Mathieu Émile BALANQUÉ
Mathieu Emile Balanqué dans Faust (Méphistophélès) de Charles Gounod
Mathieu Émile BALANQUÉ
basse française
(Bayonne, Basses-Pyrénées [auj. Pyrénées-Atlantiques], 16 septembre 1826* – Paris 2e, 29 avril 1866*)
Fils d'Eugène BALANQUÉ (1798 –) marchand drapier, et d'Emelie FARNIER.
De sa liaison avec Olympe Augustine Désirée DECORCELLES dite Blanche DECORCELLES (Paris ancien 6e, 25 septembre 1826* – 76 boulevard Saint-Marcel, Paris 10e, 10 décembre 1905*), mezzo-soprano [débuts au Théâtre-Lyrique en 1852], sont nés Réer BALANQUÉ (1849–), baryton, Charles BALANQUÉ (1860–1905), baryton, et Blanche BALANQUÉ (1862–1953), soprano.
Olympe Augustine Désirée DECORCELLES est la soeur d'Antoine Eugène Alfred DECORCELLES (Batignolles-Monceau, 30 octobre 1830* –), artiste musicien ; et la fille de Nicolas Victor Aristide DE CORCELLES (Paris, 1795 – Batignolles-Monceau, 03 octobre 1849*), rentier, et d'Anne Marie RÈVE (1798 –), maîtresse de pension [mariés à Paris ancien 6e le 18 décembre 1815*]. Elle avait épousé à Batignolles-Monceau le 24 mai 1844* Alexis Nicolas REITTER (Melun, Seine-et-Marne, 30 mars 1821* – Gentilly, Seine [auj. Val-de-Marne], 15 janvier 1890*), employé de commerce [fils d'Alexis Philibert REITTER (1796 – av. 1852), trompette de la gendarmerie royale de Seine-et-Marne, et de Thérèse Caroline LEMAIRE (1795 – ap. 1852)].
Au Conservatoire de Paris, il obtint des accessits de chant et d'opéra en 1847, puis un second prix de chant en 1848. Mais c'est surtout avec le célèbre ténor Gilbert Louis Duprez qu'il étudia. Il chanta successivement à Bruxelles, à Toulouse, à Strasbourg, puis à Paris où il débuta au Théâtre-Lyrique en 1852. Il y créa, entre autres, le rôle de Méphistophélès dans le Faust de Gounod le 19 mars 1859. Grand, long, maigre, Balanqué semblait avoir été formé à souhait, physiquement, pour représenter ce personnage ; il y fit preuve d'un véritable talent de chanteur et de comédien. Par ailleurs, il a fait des créations à Baden-Baden : le 03 août 1860 la Colombe (Maître Jean) de Charles Gounod ; le 05 août 1862 Béatrice et Bénédict (Don Pedro) d'Hector Berlioz ; le 27 juillet 1863 la Fille de l'Orfèvre d'Edmond Membrée ; le 10 août 1863 le Chevalier Nahel d'Henry Litolff.
Il est décédé en 1866 à trente-neuf ans, célibataire, en son domicile, 6 rue de Port-Mahon à Paris 2e. Le 1er mai 1866, il a été enterré au cimetière de Montmartre dans la 50e division (ligne 17, fosse 27) ; sa tombe y a été déplacée le 29 mars 1872 vers la 26e division (ligne 3 fosse 48).
Sa carrière au Théâtre-Lyrique
Il a débuté le 11 mars 1852 à l'Opéra-National (devenu le 12 avril Théâtre-Lyrique) du boulevard du Temple, sous la direction de Jules Séveste, en participant à la première de Joanita ou la Fille des boucaniers (Romuald) de Gilbert Louis Duprez.
Il y a chanté Robin des Bois [Der Freischütz] (28 septembre 1856) de Weber [version française de Pacini et Berlioz].
Il a créé le 27 décembre 1856 la Reine Topaze (Francatrippa) de Victor Massé ; le 30 décembre 1857 la Demoiselle d'honneur (le marquis de Mendoza) de Théophile Semet ; le 19 mars 1859 Faust (Méphistophélès) de Charles Gounod ; le 01 septembre 1860 Crispin rival de son maître (Labranché) d'Adolphe Sellenick ; le 19 décembre 1860 les Pêcheurs de Catane (Cecco) d'Aimé Maillart ; le 11 avril 1861 la Statue (Amgiad) d'Ernest Reyer ; le 23 avril 1862 la Fille d'Egypte de Jules Beer ; le 30 octobre 1862 Hymne à la musique de Charles Gounod.
Il a participé également aux premières suivantes : le 01 septembre 1857 d'Euryanthe de Weber [version française de Saint-Georges et de Leuven] ; le 08 mai 1858 des Noces de Figaro (Almaviva) de Mozart [version française de Jules Barbier et Michel Carré] ; le 18 février 1860 de Philémon et Baucis (Vulcain) de Charles Gounod. |
Mathieu Emile Balanqué
Strasbourg 2 avril. — L'Etoile du Nord a rouvert le cours des représentations après la clôture de la semaine sainte. Ce bel opéra fait toujours applaudir MM. Balanqué, Bouvard, Mmes Brière-Fauré, Savigny, dont nous nous plaisons à constater les progrès. Dans cette représentation, M. Mengal, subitement indisposé, a été remplacé, pour les deux derniers actes, par M. Fernando, baryton de Metz, qu'on avait fait venir quelques heures avant par le télégraphe. Le Gritzenko improvisé s'est parfaitement acquitté de sa tâche. La reprise du Cheval de bronze, une des plus délicates partitions d'Auber, a été accueillie avec tout le plaisir qu'on éprouve à revoir d'anciens et bons amis. La pièce a été généralement bien rendue. M. Balanqué chante avec grand talent le rôle du fermier Tchin-Kao, et le bel air du deuxième acte a été couvert de bravos. Le prince Yang trouve un élégant interprète en M. Bouvard, notre charmant ténor léger, qui vogue à pleines voiles dans les succès et dans la faveur du public. Mlle Decorcelles est une très gracieuse Péki et Mlle Savigny une séduisante Stella. L'Eclair, qui à chaque représentation excite un véritable enthousiasme, a valu récemment encore à M. Bouvard, Mlles Brière-Fauré et Decorcelles les honneurs du rappel après une soirée d'ovations. Le Toréador a vu fêter de la même manière MM. Balanqué, Bouvard et Mme Brière-Fauré. On ne saurait trouver un trio plus parfait. (le Théâtre chez soi n° 8, 10 avril 1856)
Théâtre-Lyrique. M. Carvalho vient d’engager une basse, élève de Duprez, M. Balanqué, et une Dugazon, Mlle Decorcelles. (la France musicale, 18 mai 1856)
[création de Faust de Gounod, Théâtre-Lyrique, 19 mars 1859] M. Balanqué a composé fort habilement le rôle de Méphistophélès. Perfide, astucieux et plaisant tout à la fois, il a tout nuancé avec intelligence. C’était, sans contredit, une tâche difficile que celle de représenter un semblable personnage sans tomber dans la charge ou dans l’imitation. M. Balanqué a réussi à créer après tant de créateurs éminents. Son diable ne ressemble pas à Bertram et n’est pas, non plus, le démon que Rouvière a si puissamment dessiné. Le succès de M. Balanqué a donc été très grand. C’est justice ! (Ernest Gebaüer, le Monde dramatique, jeudi 24 mars 1859)
[reprise de Jaguarita l’Indienne d’Halévy, Théâtre-Lyrique, avec Mme Cabel, Mlle Faivre, MM. Monjauze, Balanqué, Lesage] Balanqué est fort remarquable dans le personnage de Mama-Jumbo. Si Balanqué n’a pas le tonnerre de Junca, en revanche il possède une méthode excellente, et une justesse d’intonation irréprochable. Ces belles strophes qui commencent le troisième acte : Dans nos chants et dans nos forêts… ont été chantées admirablement et lui ont valu une véritable ovation. On sent à la façon magistrale avec laquelle cet artiste pose ses phrases, que le grand Duprez a passé par là, et que l’élève se souvient toujours des leçons de l’illustre maître. (L. Leguay, le Monde dramatique, jeudi 14 novembre 1861)
Le digne et consciencieux artiste qui s'appelait Balanqué a succombé à une affection cérébrale lentement préparée chez lui par le chagrin d'avoir vu sa carrière brisée au moment où il avait le plus droit de compter sur l'avenir. Depuis deux ou trois ans, le malheureux Balanqué se trouvait hors d'état de chanter. Une aphonie complète était venue soudain remplacer l'organe sonore que avait donné la nature, et tous les soins de la science médicale, tous les traitements imaginables avaient échoué. C'était pour le pauvre chanteur la ruine et le désespoir. Il avait, l'année dernière, essayé de se faire régisseur dans une ville de province, et là encore il s'était vu trahi par la fortune qui réservait à la troupe dont il faisait partie une catastrophe, suivie d'une dispersion forcée. On le rencontrait depuis, errant comme un exilé, pliant sous le découragement et la tristesse. — Un soir la fièvre l'a pris, puis le délire, puis la frénésie... le cerveau s'est ensuite paralysé et il est mort, laissant de la pitié et des regrets bien légitimes parmi tous ceux qui l’ont connu. Ses anciens camarades, les artistes du Théâtre-Lyrique, et beaucoup d'autres avec eux, l'ont accompagné à sa dernière demeure. Balanqué, élève du Conservatoire et de Duprez, avait d'abord fait partie de la petite troupe chantante formée par le célèbre professeur, et qui vit les débuts de Mlle Caroline Duprez : il avait paru à l'ancien Théâtre-Lyrique, était retourné en province, d'où on l'avait bientôt rappelé au Théâtre-Lyrique réorganisé. Il n'en était plus sorti que pour des excursions d'été au Théâtre de Bade. Beaucoup de rôles ont été créés par lui : celui qui lui compte le plus, et dans lequel il laisse un souvenir, est certainement le rôle de Méphistophélès de Faust. Le nom de Balanqué, et c'est un honneur pour sa mémoire, reste accolé à cette partition destinée à vivre et qui a déjà fait le tour du monde. (le Ménestrel, 06 mai 1866)
M. Faure avait déjà créé à Covent-Garden le rôle de Méphistophélès : c'est un diable de grande mine, et qui porte comme un gentilhomme le manteau court à l'épaule et la plume rouge à la toque. Impossible de se faire une tête plus diabolique ou de se costumer mieux. [...] Ceux qui ont vu autrefois Balanqué au Théâtre-Lyrique se rappellent quelle apparence satanique prenait l'artiste, allongeant ses longues jambes maigres et se tordant comme un serpent. C'est surtout dans la sérénade et le duo de l'église que la comparaison se présentait à l'esprit. Nous avons dit plus haut ce qu'était Balanqué dans cette dernière scène, et nous ne pouvons nous refuser à dire qu'il y produisait dix fois plus d'effet que Faure, qui se contente de la chanter sans la jouer. (Gaston Pérodeaud, le Yacht, 14 mars 1869)
Balanqué, qui créa le rôle de Méphistophélès, était un comédien intelligent dont le jeu, le physique et la voix se prêtaient à merveille à ce personnage fantastique et satanique : malgré un peu d’exagération dans le geste et dans l’ironie, il eut beaucoup de succès. (Charles Gounod, Mémoires d’un artiste, 1896)
|