvalho insista auprès du compositeur pour qu'il lui apportât un ouvrage pour le Théâtre-Lyrique. « Faites-moi un Faust » lui aurait-il dit spontanément (1).

— « Mais j'en ai un en tête depuis des années », lui répondit Gounod.

Deux ans après, le 12 septembre 1858, Faust était lu aux artistes désignés pour l'interpréter. Parmi eux, figuraient à l'origine Mme Ugalde et un jeune ténor débutant Guardi, dont on disait grand bien. Mais à Mme Ugalde, prise par les répétitions et les représentations de la Fée Carabosse de Victor Massé, fut substituée la femme du directeur, Mme Miolan-Carvalho, qui devait attacher son nom au rôle de Marguerite, tant au « Lyrique » qu'à l'Opéra, pendant les vingt ans qui suivirent. Guardi, pris d'un enrouement persistant pendant les répétitions, fut également remplacé par Barbot. Les autres interprètes étaient : Balanqué (Méphistophélès), Raynal     (Valentin), Mme Faivre (Siébel). On a accoutumé de dire que l'opéra de Gounod n'avait pas été alors compris du public et avait eu une mauvaise presse. L'œuvre fournit cependant cinquante-sept représentations dès la première année. Berlioz, dans son feuilleton des Débats, en avait enregistré « le grand et légitime succès ». Et Reyer, de son côté, n'hésitait pas à classer Faust « parmi les œuvres les plus complètement belles de ce temps-là ».

C'est en 1869 que Faust, cédé par Carvalho à Emile Perrin, passa à l'Opéra de la rue Le Peletier, augmenté alors d'un ballet au quatrième acte, avec, pour interprètes : Mmes Christine Nilsson (Marguerite), Mauduit (Siébel), Desbordes (Marthe) ; MM. Colin (Faust), Devoyod (Valentin), et dans le rôle de Méphistophélès, le célèbre baryton Faure pour qui, à son insistance, Gounod « pointa » la partie, écrite en réalité pour une basse chantante. Parmi les barytons qui, par la suite, utilisèrent la version — si l'on peut dire — de Faure, on peut citer : Bouhy, Victor Maurel et à la Monnaie, le baryton Seguin. Le succès de Faust à l'Opéra fut sans précédent. On fit le maximum pendant trente représentations.

Après l'incendie de la rue Le Peletier, Faust paraissait pour la première sur la scène actuelle du monument Garnier le 6 septembre 1875 avec une distribution comprenant : Mme Miolan-Carvalho elle-même, MM. Vergnet, Pedro Gailhard — qui devait devenir directeur de l'Opéra —, Manoury et Mmes Daram et Geismar.

Parmi les titulaires les plus célèbres ou les plus fréquemment affichées du rôle de Marguerite, on peut citer chronologiquement après les deux créatrices : Mmes Fidès-Devriès, qui en fut l'une des grandes interprètes, Marie Roze, la Patti, Heilbronn, Krauss, Isaac, Lureau, Rose Caron, Bosman, Melba, Lucy Berthet, Sybil Sanderson, Aïno Ackté, Jeanne Hatto, Marthe Chenal, Geraldine Farrar, Mary Garden, Kousnetzoff, Yvonne Gall, Campredon, Germaine Lubin, Bourdon, Mireille Berthon, Ninon Vallin, Ritter-Ciampi, Fanny Heldy, et enfin Germaine Hoerner, qui le chanta à la 1.999e représentation.

Faust atteignit, le 14 décembre 1894, sa millième représentation à Paris que chantèrent Mmes Rose Caron, Agussol, Deschamps-Jehin, MM. Alvarez, Delmas, Renaud et Douaillier, sous la direction de M. Madier de Montjau. Ce fut déjà l'occasion d'une manifestation en l'honneur de Gounod auquel un solennel et légitime hommage va être rendu par tous les artistes de l'Opéra au soir de la 2.000e représentation de cette œuvre-type qui continuera à se maintenir au répertoire avec la même continuité. Comme vient de l'écrire fort justement un des musiciens les plus représentatifs de la fraction avancée de l'École moderne, M. Darius Milhaud, Gounod est « un des plus sûrs chaînons de la chaîne ininterrompue des compositeurs français qui, de Rameau jusqu'à Poulenc, constitue notre tradition nationale ».

(1) D'après les souvenirs de Carvalho réunis par Albert Montel et cités par M. Paul Landormy dans son Etude analytique sur Faust.

 

(programme de l’Opéra de Paris pour la 2.000e de Faust à Paris, 31 décembre 1934)

 

 

 

 

 

Faust, de Gounod, est l'ouvrage le plus célèbre, le plus populaire du théâtre musical français, l'un de ceux aussi que l'étranger a adoptés. Les librettistes, Jules Barbier et Michel Carré, en ont emprunté le canevas au « premier Faust » de Goethe, c'est-à-dire seulement à la partie du poème consacrée à l'épisode de Marguerite.

Lors de sa création, en 1859, Faust comportait des scènes de parlé que Gounod remplaça par un dialogue chanté, d'une souplesse et d'une grâce extrêmes, lorsque l'œuvre passa, en 1869, du Théâtre-Lyrique à l'Opéra.

La fortune exceptionnelle de Faust s'explique et se justifie par la richesse et la diversité de l'invention mélodique, par la variété des scènes et des accents. La plupart des phrases de cette œuvre heureuse sont dans toutes les mémoires. Cette familiarité ne lui vaut pas seulement le dédain des raffinés pour qui le succès est une tare ; chez les autres même elle risque d'en émousser quelque peu l'effet et d'en déprécier la valeur.

On a beaucoup reproché à Faust de défigurer le poème de Goethe et d'en donner une traduction infidèle. Cela est vrai. Mais ce défaut ne lui a pas fermé les scènes allemandes, où il fait partie du répertoire sous le titre de Margarethe, qui peut-être lui convient mieux.

 

*

 

Après un prélude d'un accent religieux et d'une sérénité fluide, assurément très étrangers au caractère tourmenté du Docteur Faust, le rideau, en se levant, montre le cabinet de travail de celui-ci. Désenchanté de la vie, il veut s'en délivrer par le poison. Un chœur matinal de paysans, apportant de la coulisse un écho d'ingénuité campagnarde et de bonheur rustique, arrête un instant sa main. Mais, repris par le désespoir, il invoque Satan : ce dernier surgit d'une trappe et lui offre ses services. Il porte ici le nom de « Méphistophélès ». Faust, dédaignant l'or et le pouvoir, ne demande que le retour à la jeunesse. Méphisto la lui promet à condition que, dans l'autre vie, Faust lui appartienne. Le vieux docteur hésite : pour le décider, Méphisto lui montre l'image d'une naïve jeune fille à son rouet, Marguerite, « Gretchen », tandis que l'orchestre murmure un thème d'une extrême tendresse que nous retrouvons plus tard dans un duo d'amour (*). Faust, conquis, signe le pacte, redevient jeune en un clin d'œil et suit Méphisto avec un ardent appel au plaisir, à la jeunesse et à l'amour, d'un accent à vrai dire peu distingué.

 

(*) Ce thème, un des plus heureux de la partition a été pris par Gounod dans des esquisses fort antérieures à la composition de Faust.

 

Le tableau suivant montre une kermesse aux abords de la ville. Dans une scène pleine d'animation et de bonhomie se répondent ou se mêlent des ensembles choraux, soldats, vieillards, jeunes filles, matrones. Il n'est pas douteux que Wagner — qui avait entendu Faust à Paris en 1860 — n'ait tiré quelque chose de cet épisode si mouvementé et si pittoresque, pour la scène de l'échauffourée et celle des corporations, dans ses Maîtres Chanteurs.

Un soldat, Valentin, appelé à la guerre, prend ici congé de ses compagnons, attristé de laisser seule sa sœur Marguerite (*). On boit, on chante. La réunion est interrompue par l'arrivée de Méphisto, tout de rouge vêtu, suivi de Faust. Pour se mêler à la fête, il débite les deux couplets de sa célèbre chanson du « Veau d'or », dont l'accompagnement strident a quelque chose de satanique. Changeant l'eau en vin, prédisant à Valentin sa mort au cours d'un duel, Méphisto inquiète vite l'assistance qui, soupçonnant en lui un personnage infernal, l'exorcise par un chœur vigoureux à l'unisson et la présentation d'une garde d'épée en forme de croix. La fête reprend alors avec une valse, mêlée de chœurs et d'orchestre et vite devenue populaire dans le monde entier. La jeune fille dont Méphisto avait montré à Faust l'image séduisante, Marguerite, sortant de l'église, traverse la place. Faust l'aborde et lui offre son bras, qu'elle refuse : phrase charmante, usée injustement par le succès que lui a valu sa grâce. Et la valse reprend jusqu'à la chute du rideau.

 

(*) Une version de Faust, répandue à l'étranger, ajoute ici pour Valentin un arioso, emprunté à l'un des thèmes du prélude.

 

L'acte suivant se passe dans le jardin de Marguerite. Un jeune garçon, Siebel, qui en est amoureux, vient déposer devant sa porte un bouquet de fleurs. Il faut reconnaître que le Siebel de Faust déforme outre mesure celui de Goethe et que les deux couplets dont il accompagne son bouquet sont d'un goût médiocre.

Méphisto paraît, suivi de Faust qu'il laisse seul. Celui-ci, devant la chaumière de Marguerite, exprime son émotion en une cavatine d'une suavité pénétrante, où un violon solo s'enlace à la voix.

Mais Marguerite approche. Méphisto entraîne Faust en laissant devant la porte un coffret de bijoux.

La jeune fille est pensive : elle s'interroge sur l'inconnu qui l'a abordée au sortir de l'église (*). Pour se distraire, elle prend son rouet et chante deux charmants couplets, d'un archaïsme raffiné et du sentiment le plus délicat, sur le « Roi de Thulé » qui mourut de deuil. Mais par deux fois, la pensée obsédante de l'inconnu interrompt le fil de sa chanson.

 

(*) L'obsession de Marguerite se traduit par une phrase déclamée sur une seule note. C'est un procédé usé aujourd'hui jusqu'à la corde par l'abus qu'on en fait surtout dans la musique moderne française, sous couleur d'hiératisme et, en réalité, par défaut ou paresse d'invention. Au contraire, le théâtre musical du dix-neuvième siècle en offre des exemples expressifs ou éloquents, parce qu'ils étaient en situation. Outre ce passage de Faust, on peut citer au troisième acte des Huguenots la réplique de Valentine : « Qu'il ne vienne au combat que bien accompagné ! », et, dans Mignon, le récitatif qui précède la romance du « pays où fleurit l'oranger » : « Demain ? Qui sait où nous serons demain ! »

 

Elle découvre le coffret déposé par Méphisto et l'ouvre. Eblouie par tant de joyaux, elle ne résiste pas longtemps au désir de s'en parer, en chantant une valse d'un brio assez conventionnel.

Une vieille voisine, dame Marthe, survient et lui donne à penser que les bijoux sont le présent discret de quelque seigneur amoureux. Méphisto et Faust reparaissent. Le démon, annonçant à dame Marthe la mort inopinée de son mari, la console et l'entraîne en lui faisant la cour. Après un quatuor tour à tour tendre et enjoué, Faust et Marguerite restent seuls ensemble. Qui ne connaît le fameux duo de Faust, d'une chaleur si caressante et qui a relayé celui des Huguenots dans la faveur du public ! Au moment de s'abandonner, Marguerite se dérobe et Faust veut fuir Méphisto le retient pour lui faire entendre l'aveu ingénu que la jeune fille, se croyant seule, chante à sa fenêtre. Faust s'élance : elle ne le repousse plus, tandis que, sur un ricanement du démon, le rideau tombe.

La suppression de la belle scène où Marguerite pleurait l'abandon de Faust (scène sacrifiée en 1869 pour compenses l'addition du ballet) rend incompréhensible le tableau qui suit. Nous sommes à l'église. Marguerite y vient prier, mais un chœur de démons trouble son oraison. Méphisto lui-même, caché derrière un pilier, lui reprochant sa faute. la menace de damnation. Après un appel désespéré à la Miséricorde divine, elle tombe inanimée... Scène hautement dramatique où dialoguent le ciel et l'enfer.

Le tableau suivant nous ramène sur une place publique, où l'on attend le retour de soldats dont le chœur célèbre, avec ses pistons et ses ophicléides, est, il faut le dire, une page fort vulgaire que Gounod a tirée d'une œuvre par lui abandonnée, un Ivan le Terrible. Parmi ces soldats se trouve Valentin. Méphisto survient avec Faust, qui hésite à revoir Marguerite, séduite et abandonnée par lui. Le démon, pour lui faire ouvrir la porte, chante en s'accompagnant de la guitare, une sérénade ironique en deux couplets (*). Au lieu de Marguerite, c'est Valentin qui se montre. Il a appris la faute de sa sœur et, découvrant en Faust le séducteur de celle-ci, le provoque. On dégaine. Méphisto donne à l'épée de Faust un pouvoir maléfique et au cours d'un duel qui forme un brillant trio, Valentin tombe frappé à mort. Il expire en maudissant Marguerite, survenue aux cris de la foule ameutée.

 

(*) L'opéra de Gounod rend à la sérénade ironique de Méphisto sa place et, avec sa place, sa signification.

 

Le premier tableau du dernier acte n'est pas sans rappeler d'abord le romantisme démoniaque de Weber et de son Freischütz. Méphisto a conduit Faust dans son lugubre empire, peuplé d'ombres sinistres : c'est la « Nuit de Walpurgis ». Mais, devant la terreur de Faust, il transforme d'un coup de baguette le théâtre et mène son compagnon dans un séjour enchanté parmi « les reines et les courtisanes ».

C'est ici que, pour satisfaire aux traditions de l'Opéra, Gounod a dû en 1869 ajouter un ballet dont il se souciait d'abord si peu qu'il avait prié Saint-Saëns de l'écrire à sa place... Ce ballet contribue au luxe du spectacle : il est, à part cela, d'une élégance assez banale et comporte entre autres une valse qui, ajoutée à celle du deuxième acte et à l'air des bijoux, multiplie outre mesure le nombre des valses dans Faust. Il est dommage que ce somptueux postiche ait supprimé la scène de Marguerite abandonnée et même, dans la « Nuit de Walpurgis », une chanson bachique de Faust, dont l'accent était assez coloré (Ambroise Thomas en a repris quelque chose dans la chanson à boire de son Hamlet). Malgré les splendeurs et les séductions qui l'environnent, Faust pense à Marguerite. Des échos de leur duo d'amour lui reviennent à l'esprit... Il croit la voir, prête pour le supplice et exige de la rejoindre.

Le dernier tableau va nous montrer Marguerite sur le grabat de la prison où elle expie le meurtre de sa mère et, de son enfant. Cette scène, qui achèvera l'œuvre, en est la plus pathétique. Pénétrant dans le cachot, Faust exprime son remords. Son appel éveille Marguerite, qui le reconnaît avec ivresse. Comme Faust tout à l'heure, elle revit leur amour en murmurant la valse de leur première rencontre et les phrases les plus tendres de leur duo (*). Faust veut l'entraîner, mais elle a perdu la raison et s'obstine à ne pas le comprendre. Méphisto survient : le jour va se lever, qui doit marquer pour Marguerite l'heure du supplice: il faut fuir, les chevaux sont là, qui piaffent... Epouvantée, Marguerite reconnaît le démon et dans une ample phrase, trois fois répétée, chaque fois dans un ton plus aigu, elle implore le secours des anges, tandis que Faust et Méphisto la pressent de les suivre. Mais elle tombe morte et un chœur céleste chante son salut par la rédemption.

 

(*) Procédé ébauché par Bellini dans la Somnambula et fort exploité après lui.

 

Tout n'est pas égal dans Faust ; Gounod n'y évite pas toujours la banalité, la platitude — et même pire dans le « Chœur des soldats ». Mais les pages de tendresse y sont d'une pureté incomparable et l'accent dramatique, dans l'église ou dans la prison, d'une rare et lumineuse puissance. Enfin, presque partout, le dialogue musical écrit en 1869 pour remplacer le « parlé » de la version primitive est d'une souplesse et d'une vérité rares, dont les Pêcheurs de Perles, en 1863, donnaient un premier exemple.

L'élément pittoresque, plein d'animation et de bonhomie dans la Kermesse, relevé par les chansons sarcastiques de Méphisto, tout coloré au contraire de romantisme dans le tableau de la « Nuit de Walpurgis », assure à l'œuvre une diversité dramatique et musicale qui a largement contribué à son succès.

Ce succès, avec celui de Carmen, postérieur de quelques années, domine encore en France et dans le monde entier l'histoire de notre théâtre lyrique.

 

(Jean Chantavoine, Petit guide de l’auditeur de musique, Cent opéras célèbres, 1948)

 

 

 

 

    

Charles Gounod

 

Gounod est né en 1818. Il est mort en 1893. Il eut le Grand Prix de Rome en 1839 et entra à l'Institut en 1865.

Ce n'était pas seulement un grand musicien. C'était un homme d'une grande intelligence, d'une grande culture, une âme élevée, un cœur infiniment aimant et généreux, un écrivain et un causeur abondant en vues originales et profondes. Pour le bien connaître il faut lire les Mémoires d'un artiste, son étude sur Don Juan, ainsi que le beau livre que lui a consacré Camille Bellaigue. Sa puissante et rayonnante personnalité s'imposa à l'admiration des jeunes musiciens de son temps et qui avaient nom Saint-Saëns, Bizet, Massenet, Gabriel Fauré. Il fut l'ami et l'admirateur de deux musiciens novateurs, Liszt et Berlioz. Celui-ci, ému jusqu'aux larmes par le dernier acte de Sapho — qu'il considérait comme un chef-d’œuvre — écrivit dans les Débats, au lendemain de la première (en 1851), un article dont s'enorgueillit le débutant. S'il combattit l'influence de Wagner sur la musique française et l'agressive intolérance de ses sectateurs, il fut un des premiers à reconnaître son génie. Sait-on qu'il lui conseilla de faire connaître Tristan au public français par des auditions fragmentaires au « concert » ? Sait-on qu'il fit revenir sur sa décision le comité chargé de choisir les œuvres données aux concerts officiels de l'exposition de 1876 et qui avait repoussé les fragments des Béatitudes, de César Franck, en les interprétant lui-même comme il savait le faire, avec une flamme communicative ? Il décida par sa chaleureuse intervention l'Académie des Beaux-Arts, divisée et perplexe, à attribuer le Grand Prix de Rome à Debussy et alla aussitôt embrasser le jeune lauréat en lui disant : « Toi, mon petit, tu as du génie. » Il applaudit avec enthousiasme la Vie du poète, un envoi de Rome de Gustave Charpentier aussi anti-académique que possible. Nous citons ces traits pour détruire la légende malveillante qui le dépeignit comme un aveugle réactionnaire.

Voici, sur Faust, quelques opinions peu connues.

Au lendemain de la première de cet ouvrage, Berlioz était un des seuls à signaler les « nombreuses beautés » de l'ouvrage et citait l'appel de Marguerite à sa fenêtre à la fin du troisième tableau comme le point culminant de la partition. Wagner écrivit que l'acte du jardin « introduit une note expressive inconnue avant lui dans la musique d'opéra française ».

De Debussy on peut rappeler ces lignes : « Beaucoup de gens se demandent pourquoi l'opéra s'obstine à jouer Faust. Il y a à cela plusieurs raisons dont la meilleure est que l'art de Gounod représente un moment de la sensibilité française. » Ravel interrompit vivement une cantatrice qui parlait légèrement de Faust en lui disant : « Madame, celui qui a écrit l'acte du jardin de Faust est un grand musicien. » Quant à Gabriel Fauré, qui jusqu'à ses derniers jours sentit s'accroître sa « tendresse » pour la musique de Gounod, il répondit à une bizarre question en disant que si un cataclysme mondial devait détruire toute la musique gravée sauf une seule, c'est Faust qu'il choisirait, car, disait-il, sa substance est si riche qu'elle permettrait aux générations futures de reconstituer ce que fut l'art musical de notre civilisation.

 

Faust

 

Les premières représentations de Faust, au Théâtre-Lyrique, en 1859, furent assez froidement accueillies. Le public — et les critiques — furent déroutés par tant de nouveauté, de sincérité et de raffinement, alors que régnaient au théâtre la convention, l'enflure et la platitude, avec Meyerbeer, Auber et Halévy. Mais la vente de la partition et des morceaux détachés, comme aussi le jugement des musiciens cultivés, éclairèrent l'opinion, et Roméo et Mireille rendirent Gounod célèbre. Aussi, paraissant sur la scène de l'Opéra en 1869, Faust obtint cette fois un succès triomphal. La 500e eut lieu en 1886, sous la direction de l'auteur, la 2.000e en 1934 et 375 représentations en ont été données depuis. Cet opéra n'a jamais cessé d'être applaudi sur les scènes du monde entier. Vite adopté en Allemagne, sous le titre de Marguerite il est avec Carmen une des rares œuvres françaises figurant au répertoire des scènes germaniques. Et pourtant dirai-je qu'il est, par beaucoup, incomplètement apprécié ? Rarement exécuté avec le soin musical nécessaire, avec l'expression juste, sa popularité même lui nuit auprès de quelques-uns. Il n'est donc pas inutile, en analysant l'œuvre, d'insister sur des beautés dont un jugement superficiel ou préconçu ne permet souvent pas de saisir tout le prix. Elle débute par un prélude dont la gravité, l'intériorité s'adaptent à la méditation du docteur Faust. Ces harmonies mystérieuses, ces entrées fuguées, ces progressions chromatiques et dissonantes, toute cette riche polyphonie expriment simultanément la rigueur de la pensée, la souffrance de la sensibilité et l'angoisse de l'âme qui coexistent en ce savant vieilli et sans espoir, symbole de la vaine recherche... Après le court répit qu'apporte une phrase mélodique en mode majeur, qui est la réponse sereine de la nature environnante, l'inquiétude reparaît au lever du rideau. Cette seconde introduction où, comme dans la première, l'écriture des classiques et des romantiques allemands compose une trame que Gounod vivifie par sa personnalité, et dont César Franck se souviendra, le récitatif si juste qui la suit, voilà ce qui montre Gounod orienté, au départ, vers le drame métaphysique de la Destinée et vers son expression par les moyens de ce qu'on nomme la musique pure.

Avec quelques phrases de Faust, un peu conventionnelles, cette première scène, renouvelant le contraste du prélude, nous apporte, par la voix des paysans, la fraîcheur des chansons agrestes, puis un hymne au Créateur. Le sentiment religieux dont toute sa production est imprégnée — comme toute sa vie — Gounod l'extériorisera à son aise dans des oratorios comme Rédemption et Mors et Vita. Mais dans Faust, malgré la nécessité de s'adapter à un libretto qui s'efforce de pas rompre sans répit avec les habitudes théâtrales d'alors, malgré les concessions obligatoires aux chanteurs, à tout moment ce sentiment religieux se fait jour. Non seulement dans la scène de l'Église, dans le choral des Épées, dans la mort de Valentin, dans le dénouement mais aussi dans l'expression de l'amour, qui est chose absolument neuve.

A une époque où régnait l'artificiel, c'est la sincérité du cœur qui fait irruption sur la scène et, chez ce Maître, toute effusion du cœur s'achève en prière, toute impulsion généreuse remonte à sa source divine. Avec l'apparition de Méphisto nous passons du style de l'oratorio à celui de l'opéra-comique. Dans cette scène bien conduite l'appel de Faust à la jeunesse perd de sa vulgarité apparente si on sait lui reconnaître une sorte de naïveté à la Schubert, et c'est ce qui advient tout naturellement à celui qui entend l'œuvre en langue allemande. Il est inutile d'insister sur la poésie de l'apparition de Marguerite, avec le ronronnement du rouet mêlé à la phrase d'amour que chante, déjà, l'orchestre.

Le deuxième tableau tout entier a une couleur musicale qui l'apparente avec bonheur aux toiles des peintres flamands, depuis la pesante kermesse jusqu'à la valse finale qui ne paraît pas anachronique tant son caractère est naïf et « gemütlich ».

Ni la pittoresque chanson du Veau d'Or, ni la noble scène des épées ne nous enlèvent à cette atmosphère nordique et moyenâgeuse, non plus que la rencontre de Faust et de Marguerite, page qui, le croirait-on, donna beaucoup de mal à Gounod, alors qu'elle rayonne de vie spontanée, de lumineuse simplicité. Ces quelques mesures donnent l'impression du définitif, de ce qui ne pourrait être autre... Mais nous voici à l'acte du Jardin, un des chefs-d'œuvre de l'art lyrique. Après un court prélude, inquiet et poétique, nous devons, c'est vrai, entendre une page qui n'est pas à la hauteur du reste : les trop célèbres couplets de Siebel. Ce n'est pas qu'ils

soient dénués de finesse harmonique et qu'on ne puisse aussi leur trouver une saveur de chanson germanique ; mais enfin, c'est un hors-d'œuvre qui n'eut pour raison d'être que d'allonger le rôle de ce jeune amoureux, confié à une chanteuse, car le goût de l'époque allait fâcheusement aux « travestis ». Mais ensuite, quel ravissement continu ! Après quatre mesures d'orchestre inspirées du premier prélude, qui nous rappellent l'anxieux philosophe qu'était Faust avant sa métamorphose, le voici devant la maison de Marguerite, exhalant lyriquement son trouble, sa tendresse respectueuse, la fraîcheur retrouvée de son adolescence. Musique aussi mélodieuse que juste de sentiment. Marguerite vient alors lentement s'asseoir à son rouet, rêvant à l'étrange rencontre. Ce petit tableau est d'une absolue perfection. L'air des bijoux est d'un art moins haut, mais il y faut remarquer, comme dans le récit précédent, l'aisance de la ligne mélodique, la justesse de la déclamation.

Ensuite le quatuor nous apporte des joies sans réserves. Même dans l'œuvre de Mozart dont on aime à le rapprocher, on ne peut trouver davantage (j'oserai même dire : autant) de variété dans les caractères, de sobriété, un équilibre plus heureux dans l'ordonnance du morceau comme dans celui des voix, une tendresse plus pénétrante quoique encore pudiquement contenue. Et, succédant à une telle page, c'est l'appel de Méphistophélès aux sortilèges de la nuit, dont le caractère grandiose révèle pour la première fois la puissance du prince des ténèbres. C'est enfin le duo d'amour, un des premiers qu'on ait écrits et qui est au premier rang de ceux qui furent écrits ensuite. Celui de Tristan, même, ne le fait pas pâlir, car chez Wagner le sublime est d'autre sorte. Il nous donne un vertige angoissant et nous laisse anéantis, désagrégés, comme sous l'influence d'un merveilleux poison.

Le nocturne amoureux de Faust nous donne au contraire le sentiment d'une félicité faite de l'épanouissement de l'âme et du cœur. Il nous mène en un état d'euphorie où s'unissent le divin et l'humain : il nous prouve un équilibre supérieur qui, bien qu'exceptionnel, nous paraît sur le moment normal, car l'unité profonde de l'être est atteinte...

La nature inférieure de Faust est vaincue. Il fuirait, si Méphisto, le traitant en enfant, ne le ramenait sous la fenêtre de Marguerite, qui vient faire aux étoiles l'aveu de son amour. C'est ici encore une effusion musicale incomparable où se mêlent « toutes les voix de la nature ». Jamais « chute » ne fut amenée par un accord plus complet de forces en principe divergentes. Et peut-on parler de chute, malgré le rire sardonique de Méphisto, quand l'orchestre, tandis que le rideau baisse, continue à chanter avec cette plénitude heureuse, avec cette sérénité, s'éteignant graduellement sans que quelques accents mélancoliques éveillent le moins du monde les idées de péché et de remords. Marguerite connaîtra d'abord le mépris des voisins et la douleur de l'abandon. « S'il allait paraître », s'écrie-t-elle, « quelle joie !... » mais non, elle serait complètement seule avec son enfant, sans l'amitié dévouée de Siebel, sans le secours de la prière.

C'est à l'Église qu'elle connaîtra les affres du remords, sous l'influence de l'Esprit du Mal qui veut la faire désespérer de son salut. Cette scène avait, on se demande pourquoi, alarmé la censure impériale. Mais Mgr de Ségur, grand ami de Gounod, fut désigné comme arbitre. Il assista à une répétition et déclara qu'au point de vue religieux il serait souhaitable que le théâtre contînt beaucoup de scènes semblables. On peut ajouter : du point de vue artistique également. C'est un des sommets de l'œuvre et du théâtre lyrique. L'originalité et la puissance de sa substance musicale inclinent certains à regretter l'élan de foi de Marguerite qui, vers la fin, amène un moment de détente. Ils ont tort. C'est encore le cœur de Gounod qui parle ici et qui nous assure que cette prière sera exaucée. Cette effusion mélodique n'affadit nullement la scène qui se termine, avec l'évanouissement de Marguerite, sans commentaire musical compatissant, car le rideau se baisse sur les sons lointains de l'orgue, étrangers au drame.

Le tableau suivant est inégal. Il comporte le chœur des soldats, une jolie sérénade de Méphisto, la scène du duel qui, n'inspirant pas Gounod, le fit recourir à des procédés meyerbeeriens, enfin la mort de Valentin, qui a grand caractère. Elle est surtout remarquable par les interventions du chœur, d'abord pour exhorter Valentin au pardon, ensuite pour murmurer une prière autour de son cadavre. Encore une fois, c'est la sincérité du sentiment religieux qui frappe dans ces quelques mesures sans accompagnement. Elles sont suivies d'un chant plaintif du hautbois tandis que Marguerite, soudainement folle, s'éloigne dans le silence de la foule. C'est une fin d'acte fort impressionnante.

L'esprit conciliant de Gounod permit qu'en ce drame tout intérieur on introduisît, pour le plaisir des abonnés de l'Opéra, le ballet habituel, amené soi-disant par une nuit de Walpurgis toute conventionnelle. L'hétérogénéité de style détruit ici partiellement le caractère et l'équilibre de l'œuvre. Passons...

L'acte de la prison consiste surtout pour la foule dans l'invocation : « Anges radieux » dont la progression ascendante est d'un effet indéniable et l'inspiration d'une généreuse ampleur, Mais le début de l'acte n'est pas inférieur, avec la couleur tragique de l'orchestre et des premiers récits, le réveil de Marguerite, sa joie confiante et surtout avec les souvenirs de la première rencontre et des nuits d'amour, qui sont d'une poésie touchante. Attirons ici l'attention de l'auditeur sur un détail qui a son prix et qui passe d'ordinaire inaperçu.

Quand Marguerite, ayant repoussé Faust et son diabolique compagnon, tombe raide morte et que des voix invisibles font entendre le mot : « Sauvée ! » l'orchestre, pour accompagner son ascension céleste, attaque le même motif qu'au moment où elle s'abandonnait aux bras de son séducteur, à la fin du troisième acte.

Que la faute et que la rédemption s'expriment par la même musique, cela semble une fois de plus indiquer que Gounod — nourri de saint Augustin — voyait dans le dérèglement des sens la déviation et l'obscurcissement mais non la privation du divin principe de l'amour et qu'il interprétait profondément la pensée de Goethe, pour qui Faust au bout de son évolution, accède au paradis à l'appel de Marguerite, car ce fut auprès d'elle qu'il eut les premières lueurs, le désir et le pressentiment de l'amour spirituel. C'est par un chœur demi-liturgique, célébrant la fête de Pâques, que se termine l'œuvre, le rideau se baissant dans l'extrême douceur d'un orchestre imprégné de paix évangélique.

La musique de Faust, en ses meilleures parties, possède cette vie complète et profonde que seul crée le génie, et qui, seule, assure à l'œuvre d'art de survivre à son époque. Elle a le privilège de pouvoir être mieux qu'admirée : aimée ; et par cela même, d'être un précieux témoignage de la bonté qui réside, malgré tout, au cœur des hommes.

 

(Max d’Ollone, 1953)

 

 

 

 

 

 

le Jardin de Marguerite

(revue l'Opéra de Paris n° 11, 2e trimestre 1955)

 

 

le retour des Soldats

(revue l'Opéra de Paris n° 11, 2e trimestre 1955)

 

 

 

 

    

Pour une reprise de Faust, l'Opéra nous a conviés : et nous attendions de la nouvelle présentation du chef-d’œuvre de Gounod plus que ce qu'elle nous a apporté. Les décors de Wakhevitch, généralement mieux inspiré, sont inégaux. Pour ce qui est des chanteurs, même disparate : Depraz, remarquable « Méphisto », et Blanc, « Valentin » superbe, ont été, à juste titre, les héros de la soirée. (Mmes Solange Michel et Andrée Gabriel sont également à louer en Dame Marthe et en Siebel.) Mais, malgré la présence au pupitre d'un maître comme Fourestier, pourquoi l'orchestre a-t-il, trop souvent, joué si fort ?

Et ce même orchestre, quelques jours plus tard, nous transportait, sous la baguette de Knappertsbusch, pour les représentations de Tristan.

 

(Jacques Feschotte, Musica, juillet 1956)

 

 

 

 

    

 

 

Georges Vaillant (Méphistophélès) et Jacqueline Brumaire (Marguerite) dans Faust à l'Opéra en 1959

 

 

Le vieux Faust a cent ans.

 

Quand on parle des origines de quelque grande découverte humaine, on peut toujours, sans grand risque, affirmer :

1° qu'une bonne dose de mystère l'enveloppe.

2° que les Chinois en ont joui avant nous.

Ainsi de l'imprimerie : on n'est pas sûr que Gutenberg n'ait connu les essais qu'en avaient faits les mandarins du Céleste Empire. Ce qui n'empêcha point qu'on ait considéré d'emblée, en France et en Allemagne, son invention comme miraculeuse. « L'imprimerie est d'inspiration divine », devait dire l'allemand Melanchthon. Et le français Jean Molinet : « L'imprimerie est un don du ciel ». Né à Mayence, c'est à Strasbourg, à l'ombre de la tour de granit rose de la cathédrale, que Gutenberg mit son invention au point. Il lui fallut des appuis. Il en trouva en Pierre Schoeffer et en Jean Füst. Le premier, qui était vigneron, perfectionna la presse à bras. Le second, qui était orfèvre, apporta des capitaux. Mais l'étonnante nouveauté concurrençait dangereusement le métier de copiste, alors en la main des moines. Blessé, ce métier voulut se défendre, même à armes illicites : on endossa à Jean Füst, devenu Dr Faust, une vieille légende, où un nécromant vendait son âme au diable. Ainsi d'imprimeur devint-il alchimiste. Puis, les poètes, à l'envi, s'engouèrent du personnage, jusqu'à Goethe, le plus grand, qui mit soixante ans — de 1773 à 1831 — à écrire ce Faust « qui fait réfléchir à tout et à quelque chose de plus », devait dire Mme de Staël. Traduit en français par Gérard de Nerval, ce Faust goethéen devenait le livre de chevet, la bible du jeune romantisme. Berlioz, le romantique de la musique, l'avait toujours dans les basques de son habit, ce qui lui permit, certain beau jour de septembre 1828, sur une route de son Dauphiné, d'appliquer la plainte de Marguerite sur la plainte que le vent faisait dans les arbres de la route : la Chanson de Thulé en naquit, et « la Damnation de Faust ». Or, sur pareil point, Charles Gounod n'était pas sans lui ressembler, à cela près que ce n'est pas sur une route du Grésivaudan qu'il devait méditer « Faust », mais devant la plus voluptueuse mer du monde, celle qui, sur ses grèves de sable blond, fait comme un bruit de baisers. C'est qu'à vingt et un ans il a eu le Prix de Rome ; qu'il n'est parti pour la Villa Médicis qu'avec le chef-d'œuvre en ses bagages, et que, de Rome à Capri... Mais si nous citions ses « Mémoires » ?

 

A Capri, j'allais souvent écouter le silence vivant des nuits phosphorescentes. Je passais ainsi des heures, assis au sommet de quelque roche escarpée, faisant parfois rouler le long de la montagne à pic quelque gros quartier de roc, dont je suivais le bruit jusqu'à la mer. Ce fut en l'une de ces excursions nocturnes que la première idée me vint de la Nuit de Walpurgis du « Faust » de Goethe. En cet ouvrage, qui ne me quittait toujours pas, je consignai, en des notes éparses, les différentes idées que je supposais pouvoir servir, le jour où j'aborderais ce sujet comme opéra.

 

Comme opéra, vous avez bien lu. Cet opéra, cependant, il ne le réalisera que plus de quinze ans plus tard. Et à la suite de circonstances en lesquelles le croyant qu'il était ne pouvait voir que la main de la Providence, pour autant que celle-ci s'intéressât à l'art lyrique.

 

***

 

Qu’en 1846 il assiste à la première de « la Damnation de Faust », voilà qui ne compte guère. Ce qui compte, c'est que, quatre ans plus tard, en 1850, certain drame de Michel Carré soit joué au Gymnase, sous le titre « Faust et Marguerite ». Il le hante, ce drame, et, sans but bien précis, il se prend à en musiquer certains passages. Mais ce but se précise si bien qu'il finit par en parler. Ainsi, en 1852, en annonçant son mariage avec Mlle Zimmerman, les journaux, déjà friands d'avant-premières, ajoutent-ils à cette nuptiale nouvelle : « ... Ce qui n'empêche le jeune compositeur de travailler à un « Faust » destiné à l'Opéra. » Cependant, il ne manque pas d'autres sujets qui le sollicitent. C'est, en 1853, une « Nonne sanglante », qui fait un four noir à l'Opéra, et, en 1854, un « Ivan le Terrible », qu'il abandonnera en route. Pour le décider ne varietur à un « Faust », il ne faudra rien de moins que deux belles rencontres : celle de Léon Carvalho, directeur du Théâtre Lyrique, et celle de Jules Barbier, librettiste.

Celle de Jules Barbier, d'abord. Ce Jules Barbier, Gounod le rencontre chez Emile Augier, et c'est le coup de foudre de l'amitié. Quelques semaines plus tard, les deux nouveaux amis tombent dans les bras l'un de l'autre, sur le Boulevard. On parle opéra, bien entendu.

« Pour moi, dit Barbier, le sujet type, ce sera toujours le vieux Faust.

— J'y pense depuis mes jeunes années, dit Gounod.

— Si nous le faisions ensemble ?

— C'est juré ! »

La rencontre de Carvalho, ensuite, qui se passe entre deux coulisses du théâtre qu'il dirige.

« Apportez-moi donc quelque chose, dit le directeur au musicien.

— Volontiers. Encore me faudrait-il un sujet.

— Tenez ! Faites-moi donc un « Faust ».

— Un « Faust » ? Mais j'en ai un « dans le ventre » depuis des années ! »

En plein enthousiasme, tout fut ainsi décidé. Le livret serait de MM. Barbier et Carré. Et l'œuvre serait montée avant la fin de 1858.

Mais, bien avant cette date, la partition en était déposée, une partition qui est assez loin d'être celle d'aujourd'hui. Pourquoi ? On va le dire.

 

 

                             

 

de g. à dr. : Paul Finel (Faust), Jacqueline Brumaire (Marguerite), Georges Vaillant (Méphistophélès) et Robert Massard (Valentin) dans Faust à l'Opéra en 1959

 

 

Le Théâtre-Lyrique n'étant alors qu'une façon d'antichambre de l'Opéra-Comique, les œuvres qu'on y montait ne pouvaient être que de demi-caractère ; elles se devaient d'avoir du parlé, et de ne point comporter de ballet. C'est ainsi que, dans ce « Faust » d'origine, bien des textes que nous avons l'habitude d'entendre chanter étaient dits. En voulez-vous le premier exemple ? « D'où vient ta surprise ? Ne suis-je mis à ta guise, la plume au chapeau, l'escarcelle pleine, un riche manteau sur l'épaule, bref en vrai gentilhomme ? » Voilà comment Méphisto se présente, aujourd'hui, sur une belle phrase de récitatif, que termine la descente d'une gamme en panache balayant le sol. Primitivement, c'est dans le silence de l'orchestre et en pédestre prose qu'il apparaissait au Docteur. Quant à la Nuit de Walpurgis, elle se réduisait à une Ronde de la Chaudière : Un, deux et trois : — Comptons jusqu'à treize. — Les gueux sont rois.

Mais le bon Gounod n'était point du tout porté à la sorcellerie, et cette ronde fut proprement supprimée à la répétition, ce qui suscita une protestation de Delacroix : « Plus de sabbat ? Faire un « Faust » et oublier l'enfer ? Ne pas mêler la terreur au comique ? Voilà ce que le Mozart de « Don Juan » n'aurait, certes, jamais compris ! »

Mais s'il protesta ainsi, il eût trouvé bien d'autres sujets de protestation. Car Carvalho avait tout du despote. Il taillait, effaçait, défaisait à sa guise. Il coupait, surtout, en vertu sans doute du spirituel axiome de Scribe : « Ce qu'on coupe n'est jamais sifflé ». Ainsi disparurent une « Ronde du Scarabée », celle-ci remplacée, il est vrai, par la « Ronde du Veau d'or » ; puis, un « Duo de Marguerite et de Valentin », à l'acte de la kermesse ; puis, des « Couplets de Siebel », à l'acte du jardin ; puis, un « Air de la Folie », à l’acte de la prison, tout ceci n'allant point sans brouilleries ni sans orages. Par contre, chemin faisant, et grâce à Ingres, l'homme au violon, « Faust » enrichissait de certaine musique ambulatoire, d'abord destinée aux boyards d' « Ivan le Terrible », mais qui, sans encombre, avec armes, bagages et emphatique vulgarité, passait des boyards de celui-ci aux vaillants guerriers de la vieille Germanie de Goethe, « fidèles à la gloire de leurs aïeux jusqu'à mourir comme eux ! »

« Voyons ! N'hésitez pas, insistait le grand peintre. Cette marche-là, c'est le succès assuré. »

Ce le fut. « Ce chœur, soutenu par un orchestre d'une superbe sonorité et d'une idée élevée », dit Scudo ; « d'une beauté admirable et d'un prodigieux effet », dit Fiorentino, — ce chœur des Soldats devait être bissé. « Faust » fut donc un triomphe ?

Eh ! Voyez donc comme il est difficile d'écrire l'histoire : on n'en sait rien encore. Un four, semblèrent dire, quand la légende de l'œuvre s'établit, le baryton Barbot, son premier interprète, et le directeur Carvalho, et Gounod lui-même. A vaincre sans péril, n'est-ce pas ? Les triomphateurs tiennent à la gloire. Ainsi, le compositeur parla-t-il de la salle « endormie après l'acte du jardin », encore qu'il ait écrit : « Si je suis damné, c'est bien pour l'avoir fait trop beau, cet acte-là », tandis que Carvalho parla d'incidents scandaleux : sifflets, cris d'animaux et pommes blettes. Quant à l'interprète, il nous conserva l'opinion de la critique d'alors : « aberration musicale », « œuvre incompréhensible », « musique à mélodie continue, c'est-à-dire sans point ni virgule, sortant, comme celles de Schumann, de Liszt et de Wagner, de la folie des derniers quatuors de Beethoven ». Enfin, ceci pour conclure : « Faust, à coup sûr, n'est pas l'œuvre d'un mélodiste » !

Car la mélodie, qui n'est toujours que l'idée qu'on s'en fait, c'était, alors, celle de l’ « Herculanum », de Félicien David, que l'Opéra avait donné, le 4 mars, ou du « Pardon de Ploërmel », de Meyerbeer, que l'Opéra-Comique devait donner, le 4 avril.

« Faust », lui, était du 19 mars, du 19 mars 1859 : il a donc cent ans.

Mais où sont, après un siècle, les partitions de ce « Pardon » (1) et de cet « Herculanum » ? Par contre, quel est le mélomane, quel est le Français à ignorer « Faust », devenu une œuvre mieux que populaire : nationale ?

(1) Ne survit de celle-ci que certaine « Valse de l'Ombre », toujours chère aux coloratur en mal de « cocottes ».

 

***

 

« Faust » faisait cinquante-cinq représentations en sa première saison, et il ne fallut rien de moins que la Guerre d'Italie pour en détourner l'intérêt du public : le cœur de Paris était alors à Solferino ou à Magenta, où les Français, fidèles « à la gloire de leurs aïeux » savaient, une fois de plus, « mourir comme eux ».

Mais, quittant Paris, « Faust » gagnait Strasbourg, où il s'enrichissait d'emblée de ce qu'il fallait pour en faire le « grand opéra » qu'il est aujourd'hui. Et, dès 1860, il gagnait Rouen, Liège et Bruxelles ; dès 1861, Vienne ; dès 1862, Londres et, dès 1864, New York. J'oubliais Darmstadt, où il avait été affiché sous le titre de « Margaret », et où la critique avait jugé que le style en était « plus germanique que français » ! Rien d'étonnant à cela : Gounod était un musicien flamand !

Pierre qui roule n'amasse pas mousse. En roulant ainsi, « Faust », lui, avait amassé une gloire telle que l'Opéra ne pouvait plus que s'honorer en lui ouvrant ses portes. Ce qu'il fit, le 4 mars 1869, entre « la Muette de Portici » et « les Huguenots ». Ainsi « Faust » eut-il, somme toute, à dix ans l'une de l'autre, deux premières. N'importe ! En 1869, il faillit encore être amputé de la « Scène du Jardin », laquelle, prétendait-on, « ne portait toujours pas sur le public ».

Comme le reste, — faut-il le dire ? —, « parfumée de myrte et de roses » comme elle l'était, elle alla aux nues ; et la seule chose qu'on ait oubliée pour elle, ce fut de vaporiser de l'essence de rose et de myrte dans le théâtre, comme on devait le faire, en notre temps, pour les « Indes galantes ». C'est qu'Emile Perrin, directeur en exercice, trouvait que « Faust » était déjà assez dispendieux sans cela. Pensez donc ! Il exigeait, en supplément, 60 fr. de harpe pour donner leur envol aux anges radieux ; 170 fr. de fanfares de Sax pour faire marcher au pas — un, deux — les vaillants compagnons de Valentin ; 120 fr. de lumière électrique pour faire apparaître Marguerite, aux yeux éblouis de son futur amant ; et 200 fr. de chaussons de danse.

Car le ballet, maintenant, devait combler, à pleine lorgnette, les yeux des vieux abonnés, un ballet que le bon Gounod, toujours piqué de quelque dévotion, avait d'abord voulu « refiler » à Saint-Saëns, lequel, Dieu merci, refusa. Un peu vieilli aujourd'hui, il n'en reste pas moins charmant, ce ballet, et il n'est étoile de la danse qui n'ait voulu être de la fête des reines et des courtisanes ; comme il n'est cantatrice à ne vouloir, sous les nattes blondes de l'emploi, rire de se voir si belle » ; comme il n'est ténor à ne prétendre revêtir le séant pourpoint de Faust pour soupirer sa cavatine avec point d'orgue en profil perdu ; comme il n'est basse chantante à ne vouloir paraître à son avantage « l'épée au côté et l'escarcelle pleine », ainsi qu'il est dit plus haut.

Méphisto, Faust, Marguerite : des rôles tout en or, s'il en fut.

« Faust » : encore aujourd'hui, l'espoir suprême des directeurs aux abois.

« Portez-lui mes aveux... » : l'inépuisable succès, toujours, des virtuoses de l'orgue de Barbarie, s'il en reste.

Mais il n'y a pas que cette valse un peu douteuse. Il y a la partition tout entière, qui dicta à Milhaud — eh oui ! à Darius Milhaud, un musicien passant encore pour difficile, aux yeux, aux oreilles de certains — la phrase que voici : « J'ai réentendu « Faust » le jour de sa 2222e. Cette œuvre garde son éternelle fraîcheur. Je suis émerveillé par cette partition dont j'adore chaque mesure, chaque harmonie, chaque mélodie — chaque note. »

Chaque note, vous avez bien lu : faites comme lui.

 

(José Bruyr, Musica Disques, mars 1959)

 

 

 

 

    

— Gounod, mon cher, vous devriez bien m'apporter un ouvrage pour mon Théâtre-Lyrique.

— Je ne demande pas mieux, cher Carvalho. Mais quoi encore ? Trouvez-moi un bon sujet.

— Eh bien ! faites-moi donc un Faust !

— Un Faust ? Mais je l'ai dans le ventre depuis des années...

Ainsi dialoguaient, un soir de l'année 1856, sur la scène du Théâtre-Lyrique, à l'issue de la représentation de la Reine Topaze, Carvalho, qui venait de fonder ce théâtre, et le compositeur Charles Gounod.

Alors qu'il était encore pensionnaire à la villa Médicis, après qu'il eût obtenu le Grand Prix de Rome en 1839, Charles Gounod méditait déjà d'écrire un Faust. Le livre de Goethe, toujours auprès de lui, demeurait une de ses lectures de prédilection. Il tournait et retournait dans sa tête ce projet dont il ne savait pas très bien quelle forme lui donner quand, en 1846, Berlioz produisit en public sa Damnation de Faust. Passionné, Gounod entendit l'œuvre de son illustre aîné et en sentit toutes les beautés. Mais, loin de lui faire renoncer, l'audition de l'ouvrage de Berlioz lui confirme le sentiment qu'il y a dans l'œuvre de Goethe bien plus qu'une grande œuvre de concert : un sujet de grand opéra. Mais voilà, l'opéra, tel qu'il était dans sa forme d'alors, ne paraissait pas convenir très exactement aux intentions de Gounod. Et le musicien s'interrogeait, supputait, se rapprochait, s'éloignait...

Toutefois l'idée d'un Faust était dans l'air. Un drame fantastique de Michel Carré intitulé Faust et Marguerite représenté en 1850 au Théâtre du Gymnase paraît apporter à Gounod une solution : suivre les amours de Faust et de Marguerite en les séparant de toute la mythologie et la philosophie goethéennes. Ainsi le musicien s'achemine-t-il peu à peu vers son propre Faust. Y travaille-t-il dès lors ? Il en parle en tout cas puisque en 1852 un journal de Leipzig, annonçant son mariage prochain avec Mlle Zimmermann, écrit : « Ce projet de mariage n'empêche point cependant le musicien de composer l'opéra qu'il a tiré du Faust de Goethe... »

Et voici qu'en 1855, Gounod rencontre sur les boulevards, entre les portes Saint-Denis et Saint-Martin, l'illustre librettiste Jules Barbier qui lui parle spontanément de Faust, la source et le modèle des drames lyriques.

— Ah, mon cher, Faust... j'y pense depuis mes plus jeunes années !

Rencontre providentielle : Jules Barbier promet à Gounod de travailler pour lui au livret d'un Faust. Et, tout aussitôt, il commence son travail sur le texte de la pièce que Michel Carré avait fait représenter cinq ans auparavant.

Carvalho ayant offert son théâtre, la conjoncture apparaissait des plus favorables. Et Gounod, étroitement uni au travail de son, puis de ses librettistes (car Michel Carré s'en vint un peu plus tard rejoindre Jules Barbier), s'efforçait de modérer leur zèle — le livret prenait des proportions inquiétantes — et composait l'ouvrage avec une heureuse régularité. En 1857 deux actes étaient déjà terminés. Cette œuvre, qu'il portait en lui depuis si longtemps, naissait comme spontanément.

Tout à coup, le musicien est saisi par une violente crise nerveuse qui affole son entourage et que la presse d'alors commente avec une certaine exagération, allant jusqu'à déclarer Gounod « perdu pour l'art », affirmant même que sa raison semblait s'être égarée. En vérité, après quelques semaines de repos dans la clinique du Dr Blanche (qui avait déjà prodigué ses soins à bien des artistes de ce temps, d'un temps tout autant que le nôtre fertile en désordres de ce genre), Gounod, tout à fait rétabli, reprenait la composition de son opéra chéri. Mais, cette fois, conséquence de sa maladie, il travaille avec plus de peine. Il s'en inquiète. Et puis, voici qu'un autre Faust est annoncé au Théâtre de la Porte Saint-Martin : un drame populaire, cette fois, dû au célèbre d'Ennery, accompagné d'une « importante partition musicale ». Carvalho, prenant les devants, annonce la mise en répétition de l'œuvre de Gounod, qui n'est cependant point encore achevée et publie la distribution qui comprend quelques-uns des plus célèbres artistes de l'époque ; et pour conclure il va jusqu'à annoncer la première représentation pour la fin de l'année 1858.

A la fin de 1858, si Gounod avait enfin terminé sa partition, l'ouvrage n'était cependant point prêt à passer. La première distribution avait dû être remaniée : l'illustre Madame Ugalde prévue pour le rôle de Marguerite fut remplacée par Madame Carvalho. Et le jeune ténor choisi, Guardi, victime d'un enrouement tenace fut à son tour remplacé par un artiste du nom de Barbot. Plus on avance dans le travail, plus on s'aperçoit que les librettistes et le musicien ont fait trop long. Il faut couper : ici une scène entière, là un duo, ailleurs un air, des airs... Gounod se fâche et boude. D'autant plus qu'après avoir exigé tant de coupures, Carvalho demande maintenant d'ajouter, à la place d'un air coupé de Valentin, le populaire chœur des soldats, qui avait été écrit pour Ivan le Terrible...

Enfin Faust est représenté : le 19 mars 1859, devant tout ce que Paris compte de personnalités artistiques et mondaines. Ce ne fut pas (Gounod l'a lui-même écrit) un succès éclatant, loin de là. Beaucoup de spectateurs avouaient ne pas comprendre ce qu'avait voulu l'auteur, qu'on trouvait par ailleurs trop savant, pas assez mélodieux ! L'acte du jardin souleva même des protestations et fut chuté. Enfin certains allaient jusqu'à déclarer l'ouvrage incompréhensible... Oui !

En vérité, plus encore que choqué par la musique même, le public butait contre la forme nouvelle d'un ouvrage qui ne répondait pas aux habitudes prises dans les partitions de Meyerbeer ou de Rossini. Point de grands tapages ni de gros effets ; voici qu'il fallait écouter le musicien de plus près, aller jusqu'à prêter l'oreille à ses propos délicats, parfois confidentiels, accepter une tournure inhabituelle de la mélodie, dans les airs comme dans les ensembles. C'est tout une nouvelle manière d'écrire (et d'écouter) que Gounod proposait. Son œuvre n'était pas incompréhensible ; mais le public, lui, était incompréhensif et, d'ailleurs, continue à l'être : les admirateurs de Gounod ont trouvé Pelléas de Debussy incompréhensible ; les admirateurs de Debussy, à leur tour, n'ont rien compris à Stravinsky, et les admirateurs de Stravinsky... La liste n'est ni limitative, ni close. Le jeu continue et continuera encore, tout autant que les artistes iront ailleurs que là où le public d'une génération aura pris ses habitudes.

Aussi ne faut-il point trop s'attarder aux réactions des publics quels qu'ils soient. Il est plus savoureux et plus instructif de lire ce que les musiciens contemporains ont pensé et écrit sur le Faust de Gounod. Et relisons plutôt ce qu'en disait Berlioz dans son feuilleton du Journal des Débats ; après avoir salué en Gounod « un savant harmoniste », il déclarait : « Rien de plus naturel et de plus gracieux que la phrase de Marguerite Je ne suis demoiselle, ni belle. L'air de Faust Salut, demeure chaste et pure m'a beaucoup touché. C'est d'un beau sentiment, très vrai et très profond... On l'a applaudi, mais pas assez : il méritait de l'être vingt fois davantage » (il s'est rattrapé depuis lors...). « Je ne connais rien de plus décourageant (continuait Berlioz) que cette tiédeur du public français pour les beautés musicales de cette nature. Il les écoute à peine ; la mélodie est insaisissable pour lui : le mouvement est trop lent, le coloris trop doux, l'accent trop intime. » C'est bien en cela que Berlioz caractérise tout ce que Gounod apporte de nouveauté dans l'expression de l'opéra en 1859 et devant quoi s'élevaient tant d'incompréhensions et d'étonnements.

« Tout est frais, bien vrai, bien senti, dit encore Berlioz. Cette charmante demi-teinte, ce clair crépuscule de lune musical caressent l'auditeur, le charment, le fascinent peu à peu et le remplissent d'une émotion qui va jusqu'à la fin. » Et il va jusqu'à prononcer le mot de « chef-d'œuvre ».

Autre son de cloche : dans la France Musicale, Léon Escudier déclare qu'il faut reprocher à Gounod d'avoir « porté au théâtre ce qu'il faut laisser au concert... Hormis deux chœurs, pleins d'originalité et fort beaux et une magnifique scène dans les jardins, tout se qui se chante est morne, incolore, sans feu ; par contre tout ce que joue l'orchestre est gracieusement poétique et riche de couleurs. Et c'est là l'erreur de Gounod : ce n'est pas dans les voix qu'il a mis de l'effet, c'est dans les instruments. »

Heureusement que, se rapprochant de Berlioz, Ernest Reyer, l'auteur de Sigurd, déclarait l'œuvre « parmi les plus complètement belles de ce temps-ci ; une œuvre dans laquelle de très légères imperfections sont effacées par des inspirations et des beautés de premier ordre. »

Cependant ce demi-succès fit que Gounod ne trouva pour son Faust qu'avec la plus grande peine l'éditeur nécessaire. C'est un petit boutiquier de la rue Sainte-Anne, éditeur de romances à la mode, A. de Choudens, qui finit (sur les instances d'un ami commun) par se laisser persuader de prendre la partition qu'il paye dix-mille francs (ce qui n'était pas si mal pour le temps). Faust a fait sa fortune ; et pas seulement la sienne : celle aussi de Gounod, de ses librettistes (qui avaient été déjà enrichis par Meyerbeer) comme aussi de tous les théâtres lyriques du monde. Et cela continue, malgré toutes les modes qui passent, dépassent, repassent et s'espacent. Le propre d'un chef-d’œuvre est d'être intemporel. Faust l'est par tous ses côtés qui n'appartiennent pas à son temps, ce XIXe siècle si terriblement influencé par la « boutique », devenue alors arbitre du succès. Gounod n'a pas su, ou pu, s'en évader tout à fait ; en se soumettant, en soumettant son génie à certaines de ses exigences, à certains de ses appels, il n'a pas pu éviter quelques formules conventionnelles. Mais il nous a offert également un si grand nombre de beautés que, par-delà ce temps, au-dessus de tant de partitions aujourd'hui oubliées ou détestées, Faust demeure un des chefs-d’œuvre de la musique française — mieux, de la musique tout court.

C'est par une page d'un accent grave et d'une grande noblesse que s'ouvre la partition du Faust de Gounod. Quand on pense au style adopté par tous alors pour l'ouverture d'un opéra, on comprend que, dès son abord, l'œuvre put déconcerter. Mais, au fait, l'a-t-on seulement écoutée ? Il n'était pas pour habitude de fermer les portes de ce lieu d'élégance et de plaisirs mondains qu'était alors un théâtre d'opéra. Wagner, seul, devait obtenir cette mesure, et, de nos jours, elle commence à ne plus être partout respectée (qu'on fréquente notre Académie nationale de musique pour s'en rendre compte). Le disque, aujourd'hui, permet l'audition d'une œuvre dans la solitude et le respect. Pour beaucoup qui ne l'ont entendue qu'au théâtre cette introduction à Faust sera une révélation. Ils y verront une paraphrase musicale autour de la personnalité du docteur et de ses recherches scientifiques et philosophiques, de ses désenchantements, de sa démarche inquiète et errante. C'est dans cette page que Gounod se rapproche le plus de Goethe dont, par la suite, il devait s'éloigner jusqu'à le faire presque totalement oublier !

Les graves accents de l'ouverture font place à un chant mélodieux et naïf, lyrique et typiquement « Gounod » et dès lors le ton change. Après le monologue où Faust s'interroge et interroge « la nature et son Créateur », voici un petit chant pastoral qui vient témoigner de la présence permanente de la jeunesse et de la fraîcheur. Ce chant deviendra celui du chœur célébrant toute la nature après que Faust ait dit adieu au monde dans un chant dramatique à la déclamation gluckienne (Gluck et Mozart seront, d'ailleurs, les modèles que Gounod s'est choisi). Le monologue de Faust se poursuit encore et après avoir maudit le bonheur, la science, la prière et la foi, il en appelle à Satan. L'apparition créée par celui-ci de Marguerite à son rouet est d'une inspiration ravissante. Sous le dessin délicat d'un mouvement de fileuse, apparaît pour la première fois le thème qui symbolisera dans toute la partition les amours des deux héros, thème expressif et dramatique que seul Gounod pouvait trouver et traiter ainsi. Et le premier acte, acte d'exposition dans lequel il semble que Gounod cherche, comme son héros, son exact chemin, se termine sur une reprise de l'air des plaisirs chanté cette fois par Faust et par Méphisto.

Le deuxième acte va prendre un autre essor. Un grand chœur formé de jeunes filles, de matrones, de bourgeois, d'étudiants et de soldats assemblés en kermesse sur une vaste place entourée de maisons et de tavernes crée, par son mouvement pittoresque et contrasté, l'impression grouillante d'une foule en joie. Les chants se croisent, se chevauchent, se mêlent : c'est là une page du plus grand effet. Apparaît le frère de Marguerite, Valentin, qui doit partir pour la guerre. Douce et mélancolique musique bientôt interrompue par le chant joyeux des buveurs qui ne veulent point se laisser attendrir. C'est alors que Méphistophélès se mêlant aux buveurs offre la fameuse ronde du Veau d'or, air de bravoure, pierre de touche du chanteur destiné à incarner le personnage et que le public attend. Méphisto enchaîne avec quelques tours diaboliques qu'un grand choral des épées (« C'est une croix qui de l'enfer nous garde ») interrompt, choral traité à la manière d'un cantique, qui révèle les sentiments pieux et la foncière catholicité du musicien dont on sait qu'il pensa, dans sa jeunesse, à revêtir l'habit sacerdotal. Faust, impatient, demande à Méphisto de rendre réelle la vision de la « belle enfant » qu'il fit apparaître à son rouet. Elle va venir. Et, sous le propos du démon, s'insinue le mouvement de valse qui va amener, parmi ses compagnes, entourée du chœur, recherchée par un jeune page Siebel auquel Méphisto s'amuse à barrer la route, la douce, pieuse, vertueuse et chaste Marguerite. Les quelques mesures qui marquent la première rencontre des deux héros sont, dans leur simplicité et leur pudeur, d'une exquise sensibilité, tout imprégnées d'une fraîcheur naturelle incomparable : Gounod parle ici comme seul il a su le faire. Mais la valse reprend, tourbillonne et termine ce second acte.

Au troisième acte nous sommes dans le jardin, devant la maison de Marguerite. Le jeune page Siebel soupire son amour ; romance simple et naïve bien digne d'un amoureux un peu transi. Faust et Méphisto surviennent. Quelques paroles avec Siebel, tout fier d'avoir pu, après avoir trempé sa main dans l'eau bénite, ressusciter des fleurs mortes par le sort que Satan lui a jeté, et voici Faust enfin seul. La cavatine qu'il va chanter est à juste titre une des pages les plus célèbres de la partition. C'en est une des plus belles, des plus émouvantes, des plus nobles aussi. Elle est souvent déformée par les effets que les chanteurs y placent malgré le soin que Gounod a mis à en indiquer les nuances et les exacts mouvements (larghetto, pour terminer adagio). Marguerite ne va plus tarder à apparaître. Méphisto place un écrin empli de riches bijoux auprès du rustique bouquet déposé par Siebel. Et la voici. Les accents d'une chanson médiévale la précèdent. Elle rêve au jeune homme qu'elle a aperçu dans la foule à la kermesse. Elle va chanter cette adorable « ballade du Roi de Thulé » si délicieusement harmonisée, instrumentée, entrecoupée de réflexions mezza-voce sur le jeune homme entrevu, dont le souvenir hante la jeune fille et la chanson. La découverte du coffret vient ensuite. Et c'est le fameux Air des Bijoux que Marguerite va chanter en se contemplant dans le miroir perfidement déposé par Méphisto dans la cassette. Cet air à roulades, qui transforme en quelques secondes la prude et chaste jeune fille en coquette d'opéra, s'il détonne un peu théâtralement et fausse tout à coup la psychologie du personnage, n'en est pas moins lui-même une sorte de « bijou » serti par mains de maître et bien propre à exciter les applaudissements. Ici, il semble que la musique ait pris la place, non du personnage, mais de l'objet de sa convoitise ; elle est passée d'une nature à l'autre, et pourquoi pas si elle est pleinement identique à l'objet — propriété que, seule, la musique possède parmi les arts : devenir par son essence le sentiment, l'être ou la chose qu'elle incarne bien plus qu'elle n'évoque.

L'arrivée d'une Dame Marthe, sorte de duègne placée auprès de Marguerite, fait revenir le couple Faust-Méphisto et un quatuor va s'engager. Pendant que Méphisto occupe Dame Marthe, Faust peut enfin s'empresser auprès de Marguerite. Ce quatuor est un des moments de la partition qui lui valent son rang de chef-d’œuvre. L'art de Gounod s'y déploie comme sa maîtrise ; son génie, ici, l'emporte très exactement là où il doit aller : le mélange des sentiments se fond dans un style unique où d'une part la tendresse, la timidité, l'émoi amoureux et d'autre part la rouerie, la verve cocasse, le diabolisme narquois vont de pair sans que soit rompu l'équilibre de la scène. Plus tard, Verdi, dans Falstaff, montrera la même maîtrise servie par un génie souverain. Le quatuor achevé, après une invocation de Méphistophélès à la nuit et à l'amour, que Gounod a écrite sur une série d'accords parfaits et arpégés, là où l'on aurait pu attendre des harmonies dissonantes et impressionnantes, vient l'admirable duo d'amour, suite de mélodies passionnées et d'une infinie tendresse, véritable langage d'amoureux, bien plus proches de la mélodie intime que de l'air d'opéra et dont le charme agit toujours tant leur parfum subtil est de bonne et pure essence. On y retrouve, chanté d'abord par Faust, puis par Marguerite à la façon d'un serment, le thème apparu pour la première fois dans la partition au cours du premier acte, quand Méphisto montra son pouvoir à Faust pour le convaincre et le conquérir, en lui donnant à voir Marguerite à son rouet.

Nous l'y retrouverons au premier tableau du quatrième acte. La jeune fille, bouleversée par l'amour, humiliée par ses anciennes compagnes qui la moquent, se sent abandonnée par Faust qu'elle n'a plus revu depuis la nuit amoureuse dont elle porte le fruit.

Le deuxième tableau du quatrième acte est la scène de l'Église : la douce et humble prière de Marguerite, à laquelle prélude une introduction à l'orgue écrite dans un style grave qui rappelle à la fois Bach et, par anticipation, César Franck. Les imprécations de Méphisto, le chœur des démons viennent troubler la prière, l'interrompre, épouvanter la malheureuse. Ici se place le fameux chœur des soldats que Gounod avait composé pour son Ivan le Terrible et qu'à la demande de Carvalho il introduisit dans son Faust. (On connaît son pouvoir entraînant : il valut à l'auteur la commande par le Saint-Siège de l'Hymne pontifical, celui-là même qui est encore exécuté aux cérémonies présidées par le pape à Saint-Pierre de Rome.) Sa musique n'est peut-être pas des plus relevées ; il fait néanmoins un grand effet. Cependant, Valentin veut revoir sa sœur ; en vain Siebel essaie de l'en détourner... Et Faust, toujours accompagné de Méphistophélès, revient rôder autour de Marguerite dont il ne peut oublier le charme. Méphisto, pour troubler la jeune fille, chante une sérénade sarcastique dont l'écriture délicate et la mélodie dessinée avec art font penser à la Sérénade du Don Juan de Mozart (le divin modèle). Valentin sort de la maison à la place de sa sœur. Il a tout appris : l'amour de la jeune fille, les suites funestes, l'abandon. Une conversation rapide s'engage qui va se continuer par un duel, brillamment traduit par l'orchestre. Valentin est mortellement blessé. Les deux compères s'enfuient. La scène est envahie par les amis et les soldats qui ont entendu les épées s'entrecroiser. Valentin va mourir en maudissant sa sœur coupable. C'est un chœur de quelques mesures qui conclut la scène et l'acte : « Que le Seigneur ait son âme et pardonne au pécheur » ; traité « a cappella », il donne à toute cette scène tragique un accent de grandeur à l'effet souverain.

Le cinquième et dernier acte s'ouvre sur la « Nuit de Walpurgis ». Gounod n'était pas très exactement fait pour évoquer les scènes diaboliques et les sorcelleries sataniques. Mais doit-on lui en faire un grief ? Quand nous considérons certains triptyques ou tableaux religieux des maîtres anciens et que nous y voyons certaines représentations infernales, la naïveté comme l'ingénuité de ces images n'en diminue pas pour autant la valeur comme la beauté du tableau. Sans doute un Liszt a-t-il été bien plus haut et plus loin dans son Faust et si Wagner s'en était mêlé nous aurions eu à entendre une toute autre musique. La Nuit de Walpurgis traitée par Charles Gounod est sans grand mystère comme sans effrois, et s'accorde à merveille avec le Ballet qu'il a ajouté pour les représentations à l'Opéra, qui commencèrent dix ans après la création de son ouvrage (en 1869, après que Faust ait obtenu 321 représentations, ce qui tend à montrer que le succès avait finalement eu le dessus).

Le quatrième tableau (scène de la prison) de ce dernier acte réintroduit des accents émouvants, dramatiques, authentiques. Après tant d'événements douloureux les deux amants se retrouvent, lui repentant, elle enfermée et mise aux fers ; les tendres souvenirs, qui prennent la forme d'une douce valse, les amours dans le jardin qui réintroduisent le beau thème des amants, jusqu'au moment poignant où Marguerite n'entendant plus les appels de Faust se laisse gagner par une vision céleste, toute la musique monte et rend la situation sublime. Après avoir repoussé son amant, Marguerite sauvée de l'enfer auquel l'avait promise son malheureux frère et où Satan lui-même l'attendait, monte aux Cieux dans une apothéose qui conclut l'ouvrage et lui confère un ton de sérénité et de suavité dans lequel le musicien excelle.

Ainsi finit le Faust de Charles Gounod.

Un peu avant la fin de sa vie, questionné par un journaliste, Gounod, alors chargé de gloire et d'honneurs, lui raconta que le roi de Hanovre lui avait dit un jour : « J'entends Faust le dimanche soir. Il me semble que c'est la suite de l'office divin. Je vous félicite : votre Marguerite sort pure de la scène. »

Il semble qu'on puisse en dire autant de Gounod : lui aussi sort tout pur de toute sa musique dont Faust demeure l'une des plus hautes et plus significatives manifestations.

 

(Henri Sauguet, 1963)

 

 

 

 

    

Dans son autobiographie, Gounod dit avoir pensé à la musique de Faust dès qu'il eut 20 ans, après avoir lu la traduction française tout récemment éditée du Faust de Goethe.

Vainqueur à l'unanimité, en 1839 du Grand Prix de Rome, il amena avec lui, au cours de son séjour à la Villa Médicis, le chef-d'œuvre de Goethe, qui dès le début lui inspira une suggestion immédiate et irrésistible ; il note dans ses mémoires que Faust ne l'abandonne pas un instant. « Je le portais toujours avec moi et j'ébauchais ici et là quelques refrains pour m'en servir le jour où je me serais décidé à écrire l'œuvre, que je devais finalement réaliser 17 ans plus tard, l'été suivant au cours d'une promenade au clair de lune, sur les rochers de Capri, j'eus la première inspiration en thèmes musicaux de la Nuit de Walpurgis ».

Les deux ans passés en Italie et l'année qui suivit, en Allemagne, furent déterminants pour la formation artistique de Gounod.

En 1842, il écrit un requiem dont le Dies Irae servit de thème à la scène de l'appel de Marguerite à la miséricorde divine.

L'exécution à Paris de la Damnation de Faust de Berlioz en décembre 1846, le frappa profondément, tandis que du drame de Michel Carré, Faust et Marguerite sur une musique de Couder (19 août 1850), il tira quelques utiles suggestions d'arrangements théâtraux.

Pour le début de la composition de Faust, la rencontre de Jules Barbier et de Gounod, fut déterminante, Barbier demanda à Michel Carré, son étroit collaborateur, la rédaction de nombreux livrets d'opéra, mais ce dernier se souvenant du fiasco de l'œuvre de Couder, se montra moins enthousiasme que Barbier.

Toutefois, dès 1857, les deux hommes se mettent au travail en compagnie de Gounod.

Le compositeur écrivait avec un grand acharnement. Dans une lettre adressée à l'ami Franchonne, le 17 juillet 1858, on apprend que Gounod travaillait à la composition du 3ème acte alors qu'il orchestrait déjà le 4ème.

Le 4 août de la même année, les journaux annonçaient la fin de l'opéra.

Une fois les répétitions commencées, la préparation de Faust pour le théâtre connaît une vie non moins mouvementée.

Marie Miolan-Carvalho, femme de Léon Carvalho, directeur du théâtre, voulut le rôle de Marguerite auquel était déjà destinée Delphine Ugalde, de ce fait, la substitution du ténor Guardi, par le ténor Barbot.

D'autres difficultés devaient se dresser devant Gounod, la censure exigeait que la scène de l'église soit purement et simplement supprimée, il fallut le secours du Nonce Apostolique pour que fût conservée cette scène, ce dernier bien qu'aveugle, ayant été fortement ému par la beauté et l'intensité dramatique de cette scène.

La première annoncée pour le 17 novembre 1858. fut retardée de 4 mois.

Malgré ces vastes dimensions en 5 actes, le Faust de Gounod ne suit pas exactement le chef-d'œuvre de Goethe, tant sur le plan philosophique littéraire et même politique. Ainsi que le note Franco Abbiati dans son Histoire de la Musique, la philosophie de l'œuvre de Gounod est totalement absente au profit de l'amour. Il est évident que Jules Barbier et Michel Carré, les deux librettistes n'ayant pas le génie de Goethe, se sont bornés à écrire un livret essentiellement scénique.

La première représentation de Faust a lieu le 19 mars 1859, au Théâtre-Lyrique devant un public d'exception. Aux côtés de la Carvalho, les interprètes principaux sont le ténor Barbot, le baryton Raynal et la basse Balanqué.

Considéré comme un opéra de demi caractère avec des scènes parlées, Faust eut initialement un succès qui manqua d'enthousiasme auprès des spectateurs et de la critique, d'ailleurs un journaliste de la Revue des deux mondes affirme que Gounod a suivi les plus mauvais compositeurs de l'Allemagne moderne, par contre Hector Berlioz dans une complète analyse musicale étudie toutes les parties de l'opéra destinées à devenir les plus célèbres, en particulier tout l'acte III, notamment le quatuor du Jardin, le monologue de Marguerite qui est si merveilleusement accompagné par la flûte et le cor pour arriver à la grandiose scène de l'église.

Encore plus enthousiastes sont les compositeurs Bizet et Saint-Saëns qui à propos de l'orchestration écrivent que pour faire une belle peinture, il n'est pas forcément nécessaire de renverser toutes les couleurs sur la toile.

Jusqu'à la fin de l'année 1859, Faust est représenté 57 fois et le triomphe de chaque spectacle décide Antoine de Choudens à acquérir les droits de l'œuvre pour la somme de 10 000 Frs répartis en 2/3 au musicien et d’1/3 au librettiste, c'est le début d'un grandiose succès.

A peine édité, l'opéra est monté par tous les théâtres de France, une tournée est même organisée pour faire connaître l'œuvre à l'étranger.

C'est au cours d'une répétition à Strasbourg en avril 1860, que le Faust original (opéra-comique) est transformé en « grand opéra » avec l'élimination des scènes parlées et avec l'orchestration des récitatifs.

Toujours en 1860, Faust est applaudi à Liège ; en 1861, il est représenté en Allemagne à Darmstadt.

La présence du Roi de Bavière, devait assurer le succès auprès du public allemand, même si Wagner se lamentait « de n'avoir jamais entendu un travail aussi gauche, dégoûtant et vulgaire ».

En Italie Faust connaît sa première représentation 1er novembre 1862, à la Scala, l'auteur est présent, c’est un triomphe sans précédent. Le 2 juillet 1863, première au Covent Garden, Madame Carvalho, Messieurs Tamberlick et Faure en sont les interprètes principaux.

La même année, la première a lieu à New York et en février 1864, à Saint-Pétersbourg. A ce propos il est à noter qu'en Russie, pendant de nombreuses années, aucune saison lyrique ne négligea Faust, Tchaïkovski lui-même, comme chef d'orchestre, le dirigea de nombreuses fois.

Le 3 mars 1869, Faust fait son entrée à l'Opéra de Paris, pour cette occasion et selon les goûts du théâtre et du public, il fut ajouté un ballet en 7 épisodes, intercalé dans la seconde partie de la Nuit de Walpurgis.

Les interprètes furent Christine Nilsson, le ténor Colin, le baryton Devoyod, et la basse Faure, la chorégraphie du ballet était de Justament.

A partir de cette époque, Faust connaît un succès constant sur tous les plateaux du monde. La critique jugera l'œuvre d'une façon favorable, le public de notre pays en particulier reconnaîtra en Faust l'opéra français par définition et d'ailleurs, les 2500 représentations que connut l'opéra le prouvent aisément.

 

(Jacques Bertrand, 1975)

 

 

 

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