la Jolie fille de Perth
une scène de l'acte IV de la Jolie fille de Perth
Opéra en quatre actes et cinq tableaux, livret d'Henri de SAINT-GEORGES et Jules ADENIS, d'après The Fair Maid of Perth, roman de Walter SCOTT (1828), musique de Georges BIZET.
Bizet signa, en juillet 1866, un contrat avec Léon Carvalho pour cet opéra, qu’il termina en décembre de la même année. Le rôle de Catherine fut écrit pour Christine Nilsson qui préféra créer Hamlet à l’Opéra.
Dédiée à monsieur Benoit-Champy, Président du Tribunal civil de la Seine
Création au Théâtre-Lyrique (place du Châtelet) le 26 décembre 1867.
3 représentations en 1867, 15 en 1868.
Première à la Monnaie de Bruxelles le 14 avril 1868.
Première au Théâtre-Lyrique (Eden-Théâtre) le 03 novembre 1890 pour 11 représentations.
personnages |
emploi |
Théâtre-Lyrique 26 décembre 1867 (création) |
Monnaie de Bruxelles 14 avril 1868 (1ère) |
Théâtre-Lyrique (Eden-Théâtre) 03 novembre 1890 |
Catherine Glover, fille de Simon | soprano | Mmes Jeanne DEVRIÈS | Mmes DANIELE | Mmes Cécile MÉZERAY |
Mab, reine des Gitans | soprano | Alice DUCASSE | DUMESTRE | HAUSSMANN |
Henri Smith, armurier | ténor | MM. MASSY | MM. JOURDAN | MM. Emile ENGEL |
le Duc de Rothsay | baryton ou ténor | Auguste Armand BARRÉ | Edmond DELAUNAY-RIQUIER | Frédéric BOYER |
Ralph, apprenti de Simon | basse ou baryton | LUTZ | JAMET | Jacques ISNARDON |
Simon Glover, gantier | basse | Émile WARTEL | FERRAN | |
un Seigneur au service du Duc | ténor | BOUDIAS | PORTEJOIE | |
le Majordome du Duc | basse | Prosper GUYOT | BELEN | |
un Ouvrier | basse | René NEVEU | ||
Chef d'orchestre | Adolphe DELOFFRE | Charles-Louis HANSSENS |
Jacques Isnardon (Ralph) à l'acte II [photo Nadar]
L’action se déroule à Perth, en Ecosse, à la fin du XIVe siècle. Courtisée par trois hommes à la fois, la coquette Catherine Glover voit, telle Ophélie, son esprit s'obscurcir à la suite de ses imbroglios émotifs. Mais la bohémienne Mab dénouera l'intrigue et Catherine, recouvrant la raison, épousera un honnête garçon.
|
Le jeudi, 27 décembre 1867, s'est enfin montrée au Théâtre-Lyrique la Jolie Fille de Perth, la nouvelle partition de M. Georges Bizet, dont la première représentation était depuis longtemps retardée, on se le rappelle, pour diverses raisons que nous n'avons pas à rechercher. Les diplomates de la presse musicale prétendaient qu'il s'agissait de reprendre le rôle principal à Mlle Devriès et le faire accepter à Mme Carvalho. Nous démentîmes ce bruit peu fondé et l'événement nous a donné raison. M. Georges Bizet était déjà plus qu'avantageusement connu des musiciens, d'abord par un scherzo d'un travail délicat et fin, exécuté avec succès aux concerts populaires, et que M. Pasdeloup nous rendra certainement un de ces jours, puis par des mélodies que Mme Carvalho a popularisées, par de remarquables pièces de piano intitulées Chants du Rhin, enfin et surtout par sa partition des Pêcheurs de Perles. M. Bizet ne nous en voudra pas beaucoup, j'imagine, de ne pas mentionner dans son bagage d'artiste la très petite part qu'il a prise au premier acte de Malbrough s'en va-t-en guerre, représenté actuellement au théâtre de l'Athénée : c'est là un péché de jeunesse exubérante sur lequel il faut passer l'éponge. Avec sa partition des Pêcheurs de Perles M. Bizet inaugura la série des prix de Rome, dont une œuvre devait être annuellement représentée au Théâtre-Lyrique par décret officiel, fondation généreuse et équitable qu'on aurait tort de laisser tomber en oubli. Dans cette première œuvre, le jeune compositeur, encore incertain de sa route, donna plus d'une preuve d'inexpérience, quelques-unes d'un talent réel, et partout accusa de fortes études et un savoir profond de musicien, malgré une orchestration trop chargée, des scènes musicales peu réglées, et à certains instants un dédain prémédité de la mélodie. Mais aussi, sur ce fond un peu lourd et brumeux, la pensée se détachait parfois singulièrement claire et lumineuse, comme dans la prière, si bien inspirée, du premier acte, et dans les deux petites strophes chantées par Morini : « Je crois entendre encore. » — Somme toute, malgré les défauts de l'œuvre, l'avis général fut qu'un compositeur d'un sérieux avenir venait de s'affirmer. Ceci se passait en septembre 1863. Quel pas immense M. Bizet a fait depuis ses débuts au théâtre ! On pouvait craindre que ses tendances ne le portassent du côté des compositeurs qui prétendent faire de la musique sans mélodie, semblables en cela au singe de Florian qui voulait montrer la lanterne magique sans l'éclairer. Point : M. Bizet a compris, après quelques errements, que pour « faire de la musique », la mélodie était encore ce que l'on avait trouvé de mieux ; il a compris que sur les traces de certaines individualités il était dangereux de s'aventurer, et il nous revient avec une partition bien chantante, bien coupée, bien nette et sans confusion. Il n'est pas douteux pour nous que le succès le suive dans cette nouvelle voie, qui procède à la fois de l'opéra-comique et du grand opéra. Avant d'entrer plus avant dans le détail de l'œuvre, il serait a propos de tracer rapidement les principales lignes du libretto qui abonde en situations musicales et fait honneur à l'habileté de M. de Saint-Georges. Dans la circonstance, le poète vétéran s'est galamment effacé pour faire place au jeune musicien qui combat vaillamment à l'ombre de ses vers. Il est de mode aujourd'hui de puiser les sujets d'opéra dans les œuvres consacrées par l'admiration universelle. On y trouve l'avantage de se mettre à couvert derrière un grand nom qui tient toutes les attaques en respect. Cette fois c'est Walter Scott qui a fourni la donnée du poème de MM. de Saint-Georges et Jules Adenis. Catherine, la plus jolie fille de Perth, est une rieuse enfant, mutine et gracieuse, un brin coquette, tout juste ce qu'il faut pour se faire chérir davantage d'Henry Smith, son fiancé. Par malheur, monseigneur le duc, gouverneur du comté, la trouve sur son chemin et en tombe épris. Il a bientôt fait, sans se soucier de tout le bonheur qu'il va détruire, de convoiter la douce colombe. Pour un libertin comme lui, désirer c'est posséder. Il charge donc Mab, une bohémienne jeune et jolie, amie de Catherine, de la lui amener dans son palais sous un prétexte ou sous un autre. Pour se rire de la fatuité du duc, c'est Mab elle-même qui se rend masquée au palais, prenant la place de Catherine. Vous devinez déjà, sans qu'il soit besoin de s'y appesantir, toutes les complications qui vont sortir de là ; le désespoir d'Henry Smith, trompé par cette ruse indigne et qui croit à la faute de son innocente fiancée, les malédictions dont il l'accable, la folie de la jeune fille, son retour à la raison, l'éclaircissement de tout l'imbroglio, et… le mariage, final. Je passerai donc sans plus attendre à l'examen succinct de la partition. Après une courte ouverture où l'on retrouve l'habileté de main déjà mise en œuvre dans le scherzo dont nous parlions plus haut, après un chœur d'entrée, un air à roulades et à tours de force, pour Mlle Devriès, dont l'émotion avait paralysé les moyens, il faut applaudir sans réserve un joli duo d'amour qui ouvre la série des morceaux remarquables. Suivent un trio, auquel on peut reprocher un peu de sécheresse, mais qui est traité dans la bonne manière, puis un délicieux quatuor où les voix sont agencées et mariées avec une aisance et une science parfaites ; ce premier acte se termine par des couplets à boire, bien francs et bien ronds. Le deuxième acte est excellent d'un bout à l’autre, et il ne sera pas de musicien qui ne fasse souvent le pèlerinage de la place du Châtelet, rien que pour l'entendre. Il débute par une scène de carnaval, que beaucoup s'accordaient à trouver terne ; mais il ne s'agit pas ici d'un carnaval napolitain, aux allures brillantes comme le soleil qui l'éclaire, et il faut considérer ceci : que, sous le ciel brumeux de l'Écosse, au milieu de ses humides brouillards, dans ces rues sombres, bordées de maisons sévères, ainsi que le décor nous les représente, la joie et la folie elles-mêmes ont une teinte obligée de mélancolie. — L'air du ballet des Bohémiennes, qui se trouve encadré tout naturellement dans cette scène de carnaval, a produit un effet irrésistible : les honneurs du bis lui ont été décernés par la salle entière. C'est une véritable perle : il commence par un motif doux et étrange, plein de langueur orientale, qui s'enfle peu à peu pour se terminer en tourbillons fiévreux, comme le célèbre chœur des derviches, des Ruines d'Athènes, de Beethoven. Cet air de ballet n'est pas sans rappeler la musique arabe exécutée, cet été, à l'Exposition. Il en a le caractère original et pénétrant, en beaucoup plus civilisé cependant. — L'air de la Bohémienne, qui vient ensuite, se distingue par des notes tenues d'un joli effet, et la ravissante sérénade du ténor par sa première phrase, d'un sentiment excellent ; remarquons les bruissements de violon qui lui servent d'accompagnement. Citons encore la scène capitale de l'ivresse, où Ralph, amoureux obscur et sans espoir, noie ses chagrins dans le vin ; il y a là une mélodie saisissante, que Lutz fait ressortir en grand comédien ; son ivresse est poignante et vous serre douloureusement le cœur : on a fait une ovation à l'excellent artiste. — Cet admirable 2e acte se termine par une chanson de Catherine, dans la coulisse, qui n'est pas au-dessous du reste. Signalons au troisième acte un duo entre le duc et la Bohémienne, d'un accompagnement très ingénieux, et un finale puissant vigoureusement touché ; au quatrième acte, la belle scène du jugement de Dieu, où Lutz continue à récolter des applaudissements avec sa belle phrase, répétée par le chœur : « Vous mentez, Henry Smith ! » puis un duo à l'italienne, d'un style très large, auquel le public a prêté peu d'attention, distrait qu'il était par une altercation au paradis, transformé un instant en arène de pugilat ; au cinquième tableau, un chœur d'entrée plein de fraîcheur, la ballade de la folie et le rappel heureux de la sérénade du second acte. Tel est cet opéra, remarquable à beaucoup de points de vue, et qui est le précurseur de partitions plus complètes encore, aujourd'hui que M. Bizet est en pleine possession de son talent et peut marcher d'un pas plus ferme sur cette scène déjà deux fois affrontée. Le second acte, de la Jolie Fille de Perth, à lui seul, constitue une œuvre ; il affirme une individualité, qui n'a aucun besoin de se rattacher à celle d'autrui. Il nous reste à peine quelques lignes pour les interprètes. Ainsi qu'il en avait été pour son premier ouvrage, les Pêcheurs de perles, M. Bizet a vu de nouveau les destinées de la Jolie Fille de Perth confiées à deux débutants — M. Massy, — un ténor qu'il était allé lui-même chercher à Bordeaux, — avec sa voix forte, jeune et fraîche, verra certainement s'ouvrir devant lui une belle carrière, s'il prend garde à ce terrible chevrotement, qui est en train de détruire en France tant de gosiers estimables ; — Mlle Devriès, qui a quelque ressemblance avec Mlle Patti, et qui souvent aussi en a la mutinerie et les gestes gracieux, ne manque pas de réelles qualités, mais l'émotion, nous l'avons déjà remarqué, paralysait au début tous ses moyens ; nous attendrons les représentations suivantes pour faire notre opinion ; toutefois constatons dès aujourd'hui qu'elle s'est montrée sensiblement supérieure dans les deux derniers actes. Quoi qu'il en soit, nous pensons que la carrière italienne serait bien mieux son fait. — J'ai dit plus haut combien Lutz s'était révélé comédien ; cette création de Ralph le place au premier rang. — Barré est toujours bon chanteur et bon acteur. — Enfin Mlle Ducasse et Wartel, dont parfois la voix a trahi les bonnes intentions, complètent un ensemble satisfaisant, qui ne pourra que s'affermir aux représentations suivantes, sur lesquelles nous aurons certainement à revenir. Une œuvre du mérite et de l'importance de celle de M. G. Bizet ne se juge pas en quelques heures, à une première audition. Voici venir sous nos yeux les épreuves de la partition, mais trop tard, hélas ! pour nous y arrêter aujourd'hui. À la semaine prochaine, donc. (H. Moreno [Henri Heugel], le Ménestrel, 29 décembre 1867)
|
caricature de Bizet par Henri Meyer, imprimée en première page du Diogène du 28 septembre 1867
"Je vous abandonne ma tête - puisse votre crayon m'être léger" (Georges Bizet)
Le sujet a été emprunté au roman de Walter Scott. La partition est d'une richesse extrême ; les effets en sont variés et l'instrumentation colorée. On a remarqué surtout le second acte, le finale du troisième et la fête de la Saint-Valentin. (Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869)
|
Les romans de Walter Scott, très explorés et exploités par les librettistes, ont eu des fortunes diverses à la scène. Pour la Prison d'Edimbourg, la Dame Blanche et Lucie de Lammermoor dont l'heureuse destinée est connue, on en compte vingt autres auxquels le public fit sa mine la plus froide. La Jolie fille de Perth fut de ce nombre ; et les efforts de Lutz, de Massy, de Barré, de Mlle Devriès ne purent sauver ni la pièce ni la partition. (Albert de Lasalle, Mémorial du Théâtre-Lyrique, 1877)
|
C’est le jeudi 5 septembre qu’a eu lieu, au Trocadéro, le grand concert officiel de l’Opéra-Comique, sous la direction de l’excellent chef d’orchestre Jules Danbé conduisant une nombreuse phalange d’exécutants. Le nombre ici ne fait rien à l’affaire, il n’ajoute rien à la force ou au charme des œuvres entendues dans cette très mauvaise salle, dont l’acoustique ne parait pas susceptible d’amélioration sérieuse. L’exécution a été ce qu’elle devait être avec des premiers sujets tels que Mmes Simonnet et Deschamps et MM. Taskin, Dupuy, Soulacroix et Cobalet : le programme comprenait quatorze numéros, dont six extraits d’ouvrages d’auteurs vivants, opéras-comiques ou drames lyriques disparus ou tout au moins momentanément mis à l’écart.
La Jolie Fille de Perth représente le contingent du regretté Georges Bizet, à ce concert du Trocadéro. C’est, si je ne me trompe, le second ouvrage sérieux de ce musicien de tant de valeur et de véritable originalité. Écrit sur un livret habilement coulé dans le moule ancien, il ne nous donne certainement du talent de Georges Bizet qu’un aperçu heureux. Les horizons dévorés par l’esprit du jeune compositeur étaient autrement vastes, dans un pays de rêve autrement coloré. Celui qui devait être l’auteur de Carmen, s’il avait déjà en tête sa formule, ne trouvait point facilement encore à l’appliquer. Il avait la timidité nécessaire de ceux qui veulent quand même produire et se produire ; mais au lieu de procéder comme certains de nos jours, qui s’efforcent de faire gros sur le plus mince sujet, en vue de révéler leur force, il se gardait bien de dépasser les limites du champ ouvert à son esprit. Avec une souplesse rare, avec une amusante subtilité, il mettait en œuvre les éléments dont il disposait et faisait, sans cesser d’être lui-même, la musique d’un ouvrage conçu comme s’il avait été destiné à la plume légère et parfois un peu banale de quelque pur adepte d’Adolphe Adam.
Il en est résulté pour la Jolie Fille de Perth une agréable série de pages ; il est, dans le nombre, un vrai chef-d’œuvre, cette ravissante danse bohémienne, pour laquelle il n’avait aucun mot d’ordre à prendre de personne, et où se pouvaient accuser toute son originalité naturelle, toutes les ressources de son instrumentation déjà si savoureuse, si féconde en surprises.
L’ouvrage n’a jamais eu, malgré ses qualités, une fortune bien brillante, — il est vrai que Bizet n’était pas mort, — et être mort, comme il se plaisait souvent à le redire, c’est une force pour un compositeur, surtout devant un public qui a communément plus de sentimentalité et d’enjouement que de goût réel pour les choses de la musique.
(Louis Gallet, la Nouvelle Revue, 15 septembre 1889)
|
Selon des prévisions exprimées ici même, le Théâtre-Lyrique a fait son ouverture, depuis longtemps attendue, dans d'excellentes conditions au point de vue artistique. M. Henry Verdhurt nous a donné le Samson et Dalila de M. Saint-Saëns qu'il avait pris l'initiative de monter à Rouen au courant de l'été dernier ; il y a ajouté, pour les lendemains, la Jolie Fille de Perth, de G. Bizet, que l'on n'avait pas revue à Paris depuis sa première représentation sous la direction de M. Carvalho, au Théâtre-Lyrique de la place du Châtelet.
Trois jours après est venue la Jolie Fille de Perth, le second grand ouvrage de Georges Bizet. La personnalité du compositeur ne s'était pas alors complètement dégagée ; il avait du reste, — très jeune qu'il était alors, — la timidité des débutants, même quand ces débutants sentent en eux une réelle force que le moindre encouragement fera jaillir.
S'il n'entrait pas dans la maison de Boieldieu, il ne pouvait se dissimuler du moins qu'admis en ce milieu relativement nouveau du Théâtre-Lyrique, il allait de même s'y heurter à des traditions qu'il ne fallait pas trop bousculer de prime abord.
D'autre part, il gardait, semble-t-il, à ce moment de la vie, encore quelque engouement pour la manière de Verdi. Entre cette disposition de son esprit et ce désir d'être respectueux pour les compositeurs du passé, encore en grand honneur autour de lui ; il ne pouvait y avoir une bien grande place pour son « moi », pour sa nature.
Et cependant, en dépit des formules anciennes, des topiques musicaux acceptés par raison ou par crainte du qu'en dira-t-on, elle éclate à tout instant dans l'œuvre, cette nature si particulièrement fine, si amoureuse de couleur et d'accent.
Les pages qui en portent le plus vivement l'empreinte sont, dès les premières années de sa production, sorties du théâtre pour aller au concert, où on les a applaudies bien des fois, et où elles restent à l'état de petits chefs-d'œuvre.
Le Georges Bizet du Théâtre-Lyrique ne faisait alors que des promesses que le Georges Bizet de l'Opéra-Comique allait admirablement réaliser dans ses deux dernières œuvres : l'une, Djamileh, ravissante partition en un acte, ignorée ou mal connue de la génération présente et où le compositeur s'était donné tout entier ; l'autre, cette glorieuse Carmen qui est allée accentuer dans les deux mondes l'influence de la musique française.
Du livret de la Jolie Fille de Perth, il ne faut parler qu'avec la déférence due à des choses anciennes, relevant d'une école consacrée autrefois par maint succès ; école de gens habiles assurément, d'une habileté puisée dans les formulaires, praticiens rompus à l'usage des moules dramatiques, y coulant, avec une parfaite tranquillité de conscience, le métal ayant cours alors dans le monde des théâtres.
Mais, en ceci, hélas ! point d'âme réelle, point de passion vraie, point d'émotion touchante, point de ces heureux défauts d'œuvres maladroites peut-être, mais où l'on sent palpiter la vie.
En semblable occurrence, telle phrase musicale qui ferait frissonner ou pleurer, appliquée à une situation poignante ou simplement à un sentiment juste, se perd ici dans l'indifférence de l'auditeur, parce qu'elle ne repose sur rien de senti ou de vécu. Pour cette cause, bien des pages de la partition de Bizet n'ont pas eu la fortune qu'en réalité elles méritaient.
La Jolie Fille de Perth a été empruntée par les auteurs, Saint-Georges et M. J. Adenis, à un roman bien connu de Walter Scott. Je n'en raconte donc pas la fable arrangée, je le répète, avec cette science parfaite d'un théâtre aujourd'hui discrédité.
L'ouvrage a trouvé dans M. Engel un interprète de haute valeur, chanteur remarquable, excellent comédien, qui lui aussi rendra comme M. Bouhy, à ce jeune théâtre, d'inestimables services. A côté de lui, on a fort remarqué M. Boyer, pour l'élégance de son style et le charme de sa voix. Un accueil particulièrement chaleureux a été fait à M. Isnardon, dans le petit rôle de Ralph ; il le méritait doublement. Mlle Cécile Mézeray a dû forcer son naturel pour chanter le rôle de Catherine ; elle n'y apparaît point à son avantage ; chanteuse et comédienne très intelligente pourtant, possédant toute la sûreté, toute l'expérience nécessaires pour réussir mieux. Mlle Haussmann n'a pas non plus produit, sous les traits de la bohémienne Mab, une impression complètement favorable.
L'orchestre et les chœurs, toujours excellents.
Samson et Dalila et la Jolie Fille de Perth attireront certainement le public au Théâtre-Lyrique, pendant bien des jours, durant lesquels M. Henry Verdhurt pourra monter, avec tout le soin désirable, le Rêve, son premier ouvrage vraiment inédit, son premier gage donné à ces jeunes compositeurs que l'Opéra, trop haut situé, et l'Opéra-Comique, trop difficilement accessible, condamnent depuis tant d'années au silence.
(Louis Gallet, la Nouvelle Revue, 15 novembre 1890)
|
Personnages : Henri Smith, armurier, amoureux de Catherine Glover ; le duc de Rothsay, gouverneur de Perth, jeune débauché amoureux de Catherine ; Ralph, ouvrier gantier, troisième amoureux de Catherine ; Simon Glover, gantier, père de Catherine ; Catherine Glover ; Mab, jeune bohémienne. La scène se passe à Perth, en Ecosse, à une époque indéterminée.
Catherine Glover, fille du patron gantier Simon Glover, un des notables de la ville de Perth, aime Henri Smith, armurier, mais elle coquette avec lui et n'a pas encore répondu nettement à ses avances. Ralph, un ouvrier de son père, se consume d'autre part pour elle d'un amour sans espoir, mais noble et désintéressé. Le jeune duc de Rothsay, gouverneur de la ville, qui mène avec la jeunesse dorée une vie de dissipation et vient d'avoir une aventure avec la bohémienne Mab, a vu Catherine et s'est pris pour elle d'un caprice violent. Mab, la bohémienne, aime toujours le duc, mais dans sa rage jalouse elle rumine des projets de vengeance. C'est pourtant elle qui au dénouement jouera le rôle de bon ange et transformera la catastrophe imminente en une conclusion heureuse. Au premier acte se noue le quiproquo qui est à la base de l'intrigue. Smith recueille dans sa maison Mab, poursuivie par de jeunes gentilshommes en goguette. A peine est-elle arrivée que surviennent Catherine et son père, accompagnés de Ralph, qui à la faveur du carnaval s'invitent sans façon à dîner. Connaissant l'humeur jalouse de Catherine et tremblant pour son amour encore si mal assuré, Smith cache Mab dans une chambre voisine. Il semble que l'heureux Smith doive ce soir même voir couronner sa flamme. Glover lui est favorable et Catherine elle-même, pendant que son père et Ralph sont allés aux provisions, accepte de lui une rose en orfèvrerie qu'il a travaillée avec amour. C'est une promesse : le jour de la Saint-Valentin, la jeune fille agréera son hommage. Mais le duc de Rothsay a vu Catherine et éprouve pour elle un désir véhément. Il arrive masqué, ayant suivi la jolie fille jusqu'à la porte de l'armurier. Pour s'introduire, le premier prétexte venu lui est bon : une dague faussée qu'il demande à l'armurier de réparer. Smith éprouve toutes les affres de la jalousie en voyant l'inconnu, pendant que lui-même travaille à la forge, courtiser sa fiancée. Il frappe avec rage sur l'enclume, et le duc devenant pressant sans que la coquette paraisse trop s'en offusquer, il voit rouge, lève son marteau sur le séducteur et va l'abattre quand Mab, qui veillait dans la pièce voisine, se précipite entre les deux hommes en poussant un grand cri. C'est maintenant au tour de Catherine d'être torturée par la jalousie. Que faisait chez Smith cette femme ? Le pauvre garçon a beau protester de son innocence ; au moment même où Glover et Ralph reviennent chargés de bonnes choses pour le dîner, ce qui met fin à l'incognito du duc, Catherine jette loin d'elle la rose que Smith lui avait donnée et déclare qu'elle ne veut plus de lui pour époux. Mab, en silence, a ramassé la rose, un accessoire qui joue dans la pièce un rôle important. Second acte : le carnaval sur la grand' place de Perth. A droite est la maison de Glover avec la fenêtre de Catherine ; à gauche, une taverne. Scène de joyeuse folie, avec divertissement de Bohémiens. Mab est là, avec les gens de sa tribu. Le duc y est aussi, un peu gris. Il laisse échapper devant Mab qu'il a fait chercher Catherine et l'attend à minuit, pendant la fête qu'il donne en son palais. La bohémienne déjouera ce dessein, et conçoit du même coup un projet de vengeance. La nuit est tombée et la place est maintenant déserte. Smith désolé vient sous la fenêtre de Catherine soupirer son amour ; mais la fenêtre ne s'ouvre pas, et l'armurier désespéré est entraîné par un compagnon dans la taverne. Au tour de Ralph maintenant. Il est complètement ivre ; le pauvre garçon noie son chagrin dans le vin. Après une chanson devenue célèbre, il tombe endormi sur le banc qui se trouve devant la taverne. Arrivent sur ces entrefaites les émissaires chargés par le duc de chercher Catherine. Une femme se présente voilée : c'est elle, sans doute. Sans plus approfondir, les messagers la font monter en litière, au moment même où Ralph s'éveille. Croyant voir Catherine s'éloigner, Ralph, dégrisé, appelle à l'aide et Smith sort précipitamment de la taverne. Pas plutôt a-t-il entendu que Catherine s'en va masquée au palais, le malheureux, comme un fou, part à sa poursuite. Mais, ô prodige ! la fenêtre de Catherine s'ouvre et Ralph reconnaît la jeune fille qui, tardivement, vient répondre à la sérénade de son fiancé. Ce n'était donc pas Catherine qu'emmenaient les gens du duc ? Qui était-ce alors ? Sur ce point d'interrogation la toile baisse pour la seconde fois. Mais le public a déjà deviné ce qui pour Ralph reste un mystère. La femme voilée, c'était Mab. Au troisième acte, nous sommes dans le palais du duc de Rothsay. Brillante orgie. On amène la femme masquée et, sur le refus de celle-ci de se démasquer devant tous, le duc fait évacuer le salon. Il ne doute pas d'avoir à faire à Catherine. Les réticences, la timidité de l'inconnue ne font que l'enraciner dans cette certitude. Mab ne consent à se démasquer qu'après avoir éteint le dernier flambeau. Dans l'ombre, la main du duc rencontrera à la ceinture de Mab la rose fatale : nouvelle preuve d'identité, cette rose il l'a vue la veille au corsage de Catherine. Mab, serrée de trop près, fuit dans une pièce voisine, poursuivie par Rothsay. Dans le salon vide arrive alors Smith, défait, les vêtements en désordre. Il veut se convaincre par lui-même de l'irréparable ; après quoi, il n'aura plus qu'à mourir. Voici justement le duc qui revient avec de jeunes seigneurs. Caché derrière une tapisserie le malheureux armurier entend Rothsay se vanter de sa bonne fortune. Mais qu'est ceci ? Voici Glover qui arrive en personne, accompagné de... Catherine ! Le quiproquo est ici un peu forcé ! Il semble que cette arrivée devrait dissiper tout malentendu ; dans la pièce, elle déclenche, au contraire, la catastrophe. Smith se persuade que la Catherine qu'il voit là est la même qui tout à l'heure était en galante aventure avec le duc ; le duc le croit aussi, bien que la présence du père l'interloque un peu. Bref, Smith sort de sa cachette et abreuve sa fiancée des accusations les plus outrageantes. Quand Catherine fait appel à l'honneur du duc pour laver le sien propre, elle a la stupéfaction de ne trouver aucun secours de ce côté et d'entendre Rothsay lui parler d'un prétendu rendez-vous clandestin. Les protestations, les larmes de Catherine laissent insensible son fiancé. Le dernier acte débute dans un site montagneux et sauvage. Ralph et un groupe d'ouvriers jurent à Smith que Catherine est innocente. Il ne veut rien entendre. Bien mieux, il fait appel au Jugement de Dieu : dans un instant, Ralph et lui se rencontreront et Dieu prononcera entre eux. Resté seul, Smith voit arriver Catherine et une scène émouvante se déroule à la fin de laquelle l'armurier reconnaît son erreur : il croit désormais à l'innocence de sa fiancée. Mais on vient le chercher pour le duel ; il s'arrache à Catherine en lui disant qu'il va mourir pour elle. La raison de la malheureuse ne résiste pas à cette dernière épreuve : elle tombe évanouie et la scène change. Nous voici au dernier tableau. Même décor qu'au deuxième acte. C'est le matin de la Saint-Valentin : les amoureux sont sous les fenêtres de leurs belles. Sous la fenêtre de Catherine, cependant, personne. Mab arrive hors d'haleine, elle apporte la grande nouvelle : le duc est arrivé à temps pour interrompre le combat de Smith et de Ralph. Smith est sauf : mais Glover reçoit ce message sans joie : sa pauvre fille, telle Ophélie, a perdu la raison. Mab est navrée, mais c'est une femme de ressource. C'est elle qui a fait le mal, elle va essayer de le défaire. Sur la place vide, où seule Mab reste cachée, Catherine paraît : scène de folie, elle chante la chanson de Saint-Valentin, puis reste immobile, en prière, insensible à ce qui se passe autour d'elle. Smith arrive ; il chante un couplet de sa sérénade du deuxième acte. Catherine écoute comme en un rêve : qui donc disait qu'Henri Smith était mort ? Mais voici que sa fenêtre s'ouvre et une seconde Catherine y paraît — c'est Mab revêtue des vêtements de la pauvre fille. Smith, jouant sa partie dans cette comédie, répond à la pseudo Catherine, et quand celle-ci lui accorde le baiser qu'il demande, la véritable Catherine, revenue à la raison, se précipite entre eux et tombe dans les bras du jeune homme en lui criant : « Ta Catherine, Henri, c'est moi ! » Ainsi s'achève, un peu artificiellement, une pièce qui ne manque par ailleurs ni de couleur ni de mouvement.
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
|
extrait du livret de la Jolie fille de Perth, corrigé par Georges Bizet
Catalogue des morceaux
Version originale | Version de 1890 | ||||
Prélude | 01 | Prélude | |||
Acte I - L'atelier de Smith l'armurier |
|||||
01 | Chœur et Scène | 02 | Chœur et Scène | Que notre enclume | Smith, Chœur |
02 | Couplets | Catherine est coquette | Mab | ||
03 | Air | 03 | Air* | Vive l'hiver ! | Catherine, Smith, Glover, Ralph |
04 | Duo | 04 | Duo | Deux mots, encor | Catherine, Smith |
05 | Trio | Ainsi, plus de jalousie | Catherine, Smith, le Duc | ||
05 | Trio | De ce beau seigneur | Catherine, Smith, le Duc | ||
06 | Quatuor | 06 | Quatuor | Que fait ici cette inconnue ? | Catherine, Mab, Smith, le Duc |
07 | Chanson et Final | Vous voudrez bien, je pense... Il était jadis un bon roi | Catherine, Mab, Smith, le Duc, Glover, Ralph | ||
07 | Final | Vous voudrez bien, je pense | Catherine, Mab, Smith, le Duc, Glover, Ralph | ||
Acte II - Une place publique, la nuit |
|||||
08 | Marche et Chœur du Carnaval | 08 | Marche et Chœur du Carnaval | Bons citoyens | Glover, Chœur |
09 | Chœur et Récit | 09 | Chœur | Carnaval ! | Chœur |
10 | Chanson à boire | 10 | Chanson à boire | Tout boit, amis | le Duc, Chœur |
11 | Danse bohémienne | 11 | Danse bohémienne | Chœur | |
12 | Couplets | 12 | Couplets | Les seigneurs de la cour | Mab |
13 | Sérénade | 13 | Sérénade | Partout des cris de joie... A la voix d'un amant fidèle | Smith |
14 | Air | 14 | Air | Quand la flamme de l'amour | Ralph |
15 | Scène finale | Eh ! camarade... | la Femme masquée, Smith, Ralph, le Majordome, Catherine | ||
Acte III - Un élégant salon chez le Duc de Rothsay |
|||||
15 | Entr'acte et Scène | Nuit d'amour | le Duc | ||
Menuet-Entr'acte | |||||
16 | Cavatine | Elle sortait de sa demeure | le Duc | ||
16 | Introduction-Scène | Je fais cent pièces d'or ! | un Seigneur, le Duc, Chœur | ||
17 | Duo | 17 | Duo | Nous voilà seuls ! | Mab, le Duc |
18 | Air | 18 | Air | C'est donc ici | Smith |
19 | Final | Nuit d'amour | Catherine, Smith, un Seigneur, le Duc, Glover, le Majordome, Chœur | ||
19 | Final | Qui moi ! votre époux, jamais ! | Catherine, Smith, un Seigneur, le Duc, Glover, le Majordome, Chœur | ||
Acte IV - Une place publique, le matin |
|||||
20 | Duo et Chœur | 20 | Duo et Chœur | Smith, tu nous connais tous | Smith, Ralph, Chœur |
21 | Duo | 21 | Duo | Ils verront si je mens ! | Catherine, Smith |
22 | Scène | Maître, là-bas on vous attend | Catherine, Smith, un Ouvrier | ||
22 | 22 | Scène | O ciel ! là-bas... | Catherine, Smith, Glover | |
23 | Chœur de la Saint-Valentin | 23 | Chœur de la Saint-Valentin | Aux premiers rayons du matin | Chœur |
24 | Ballade | 24 | Ballade | Echo, viens sur l'air embaumé | Catherine, Mab |
Final | 24bis | Scène | Le jour de la Saint-Valentin | Catherine, Smith | |
25 | 25 | Chœur final | Ah ! Bonjour ma belle Valentine ! | Catherine, Smith, Chœur |
* Il existe un autre air : Rêverie "J'ai rêvé que mon cœur".
Orchestre : 2 flûtes (petite flûte), 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 4 cors, 2 cornets à pistons, 3 trombones, timbales, triangle, tambour de basque, grosse caisse, cymbales, harpes, cordes. En coulisse : 1ère flûte, 2ème hautbois, 2 cornets à pistons, 3ème trombone, triangle, une forge, harpes, 2 violons.
l'acte I lors de la création, aquarelle de Louis Lemaresquier
l'acte II lors de la création
l'acte III lors de la création, aquarelle de Louis Lemaresquier
l'acte IV (scène finale) lors de la création, aquarelle de Louis Lemaresquier
Acte I. Chœur de la Forge "Que notre enclume" De Poumayrac, Nansen, Dangès, Hippolyte Belhomme et Orchestre Pathé saphir 90 tours n° 855, réédité sur 80 tours n° 2526, enr. vers 1910
|
Acte II. Sérénade "A la voix d'un amant fidèle" Alain Vanzo (Smith) et Orchestre dir Jésus Etcheverry enr. en 1962
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Francisque Delmas (Ralph) et Piano Disque Pour Gramophone GC 2-32626, mat. 1292F, enr. en décembre 1902 |
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Fernand Baër (Ralph) et Piano Pathé saphir 90 tours n° 475, réédité sur 80 tours n° 79, enr. vers 1904
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Marcel Journet (Ralph) et Orchestre Disque Pour Gramophone 032158, mat. 01063v, enr. à Paris le 07 juin 1909
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Marcel Journet (Ralph) et Orchestre dir Rosario Bourdon Victor 1123 B, enr. à Camden, New Jersey, le 20 octobre 1925
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Louis Nucelly (Ralph) et Orchestre Aspir 5214, mat. 9416, enr. vers 1912
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Paul Payan (Ralph) et Grand Orchestre dir Gustave Cloëz Odéon 123655, mat. XXP 6910, enr. le 27 mai 1929
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" André Pernet (Ralph) et Orchestre enr. vers 1930
|
Acte II. Air bachique "Quand la flamme de l'amour" Lucien Lovano (Ralph) et Orchestre Radio-Lyrique dir Louis de Froment enr. en 1963
|
Marche New Zealand Symphony Orchestra dir Donald Johanos enr. le 31 mars 1994
|